Kitabı oku: «Une Promesse De Gloire », sayfa 3
Celui-ci regardait nerveusement de tous côtés, ses cheveux gras collés contre ses joues, l’air incertain. Il finit par crier :
– Nous avons reçu l'ordre de voler l'Épée !
Un murmure indigné éclata dans toute la pièce.
– Nous étions dix-neuf ! poursuivit le bandit. Une douzaine devait l'emporter à la nuit tombée au pont du Canyon, puis dans les Landes. Ils l’ont cachée dans un chariot qu’ils ont escorté sur le pont, pour que les soldats qui montent la garde n’imaginent pas ce qu’il y avait dedans. Les autres, nous sept, nous avons reçu l'instruction de rester après le vol. On nous a dit que nous serions emprisonnés, que ce serait une sorte de spectacle, puis que nous serions libérés. Mais au lieu de ça, mes amis ont tous été exécutés. Je l'aurais été aussi, si je ne m’étais pas échappé.
Un long murmure agité se répandit dans la salle du conseil.
– Et où emmènent-ils l'Épée ? pressa le commandant.
– Je ne sais pas. Quelque part à l'intérieur de l'Empire, loin.
– Et qui a commandité une telle chose ?
– Lui ! s’exclama le bandit en se tournant brusquement pour pointer un doigt osseux sur Gareth. Notre Roi ! Il nous a ordonné de le faire !
La salle éclata dans un murmure horrifié et des cris s’élevèrent jusqu'à ce qu’enfin, un conseiller frappe avec force sa canne de fer sur le sol et réclame le silence.
La salle se calma, mais à peine.
Gareth, déjà tremblant de peur et de rage, se leva lentement de son trône, et la salle se tut, comme tous les yeux se levaient vers lui.
Une marche à la fois, Gareth descendit l’escalier d'ivoire et ses pas résonnèrent entre les murs, au milieu d’un silence tellement épais qu’on aurait pu le couper au couteau.
Il traversa la salle du conseil, jusqu'à s’arrêter devant le bandit. Il planta sur lui un regard froid et l'homme se tortilla dans l’étreinte du commandant. Il regardait de tous côtés, sauf vers le Roi.
– Les voleurs et les menteurs sont traités d’une seule et unique manière dans mon royaume, déclara Gareth d’une voix douce.
Il tira soudain un poignard de sa ceinture et plongea la lame dans le cœur du bandit.
L'homme hurla de douleur, ses yeux exorbités, avant de s’effondrer, mort.
Le commandant dévisagea Gareth, les sourcils froncés.
– Vous venez d’assassiner un témoin contre vous, dit-il. Ne voyez-vous pas que cela ne plaide pas en votre faveur ?
– Témoin de quoi ? demanda Gareth en souriant. Les morts ne parlent pas.
Le commandant s’empourpra.
– N’oubliez point que je commande la moitié de l'armée du Roi. Vous ne ferez pas de moi le dindon de la farce. Étant donné ce que vous venez de faire, je ne peux que supposer que vous êtes coupable du crime dont cet homme vous a accusé. Si tel est le cas, mon armée et moi-même, nous ne vous servirons plus. En fait, je vous arrête pour trahison envers l'Anneau !
Le commandant fit signe à ses soldats et, comme un seul homme, plusieurs dizaines d’entre eux tirèrent leurs épées et s’avancèrent pour prendre Gareth.
Le seigneur Kultin fit quelques pas en avant, suivi d’autant de mercenaires, tous l’épée au clair.
Ils firent face aux soldats du commandant, Gareth au milieu d’eux.
Ce dernier adressa au commandant un sourire triomphal. Il avait l’avantage du nombre et il le savait.
– Personne ne m’arrêtera, ricana Gareth. Et certainement pas toi. Prends tes hommes et pars de ma cour ou tu subiras le courroux de mon armée privée.
Quelques secondes passèrent dans un silence tendu, avant que le commandant ne se retourne pour faire signe à ses soldats. Comme un seul homme, tous reculèrent, l’épée au poing.
– À partir de ce jour, tonna la voix du commandant, qu’il soit dit que nous ne te servons plus ! Tu feras face à l'armée de l'Empire tout seul. J’espère qu'ils te traiteront bien. Mieux que tu n’as traité ton père !
Les soldats quittèrent la salle en trombe, dans un grand fracas d’amures.
Un silence tomba sur les quelques dizaines de conseillers, domestiques et gentilshommes qui demeuraient. Ils se mirent à chuchoter les uns avec les autres.
– Laissez-moi ! cria Gareth. VOUS TOUS !
Tout le monde s’empressa de filer, y compris les mercenaires de Gareth.
Une seule personne s’attarda derrière les autres.
Le seigneur Kultin.
Il ne restait plus que lui et Gareth. Kultin marcha pour se porter à la hauteur de son maître et s’interrompit à quelque distance, comme pour le jauger. Comme d'habitude, son visage était inexpressif. Le visage d'un authentique mercenaire.
– Je ne me soucie pas de ce que vous avez fait ou pourquoi, commença-t-il de sa voix rocailleuse et sombre. Je ne me soucie pas de la politique. Je suis un guerrier. Je me soucie seulement du salaire que vous nous versez, à moi et à mes hommes.
Il fit une pause.
– Pourtant, j’aimerais savoir. Pour ma propre satisfaction. Avez-vous vraiment ordonné à ces hommes de prendre l'Épée ?
Gareth renvoya à l’homme son regard. Il y avait quelque chose dans ces yeux qu'il reconnaissait en lui-même : ils étaient froids, impitoyables, opportunistes.
– Et si je l’ai fait ? demanda Gareth en retour.
Le seigneur Kultin le dévisagea un long moment.
– Mais pourquoi ? demanda-t-il.
Gareth garda le silence, sans détourner le regard.
Les yeux de Kultin s’élargirent quand il comprit.
– Vous ne pouviez pas la manier, alors personne d’autre n’aurait dû le faire ? dit Kultin. Est-ce bien cela ?
Il songea aux conséquences.
– Quoi qu’il en soit, ajouta-t-il, vous saviez sûrement que l’éloigner affaiblirait le Bouclier et nous rendrait vulnérables.
Les yeux de Kultin s’élargirent encore, si c’était possible.
– Vous vouliez que nous soyons attaqués, n’est-ce pas ? Au fond, vous aimeriez voir la Cour du Roi détruite, réalisa-t-il soudain.
Gareth sourit pour toute réponse.
– Certains lieux, dit-il lentement, ne sont pas destinés à durer éternellement.
CHAPITRE CINQ
Gwendolyn était en marche, en compagnie de soldats, de conseillers, de domestiques, de l’Argent, de la Légion, ainsi que de la moitié de son peuple, tous fuyant la Cour du Roi – c’était presque une cité qui se déplaçait. Elle se sentait submergée par l’émotion. Bien sûr, elle se réjouissait d’échapper enfin à son frère Gareth, d’être loin de ses griffes et entourée de guerriers de confiance qui la protégeraient. Elle ne craignait plus d’être donnée en mariage à n’importe qui. Enfin, elle n’aurait plus à surveiller ses arrières à chaque instant, de peur d’être assassinée.
Gwen se sentait également émue et inspirée d’avoir été choisie pour guider et commander ce large groupe. Son entourage la suivait comme une sorte de prophète le long de l’interminable route menant à Silesia. Ils la considéraient comme leur chef – chaque regard qu’ils lui jetaient ne faisait que le confirmer. Tous attendaient beaucoup d’elle. En vérité, elle se sentait coupable en y pensant. Elle aurait préféré que l’un de ses frères ait cet honneur – n’importe qui, sauf elle. Cependant, elle savait que le peuple s’épanouissait d’avoir un chef juste et droit et elle serait heureuse de remplir ce rôle auprès des siens, surtout pendant leurs heures les plus sombres.
Gwen pensait à Thor, à leurs adieux émouvants au Canyon et cette pensée lui brisait le cœur. Elle l’avait vu disparaître de l’autre côté du pont, entre la brume, à la poursuite d’une quête qui le mènerait certainement à la mort. C’était une juste et belle cause, une cause qu’elle n’avait su lui refuser, une cause nécessaire au bien du royaume, au bien de l’Anneau. Mais pourquoi fallait-il que ce soit lui qui parte ? Elle aurait préféré qu’un autre prenne sa place. Maintenant, plus que jamais, elle aurait voulu qu’il soit à ses côtés. Pendant ces jours de turbulences et de changements, elle craignait pour sa vie. Elle ne pouvait imaginer vivre sans lui. L’idée seule lui donnait envie de pleurer.
Gwen prit une grande inspiration et tâcha de rester forte, car tous les regards se portaient vers elle pendant qu’ils marchaient – une caravane interminable progressant sur une route poussiéreuse, en direction du grand nord, vers la lointaine Silesia.
Gwen était encore choquée de quitter ainsi sa patrie et sa maison. Elle réalisait à peine que l’ancien Bouclier était tombé et qu’une armée avait traversé le Canyon. Des rumeurs venues de quelques lointains espions racontaient que Andronicus avait déjà abordé les rivages des McClouds. Elle ne pouvait y croire. Tout était allé si vite qu’elle avait du mal à l’accepter : après tout, il faudrait encore que Andronicus envoie sa flotte traverser l’océan. À moins que McCloud ne soit, de quelque façon, responsable du vol de l’Épée et qu’il ait orchestré la chute du Bouclier ? Mais comment ? Comment se serait-il débrouillé pour la voler ? Où l’emmènerait-il ?
Gwen sentait combien les gens autour d’elle étaient abattus. Elle pouvait difficilement leur en vouloir. La foule était oppressée par un sentiment de découragement et ce pour une bonne raison : sans le Bouclier, ils étaient sans défense. Ce n’était qu’une question de temps – aujourd’hui ou demain ou bien le jour suivant. Andronicus lancerait son invasion. Et quand il le ferait, le peuple ou l’armée n’aurait aucun moyen de le repousser. Bientôt ce lieu, et tout ce qu’elle avait appris à chérir, tout cela serait envahi. Tous ceux qu’elle aimait seraient tués.
Ils marchaient comme on marche vers la mort. Andronicus n’était pas encore là mais tous se sentaient déjà prisonniers. Elle se rappela les mots de son père : « conquiers le cœur d’une armée et tu remporteras la bataille. »
Gwen savait que c’était à elle de les inspirer, de leur insuffler ce sentiment de sécurité et peut-être également d’optimisme. Elle était déterminée à le faire. Elle ne laisserait pas ses propres angoisses ou son pessimisme lui dicter sa conduite dans un moment comme celui-ci. Et elle refusait de se laisser aller à l’apitoiement. Elle n’était plus seule dans cette histoire. Il fallait penser à ces gens, leurs vies, leurs familles. Ils avaient besoin d’elle. Ils comptaient sur elle.
Gwen songea à son père et se demanda ce qu’il aurait fait. Penser à lui la faisait sourire. Il aurait fait face avec courage, quelles que soient les circonstances. Il lui avait toujours dit de cacher ses peurs sous une vantardise. Tout au long de sa vie, maintenant qu’elle y réfléchissait, son père n’avait jamais eu l’air effrayé. Pas une fois. Peut-être que cette attitude n’avait été qu’une façade mais ç’avait été une très belle façade. Dans son rôle de chef, il avait su se mettre en scène à tout moment, il avait su que cette façade, plus encore que son autorité, était la chose dont le peuple avait eu besoin. Il avait été trop altruiste pour céder à ses propres angoisses. Elle prendrait son exemple : elle ne céderait pas non plus aux siennes.
Gwen balaya le groupe du regard et vit que Godfrey marchait à côté d’elle, en compagnie de Illepra, la guérisseuse. Les deux discutaient et, Gwen l’avait remarqué, semblaient s’apprécier et se plaire de plus en plus depuis que Illepra avait sauvé la vie de Godfrey. Gwen aurait aimé avoir également ses autres frères avec elle… Mais Reece était parti avec Thor. Gareth, bien sûr, lui était perdu à jamais. Kendrick se trouvait toujours dans son avant-poste, quelque part à l’est, et poursuivait ses efforts pour reconstruire ce lointain village. Elle lui avait envoyé un messager. C’était même la première chose qu’elle avait faite. Elle priait pour que celui-ci trouve Kendrick à temps et le ramène à Silesia, auprès d’elle. Il l’aiderait à défendre la ville. Alors, au moins, deux de ses frères, Kendrick et Godfrey, prendraient refuge à Silesia avec elle. Autant dire qu’ils seraient tous là-bas. À l’exception, bien sûr, de leur sœur aînée, Luanda.
Pour la première fois depuis longtemps, les pensées de Gwen se tournèrent vers Luanda. Il y avait toujours eu entre les deux sœurs une rivalité empreinte d’amertume. Gwen n’avait pas été surprise que Luanda saisisse la première occasion de fuir la Cour du Roi en épousant ce McCloud. Elle avait toujours eu beaucoup d’ambition et elle avait toujours voulu qu’on lui accorde de l’importance. Gwendolyn l’avait aimée et même admirée étant enfant. Cependant, Luanda, toujours compétitive, ne lui avait pas rendu son amour. Au bout d’un moment, Gwen avait cessé d’essayer de gagner son affection.
Pourtant, à cet instant, Gwen éprouvait de la compassion à son égard. Elle se demanda ce qui lui était arrivé après l’invasion des McClouds par Andronicus. Avait-elle été tuée ou le serait-elle ? L’idée faisait frémir Gwen. Elles avaient été rivales, mais elles restaient aussi des sœurs et Gwen ne souhaitait pas voir mourir Luanda avant son heure.
Gwen pensa à sa mère, le seul autre membre de sa famille laissé là-bas, abandonnée à la Cour du Roi, avec Gareth, toujours dans le même état. Une pensée glaçante. Malgré toute la colère qu’elle gardait contre sa mère, Gwen n’avait jamais voulu qu’elle finisse ainsi. Qu’arriverait-il si la Cour était envahie ? Sa mère serait-elle passée au fil de l’épée ?
C’était comme si toute la vie de Gwen tombait en morceaux autour d’elle. Parfois, il lui semblait que c’était hier : la chaleur de l’été, les noces de Luanda, un glorieux banquet, l’abondance à la Cour du Roi, elle-même et sa famille réunies, festoyant – et l’Anneau imprenable. Elle avait eu l’impression que cela durerait toujours.
À présent, tout s’était effondré. Rien n’était plus comme avant.
Une froide brise automnale balaya le groupe et Gwen remonta sur ses épaules son lainage bleu. L’automne avait été bien trop bref cette année. L’hiver frappait à leurs portes. Elle pouvait sentir le souffle glacé, plus épais et plus humide à mesure qu’ils remontaient le Canyon en direction du nord. Le ciel s’assombrissait et bientôt les airs s’emplirent d’un nouveau bruit : le cri des Oiseaux d’Hiver, ces vautours rouges et noirs qui volaient bas dès que la température baissait. Ils croassèrent sans cesser et ce tapage porta parfois sur les nerfs de Gwen. On aurait dit le bruit de la mort qui s’approche.
Depuis qu’elle avait fait ses adieux à Thor, ils remontaient le long du Canyon, en direction du nord. La route les mènerait dans la région et la ville les plus occidentales de l’Anneau : Silesia. Tandis qu’ils marchaient, l’étrange brume du Canyon s’élevait par vagues et s’accrochait aux chevilles de Gwen.
– Nous ne sommes plus très loin, Madame, dit une voix.
Gwen leva les yeux vers Srog qui se tenait à côté d’elle, vêtu de l’armure écarlate caractéristique de Silesia, flanqué de plusieurs de ses guerriers portant les bottes et la cotte de mailles rouges. Gwen était touchée par sa gentillesse à son égard, par sa loyauté à la mémoire de son père, par son offre de venir se réfugier à Silesia. Elle ne savait pas ce qu’elle et son peuple auraient fait sans lui. Sans doute seraient-ils encore coincés à la Cour du Roi, à la merci de la perfidie de Gareth.
Srog était un des seigneurs les plus honorables qu’elle ait jamais rencontrés. Comme il disposait de milliers de soldats et qu’il contrôlait la célèbre forteresse occidentale, Srog n’avait jamais vraiment eu besoin de prêter allégeance à qui que ce soit. Il l’avait fait pourtant, au père de Gwen. Il avait été délicat de trouver l’équilibre entre leurs deux pouvoirs. Du temps de son grand-père, Silesia avait eu besoin de la Cour du Roi mais, du temps de son père, beaucoup moins. En vérité, maintenant que le Bouclier était tombé et que la Cour se trouvait en plein chaos, c’étaient eux qui avaient besoin de Silesia.
Bien sûr, l’Argent et la Légion comptaient parmi les meilleurs soldats… Et il y avait les importantes troupes accompagnant Gwen, la moitié de l’armée du Roi. Pourtant Srog, comme de nombreux autres seigneurs, aurait pu se contenter simplement de fermer ses portes et les laisser seuls.
Au lieu de cela, il avait fait chercher Gwen, lui avait prêté allégeance et avait insisté pour leur offrir un refuge. Voilà une gentillesse que Gwen était bien décidée à lui rendre, un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre. Dans le cas, bien sûr, où ils survivraient tous.
– Ne vous inquiétez point, lui répondit-elle doucement en posant une main sur son poignet. Nous marcherions jusqu’à la fin du monde pour pouvoir entrer dans votre cité. Votre gentillesse est un bonheur pour nous dans ce moment difficile.
Srog sourit. C’était un guerrier d’âge moyen, marqué au visage par bien des cicatrices après une vie de batailles, aux cheveux brun rouge, à la mâchoire volontaire et imberbe. Un homme véritable. Pas seulement un seigneur, mais également un grand guerrier.
– Pour votre père, je n’hésiterais pas à me jeter au feu, répondit-il. Inutile de me remercier. C’est un grand honneur de payer la dette que je lui dois en me mettant au service de sa fille. Après tout, il souhaitait que vous preniez sa succession. En vous obéissant, c’est à lui que j’obéis.
Près de Gwen marchaient également Kolk et Brom. Derrière eux se faisait entendre la clameur incessante des éperons et des épées cliquetant dans leurs fourreaux, des boucliers raclant les armures – une cacophonie de bruits qui se déplaçait le long de l’arête du Canyon, toujours plus au nord.
– Madame, dit Kolk, je me sens terriblement coupable. Nous n’aurions pas dû laisser Thor, Reece et les autres partir seuls vers l’Empire. Nous aurions dû envoyer plus de volontaires. Je ne me le pardonnerai pas si quelque chose leur arrive.
– Ils ont choisi, répondit Gwen. C’était une question d’honneur. Ceux qui devaient y aller y sont allés, c’est le destin. Culpabiliser ne servirait à rien.
– Et que se passera-t-il s’ils ne reviennent pas à temps avec l’Épée ? demanda Srog. L’armée de Andronicus ne mettra pas longtemps avant d’arriver à nos portes.
– Alors il nous faudra faire face, dit Gwen avec fermeté, en tâchant de prendre l’air aussi courageux que possible, dans l’espoir de rassurer ses interlocuteurs.
Elle remarqua que les autres généraux se retournaient pour la dévisager.
– Nous nous défendrons jusqu’au dernier coup, ajouta-t-elle. Pas de retraite, ni de reddition.
Elle sentit que les généraux étaient impressionnés. Sa propre voix l’étonnait aussi, tout comme cette force jaillie de façon inattendue du fond d’elle-même. C’était la force de son père, celle de sept générations de Rois MacGil.
La route tournait soudain vers la gauche. Au détour du virage, le paysage dévoila un spectacle qui coupa le souffle de Gwen. De surprise, elle arrêta sa monture.
Silesia.
Gwen se rappelait avoir entendu son père parler de ses voyages dans la région, quand elle était encore enfant. C’était un lieu qui lui avait paru magique. Elle avait rêvé bien des fois de s’y rendre. À présent qu’elle posait les yeux sur la ville en tant que femme adulte, la vue lui coupait le souffle.
Silesia était la plus étrange cité que Gwen ait jamais vue. Toutes ces bâtisses, ces fortifications, cette pierre – tout était d’un rouge ancien et luisant. La partie haute de Silesia, élancée, verticale, entrecoupée de parapets et de flèches, se trouvait au niveau de la route, tandis que la partie basse descendait le long de la paroi du Canyon. La brume tourbillonnante soufflait par intermittence et l’enveloppait, ce qui faisait reluire la pierre rouge. Silesia semblait surgir des nuages.
Ses fortifications s’élevaient à trente mètres de hauteur, couronnées de merlons, flanquées d’une rangée interminable de murs. Une véritable forteresse. Même si une armée parvenait à percer ces murs, il lui faudrait encore descendre dans la partie basse de la cité, le long des éperons rocheux, et trouver son chemin sur la paroi du Canyon. C’était un pari et un risque qu’une armée d’invasion ne prendrait sûrement pas. Voilà pourquoi la cité se tenait là depuis des milliers d’années.
Les hommes s’arrêtèrent, bouche bée. Gwen sentit qu’eux aussi étaient ébahis.
Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit optimiste. Voilà un endroit qui leur conviendrait, loin des griffes de Gareth, un endroit qu’ils pourraient défendre. Un endroit qu’elle pourrait gouverner. Et peut-être, seulement peut-être, le royaume MacGil renaîtrait de ses cendres.
Srog restait là, les mains sur les hanches, contemplant sa propre cité comme s’il la voyait pour la première fois, ses yeux brillants de fierté :
– Bienvenue à Silesia.