Kitabı oku: «Soldat, Frère, Sorcier », sayfa 2

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CHAPITRE DEUX

Ceres sortit du Stade portée sur les épaules de la foule, dans la lumière du soleil, aux anges. Elle regarda les suites de la bataille et, quand elle le fit, elle se sentit submergée par des émotions contradictoires.

Il y avait bien sûr la joie de la victoire. Elle entendait la foule crier sa victoire en sortant en masse du Stade, les rebelles de Haylon à côté des seigneurs de guerre, des restes des forces de Lord West et du peuple de la cité.

Elle se sentait soulagée que sa tentative désespérée de sauver les seigneurs de guerre des dernières Tueries de Lucious ait réussi et soit finalement passée.

Il y avait aussi de plus grands soulagements. Ceres scruta la foule du regard jusqu'au moment où elle trouva son frère et son père, qui se tenaient ensemble bras-dessus bras-dessous avec un groupe de rebelles. Elle voulait se précipiter vers eux tout de suite et s'assurer qu'ils allaient bien, mais la foule était déterminée à la porter jusqu'au cœur de la cité. Il fallait qu'elle se contente du fait qu'ils semblaient être sains et saufs, vu qu'ils marchaient ensemble et se réjouissaient avec les autres. C'était surprenant qu'ils puissent encore se réjouir. Une telle proportion de ces gens avait accepté de mourir pour arrêter l'écrasante tyrannie de l'Empire. Une telle proportion avait effectivement péri.

Cette constatation fit ressentir à Ceres sa dernière émotion : la tristesse. La tristesse qu'il ait fallu en arriver jusque là et qu'une telle quantité de gens ait dû périr dans les deux camps. Elle vit les corps dans les rues, où il y avait eu des affrontements entre les rebelles et les soldats. La plupart des cadavres portaient le rouge de l'Empire mais ce n'était pas mieux pour autant. Beaucoup de ceux qui étaient morts n'avaient été que des personnes ordinaires, enrôlés contre leur volonté, ou des hommes qui s'étaient enrôlés parce que c'était mieux qu'une vie de pauvreté et de soumission. Maintenant, ils étaient morts et fixaient le ciel avec des yeux qui ne verraient plus jamais rien.

Ceres sentait la chaleur du sang qui, sur sa peau, séchait déjà dans la chaleur du soleil. Combien d'hommes avait-elle tué aujourd'hui ? A un moment ou à un autre, pendant cette bataille sans fin, elle avait cessé de compter. Il n'y avait eu que le besoin de continuer, de continuer à se battre, parce que s'arrêter aurait voulu dire mourir. Elle avait été prise dans le flux ininterrompu de la bataille, emportée par son énergie, avec sa propre énergie qui pulsait en elle.

“Eux tous”, dit Ceres.

Elle les avait tous tués, même si elle ne l'avait pas fait de ses propres mains. C'était elle qui avait convaincu la population des gradins de ne plus accepter l'idée de la paix promulguée par l'Empire. C'était elle qui avait convaincu les hommes de Lord West d'attaquer la cité. Elle regarda les morts, déterminée à se souvenir d'eux et du prix de leur victoire.

Même la cité était marquée par la violence : les portes étaient brisées, les barricades en lambeaux. Pourtant, on voyait aussi se multiplier des signes de joie : les gens sortaient dans les rues, se joignaient à la foule qui se déversait dans les rues en une mer d'humanité.

Il était difficile d'entendre grand chose à cause des hurlements de la foule mais, au loin, Ceres crut entendre que le combat se poursuivait. Une partie d'elle-même voulait foncer et s'en occuper elle-même, mais une autre partie d'elle-même, plus importante, voulait tout arrêter avant que cela ne parte en vrille. En vérité, à ce moment, elle était trop fatiguée pour continuer. Elle avait l'impression qu'elle se battait depuis une éternité. Si la foule ne l'avait pas portée, Ceres pensait qu'elle se serait peut-être effondrée.

Quand ils la déposèrent finalement dans la place principale, Ceres partit à la recherche de son frère et de son père. Elle se fraya un chemin vers eux et ne parvint à les rejoindre que parce que les gens semblaient la laisser passer par respect.

Ceres les prit tous les deux dans ses bras.

Ils ne dirent rien. Leur silence, les sentir dans ses bras, cela disait tout. D'une façon ou d'une autre, leur famille avait survécu et l'absence de ses frères morts les attristait tous profondément.

Ceres aurait voulu que ce moment ne prenne jamais fin. Elle aurait simplement voulu rester en sécurité avec son frère et son père et laisser toute cette révolution se poursuivre sans elle. Pourtant, alors même qu'elle se tenait là avec les deux personnes auxquelles elle tenait le plus au monde, elle se rendit compte de quelque chose d'autre.

Les gens la fixaient du regard.

Ceres se dit que ce n'était pas si surprenant que ça, après tout ce qui s'était passé. Elle avait été au cœur du combat et, à présent, avec le sang, la saleté et l'épuisement, elle ressemblait probablement à un monstre légendaire quelconque. Pourtant, ce n'était pas comme un monstre que les gens semblaient la regarder.

Non, ils la regardaient comme s'ils attendaient qu'on leur dise quoi faire ensuite.

Ceres vit des silhouettes se frayer un chemin dans la foule. Elle reconnut celle d'Akila, l'homme sec et musclé qui avait été à la tête de la dernière vague de rebelles. Il y avait aussi des hommes qui portaient les couleurs des hommes de Lord West. Il y avait au moins un seigneur de guerre, un grand homme qui tenait deux piolets de combat et restait là en semblant ignorer ses multiples blessures.

“Ceres”, dit Akila, “le soldats impériaux qui restent se sont retranchés dans le château ou ont commencé à chercher des moyens de quitter la cité. Mes hommes ont suivi ceux qu'ils pouvaient, mais ils ne connaissent pas assez bien cette cité et … eh bien, les gens risquent de prendre ça plutôt mal.”

Ceres comprit. Si les hommes d'Akila chassaient les soldats en fuite dans Delos, ils risquaient d'être considérés comme des envahisseurs. Même s'ils n'en étaient pas, ils couraient le risque de tomber dans des guets-apens, d'être séparés et attaqués l'un après l'autre.

Pourtant, Ceres trouvait étrange que tant de gens s'attendent à ce qu'elle leur fournisse des réponses. Elle regarda autour d'elle et chercha de l'aide, parce qu'il y avait forcément quelqu'un de mieux qualifié qu'elle pour prendre les choses en main. Ceres ne voulait pas reconnaître qu'elle pouvait prendre les choses en main simplement parce que sa lignée la reliait au passé des Anciens de Delos.

“Qui est à la tête de la rébellion maintenant ?” cria Ceres. “Un des leaders a-t-il survécu ?”

Autour d'elle, elle vit les gens écarter les mains, secouer la tête. Ils ne savaient pas. Évidemment. Ils ne pouvaient pas être plus au courant que Ceres elle-même. Ceres savait ce qui comptait : Anka était morte, tuée par les bourreaux de Lucious. La plupart des autres leaders avaient dû périr eux aussi, ou alors ils se cachaient.

“Qu'en est-il de Nyel, cousin de Lord West ?” demanda Ceres.

“Lord Nyel ne s'est pas joint à l'assaut”, dit un des ex-soldats de Lord West.

“Non”, dit Ceres, “bien sûr que non.”

Peut-être son absence était-elle une bonne chose. Les rebelles et le peuple de Delos auraient déjà eu mal à faire confiance à un noble comme Lord West, vu tout ce qu'il représentait, et Lord West avait été un homme courageux et honorable, lui. Son cousin ne lui était jamais arrivé à la cheville.

Elle ne demanda pas si les seigneurs de guerre avaient un chef. Cela n'aurait pas correspondu au type d'hommes qu'ils étaient. Dans les fosses d'entraînement du Stade, Ceres avait fait connaissance avec chacun d'entre eux et elle savait que, bien que chacun d'eux vaille au moins une dizaine d'hommes ordinaires, ils ne pouvaient pas diriger ce genre d'action.

Elle finit par penser à Akila. Il était évident qu'il était un chef, ses hommes suivaient visiblement son exemple mais il semblait s'attendre à ce que ce soit elle qui donne les ordres ici.

Ceres sentit son père lui poser la main sur l'épaule.

“Tu te demandes pourquoi ils devraient t'écouter”, devina-t-il avec beaucoup trop de sagacité.

“Ils ne devraient pas me suivre simplement parce qu'il se trouve que je descends des Anciens”, répondit doucement Ceres. “Qui suis-je vraiment ? Comment puis-je espérer les diriger ?”

Elle vit son père sourire à ses mots.

“Ils ne veulent pas te suivre rien que pour tes ancêtres. Ils suivraient Lucious si c'était le cas.”

Son père cracha par terre comme pour souligner ce qu'il pensait d'une telle attitude.

Sartes hocha la tête.

“Père a raison, Ceres”, dit-il. “Ils te suivent à cause de tout ce tu as fait, à cause de qui tu es.”

Elle y réfléchit.

“Tu peux les rassembler”, ajouta son père. “Il faut que tu le fasses maintenant.”

Ceres savait qu'ils avaient raison, mais c'était quand même difficile de se tenir au milieu de tant de gens et de savoir qu'ils attendaient qu'elle prenne une décision. Cela dit, que se passerait-il si elle refusait ? Que se passerait-il si elle forçait un des autres à prendre le commandement ?

Ceres le devinait. Elle sentait l'énergie de la foule, pour l'instant docile mais quand même prête à se transformer en incendie comme des cendres qui attendaient qu'on leur souffle dessus. Si on ne dirigeait pas la foule, le résultat serait le pillage de la cité, plus de morts, plus de destruction, et peut-être même la défaite quand les factions s'affronteraient l'une l'autre.

Non, elle ne pouvait pas permettre ça, même si elle n'était toujours pas sûre d'être capable de prendre la situation en main.

“Frères et sœurs !” cria-t-elle. A sa grande surprise, la foule qui l'entourait se tut.

A présent, elle avait toute leur attention, même par rapport à auparavant.

“Nous avons tous remporté une grande victoire ! Grâce à vous tous ! Vous avez affronté l'Empire et vous avez arraché la victoire aux crocs de la mort !”

La foule l'acclama et Ceres regarda autour d'elle, s'offrant le temps de la réflexion.

“Cela dit, ce n'est pas suffisant”, poursuivit-elle. “Oui, nous pourrions tout rentrer chez nous maintenant et nous aurions accompli beaucoup de choses. Nous pourrions même être un certain temps hors de danger. Cependant, l'Empire et ses dirigeants finiraient par venir nous chercher, ou par venir chercher nos enfants. Tout redeviendrait comme avant, sinon pire. Il faut que nous allions jusqu'au bout une fois pour toutes !”

“Et comment ?” demanda une voix dans la foule.

“Il faut prendre le château”, répondit Ceres. “Il faut prendre Delos, que la cité soit à nous. Il faut capturer les membres de la famille royale et mettre fin à leur cruauté. Akila, vous êtes venu ici par la mer ?”

“Effectivement”, dit le chef des rebelles.

“Dans ce cas, allez au port avec vos hommes et assurez-vous que nous en ayons le contrôle. Je ne veux pas que des serviteurs de l'Empire s'échappent pour revenir nous assaillir avec une armée ou qu'ils nous attaquent par surprise avec une flotte.”

Elle vit Akila hocher la tête.

“On le fera”, lui assura-t-il.

Ce qu'elle dit ensuite lui coûta plus d'efforts.

“Tous les autres, suivez-moi au château.”

Elle montra du doigt la fortification qui se dressait au-dessus de la cité.

“Trop longtemps, il a été le symbole du pouvoir qu'ils avaient sur vous. Aujourd'hui, on va le prendre.”

Elle regarda la foule en essayant d'évaluer sa réaction.

“Si vous n'avez pas d'arme, trouvez-en une. Si vous êtes trop blessé ou si vous ne voulez pas faire ça, restez : il n'y a pas de honte à ça. Cependant, si vous venez, vous pourrez dire que vous étiez là le jour où Delos a été libérée !”

Elle s'interrompit.

“Peuple de Delos !” cria-t-elle d'une voix tonitruante. “Êtes-vous avec moi !?”

Le rugissement que la foule lui adressa en guise de réponse fut assez fort pour l'assourdir.

CHAPITRE TROIS

Stephania tenait fermement la balustrade de leur bateau, les jointures des doigts aussi blanches que l'écume qui venait de l'océan. Elle n'appréciait pas ce voyage en mer. Ce n'était qu'en pensant à la vengeance qu'il pourrait lui apporter qu'elle le supportait.

Elle faisait partie de la haute noblesse de l'Empire. Quand elle avait entrepris de longs voyages, elle avait logé dans les cabines de luxe des grandes galères ou dans des calèches matelassées au sein de convois bien gardés. Elle n'avait pas eu à partager l'espace d'un bateau qui semblait beaucoup trop petit par rapport à l'immense étendue de l'océan.

Cela dit, ses difficultés ne se limitaient pas à l'inconfort. Stephania se piquait d'être plus résistante qu'on le croyait. Elle n'allait pas se plaindre simplement parce que ce rafiot troué tanguait à chaque vague ou parce qu'il semblait ne jamais y avoir autre chose à manger que du poisson et de la viande salée. Elle n'allait même pas se plaindre que cette nourriture puait. Dans des circonstances normales, Stephania aurait affiché son meilleur sourire hypocrite et s'y serait fait.

Sa grossesse rendait tout cela plus difficile à supporter. A présent, Stephania avait l'impression de sentir l'enfant grandir en elle. L'enfant de Thanos. Son arme parfaite contre lui. Le sien. C'était une chose qui lui avait semblé presque irréelle quand elle en avait appris l'existence. Maintenant, avec la grossesse qui exacerbait le moindre départ de nausée et qui rendait la nourriture encore plus répugnante que d'habitude, tout cela ne lui semblait que trop réel.

Stephania regarda Felene avancer vers l'avant du bateau avec la servante de Stephania, Elethe. Elles étaient aussi différentes que possible l'une de l'autre. La navigatrice, voleuse et quoi qu'elle fût d'autre, portait un pantalon et une tunique rêches et elle avait les cheveux tressés dans le dos. La servante portait des vêtements en soie recouverts d'un manteau et ses cheveux plus courts encadraient délicatement ses traits hâlés avec une élégance dont l'autre femme n'aurait pu que rêver.

Felene semblait beaucoup apprécier le voyage. Elle chantait une chanson de marin qui faisait preuve d'une telle créativité en matière de vulgarité que Stephania était sûre que l'autre femme la chantait exprès pour la provoquer, ou alors c'était la façon dont Felene envisageait la séduction. Elle avait vu la voleuse adresser des regards à sa servante.

Elle l'avait aussi regardée à elle mais, au moins, c'était mieux que ses regards de suspicion. Ces derniers avaient été assez rares au départ mais ils étaient devenus plus fréquents et Stephania devinait pourquoi. Le message qu'elle avait envoyé pour duper Thanos avait précisé qu'elle avait pris la potion de Lucious. A ce moment-là, cela avait semblé être le meilleur moyen de le faire souffrir mais, maintenant, cela signifiait qu'il fallait qu'elle dissimule les signes d'une grossesse qui semblait maintenant résolue à se faire connaître. Même si elle n'avait pas eu à supporter les nausées quasi-permanentes, Stephania était sûre qu'elle se sentait gonfler comme une baleine et que ses robes rétrécissaient jour après jour.

Elle ne pourrait pas le cacher indéfiniment, ce qui signifiait qu'elle allait probablement devoir tuer la navigatrice préférée de Thanos à un moment ou à un autre. Peut-être pourrait-elle le faire maintenant. Il lui suffirait de s'avancer vers l'autre femme et de la faire tomber par-dessus la balustrade de proue du bateau. Ou alors, elle pourrait lui offrir à boire. Stephania avait beau être partie en coup de vent, il lui restait quand même assez de poisons pour se débarrasser d'une légion d'ennemis potentiels.

Elle pourrait même faire accomplir la sale besogne par sa servante. Elethe savait bien se servir d'un couteau, après tout, mais peut-être insuffisamment, vu qu'elle avait été la prisonnière de Felene quand Stephania les avait retrouvées sur les quais.

Cette incertitude suffit à faire réfléchir Stephania. Elle ne pouvait pas se permettre de rater ce genre de chose. Elle n'aurait qu'une chance de réussir. A une telle distance des autres ressources, Stephania ne pourrait pas faire tranquillement demi-tour en cas d'échec. Elle risquerait la mort.

En tout cas, elles étaient encore trop loin des terres. Stephania ne savait pas naviguer et, bien qu'il fût probable que sa servante soit un guide utile dans les terres de Felldust, il était peu probable qu'elle sache les y conduire par voie maritime. Elles avaient besoin des compétences d'un marin, aussi bien pour retrouver la terre en toute sécurité que pour accoster dans le bon pays. Il y avait des choses que Stephania avait besoin de trouver et elle ne pourrait pas y arriver si elle n'arrivait même pas à rejoindre le pays qui était l'allié de l'Empire depuis tant de générations.

Stephania s'avança les autres et, l'espace d'un instant, elle envisagea de pousser Felene par-dessus bord malgré tout, simplement parce qu'elle semblait être étonnamment fidèle à Thanos. Ce n'était pas un trait de caractère que Stephania s'était attendue à trouver chez une voleuse impénitente et cela signifiait qu'elle serait probablement impossible à soudoyer. Cela ne lui laissait que des moyens d'intervention plus violents.

Cependant, quand Felene se tourna vers elle, Stephania se força à sourire.

“Combien nous reste-t-il ?” demanda-t-elle.

Felene leva les mains comme un marchand qui équilibrait une balance. “Un jour ou deux, peut-être. Ça dépend des vents. Ma compagnie vous ennuie déjà, princesse ?”

“Eh bien”, dit Stephania, “tu es grossière, condescendante, très autoritaire et presque joyeuse d'être une criminelle.”

“Et ce ne sont que quelques-uns de mes bons côtés”, dit Felene en riant. “Cela dit, je vais vous emmener à Felldust sans difficulté. Avez-vous pensé à ce que vous alliez faire à ce moment-là ? Allez-vous demander à des amis de la cour de vous aider à trouver ce sorcier dont vous parliez ? Savez-vous où le trouver ?”

“Là où le soleil couchant rencontre les crânes des pétrifiés”, dit Stephania en se souvenant des indications que la vieille Hara, la sorcière, lui avait données. Stephania avait payé ces indications avec la vie d'une autre de ses servantes. Pourtant, elles semblaient bien trop succinctes.

“C'est toujours pareil”, dit Felene en poussant un soupir. “Croyez-moi, j'ai volé quelques choses fort impressionnantes en mon temps et je n'ai jamais eu d'instructions directes. Jamais un nom de rue et quelqu'un qui vous indique la troisième porte à gauche. Les sorciers, les sorcières, y a pas pire. Cela m'étonne qu'une dame noble comme vous veuille se mêler de ce genre d'affaire.”

Cela montrait vraiment que la navigatrice ne savait rien sur Stephania, rien sur les choses qu'elle avait passé son temps à apprendre pour être autre chose qu'une femme ordinaire faisant tapisserie aux fêtes royales, et que la navigatrice ne savait certainement pas ce que Stephania était capable de faire pour se venger.

“Je ferai tout ce qu'il faudra”, dit Stephania. “La question, c'est de savoir si je peux te faire confiance.”

Felene lui envoya un grand sourire. “Tant que vous me demanderez surtout de faire des choses qui me laisseront boire, me bagarrer et voler un petit peu de temps à autre.” Son visage se fit plus grave. “J'ai une dette envers Thanos et je lui ai promis de vous mener à bon port. Je tiens mes promesses.”

Sans ces dernières paroles, elle aurait pu être parfaite pour ce que Stephania prévoyait de faire. Oh, si seulement elle avait été aussi corruptible que les autres individus de cet acabit, ou même possible à séduire. Stephania lui aurait donné Elethe aussi facilement qu'elle avait donné sa dernière servante à Hara la vieille sorcière.

“Et quand on arrivera à Felldust ?” demanda Felene. “Comment trouverons-nous cet ‘endroit où le soleil rencontre les pétrifiés’ ?”

“J'ai entendu parler des crânes des pétrifiés”, dit Elethe. “Ils sont dans les montagnes.”

Stephania aurait préféré en discuter en privé mais, en vérité, il n'y avait aucune intimité sur leur petit bateau. Il fallait qu'elles en parlent et cela signifiait en parler devant Felene.

“Cela signifie qu'il faudra qu'on se rende dans les montagnes”, dit Stephania. “Pourras-tu nous arranger ça ?”

Elethe hocha la tête. “Un ami de ma famille est à la tête de caravanes qui traversent les montagnes. Cela devrait être facile à organiser.”

“Sans trop attirer l'attention ?” demanda Stephania.

“Si un chef de caravane attire trop l'attention sur lui-même, il se fait dévaliser”, lui assura Elethe. “De plus, nous pourrons trouver plus d'informations quand nous atteindrons la cité. Je suis de Felldust, madame.”

“Je suis sûre que tu seras fort utile”, dit Stephania sur un ton qui en fit une expression de gratitude. Il fut un temps, cela aurait donné à sa servante une joie sans fin mais, à ce moment-là, elle ne fit que sourire. C'était probablement lié à toute l'attention dont elle avait bénéficié de la part de Felene.

En faisant une telle constatation, Stephania sentit une colère sourde s'élever en elle. Ce n'était pas de la jalousie dans le sens conventionnel du terme, parce qu'elle ne se sentait pas jalouse de cette fille ou de qui que ce soit maintenant que Thanos ne faisait plus partie de sa vie. Non, c'était simplement parce que sa servante était à elle. Autrefois, cette fille aurait sacrifié sa propre vie si Stephania le lui avait ordonné. Maintenant, Stephania ne pouvait plus en être sûre et cela lui restait en travers de la gorge. Il faudrait qu'elle trouve une façon de tester sa loyauté avant la fin de cette histoire.

En fait, il y avait beaucoup de choses qu'il faudrait qu'elle fasse avant d'en avoir fini avec Felldust. Il faudrait qu'elle trouve ce sorcier et, bien que sa servante ait déchiffré un des indices indiquant où il résidait, cela nécessiterait quand même du temps et des efforts. Il faudrait qu'elle le fasse dans un pays étrange où la politique et les gens seraient aussi différents les uns que les autres, même si leurs faiblesses étaient en général les mêmes partout dans le monde.

Même quand elle trouverait le sorcier, il faudrait qu'elle trouve une façon d'apprendre ce qu'il savait ou de s'assurer son aide. Peut-être se contenterait-il d'argent ou d'un peu de charme, mais Stephania en doutait. Un sorcier capable d'arrêter un des Anciens était forcément capable d'obtenir tout ce qu'il voulait.

Non, Stephania allait devoir être plus créative que ça. Cela dit, elle s'arrangerait à ce que ça marche. Tout le monde voulait quelque chose, que ce soit du pouvoir, de la célébrité, du savoir ou simplement de la sécurité. Stephania avait toujours eu le don de trouver ce que voulaient les gens; c'était très souvent le meilleur moyen de les convaincre de faire ce que Stephania avait besoin qu'ils fassent.

“Dis-moi, Elethe”, dit-elle impulsivement. “Que veux-tu ?”

“Vous servir, madame”, dit immédiatement la fille. C'était la bonne réponse, bien sûr, mais Stephania y entendit une pointe de sincérité qui lui plut. Elle trouverait la vraie réponse le moment venu.

“Et toi, Felene ?” demanda Stephania.

Elle regarda la voleuse hausser les épaules. “Tout ce que le monde peut m'offrir. Je préfère quand il y a beaucoup à boire et beaucoup de richesses, de compagnons et de plaisir. Pas forcément dans cet ordre-là.”

Stephania rit doucement en faisant semblant de ne pas entendre le mensonge sous-jacent. “Bien sûr. Qu'est-ce qu'on pourrait bien désirer d'autre ?”

“Pourquoi ne le dites-vous pas vous aussi ?” répliqua Felene. “Qu'est-ce que vous voulez, princesse ? Pourquoi tous ces efforts ?”

“Je veux être en sécurité”, dit Stephania, “et je veux me venger de ceux qui m'ont pris Thanos.”

“Vous voulez vous venger de l'Empire ?” dit Felene. “J'imagine que je pourrais avoir la même envie. Ils m'ont envoyé sur leur île-prison, après tout.”

Si elle voulait croire que Stephania voulait se venger de l'Empire, alors, qu'elle le croie. Les cibles de la colère de Stephania étaient plus faciles à cerner : Ceres, puis Thanos, puis tous ceux qui les avaient aidés.

Stephania se répéta silencieusement ce qu'elle s'était juré de faire à Delos. Elle allait élever son enfant pour qu'il devienne l'arme parfaite contre son père. Elle allait élever son enfant avec amour : elle n'était tout de même pas un monstre. Cela dit, cet amour aurait aussi un but. L'enfant apprendrait ce que son père avait fait.

Et qu'il existait des choses que l'on ne pouvait jamais pardonner.

Yaş sınırı:
16+
Litres'teki yayın tarihi:
10 ekim 2019
Hacim:
252 s. 4 illüstrasyon
ISBN:
9781640290488
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