Kitabı oku: «Un Royaume D'ombres », sayfa 2
CHAPITRE TROIS
Kyra se prépara mentalement quand elle entra dans un terrain enflammé. Les flammes s'élevèrent jusqu'au ciel puis se baissèrent tout aussi rapidement, prenant toutes une couleur différente, la caressant alors qu'elle marchait les bras tendus des deux côtés. Elle sentait l'intensité du feu, le sentait l'envelopper, la prendre dans une légère étreinte. Elle savait qu'elle entrait dans la mort mais ne pouvait aller nulle part ailleurs.
Et pourtant, d'une façon ou d'une autre, chose incroyable, elle ne ressentait pas de douleur. Elle avait une sensation de paix, la sensation que sa vie se terminait.
Elle regarda au travers des flammes, vit sa mère qui l'attendait quelque part à l'autre bout, de l'autre côté du terrain. Elle se sentait en paix car elle savait finalement qu'elle allait se retrouver dans les bras de sa mère.
Je suis ici, Kyra, appela-t-elle. Viens me retrouver.
Kyra regarda dans les flammes. Elle distinguait tout juste le visage de sa mère, qui était presque translucide, partiellement caché par un mur de flammes qui s'élevait soudain. Elle pénétra de plus en plus loin dans les flammes crépitantes, incapable de s'arrêter, jusqu'au moment où elle se retrouva encerclée de tous côtés.
Un rugissement fendit l'air et se fit même entendre au-dessus du son du feu. Kyra leva les yeux et fut impressionnée de voir un ciel plein de dragons. Ils décrivaient des cercles et hurlaient, et, alors qu'elle regardait, un immense dragon rugit et plongea droit vers elle.
Kyra sentit que c'était la mort qui venait la chercher.
Alors que le dragon approchait, les griffes sorties, soudain, le sol s'effondra sous elle et Kyra se retrouva en train de tomber, de dégringoler dans la terre, une terre pleine de flammes, un endroit dont elle savait qu'elle ne s'échapperait jamais.
Kyra ouvrit les yeux en sursautant et en respirant avec difficulté. Elle regarda tout autour d'elle en se demandant où elle était. Elle avait mal partout. Elle avait mal au visage, avait la joue gonflée qui palpitait et, quand elle leva lentement la tête en respirant avec difficulté, elle se rendit compte qu'elle avait le visage enveloppé dans de la boue. Elle se rendit compte qu'elle était allongée dans la boue face contre terre et, quand elle y plaça les paumes et poussa lentement vers le haut, elle s'essuya la boue du visage en se demandant ce qui se passait.
Un rugissement soudain déchira l'air. Kyra leva les yeux et ressentit une vague de terreur quand elle repéra dans le ciel une chose qui était très réelle. L'air était plein de dragons de toutes formes, tailles et couleurs, tous en train de décrire des cercles, de hurler, de cracher le feu en l'air, pleins de furie. Alors qu'elle regardait, l'un d'eux descendit en piqué et cracha une colonne de flammes qui s'étendit jusqu'au sol.
Kyra regarda autour d'elle et examina ses alentours. Son cœur s'arrêta de battre quand elle se rendit compte de l'endroit où elle était : à Andros.
Tout lui revint brusquement. En volant sur le dos de Theon, elle revenait précipitamment à Andros pour sauver son père quand ils avaient été attaqués dans le ciel par cette volée de dragons qui étaient apparus dans le ciel, sortant de nulle part, avaient mordu Theon et les avaient jetés au sol. Kyra se rendit compte qu'elle avait dû perdre conscience.
Maintenant qu'elle se réveillait, c'était pour se retrouver confrontée à une vague de chaleur, à de terribles hurlements, à une capitale plongée dans le chaos. Quand elle regarda autour d'elle, elle vit la capitale en flammes. Partout, les gens couraient pour sauver leur vie en hurlant pendant que le feu descendait en vagues comme une tempête. On aurait dit que la fin du monde était venue.
Kyra entendit une respiration laborieuse et elle eut le cœur serré quand elle vit Theon allongé sur le flanc pas très loin, blessé, saignant des écailles. Il avait les yeux fermés, sa langue pendait du côté de sa gueule et il avait l'air moribond. Kyra se rendit compte que, s'ils étaient encore vivants, c'était seulement parce qu'elle et Theon étaient recouverts d'un tas de gravats. Ils avaient dû s'écraser contre un bâtiment qui s'était effondré sur eux. Au moins, ça les avait mis à l'abri, hors de la vue des dragons qui se trouvaient haut dans le ciel.
Kyra savait qu'il fallait qu'elle sorte d'ici avec Theon tout de suite. Ils n'avaient pas beaucoup de temps car ils seraient vire repérés.
“Theon !” exhorta-t-elle.
Elle se tourna et se souleva, écrasée par les gravats, puis, finalement, elle réussit à repousser un grand bloc qui lui encombrait le dos et à se dégager. Ensuite, elle se rua vers Theon et bouscula désespérément le tas de gravats qui se trouvait au-dessus de lui. Elle parvint à dégager la plupart des cailloux mais, quand un grand rocher qu'elle poussa lui atterrit sur le dos et le cloua au sol, elle comprit que ça ne menait à rien. Elle poussa encore et encore mais le rocher ne bougea pas d'un pouce en dépit de tous ses efforts.
Kyra se rua vers Theon et lui saisit le visage car elle voulait désespérément le réveiller. Elle lui caressa les écailles et, lentement, à son grand soulagement, Theon ouvrit les yeux. Pourtant, il les referma alors à nouveau et elle le secoua plus fort.
“Réveille-toi !” exigea Kyra. “J'ai besoin de toi !”
Theon ouvrit à nouveau les yeux, légèrement, puis se tourna et la regarda. La douleur et la fureur présentes dans son regard s'adoucirent quand il la reconnut. Il essaya de remuer, de se lever, mais il était visiblement trop faible; le rocher le retenait au sol.
Kyra poussa furieusement contre le rocher mais elle éclata en sanglots quand elle se rendit compte qu'ils n'arrivaient pas à le déplacer. Theon était coincé. Il allait mourir ici et elle aussi.
Kyra entendit un rugissement, leva les yeux et vit qu'un énorme dragon aux écailles vertes les avait repérés. Il rugit avec furie puis commença à plonger droit sur eux.
Laisse-moi.
Kyra entendit une voix résonner au plus profond d'elle-même. La voix de Theon.
Cache-toi. Pars loin d'ici. Tant qu'il en est encore temps.
“Non !” s'écria-t-elle en tremblant, refusant de le quitter.
Pars, insista-t-il, ou nous mourrons tous les deux ici.
“Dans ce cas, nous mourrons tous les deux !” s'écria-t-elle, gagnée par une détermination inflexible. Elle n'allait pas abandonner son ami. C'était hors de question.
Le ciel s'assombrit et, quand Kyra leva les yeux, elle vit l'énorme dragon plonger toutes griffes dehors. Il ouvrit la gueule en dévoilant des rangées de crocs acérés et elle sut qu'elle n'y survivrait pas. Cependant, cela lui importait peu. Elle n'allait pas abandonner Theon. La mort la prendrait mais pas la lâcheté. Elle n'avait pas peur de mourir.
Seulement de ne pas vivre bien.
CHAPITRE QUATRE
Duncan courait avec les autres dans les rues d'Andros en boitant, faisant tout son possible pour ne pas se laisser distancer par Aidan, Motley et Cassandra, la jeune fille qui les accompagnait, pendant que le chien d'Aidan, Blanc, lui mordillait les talons et le forçait à continuer à courir. Son vieux commandant de confiance, Anvin, le tirait par le bras avec son nouvel écuyer Septin à ses côtés, faisant tout son possible pour qu'il continue à avancer bien qu'il fût clairement en mauvaise forme lui-même. Duncan voyait que son ami était gravement blessé et ça l'émouvait qu'il soit venu dans cet état, qu'il ait risqué sa vie et fait tout ce chemin pour le libérer.
Le groupe hétéroclite fonçait dans les rues d'Andros déchirées par la guerre. Le chaos éclatait tout autour d'eux et ils avaient fort peu de chances de survivre. D'un côté, Duncan se sentait extrêmement soulagé d'être libre, extrêmement heureux de revoir son fils, extrêmement reconnaissant d'être avec eux tous. Pourtant, alors qu'il scrutait le ciel, il sentait aussi qu'il n'avait quitté sa cellule que pour se retrouver confronté à une mort certaine. Le ciel était plein de dragons qui décrivaient des cercles, plongeaient en piqué, donnaient des grands coups à des bâtiments, détruisaient la ville en crachant leurs terribles colonnes de flammes. Des rues entières étaient en feu et bloquaient la progression du groupe à chaque changement de direction. A chaque fois qu'une rue était détruite, il semblait de moins en moins envisageable de fuir la capitale.
Il était clair que Motley connaissait bien ces ruelles et qu'il les guidait avec habileté. Il tournait dans une ruelle après l'autre, trouvait des raccourcis partout, se débrouillait à éviter les brigades errantes de soldats pandésiens qui mettaient leur fuite en danger elles aussi. Pourtant, malgré toute sa ruse, Motley ne pouvait pas éviter les dragons et, quand il les fit tourner dans une autre ruelle, elle se retrouva soudain en flammes elle aussi. Ils s'arrêtèrent tous sur place, le visage brûlé par la chaleur, et battirent en retraite.
Duncan, qui reculait couvert de sueur, se tourna vers Motley et ne fut pas réconforté de voir que, cette fois, Motley se tournait dans tous les sens, le visage marqué par la panique.
“Par ici !” dit finalement Motley.
Il se retourna, les emmena dans une autre petite rue et ils se baissèrent pour passer sous une arche de pierre juste avant qu'un dragon ne remplisse l'endroit où ils venaient de se tenir avec une nouvelle vague de feu.
Pendant qu'ils couraient, Duncan souffrait de voir cette grande ville se faire détruire, cet endroit qu'il avait autrefois aimé et défendu. Il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'Escalon ne regagnerait jamais sa gloire passée, que sa patrie était détruite pour toujours.
On entendit un cri. Duncan regarda par-dessus son épaule et vit que des dizaines de soldats pandésiens les avaient repérés. Ils les poursuivaient dans la ruelle et se rapprochaient. Duncan savait qu'ils ne pouvaient ni les affronter ni les semer. La sortie de la ville était encore loin et ils n'avaient plus de temps.
Soudain, on entendit un grand fracas. Duncan leva les yeux et vit un dragon arracher le clocher au château avec ses griffes.
“Attention !” cria-t-il.
Il se jeta brusquement en avant et bouscula Aidan et les autres de là où ils se trouvaient juste avant que les restes de la tour ne s'écrasent à côté d'eux. Un immense morceau de pierre atterrit derrière lui en produisant un fracas assourdissant et en soulevant un tas de poussière.
Aidan leva les yeux vers son père, le regard rempli de choc et de reconnaissance, et Duncan se sentit au moins satisfait d'avoir sauvé la vie à son fils.
Duncan entendit des cris assourdis, se retourna et se rendit compte avec gratitude que les gravats avaient au moins bloqué l'avancée des soldats qui les poursuivaient.
Ils continuèrent à marcher. Duncan avait peine à suivre car sa faiblesse et les blessures liées à son emprisonnement le rongeaient de l'intérieur; il était encore sous-alimenté, contusionné, battu et chaque pas était un effort douloureux. Pourtant, il se forçait à continuer ne serait-ce que pour s'assurer que son fils et ses amis survivent. Il ne pouvait pas les laisser tomber.
Ils tournèrent dans un coin étroit et atteignirent une bifurcation entre deux ruelles. Ils s'arrêtèrent et se tournèrent tous vers Motley.
“Il faut qu'on sorte de cette ville !” hurla Cassandra à Motley, visiblement agacée. “Et vous ne savez même pas où vous allez !”
Motley regarda à gauche, puis à droite, visiblement à court d'idées.
“Autrefois, il y avait un bordel dans cette ruelle”, dit-il en regardant à droite. “Il donne sur l'arrière de la ville.”
“Un bordel?” répliqua Cassandra. “Vous avez de belles fréquentations.”
“Peu m'importent tes fréquentations”, ajouta Anvin, “tant qu'elles nous permettent de sortir d'ici.”
“Espérons seulement qu'il n'est pas bloqué”, ajouta Aidan.
“Allons-y !” cria Duncan.
Motley se remit à courir et tourna à droite, fatigué et essoufflé.
Ils tournèrent et suivirent Motley en se fiant entièrement à lui alors qu'il courait dans les ruelles désertées de la capitale.
Ils tournèrent à plusieurs reprises puis arrivèrent finalement à un porche en pierre bas et voûté. Ils se baissèrent tous, passèrent dessous en courant et, quand ils émergèrent de l'autre côté, Duncan fut soulagé de le trouver dégagé. Au loin, il fut ravi de voir la porte arrière d'Andros et les plaines et le désert qui s'étendaient au-delà. Juste au-delà de la porte se tenaient des dizaines de chevaux pandésiens, attachés, visiblement abandonnés par leurs cavaliers morts.
Motley sourit.
“Je vous l'avais dit”, dit-il.
Duncan courut de plus en plus vite avec les autres. Il sentait qu'il redevenait celui qu'il avait été, sentait à nouveau l'espoir se précipiter en lui quand, soudain, il entendit un cri qui le poignarda à l'âme.
Il s'arrêta brusquement et écouta.
“Attendez !” cria-t-il aux autres.
Ils s'arrêtèrent tous et le regardèrent comme s'il était fou.
Duncan resta sur place en attendant. Était-ce possible ? Il aurait juré avoir entendu la voix de sa fille. Kyra. Était-ce une hallucination ?
Bien sûr, il avait dû l'imaginer. Comment pouvait-elle donc être ici, à Andros ? Elle était loin d'ici, de l'autre côté d'Escalon, dans la Tour de Ur, saine et sauve.
Pourtant, il ne pouvait se résoudre à partir après avoir entendu sa voix.
Il resta sur place, figé, attendit puis l'entendit à nouveau. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête. Il en était sûr, cette fois. C'était Kyra.
“Kyra !” dit-il à voix haute et en écarquillant les yeux.
Sans réfléchir, il tourna le dos aux autres, tourna le dos à la sortie et repartit dans la ville enflammée en courant.
“Où allez-vous !?” cria Motley derrière lui.
“Kyra est ici”, cria-t-il sans arrêter de courir, “et elle est en danger !”
“Vous êtes fou ?” dit Motley en se ruant vers lui et en le saisissant par l'épaule. “Si vous faites demi-tour, vous mourrez, c'est certain !”
Cependant, Duncan était résolu. Il repoussa la main de Motley et continua à courir.
“Je mourrais certainement”, répliqua-t-il, “si je tournais le dos à la fille que j'aime.”
Duncan fonça tout seul et sans ralentir dans une ruelle, repartant à toute vitesse vers la mort, vers une ville en flammes. Il savait qu'il allait en mourir et il n'en avait que faire tant que cela lui permettait de revoir Kyra.
Kyra, pensa-t-il. Attends-moi.
CHAPITRE CINQ
Sa Sainteté Ra le Suprême était assis sur son trône en or dans la capitale, au milieu d'Andros. Dans la salle bondée, il regardait ses généraux, ses esclaves et ses quémandeurs et se frottait les paumes dans les bras du trône, brûlant de mécontentement. Il savait qu'il aurait dû avoir une sensation de victoire, se sentir rassasié après tout ce qu'il avait accompli. Après tout, Escalon avait été la dernière poche de liberté du monde, le dernier lieu de son empire non encore soumis à sa loi et, dans les quelques derniers jours, il avait réussi à faire en sorte que ses forces infligent à l'ennemi la plus grande débandade de tous les temps. Il ferma les yeux et sourit. Il se réjouit en se souvenant de son invasion de la Porte du Sud, qui s'était déroulée sans obstacle, de sa destruction de toutes les villes de l'Escalon méridional, de la piste de feu qu'il avait tracée jusqu'au nord, jusqu'à la capitale. Il sourit en se disant que ce pays, qui avait autrefois été si prospère, n'était maintenant plus qu'une immense tombe.
Il savait qu'Escalon, au nord, ne se portait pas mieux. Ses flottes avaient réussi à inonder la grande ville de Ur, qui n'était plus qu'un souvenir. Sur la côte est, ses flottes avaient conquis la Mer des Larmes et détruit toutes les cités portuaires du long de la côte en commençant par Esephus. Aucun centimètre carré d'Escalon n'était libre de son emprise.
Surtout, l'irrévérencieux commandant d'Escalon, l'agitateur qui avait commencé tout ça, Duncan, était prisonnier dans un cachot de Ra. En vérité, pendant que Ra regardait se lever le soleil par la fenêtre, il était grisé par la perspective d'emmener Duncan à la potence en personne. Il allait tirer la corde lui-même et le regarder mourir. Il sourit en y pensant. Cette journée allait être belle.
La victoire de Ra était complète sur tous les fronts et pourtant, malgré ça, il ne se sentait pas rassasié. Assis là, Ra cherchait profondément en lui-même pour comprendre cette sensation de mécontentement. Il avait tout ce qu'il voulait. Quel était son problème ?
Ra ne s'était jamais senti rassasié, ni dans ses campagnes ni de toute sa vie. Il y avait toujours eu quelque chose pour le consumer de l'intérieur, un désir d'autre chose, et d'encore autre chose. Même maintenant, il le ressentait. Que pouvait-il faire d'autre pour satisfaire ses désirs ? se demanda-t-il. Pour que sa victoire lui semble authentiquement complète ?
Lentement, un plan lui vint à l'esprit. Il pouvait faire assassiner chaque homme, chaque femme et chaque enfant qui restait en Escalon. Il pouvait commencer par faire violer les femmes et par faire torturer les hommes. Il fit un grand sourire. Oui, ça pourrait aider. En fait, il pouvait commencer dès maintenant.
Ra regarda ses conseillers, qui formaient plusieurs centaines de ses meilleurs hommes et qui étaient tous agenouillés devant lui, tête baissée, sans qu'aucun d'entre eux n'ose le regarder dans les yeux. Ils regardaient tous fixement le sol en silence, car tel était leur devoir. Après tout, ils avaient la chance d'être en la présence du dieu qu'il était.
Ra se racla la gorge.
“Apportez-moi tout de suite les dix plus belles femmes qui restent sur la terre d'Escalon”, ordonna-t-il de sa voix grave qui résonna partout dans la salle.
Un de ses serviteurs baissa la tête jusqu'à ce qu'elle touche le sol en marbre.
“Oui, mon seigneur !” dit-il, puis il se retourna et partit en courant.
Pourtant, quand le serviteur atteignit la porte, elle s'ouvrit d'abord avec un claquement. Un autre serviteur se rua dans la salle et courut directement vers le trône de Ra, dans tous ses états. Toutes les autres personnes présentes dans la salle en eurent le souffle coupé, horrifiées par l'affront. Personne n'osait jamais entrer dans une pièce, et encore moins s'approcher de Ra, sans y avoir été officiellement invité. Agir ainsi signifiait s'exposer à une mort certaine.
Le serviteur se jeta face contre terre et Ra l'observa avec fureur et dégoût.
“Tuez-le”, ordonna-t-il.
Immédiatement, plusieurs de ses soldats se précipitèrent en avant et saisirent l'homme. Ils l'emportèrent pendant qu'il se débattait et, alors qu'ils le faisaient, il cria : “Attendez, votre Grandeur ! Je suis venu apporter des nouvelles urgentes, des nouvelles qu'il faut que vous entendiez tout de suite !”
Ra laissa ses soldats emporter l'homme, guère intéressé par les nouvelles. L'homme se débattit tout le temps, jusqu'à ce que, finalement, alors qu'ils atteignaient la sortie et que la porte allait se refermer, il hurle :
“Duncan s'est évadé !”
Ra ressentit comme un électrochoc. Il leva soudain la main droite. Ses hommes s'arrêtèrent en retenant le messager à la porte.
L'air renfrogné, Ra réfléchit lentement à cette nouvelle. Il se leva et inspira profondément. Il descendit les marches en ivoire, une à la fois. Ses bottes dorées résonnèrent quand il traversa la salle entière. La salle était silencieuse, pleine de tension. Il finit par s'arrêter juste devant le messager. A chaque pas qu'il faisait, Ra sentait la fureur monter en lui.
“Redis-moi ça”, ordonna Ra d'une voix grave et menaçante.
Le messager trembla.
“Je suis vraiment désolé, mon grand et saint Seigneur Suprême”, dit-il avec d'une voix tremblante, “mais Duncan s'est enfui. Quelqu'un l'a fait évader des cachots. Nos hommes le poursuivent dans la capitale à l'instant même !”
Ra sentait qu'il rougissait, que le feu brûlait en lui. Il serra les poings. Il ne l'accepterait pas. Il n'accepterait pas qu'on lui dérobe sa dernière satisfaction.
“Merci de m'avoir apporté ces nouvelles”, dit Ra.
Ra sourit et, un instant, le messager eut l'air de se détendre et commença même à lui sourire, bouffi d'orgueil.
Effectivement, Ra le récompensa. Il s'avança, passa lentement les mains autour du cou de l'homme puis serra de plus en plus fort. Les yeux de l'homme sortirent de leurs orbites. Il leva le bras et saisit les poignets de Ra mais n'arriva pas à les dégager. Ra savait qu'il n'y arriverait pas. Après tout, ce n'était qu'un homme et Ra était le grand et saint Ra, l'Homme Qui Avait Été un Dieu.
L'homme s'effondra par terre, mort. Pourtant, Ra ressentit encore trop peu de satisfaction.
“Soldats !” cria Ra d'une voix tonitruante.
Ses commandants se mirent au garde-à-vous et le regardèrent avec crainte.
“Bloquez toutes les sorties de la ville ! Envoyez chaque soldat que nous ayons trouver ce Duncan et, tant que vous y êtes, tuez jusqu'au dernier homme, jusqu'à la dernière femme et jusqu'au dernier enfant qui se trouve dans la ville d'Escalon. EXÉCUTION !”
“Oui, Seigneur Suprême !” répondirent ses commandants comme un seul homme.
Ils quittèrent tous la salle au pas de course, en se trébuchant l'un sur l'autre, voulant tous être celui qui exécuterait les ordres de leur maître plus vite que les autres.
Ra se retourna, furieux, et inspira profondément en traversant tout seul la salle maintenant vide. Il sortit sur un large balcon qui surplombait la ville.
Ra sortit et sentit l'air frais. Il inspecta la ville chaotique qui se trouvait en dessous. Il constata avec plaisir que ses soldats en occupaient la plus grande partie. Il se demanda où pouvait être Duncan. Il était bien forcé de reconnaître qu'il l'admirait; peut-être même voyait-il en cet homme quelque chose de lui-même. Cela dit, Duncan allait apprendre ce que cela signifiait de contrarier le grand Ra. Il allait apprendre à accepter gracieusement la mort. Il allait apprendre à se soumettre, comme le reste du monde.
On commença à entendre des cris. Ra regarda vers le bas et vit ses hommes lever épées et lances et tuer par derrière des hommes, des femmes et des enfants qui ne se doutaient de rien. Conformément à ses ordres, le sang se mit à couler dans les rues. Ra soupira, s'en contenta et en retira quelque satisfaction. Tous ces Escalonites allaient apprendre. C'était la même chose partout où il allait, dans chaque pays qu'il conquérait. Ils allaient payer pour les fautes de leur commandant.
Cependant, un bruit soudain fendit l'air. On l'entendait même par-dessus les cris qui venaient d'en dessous et Ra cessa ses rêveries avec un sursaut. Il ne comprenait pas ce que c'était, ni pourquoi ça le dérangeait à ce point. C'était un grondement grave et profond, quelque chose qui rappelait le tonnerre.
Juste au moment où il se demandait s'il l'avait vraiment entendu, le grondement résonna à nouveau, plus fort, et il se rendit compte qu'il ne venait pas du sol mais du ciel.
Déconcerté, Ra leva les yeux et scruta les nuages en s'interrogeant. Le son se fit à nouveau entendre, puis encore une fois et il sut que ce n'était pas du tonnerre. C'était quelque chose de bien plus menaçant.
Alors qu'il examinait les nuages gris qui déferlaient, Ra vit soudain une chose qu'il n'oublierait jamais. Il cligna des yeux, certain de l'avoir imaginée, mais il eut beau détourner le regard de nombreuses fois, la vision ne disparut pas.
Des dragons. Toute une volée.
Ils descendaient vers Escalon, toutes griffes dehors, les ailes dressées en crachant des flammes de feu. Et ils lui fonçaient droit dessus.
Avant qu'il ait même pu comprendre ce qui se passait, des centaines de ses soldats d'en dessous prirent feu dans le souffle des dragons et hurlèrent, prisonniers des colonnes de feu. Des centaines d'autres gémirent quand les dragons les taillèrent en pièces.
Alors qu'il restait figé sur place, paralysé par la panique et l'incrédulité, un énorme dragon le prit pour cible. Il visa son balcon, leva les griffes et plongea.
Un moment plus tard, il trancha la pierre en deux. Ra se baissa rapidement et le dragon le manqua de peu. Pris de panique, Ra sentit la pierre céder sous ses pieds.
Quelques moments plus tard, il sentit qu'il tombait, se débattit et hurla en plongeant vers le sol d'en dessous. Il s'était cru intouchable, plus grand que tous les autres.
Pourtant, la mort avait fini par le trouver.