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Kitabı oku: «Le barbier de Séville; ou, la précaution inutile», sayfa 8

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II

NOMENCLATURE DES PIÈCES COMPRISES DANS LES SEPT VOLUMESDE MANUSCRITS ACHETÉS A LONDRES
TOME Ier. —Œuvres diverses

1º Plusieurs chansons; apologues, poésies, vers au chevalier de Conti et à d'autres personnages, etc…

2º Chanson de table.

En voici le premier couplet:

 
Versons, versons à grands flots
Le doux jus de la treille:
L'on ne trouve les bons mots
Qu'au fond d'une bouteille
Dans tout festin
C'est le bon vin,
Chers amis, qui fait dire
Le petit mot (bis) pour rire!
 

3º Stances à diverses personnes.

4º Vers à Mme du Deffant, à la duchesse de Choiseul, à Mme Necker, au roi de Prusse, etc…

5º Fragments d'une épître.

6º Bouquet à Mme X… femme charmante qui porte le nom d'Antoinette et vient d'accoucher de deux enfants.

Les Délices de Plaisance, vers.

La Naissance de Vénus, strophes:

 
L'onde roule et s'enfuit;
C'est Vénus qui paraît, l'univers se colore!
L'éclat qui la suit
Plus brillant que l'aurore,
Dissipe la nuit.
 

9º Poésies diverses.

10º Cantique, avec musique.

11º Un recueil de pièces de tous genres, relatives à Beaumarchais, sous ce titre général: Poésies qui lui sont adressées.

12º Partie théâtrale, comprenant:

A. Colin et Colette, scène en un acte, en prose, à quatre personnages: Thibaut, Colin, Mathurine et Colette;

B. Les Bottes de sept lieues, parade en un acte, en prose, avec les cinq personnages traditionnels de la farce italienne: Gilles, Cassandre, Léandre, Arlequin et Isabelle (avec couplets et musique);

C. Les Députés de la Halle et du Gros-Caillou, scène en prose de poissardes et de maîtres pêcheurs, avec quatre personnages: la mère Fanchette, la mère Chaplu, Cadet Heustache et Jérôme. Cette petite pièce, en langue vulgaire de la halle, a été composée avec musique et couplets.

Ces diverses parades ne sont pas toutes de Beaumarchais, non plus que celles indiquées plus loin au tome V. Quelques-unes sont bien de lui en effet, et même parfois écrites de sa main; d'autres au contraire sont attribuées à sa sœur Julie, qui était, après l'auteur du Barbier, la plus lettrée de sa famille172.

13º Une lettre en prose, relative à son théâtre, adressée «aux auteurs du Journal».

14º Une lettre relative au Mariage de Figaro, adressée «aux auteur du Journal de Paris» et datée du 2 mars 1785.

15º Une autre longue lettre, surchargée et raturée et des plus détaillées sur son théâtre, jusques et y compris le Mariage de Figaro. Cette lettre, retouchée et refondue, deviendra la préface de la Folle journée.

16º Une petite note très-curieuse contenant des observations critiques relatives à diverses scènes du Barbier, opéra-comique173.

17º Une lettre «aux auteurs du Journal» relative à la Mère coupable, datée du 16 juin 1795, et signée simplement Beaumarchais, sans particule;

Elle se termine ainsi: «Si vous n'aimez pas à pleurer, ah! cherchez un autre spectacle; nous n'avons rien à celui-ci que des larmes à vous offrir!»

18º Lettre aux rédacteurs de la Chronique, relativement au Mariage de Figaro.

TOME II. —Œuvres diverses

1º Mémoire justificatif «au roy» relatif au Mariage de Figaro, avec signature.

2º Pièces relatives à ses travaux dramatiques.

3º Trois pièces imprimées:

A. Avis sur les éditions des œuvres de Voltaire, avec les caractères de Baskerville;

B. Dialogue entre un père de famille et un vicaire de Paris, le jour qu'on lui a demandé sa fille en mariage;

C. Pétition de Pierre-Augustin-Caron Beaumarchais, à la Convention nationale, relative au décret d'accusation rendu contre lui dans la séance du 28 novembre 1792.

4º Une page sur la Folle Journée.

5º Une page relative à diverses affaires.

6º Pièce au sujet du procès avec Kornman.

7º Pièce relative à l'opéra de Tarare.

8º Plusieurs pièces, badinages, vers: «Mes réflexions sur l'amour propre, Mon rêve, etc…»

9º Une note fort curieuse, de la main même de Beaumarchais et relative à l'un de ses duels, avec lettres diverses sur cette affaire.

Beaumarchais s'était chargé d'un achat de diamants pour un M. de Meslé. Le règlement de cette affaire donna lieu à un échange de lettres dont quelques-unes se trouvent dans les papiers achetés à Londres. Cette affaire faillit même avoir une issue assez tragique, qui tourna subitement au grotesque, ainsi que le fait voir la note suivante de Beaumarchais:

Octobre 1762.

M. de Meslé m'ayant rencontré à la Comédie, me parla légèrement des lettres ci-jointes (suivent des lettres de M. de Meslé, de Beaumarchais et d'un prince de Belocelsky mêlé à l'affaire) et me dit que quelque jour il en aurait raison. Je l'entraînai sur-le-champ contre la fontaine, rue d'Enfer174, et après bien des difficultés, je le forçai de dégaîner. Il m'objectait son épée de deuil, et moi je n'avais que ma petite épée d'or. Après lui avoir fait une éraflure à la poitrine, il me cria que j'abusais de mes avantages, et que s'il avait sa bonne épée, il ne reculerait pas ainsi. Il me donna parole pour onze du soir, à recommencer. J'y consentis, je fus souper chez la demoiselle aux diamants, où La Briche, introducteur des ambassadeurs, m'offrit de prendre mon épée et de me prêter pour ce soir-là, sa fameuse flamberge. Je fus à l'hôtel de Meslé, où le cher marquis, tapi dans ses draps, me fit dire qu'il avait la colique et qu'il me verrait le lendemain. Il vint en effet, me fit des excuses que je le forçai sur-le-champ de venir réitérer chez le prince de Belocelsky, notre ami commun, ce qu'il fit. En renvoyant l'épée de M. de La Briche, je lui écrivis la plaisanterie175 suivante:

 
Je vous renvoie la Gondrille,
Et personne n'a gondrillé,
Parce que j'ai trouvé mon drille
Dans son lit tout recoquillé.
.....
La Gondrille n'ayant ce soir
Rien fait que d'enfiler des perles,
Je vous la rends; jusqu'au revoir,
Adieu le plus gentil des merles.
 

10º Les deux fameuses lettres176 écrites les 15 et 16 août 1774, «en bateau sur le Danube» et «à Vienne», relatives à la fameuse histoire des brigands.

11º Lettre au prince de Ligne, sur l'invention d'un instrument, l'aérocorde, par un nommé Fschirszcki (26 fevrier 1791).

12º Lettre à M. Legrand-Delaleu, avocat (11 mars 1786), relative à son mémoire justificatif.

13º Curieuse lettre de M. Bossu, curé de Saint-Paul, à Beaumarchais (11 mars 1788). Il se plaint de ce que les ouvriers travaillent le dimanche, «jour dont l'observation est prescrite par la loi divine et par celle de l'Etat», à sa maison du boulevard. Beaumarchais lui répond une lettre non moins curieuse qui est jointe, ici, à la précédente177.

14º A M. Pérignon, prêtre (3 septembre 1789) relative à une demande d'argent178.

15º Lettre d'envoi, au roi de Suède, d'un exemplaire, sur grand papier, du Mariage de Figaro.

16º Lettre relative à une vente d'exemplaires de l'édition de Voltaire.

17º Épîtres diverses, en vers et en prose, soit de Beaumarchais, soit d'autres personnages lui écrivant ou lui répondant.

TOME III. —Relatif à la Diplomatie

Le Sens commun, longue pièce de cinquante grandes pages, adressée aux habitants de l'Amérique.

2º Mémoire sur la situation de l'Espagne.

3º Pièce relative au commerce avec l'Angleterre: «Projets pour commercer dans la nouvelle Angleterre.»

4º Essai sur les manufactures d'Espagne.

5º Mémoire relatif aux établissements de Madagascar.

6º Note sur la monnaie courante des États-Unis d'Amérique.

7º Note sur le commerce des Français avec les Américains.

8º «Avis aux Américains, ou Mémoire pour les convaincre de la nécessité de se réduire à la guerre de poste et de se pourvoir de plusieurs bons ingénieurs.»

9º Mémoire relatif à l'état actuel de l'Inde.

10º Plusieurs petits mémoires relatifs à des «instructions secrètes sur le ministère d'Espagne, au sujet de l'affaire de la concession de la Louisiane.»

11º «Essai sur le projet de population, défrichement et agriculture de la Sierra Morena, demandé par M. de Grimaldy.» (Deux copies.)

TOME IV. —Pièces de théâtre

1º Un très-curieux manuscrit de: «Le Barbier de Séville, ou la Précaution inutile», daté de 1773, avec ratures, surcharges et annotations diverses relatives à sa mise en scène, et la plupart de la main même de Beaumarchais.

L'Ami de la maison, drame en trois actes, dédié «à Bazilide». – Sans date.

TOME V. —Pièces de théâtre

Léandre, marchand d'agnus, médecin et bouquetière, parade en six scènes, avec chants et symphonie. (De la main même de Beaumarchais.)

Jean Bête à la foire, parade en dix scènes avec chant179.

Personnages: Jean Bête; Jean Broche le père; Jean Broche la mère; Mme Oignon, gargotière; Mme Tiremonde, sagefemme; Mlle Tripette, maîtresse de Jean Bête; Troufignon, apothicaire.

Les Députés de village, opéra-comique en trois actes, avec ariettes. (Il n'est pas possible de dire si cette pièce est de Beaumarchais.)

Laurette, comédie en trois actes, en prose, tirée des Contes nouveaux de M. de Marmontel, par M. P. de B., ancien officier, ex-aide de camp.

On lit la note suivante sur la première page:

«Reçue au Théâtre Italien le 20 mai 1778, jouée le 15 juillet et retirée le 16 du même mois.»

La Nouvelle Direction, comédie en vers en un acte, mêlée de chants et de danses, par l'auteur de Laurette.

La Fête militaire, divertissement suisse en quatre scènes, et les apprêts de la fête; ambigu-comique en seize scènes, avec chant. (Sans indication de nom d'auteur.)

Zoraïr, tragédie en cinq actes, par Mercurin fils, de Saint-Remy, en Provence.

«Envoyée à M. de Beaumarchais, le 14 avril 1786, pour donner son avis.»

On lit en Post-Scriptum, dans la lettre d'envoi:

«Ne me jugez pas sans me lire; c'est là notre malheur, à nous provinciaux. Je ne suis pas encore dans ma vingt-quatrième année, mais j'ai beaucoup de sensibilité, et j'ai beaucoup voyagé.»

TOME VI. —Affaires d'Éon

1º Plusieurs pièces manuscrites et imprimées de «la chevalière d'Éon».

2º Une pièce satirique adressée: «au très-haut, très-puissant seigneur, monseigneur CARON OU CARILLON, dit Beaumarchais… Seigneur utile des forêts d'agiot, d'escompte, de change, rechange et autres rotures… par Charlotte-Geneviève-Louise-Auguste-Andrée-Timothée d'ÉON de BEAUMONT, connue jusqu'à ce jour sous le nom de chevalier d'Éon, ci-devant docteur consulté, censeur écouté, auteur cité, dragon redouté, capitaine célébré, négociateur éprouvé, plénipotentiaire accrédité, ministre respecté, aujourd'hui pauvre fille majeure, n'ayant pour toute fortune que les louis qu'elle porte sur elle et dans son cœur. (Suit la pièce. – Elle a été imprimée à Londres.)

3º Deux pièces en latin, français et anglais relatives à la même affaire. La première commence ainsi:

«Le sexe du célèbre chevalier d'Éon est enfin révélé. C'est au genre féminin qu'il a l'honneur d'appartenir…»

4º Vers de Beaumarchais sur la chevalière d'Éon:

 
......
Elle agit en bravache et parle en harengère,
La vérité jamais n'eut un semblable ton.
......
 

5º Un petit poëme en vers:

La belle Circassienne, ou Salomon et Saphyra, poëme dramatique en huit chants, imité de l'anglais du grave docteur Cronall.

Interlocuteurs: Lui, Elle, Chœur de Vierges.

On lit au bas de ce manuscrit, et d'une autre écriture que celle du manuscrit même: «par M. de Saint-Maur.»

6º Copie de ma lettre à Mlle d'Éon, en date du: «3 août 1776.»

Immense lettre, qui est plutôt un mémoire, plusieurs fois longuement annotée dans la marge des pages. On lit sur le premier feuillet:

«J'ai écrit deux lettres avant celle-ci à Mlle d'Éon, que je n'ai pas jugé à propos de lui envoyer, réprimant autant qu'il a été en moi ma sensibilité aux outrages que j'avais reçus parce qu'elle était Elle et non pas Lui180.

7º Une autre lettre du même à la même, en date du 7 août suivant.

8º Une réponse de la «chevalière d'Éon».

9º Lettre de Beaumarchais répondant à la précédente. Il y est longuement question du fameux chevalier de Morande.

TOME VII. —Œuvres théâtrales

Un manuscrit de la Mère coupable, drame en cinq actes.

III

L'AMI DE LA MAISON
DRAME INÉDIT EN TROIS ACTES
NOTICE
I
UN DRAME INÉDIT DE BEAUMARCHAIS

Nous ne donnons pas le drame l'Ami de la maison comme un bon drame, tant s'en faut! En le trouvant dans les papiers inédits de Beaumarchais, nous avions, au premier abord, estimé notre découverte à l'égal d'une bonne fortune, et nous nous disposions à offrir au public une primeur littéraire de haut goût et de véritable valeur; mais, hélas! la lecture de l'Ami de la maison nous a bien vite désabusé, et à un tel point que nous nous sommes demandé tout d'abord si ce drame, si lourdement larmoyant, était bien authentiquement de Beaumarchais lui-même.

Au Théâtre-Français les avis sont partagés sur ce point: le savant administrateur de la Comédie, M. Édouard Thierry, nous a semblé douter, sans se prononcer cependant plutôt dans un sens que dans l'autre; les volumes manuscrits achetés à Londres contiennent, comme on l'a vu ci-dessus, beaucoup de papiers de toutes provenances, et surtout quelques œuvres théâtrales qui ne sont pas de Beaumarchais. L'Ami de la maison fait-il partie de ces dernières? C'est là une question délicate et assez difficile à résoudre. L'excellent archiviste, M. Léon Guillard, pencherait plutôt pour l'affirmative pure et simple; il a même fait, pour l'Ami de la maison, un travail préparatoire d'appropriation à la scène, que la Comédie jouera peut-être quelque jour, comme curiosité dramatique et en se bornant, sur son affiche, à «attribuer» le drame à Beaumarchais.

Quant à nous, nous voulons admettre, sinon croire et affirmer absolument, que l'Ami de la maison est bien de Beaumarchais lui-même. Le manuscrit n'est pas de sa main, cela est vrai; mais les deux notes qu'il contient, et dont l'une est assez longue, ont été évidemment écrites par lui. Nous avons rapproché de ces deux notes un autographe de Beaumarchais, et sur ce point il ne saurait y avoir doute pour nous. Or, ces notes ne sont pas indifférentes, la première surtout, où l'auteur s'adresse directement au public pour lui parler de lui-même et de sa situation présente. L'auteur s'y montre modeste, qualité qui lui était peu habituelle, mais qui doit ici servir à mieux préciser l'époque où son drame aurait été composé. Nous l'appellerons volontiers une œuvre de jeunesse, et nous supposerons qu'elle remonte au temps des Deux Amis. C'est du Beaumarchais lourd et diffus, encore en quête de sa voie, et qui fait du théâtre comme il fait de tout, et parce qu'il était dans sa nature de se mêler de tout et de vouloir faire de tout. Si l'Ami de la maison est bien de Beaumarchais, c'est un drame tout à fait à l'état d'ébauche, et des plus mal présentés comme des plus mal venus.

Cependant le sujet en est essentiellement dramatique, mais l'auteur a faibli dans ses détails et dans ses développements. Le personnage principal de la pièce, qui sait, dès le lever du rideau, qu'il est trompé à la fois par sa femme et par son ami, ne se rencontre avec eux que tout à fait à la fin du drame, dans une scène trop courte et sans conclusion satisfaisante. Le dénoûment de l'œuvre est nul; le châtiment de la femme – s'il lui en est réservé un – n'est pas indiqué; celui de l'amant ne consiste que dans son éloignement; et comme il semble déjà fatigué de sa maîtresse, il est peu probable que son absence ne sera pas précisément le contraire d'un châtiment. Sur les cinq personnages de la pièce, un, M. de Montmécourt, est parfaitement inutile, je dirai plus, il est complétement nuisible à la marche rapide de l'action. Un semblable sujet demande à être exposé avec autant de dextérité que de précision; il ne faut ici ni conversations oiseuses, ni incidents sans valeur et éloignés du fond même du drame. L'action ne saurait être impunément embarrassée; elle ne doit pas languir un seul instant pour être supportable. Or dans l'Ami de la maison on trouve plusieurs tirades d'une longueur tellement démesurée que l'auteur lui-même a cru devoir, dans la note dont j'ai parlé plus haut, s'en excuser publiquement. A la rigueur, cela peut se comprendre dans le drame écrit; mais, au théâtre, personne n'admettra l'excuse, et je ne suppose pas qu'il était entré dans l'esprit de Beaumarchais, – si le drame est bien de lui – de faire réciter par l'acteur son excuse, avant ou après sa tirade. Donc, drame diffus, encombré de scènes parasites, augmenté d'un personnage inutile et malhabilement charpenté; erreur de l'auteur, qui fait passer sous nos yeux une action terrible, où un mari outragé, et qui doit désirer ardemment et avant toutes choses une explication qui satisfasse à la fois son honneur et son repos, passe son temps en conversations insipides et en déclamations déraisonnables, au lieu d'aller tout de suite droit à ceux qui lui ont ravi son bonheur, pour obtenir d'eux et à tout prix cette indispensable explication.

Toutefois, il nous a semblé curieux de donner au public, sinon la reproduction textuelle de ce drame malhabile, au moins son analyse détaillée. La pièce, telle qu'elle existe aux archives de la Comédie, serait d'une lecture tellement fastidieuse que je doute qu'elle eût chance d'être poursuivie jusqu'au bout. Le lecteur en aura une idée très-suffisante avec le résumé, scène par scène, que nous plaçons ci-après sous ses yeux. D'ailleurs, le Théâtre-Français se réservant de mettre peut-être un jour à la scène, après de nombreux remaniements, ce drame inconnu et inédit, il vaut mieux, dans l'intérêt d'une représentation douteuse mais possible, que ses développements ne soient pas déflorés à l'avance par sa publication complète.

II
L'AMI DE LA MAISON ET LE SUPPLICE D'UNE FEMME

Mais, outre l'intérêt qui doit s'attacher à une œuvre inédite de Beaumarchais ou pouvant lui être attribuée, le drame l'Ami de la maison nous offre encore un autre genre d'attrait et de curiosité qui a en même temps le vif et piquant mérite de l'actualité. On retrouve dans une pièce jouée tout récemment et avec éclat au Théâtre-Français, le Supplice d'une femme181, non-seulement le sujet même de l'Ami de la maison, mais encore certaines scènes absolument analogues à d'autres scènes du premier drame, et surtout – à un près dont l'inutilité est flagrante – le même nombre de personnages, du même sexe du même âge et du même caractère, remplissant identiquement les mêmes rôles.

Nous devons dire tout d'abord – et c'est ce qui augmente encore la singulière étrangeté de la rencontre – qu'on ne saurait en cette circonstance crier au plagiat, ni accuser, soit M. de Girardin, l'auteur du drame moderne, soit M. Dumas, fils, son intelligent élagueur et arrangeur, puisque le Supplice d'une femme à été représenté au Théâtre-Français fort peu de temps après l'achat des manuscrits trouvés en Angleterre, et qu'à Londres, les papiers de Beaumarchais étaient, ainsi qu'on l'a vu plus haut, aussi complétement ignorés que possible. Donc, en composant son drame, M. de Girardin ne connaissait pas l'Ami de la maison, et l'étonnante ressemblance que je signale entre les deux pièces est absolument l'effet du hasard182.

Ceci bien posé et admis, il est d'autant plus curieux et intéressant d'établir entre l'Ami de la maison et le Supplice d'une femme les points principaux de leur bizarre analogie.

1º L'AMI DE LA MAISON, drame en trois actes

Six personnages: M. de Saint-Pré (Dumont, du Supplice d'une femme); Madame de Saint-Pré (Madame Dumont); M. de Valchaumé (Alvarez); Mademoiselle de Saint-Pré (Jeanne); Madame de Mainville (Madame Larcey); M. de Montmécourt, personnage épisodique et inutile, et le seul qui ne se retrouve pas dans le drame de MM. de Girardin et Dumas fils.

Dans l'Ami de la maison, un homme, M. de Saint-Pré, a recueilli, logé et hébergé chez lui, par charité, sympathie et affection, un autre homme, M. de Valchaumé, qui, abusant de la confiance de son hôte, parvient à séduire sa propre femme. Le mari sait bientôt la fatale vérité; la femme apprend par une amie, Madame de Mainville, que cette vérité est connue et presque publique. Cette amie lui conseille d'éloigner au plus vite son amant. Discussion entre la maîtresse et l'amant; celui-ci veut fuir seul, mais celle-là veut fuir avec lui; tous deux sont indécis sur le parti à prendre; survient le mari, il provoque l'amant, qui refuse de se battre et qui, tout à coup, tombant aux pieds de l'homme qu'il a outragé, obtient à la fois – du moins tout donne lieu de le penser – l'oubli pour lui et le pardon pour sa maîtresse; la brusque fin de la pièce, sans conclusion aucune, laissant le champ libre à toutes les suppositions.

2º LE SUPPLICE D'UNE FEMME, drame en trois actes

Un homme, Dumont, a pour associé un autre homme, Alvarez, devenu son ami et son commensal, et qui, abusant de la confiance de son hôte, parvient à séduire sa propre femme. Cet homme ignore la fatale vérité; sa femme apprend par une amie, Madame Larcey, que cette vérité est connue et presque publique. Cette amie lui conseille ou de marier son amant ou de l'éloigner au plus vite. Discussion entre la maîtresse et l'amant; ce dernier veut enlever sa maîtresse, qui, dans l'horreur de sa faute et aussi de son amant, livre elle-même le secret terrible à son mari. Celui-ci ne veut ni duel ni scandale; il chasse son déloyal associé en se ruinant par une liquidation précipitée, et il éloigne sa femme pour un temps indéterminé.

Donc le fond des deux pièces est tout à fait le même; la différence existe seulement dans les développements et les détails.

J'ai sous les yeux deux éditions du Supplice d'une femme, l'une conforme à la représentation183 et qui est la pièce retouchée, travaillée à nouveau, en un mot refaite et rendue possible par M. Dumas fils; l'autre qui est la pièce elle-même dans son état primitif184 et avant le travail opéré à son endroit par l'habile auteur du Demi-Monde. Eh bien! je ne crains pas de le déclarer, la première version185 de la pièce de M. de Girardin, telle qu'elle a été publiée, est pour le moins aussi mauvaise et aussi impossible à la scène que le drame touffu l'Ami de la maison, qui deviendrait peut-être une bonne pièce à son tour s'il était livré également, en vue de la représentation, à la dextérité d'un aussi habile arrangeur. Donc les deux pièces ont encore une ressemblance de plus, puisqu'on y trouve à égale dose la même inexpérience et les mêmes abus de discours parasites, de déclamations oiseuses et de scènes inutiles.

Rapprochons maintenant les personnages:

Dans l'Ami de la maison, M. de Saint-Pré est certes un homme de bien, mais d'une confiance peut-être un peu aveugle, et qui abuse du droit qu'un honnête homme a de se plaindre, au lieu de chercher tout d'abord sinon le remède de son mal, au moins son explication et au besoin sa vengeance.

Dans le Supplice d'une femme (édition Girardin)186, Dumont est, au fond, un homme d'un caractère absolument semblable et qui n'eût pas été plus possible à la scène que ne le serait M. de Saint-Pré, si M. Dumas fils n'était heureusement intervenu.

Madame de Saint-Pré hésite entre son devoir et son amant; elle paraît cependant plus portée à se garder à son séducteur, puisqu'elle veut, à un certain moment, se faire enlever par lui; ses remords, fort déclamatoires, n'ont l'air que médiocrement solides.

Le rôle et le caractère de Madame Dumont sont tout différents, mais ils diffèrent précisément sur les mêmes points et les mêmes incidents. Elle aussi elle hésite entre son devoir et son amant, mais c'est par haine pour celui qui l'a séduite; c'est lui qui propose la fuite qu'elle repousse avec horreur; mais cependant ce sont bien les deux mêmes femmes, coupables toutes deux, toutes deux prises de remords et revenant à leurs maris, non pas d'elles-mêmes mais par le même motif et la même conclusion, la découverte de leur faute et l'expulsion de leur amant.

Valchaumé de l'Ami de la Maison n'est pas plus intéressant ni sympathique qu'Alvarez du Supplice d'une femme; ils n'ont ni l'un ni l'autre le mérite du repentir; ils cèdent à la force, ils ne rendent point de leur plein mouvement et de leur volonté au mari qu'ils ont trompé la femme qu'ils ont séduite: ils sont violents tous deux, et ils deviennent même parfois ridicules187.

Madame Larcey, la coquette du Supplice d'une femme, et Madame de Mainville, sont toutes deux femmes du monde, brillantes et légères. Seulement la coquette du drame de Beaumarchais est à peine indiquée, tandis que Madame Larcey est plus vivement et plus nettement caractérisée, surtout dans la pièce primitive, où son rôle a même des développements inutiles. Remarquons aussi que ces deux femmes jouent absolument le même rôle révélateur, qu'elles servent à tendre, dès le commencement du drame, la suite et l'intérêt de l'intrigue, et ce dans une scène qui, à part les détails, est absolument identique.

Nous retrouvons aussi dans les deux drames une petite fille innocente, sautillante et gracieuse; seulement, dans la pièce moderne, elle a un rôle intéressant, touchant, indispensable même à la marche de la pièce, dont elle est le personnage le plus attendrissant et le plus sympathique.

Dans l'Ami de la maison la petite fille n'est qu'un personnage incidemment amené, à peine ébauché pour ainsi dire, mais suffisamment cependant pour que nous trouvions, ici encore, un nouveau point de rapprochement: les deux enfants ont une prédilection marquée pour l'amant de leur mère, qui a pour eux la même affectueuse familiarité.

Nous allons encore trouver de nouvelles et curieuses comparaisons a établir entre quelques scènes des deux drames.

Dans l'Ami de la Maison M. de Saint-Pré sait, dès le commencement de la pièce, que sa femme et son ami le trompent; il le sait même depuis longtemps, et il garde le silence sur son injure, circonstance qui fait de lui un héros assez pusillanime et moins intéressant, certes, que Dumont du Supplice d'une Femme, qui, en apprenant le coup porté à son honneur, cherche aussitôt et sans désemparer – je parle cette fois de la pièce remaniée – le moyen le plus convenable pour le rétablir et le sauvegarder, au moins publiquement.

Toute la scène où Madame Larcey vient raconter à Madame Dumont les soupçons auxquels sa conduite donne lieu est absolument en même situation dans l'Ami de la maison. Lisez dans la pièce même de M. de Girardin (Édition avant Dumas fils) la scène Ve du IIe acte entre les deux femmes, et rapprochez-la de la scène IIe du Ier acte du drame de Beaumarchais. Comparez aussi, dans les deux pièces, les deux scènes d'explication entre les amants, vous y retrouverez la même aigreur, la même vivacité d'expression et surtout la situation parfaitement identique de cette femme séduite et de son séducteur se débattant comme ils peuvent contre la force des choses qui fatalement les accable, se mettant en fureur, maudissant le sort, se révoltant l'un contre l'autre, non pas tout à fait poussés par le même genre de sentiment et d'émotion, mais agissant de concert sous la pression de la même nécessité et arrivant à un égal résultat.

Enfin, rapprochez encore la scène d'explication entre le mari et l'amant, toutes deux au IIIe acte, dont les deux pièces, toutes deux si parfaitement en situation semblable 188 . La même provocation de l'amant par le mari se retrouve dans cette même scène, différemment présentée, il est vrai, mais produisant le même effet et aboutissant de la même façon.

Et maintenant, admettons pour un instant – si l'Ami de la maison est destiné à être joué, – admettons, dis-je, qu'un homme habile et expérimenté, comme l'auteur du Fils naturel, consente à exécuter sur le drame de Beaumarchais un travail aussi sérieux et aussi heureux surtout189 que celui dont il a bien voulu se charger pour l'élucubration impossible de M. de Girardin, n'aurons-nous pas aussi un drame parfait, logique, solide et poignant, au moins autant que les trois actes émouvants du drame remanié le Supplice d'une femme? Mais, en attendant la soirée possible qui verrait la mise à la scène de cette pièce singulière si étrangement exhumée, les points de ressemblance que j'ai signalés, les rapprochements si complétement identiques que j'ai indiqués, l'ensemble, en un mot, de ces trois actes anciens retrouvés, renouvelés, imaginés une fois encore aujourd'hui par un écrivain qui ne les connaissait pas, qui ne pouvait pas les connaître, serviront au moins – en dehors de la curiosité légitime qui doit s'attacher à une œuvre inédite de Beaumarchais – à prouver une fois de plus au lecteur qu'en fait d'œuvres théâtrales ou autres, il n'y a vraiment plus, quoi qu'on puisse dire, beaucoup de nouveau sous le soleil.

GEORGES D'HEYLLI.

Octobre 1869.

172.Voyez l'appendice IV.
173.Nous avons donné cette pièce dans notre notice sur le Barbier.
174.La Comédie-Française était alors au faubourg Saint-Germain, rue de l'Ancienne-Comédie.
175.Pièce de vers badine et médiocre dont je donne seulement la première et la dernière strophe.
176.Avec un curieux post-scriptum resté inédit.
177.Cette lettre fait partie de la correspondance publiée par Gudin, lettre XXXIX, 7º vol. des Œuvres complètes.
178.Cette lettre ne figure pas dans l'édition de 1809.
179.M. de Loménie, qui a sans doute de bonnes raisons pour le faire, ayant eu entre les mains tous les papiers de Beaumarchais possédés par sa famille, attribue positivement cette farce à Beaumarchais lui-même, et il la déclare excellente et parfaite en son genre.
180.Beaumarchais, si fin et si expérimenté en matière de ruses et de supercheries, se laissa pourtant prendre, comme tant d'autres, à l'imposture de la chevalière d'Éon, qui était bien en réalité un chevalier, ainsi que le prouva son autopsie, faite en Angleterre, où d'Éon résidait, le jour même de sa mort, 21 mai 1810, par le docteur Copeland, en présence de plusieurs témoins, et entre autres du Père Élysée, premier chirurgien de Louis XVIII. «D'Éon, dit le rapport, avait été un homme parfaitement conformé.»
181.Drame représenté pour la première fois au Théâtre-Français le 26 avril 1865.
182.Nous savons de plus, par des renseignements pris sur place et aux meilleures sources, que M. de Girardin n'a «jamais» mis les pieds aux archives de la Comédie-Française. D'ailleurs sa franchise bien connue et la tournure indépendante de son esprit défendent toute supposition d'imitation ou de plagiat dissimulé.
183.Le Supplice d'une femme, drame en 3 actes avec une préface. 1 volume in-8º, paru depuis en in-18, Paris, Michel Lévy, 1865.
184.Le Supplice d'une femme, drame en 3 actes, reçu par le comité du Théâtre-Français le 14 décembre 1864 (tiré à 100 exemplaires).
  Lire aussi, pour être tout à fait au courant de la discussion très-vive qui s'éleva entre M. de Girardin et son collaborateur au sujet des remaniements que ce dernier fit subir au Supplice d'une femme, la curieuse brochure de M. A. Dumas fils: Histoire du Supplice d'une femme (réponse à la préface de M. de Girardin). 1 vol. in-8º, Paris, Michel Lévy, 1865.
185.Cette première version a elle-même beaucoup de variantes; les archives du Théâtre-Français conservent plusieurs textes différents, retouchés et modifiés par M. de Girardin lui-même avant la bienheureuse intervention de M. Dumas fils.
186.Il est bien entendu que l'analogie que je signale est surtout et beaucoup plus frappante avec le Supplice d'une femme avant les réductions et amputations que lui fit subir l'auteur de Diane de Lys.
187.Lisez dans la pièce primitive de M. de Girardin la longue et étrange scène d'explication qui a lieu entre les deux amants, rapprochez-la de la scène analogue dans l'Ami de la maison, puis comparez.
188.Je parle toujours, et ici surtout, du drame même tel qu'il a été conçu et d'abord exécuté par M. de Girardin.
189.Et je le répète, le lecteur d'ailleurs le verra bien aussi avec l'analyse que je lui donne de l'Ami de la maison, ce drame, sans un remaniement obligé ne serait certainement pas joué, malgré le renom éclatant de son auteur vrai ou supposé, jusqu'à la fin de son troisième acte.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
03 temmuz 2017
Hacim:
180 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain

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