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Kitabı oku: «La fille du ciel», sayfa 4

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SCÈNE IX

LES MÊMES, moins L'EMPEREUR et PUITS-DES-BOIS, DES OFFICIERS DU PALAIS, PORTE-FLÈCHE

L'IMPÉRATRICE

Qu'y a-t-il?

UN OFFICIER

Un complot!

UN AUTRE

Il est déjoué!

PORTE-FLÈCHE, s'agenouillant.

Notre jeune Empereur est sauf!

L'IMPÉRATRICE, avec un cri.

Mon fils!.. C'était contre mon fils!.. Où est-il, mon fils?..

SCÈNE X

LES MÊMES, L'ENFANT, avec ses femmes et ses gardes

L'ENFANT, court vers sa mère et ploie le genou.

Me voici, mère!..

L'IMPÉRATRICE

Ah!.. toi!.. (Elle le relève et l'entoure d'un de ses bras.) Maintenant j'ai la force d'entendre… Parlez!

PORTE-FLÈCHE

Divine souveraine, deux espions tartares se sont introduits dans le palais avec le monstrueux dessein d'enlever notre jeune empereur. Comme des tigres aux aguets, ils s'étaient cachés dans les buissons. Ils en sont sortis, à l'improviste, et ont osé porter la main sur la personne sacrée de votre fils.

L'ENFANT

Mère! ils m'ont jeté un voile sur la tête, en me serrant la gorge…

L'IMPÉRATRICE

Oh!..

L'ENFANT

Je ne pouvais pas crier, mais je me suis bien débattu. Oh! c'est que je suis fort, moi!..

PORTE-FLÈCHE

Nous faisions bonne garde. Les femmes, avec des cris d'horreur, ont appelé au secours; nous sommes accourus et nous avons saisi les criminels.

L'IMPÉRATRICE

Ah! vous les tenez!.. Qu'on me les amène!

Porte-Flèche se relève et s'éloigne. L'Impératrice se rassied.

PRINCE-AILÉ

Leur procès ne sera pas long.

PRINCE-FIDÈLE

Le ciel veillait sur son jeune fils, et l'a sauvé.

TOUS

Dix mille années, dix mille fois dix mille années.

SCÈNE XI

LES MÊMES, DEUX ESPIONS, les mains attachées, chacun tenu par deux gardes. On les précipite à genoux devant le trône.

PRINCE-AILÉ

Qui êtes-vous?

PREMIER ESPION

Les serviteurs fidèles de la dynastie des Tsin.

PRINCE-AILÉ

D'où venez-vous?

DEUXIÈME ESPION

De l'unique capitale du grand et pur Empire.

PRINCE-AILÉ

Votre crime est flagrant, et n'a pas besoin de preuves, qu'avez-vous à dire?

PREMIER ESPION

Rien.

DEUXIÈME ESPION

Eh bien, oui! Nous voulions enlever l'enfant pour avoir un otage et vous tenir mieux à notre merci. Nous ne dirons rien de plus. Bouche close.

PRINCE-AILÉ

Nommez vos complices.

DEUXIÈME ESPION

Nous ne parlerons pas.

PRINCE-AILÉ

Oh! oh! oh! on en a fait parler d'autres, (A l'Impératrice.) La torture, tout de suite, n'est-ce pas?

L'IMPÉRATRICE

La torture, non. La mort. Qu'ils meurent à l'instant.

PRINCE-FIDÈLE, à l'Impératrice.

J'ose faire observer à Votre Majesté qu'il vaudrait mieux, peut-être, garder ces hommes dans un cachot. Nous ne savons pas qui ils sont, ni de quelle importance aux yeux de l'ennemi. Quels secrets, sans doute, on pourrait tirer de ces deux têtes!..

L'IMPÉRATRICE

Quoi! après ce qu'ils ont fait, vous voulez qu'ils voient encore la lumière du jour?.. Songez qu'ils ont porté la main sur l'être sacré en qui vit tout votre espoir; qu'ils ont meurtri ce cou frêle comme la tige d'une fleur. L'enlever comme otage, disent-ils! Est-ce que je sais, moi, s'ils n'allaient pas plutôt tuer mon enfant!

TOUS

Oh! oh! à mort! à mort!..

L'IMPÉRATRICE

Oui! à mort! Et qu'ils soient jetés aux bêtes mangeuses de cadavres; pour sépulture, le ventre des corbeaux et des chiens! Faites!

Prince-Fidèle fait un signe, on relève les condamnés.

PREMIER ESPION

Nous avions joué notre vie, nous avons perdu, nous acceptons la mort.

DEUXIÈME ESPION

Nous serons promptement vengés par l'armée formidable qui marche contre vous et sera demain sous vos murs.

TOUS

A mort! à mort!

On entraîne les condamnés.

SCÈNE XII

LES MÊMES, moins LES ESPIONS, PORTE-FLÈCHE ET LES GARDES

L'IMPÉRATRICE, à l'enfant.

O mon bien-aimé! O vous, qui portez le doux nom de Fils du Printemps, j'ai donc failli vous perdre?..

L'ENFANT

Dis; on va faire mourir ces hommes?

L'IMPÉRATRICE

C'est la moindre punition qu'ait mérité leur crime.

L'ENFANT

Non, c'est trop, puisqu'ils ne m'ont pas tué.

L'IMPÉRATRICE

Mais ils voulaient votre mort: la peine est trop douce. Et voyez, je leur ai pourtant épargné la torture… Maintenant, je n'oserai plus m'éloigner de vous; non, même pour une minute, ô mon diamant sans prix, vous ne serez plus jamais hors de ma vue.

PRINCE-FIDÈLE

O ma souveraine! Qu'il me coûte d'être contraint de déchirer votre cœur en vous indiquant ce que nous croyons être votre cruel devoir, nous dont Votre Majesté daigne écouter les conseils. Depuis bien des jours, nous avions résolu de parler, et nous reculions devant cette pénible tâche. Mais aujourd'hui, l'heure est trop grave…

L'IMPÉRATRICE

Oh! qu'allez-vous dire?

Elle descend du trône.

PRINCE-FIDÈLE

Hélas! mes paroles vont être comme la bise de neige qui en automne fait tomber les fleurs.

L'IMPÉRATRICE

J'ai déjà froid jusqu'à l'âme.

PRINCE-FIDÈLE

Il faut pour un temps, vous séparer de votre fils!

L'IMPÉRATRICE, baissant la tête.

J'avais compris!

PRINCE-FIDÈLE

L'Espoir de tous, la Victoire future, notre jeune Empereur!.. Il doit être à l'abri des hasards de la guerre, en sûreté, loin d'ici dans quelque province inaccessible.

L'IMPÉRATRICE

«Que le précieux flambeau qui éclairera l'avenir soit mis hors des atteintes du vent,» ainsi l'astrologue a parlé. Oui, l'aveugle a vu dans l'invisible. Voici que l'énigme de ses paroles est expliquée!..

PRINCE-FIDÈLE

Il faut obéir à l'oracle: le malheur, lorsqu'il est prévu, peut être évité encore. Prince-Ailé, et vous Lumière-Voilée, sages conseillers, votre avis est-il pareil au mien?

PRINCE-AILÉ

Il est pareil de tous points.

PRINCE-FIDÈLE

Et vous tous, nobles chefs, savants lettrés, dignitaires, votre pensée est-elle aussi qu'il faut éloigner le jeune Empereur? (Tous inclinent la tête en silence.) Et non pas demain, non pas ce soir, hélas! car chaque minute aggrave le péril!.. Dès maintenant, si Votre Majesté consent au sacrifice.

L'IMPÉRATRICE

Oh! vous me prenez dans un cercle de fer, que vous resserrez, que vous resserrez trop vite… Mais où donc sont-elles, les armées du Tartare?.. Pas sous nos 'murs encore, nous ne sommes pas investis! Les routes sont ouvertes… (Elle serre son fils contre elle-même.) Laissez-le moi encore un jour. Au moins, donnez-moi le temps de trouver de la force, pour accepter le désespoir… Je suis l'Impératrice, oui; mais je suis aussi une mère!.. A une mère, on n'enlève pas son enfant comme on arrache une fleur de sa tige… Attendez!..

PRINCE-FIDÈLE

Attendre, ô ma souveraine! Mais votre chagrin ne serait-il pas infiniment plus affreux si un malheur arrivait par la faute d'une tendre faiblesse? Songez au désordre d'un siège, à l'horreur et aux risques des combats! Remercions le ciel d'avoir le temps encore d'y dérober notre jeune maître. Dès que le danger sera conjuré, il vous reviendra.

L'IMPÉRATRICE

Ah! non, ne parlez pas de retour, pour leurrer ma détresse, comme on fait aux enfants!.. Laissons l'avenir, qui est nébuleux et noir … Mais la sagesse a parlé, et ma révolte est passée, j'aurai la force de me soumettre. (A l'enfant, qu'elle tient toujours serré contre elle-même.) Mon fils! il faut, pour quelque temps, vous éloigner de moi… Ah! les larmes noient mes yeux à cette idée. Mais si je pense à vous garder en ce palais au milieu de si terribles dangers, l'angoisse broie mon cœur dans ses serres… Mon bien-aimé, il faut partir…

L'ENFANT, l'entourant de ses bras.

Quoi! A cause des Tartares, partir? Mais je n'ai pas peur, moi!.. Est-ce que vous le croyez, que j'ai peur?.. Vous restez bien, vous, ma mère, et, où vous restez, je resterai aussi… A cause des Tartares, quitter ma mère? Je ne veux pas! Vous m'entendez tous: non, je ne veux pas!

L'IMPÉRATRICE

Mon fils!.. Votre courage sera plus grand encore de me dire adieu. Et il faut vous montrer digne, déjà, de votre mission haute et surhumaine. Songez que vous n'êtes pas un enfant ordinaire. Sous votre chair de fleur, dans le délicat réseau de vos veines, une sève divine est enfermée; la dynastie de la Lumière aboutit à vous seul. O mon bien-aimé! Vous êtes le Fils du Ciel.

L'enfant, très pensif, baisse la tête.

PRINCE-FIDÈLE

Levez le front, ne le courbez pas devant l'éblouissement du nom lumineux de vos ancêtres. Déjà il vous faut maîtriser vos sentiments. Votre cœur, vous le devez à ce peuple innombrable, qui est vaincu, et opprimé, qui attend de vous sa délivrance; à lui seul appartiennent vos pensées, vos actions, votre vie même.

L'ENFANT, triste et grave. Je partirai… Je ne pleurerai pas…

L'IMPÉRATRICE

A qui le confierons-nous, notre bien suprême? car vous y avez pensé déjà, je devine que vos plans sont faits.

PRINCE-FIDÈLE

Notre jeune Empereur a montré, sans le connaître, de la sympathie au vice-roi du Sud, qui est justement le mieux situé pour lui offrir un inviolable asile. Mon avis est qu'il lui soit confié.

L'IMPÉRATRICE, à l'enfant.

Cela vous plairait?..

L'ENFANT

Oui.

L'IMPÉRATRICE

C'était aussi ma pensée. Ce vice-roi est certainement encore au palais, attendant mes ordres. (A Porte-Flèche.) Faites-le appeler.

Porte-Flèche sort.

PRINCE-FIDÈLE, aux femmes.

Préparez tout pour un départ immédiat. Vous ne quitterez pas votre maître.

L'IMPÉRATRICE, à l'enfant.

Je les envie. Je voudrais être, aujourd'hui, seulement votre servante.

PRINCE-FIDÈLE, aux gardes.

Une escorte de cinq cents hommes, choisis et bien armés. (Les gardes sortent. A Prince-Ailé.) Prince, vous accompagnerez l'Empereur, et dès qu'il sera en sûreté, vous reviendrez prendre votre place dans nos rangs.

PRINCE-AILÉ

Je m'efforcerai d'être digne de votre confiance; mes préparatifs seront brefs.

Il sort.

PRINCE-FIDÈLE, aux assistants. A vos postes, maintenant, nobles défenseurs des Fils du Ciel. Nous sommes toujours prêts à la guerre, je le sais, mais fortifions-nous encore. Et élevons nos courages, préparons aussi nos âmes… Que des émissaires soient détachés à l'instant même pour déterminer exactement la position et l'importance de l'armée qui marche sur nous. (L'Impératrice fait un geste.) Vous avez votre congé.

Les assistants sortent successivement, après une génuflexion.

L'IMPÉRATRICE, à l'enfant.

Je vous contemple, pour graver dans ma mémoire vos traits adorés; j'en emplis mes yeux, comme si je n'en connaissais pas intimement la moindre inflexion, la moindre ligne; mais ils vont m'échapper… Je voudrais les sculpter dans le marbre, et le souvenir est inconsistant comme l'eau…

SCÈNE XIII

LES MÊMES, PRINCE-AILÉ, revient précipitamment

PRINCE-AILÉ, à Prince-Fidèle.

Un courrier vient d'arriver, qui apporte une singulière nouvelle.

L'IMPÉRATRICE

Qu'y a-t-il encore?

PRINCE-AILÉ

Le vice-roi du Sud envoie dire à Votre Majesté que, s'il n'a pu arriver au palais pour la cérémonie à laquelle il était convié, c'est qu'il a été fait prisonnier au moment où il allait entrer à Nang-King.

L'IMPÉRATRICE

Mais le vice-roi était ici.

PRINCE-AILÉ

Ce n'était pas le véritable.

L'IMPÉRATRICE

Ce n'était pas le véritable!

PRINCE-AILÉ

On l'a gardé sur un navire, mais sans lui faire aucun mal, et même en l'entourant d'égards… Comment il s'est échappé, sa lettre le raconte…

PRINCE-FIDÈLE

En l'entourant d'égards? Que veut dire encore cela? Les espions des Tsin sont moins généreux!..

PRINCE-AILÉ

Le vice-roi expédie ce courrier en toute hâte; il attend des ordres pour venir se prosterner au pied du trône et demander son pardon.

L'IMPÉRATRICE

Alors, cet homme, qui était ici?.. Oh! de quelle trame effrayante sommes-nous donc enveloppés?.. Et j'allais moi-même livrer mon fils à cet inconnu!.. Je lui avais donné l'ordre de rester encore: courez! peut-être n'est-il pas parti.

PORTE-FLÈCHE, revenant.

Le pavillon est vide: ce rouleau de soie, à l'adresse de Votre Majesté, était placé de façon à attirer les regards.

L'IMPÉRATRICE, vivement.

Donnez!.. (Porte-Flèche remet le rouleau à Prince-Fidèle, qui le donne à l'Impératrice. A part.) Dans mon rêve … ce serpent venu pour m'enlacer… Alors, c'était lui! (Elle s'écarte un peu pour lire.) Des vers!.. Dans mon trouble, j'aurai peine à les lire. Et puis le sens en paraît si mystérieux!.. (Aux officiers les plus proches.) Vingt cavaliers, lancés au galop, dans toutes les directions, à sa poursuite … Et qu'on fouille aussi la ville dans nos alentours. Cent mille taëls à qui me ramène cet homme. Allez! (Deux officiers s'inclinent et sortent en courant. À Prince-Fidèle, en lui tendant le rouleau de soie.) Lisez, vous, Prince-Fidèle.

PRINCE-FIDÈLE, lisant:

 
Masque inconnu de tous, guettant votre passage.
Vous m'avez regardé sans voir mon vrai visage
Vous m'avez écouté sans entendre mon cœur;
Mais vienne le triomphe, alors jetant le voile,
Je vous protégerai comme une sûre étoile,
Quand tout s'inclinera sous le Dragon vainqueur.
 

Le traître est un fin lettré, mais il ne se démasque pas.

PRINCE-AILÉ, à l'enfant.

Votre Majesté ne va plus garder, pendu à son cou, comme une relique, ce présent qu'il tient d'un imposteur.

L'ENFANT, vivement.

Si! je le garderai. J'ai pensé à mon père mort, en voyant cet homme, et, quand il m'a dit qu'il voudrait m'avoir pour fils, il retenait des larmes.

L'IMPÉRATRICE

L'instinct des enfants ne les trompe pas… Moi, non plus, je ne peux croire que cet inconnu nous voulait du mal… Attendons encore, pour le haïr…

Elle tend la main et reprend le poème, qu'elle place sur sa poitrine, dans l'entre-croisement de sa robe.

SCÈNE XIV

LES MÊMES, LES FEMMES, PORTE-FLÈCHE

PREMIÈRE FEMME

Nos préparatifs sont terminés.

PORTE-FLÈCHE

L'escorte est prête.

L'IMPÉRATRICE, attirant son fils.

Oui! Mais à qui maintenant confiez-vous votre Empereur? Prenons le temps de penser, au moins!.. Ou alors, pour qu'il y ait une telle urgence, c'est que vous m'avez trompée, nous sommes investis?.. Où est-elle, l'armée tartare? Je ne suis pas une idole enfermée dans un tabernacle: qu'on me dise la vérité!.. Où est-elle?

PRINCE-FIDÈLE

Tout près, et formidable!.. Les émissaires nous fixeront mieux ce soir… Pour ne pas assombrir le front de Votre Majesté, pendant les journées radieuses de l'investiture, nous avions dissimulé, c'est vrai. Pardonnez-nous.

L'IMPÉRATRICE

C'est bien… Et maintenant, mon fils, à qui?..

PRINCE-FIDÈLE

Au vice-roi du Sud, toujours, au véritable, nous le confierons; son dévouement de dix années est à l'épreuve de tout. Donc, il s'agit de marcher à sa rencontre, et que, sans perdre une heure, il rebrousse chemin vers le Yun-Nam avec son précieux dépôt. Pour cela, partir à l'instant même, afin que la jonction des deux escortes ait lieu avant la tombée de la nuit. (A Prince-Ailé.) Prince, jusqu'à nouvel avis, restez auprès de l'Empereur. Établissez une communication constante avec la frontière, et, à la première alerte, emmenez l'enfant hors de l'Empire.

L'IMPÉRATRICE

Et que, chaque jour, un courrier m'apporte des nouvelles … aussi longtemps du moins que les routes seront libres autour de nos murs et nos portes ouvertes.

PRINCE-AILÉ

Je veillerai à tout, ne me fiant qu'à moi-même.

PRINCE-FIDÈLE

Et nous savons tout le prix de votre vigilance…

Un des officiers, qui était parti tout à l'heure sur un signe de l'Impératrice, arrive en hâte.

L'OFFICIER

Les cavaliers sont rentrés… On les a vus, les deux fuyards, l'homme et son complice; ils avaient des chevaux qui dévoraient l'espace… Un de ces navires rapides, comme en ont les barbares d'Occident, attendait au bord du fleuve; il les emporte à cette heure, avec la vitesse de la foudre. Toute poursuite serait vaine.

L'IMPÉRATRICE

Je m'y attendais… Lui, se laisser reprendre comme un fuyard vulgaire!.. Non! Je savais qu'il emporterait avec lui le mystère qu'il lui a plu de garder.

PRINCE-FIDÈLE, à l'Impératrice.

Majesté, l'heure est venue, l'heure presse…

L'IMPÉRATRICE

Oui, je suis prête… Rien qu'un instant, une suprême minute encore. (Elle conduit le petit Empereur jusqu'au trône, où elle le fait asseoir.) Laissez-moi rendre au Fils du Ciel l'hommage qui lui est dû. (Elle s'agenouille.) Que votre vie soit heureuse et longue! Votre règne paisible et prospère. (Elle s'incline trois fois.) Que votre dynastie dure éternellement.

Les hommes et les femmes se sont prosternés.

L'ENFANT, qui retient ses larmes.

J'ai promis de ne pas pleurer.

L'IMPÉRATRICE

Puissent le triomphe et la gloire vous ramener ici bientôt.

Elle se relève. L'enfant descend du trône, s'approche de l'Impératrice et s'agenouille à son tour.

L'ENFANT

Dis, mère, ce n'est pas pour longtemps que je m'en vais?..

L'IMPÉRATRICE, se penchant vers son fils pour l'embrasser désespérément.

Non, mon bien-aimé, non… Pour peu de jours, s'il plaît à nos Dieux que j'implore!.. Aie du courage, chère petite fleur!.. (Aux femmes.) Allez, maintenant.

Les femmes entraînent le petit Empereur. Il sort, les regards toujours fixés sur sa mère.

SCÈNE XV

L'IMPÉRATRICE, PRINCE-FIDÈLE, QUELQUES FILLES D'HONNEUR

L'Impératrice le regarde s'éloigner, puis monte les marches de la terrasse pour le voir encore et, quand il a disparu, jette un grand cri, en se tordant les bras.

PRINCE-FIDÈLE

Bonne souveraine, prenez courage.

L'IMPÉRATRICE

Ah! non, laissez, je suis à bout de force!.. J'ai bien fait ma souveraine, n'est-ce pas, tant qu'il était là, mon enfant?.. A présent qu'il est parti, laissez-moi être une femme, laissez-moi être sa mère!.. Je ne le reverrai jamais, lui, que vous venez de m'enlever, jamais, entendez-vous!.. Je le sens, je le sais!.. Puisque nous sommes au-dessus des hommes, que le Ciel pour nous soit juste et nous donne une force surhumaine!.. Pourquoi avons-nous un cœur comme les autres et des sanglots qui le brisent?.. Ah! celles qui mendient, en haillons, dans les rues, sont moins misérables!.. Il ne leur vient pas un bel espion charmeur, pour faire chanceler leur âme, et puis s'enfuir … et, après, on ne leur arrache pas leur enfant!.. Votre Impératrice, tenez, elle voudrait être la mendiante, qui a faim, qui a froid, mais qui serre son petit sur sa poitrine… oui, la mendiante, je vous dis, qui tend la main aux passants, assise sur les marches d'un temple!..

Elle se jette en sanglotant sur les marches de la terrasse. – Rideau.

ACTE TROISIÈME

Avant le lever du rideau, on a entendu des coups de feu sur la scène. A la tombée de la nuit, l'intérieur de la citadelle impériale de Nang-King à moitié démantelée par les Tartares. Haute muraille à créneaux, derrière laquelle on entend sonner des trompes et hurler des soldats qui s'éloignent. Au fond et à gauche, une porte de bronze dont les battants sont arc-boutés par des madriers, et qui est surmontée d'un donjon noir, à trois étages de toits cornus. Au milieu de la scène, un bûcher en bois de charpente et en fagots. Au fond et vers la droite, la muraille crénelée se prolonge; on aperçoit des terrasses et, tout au loin, la silhouette du palais qui se détache sur le ciel encore jaune du couchant. Du haut de la muraille, au-dessus de la porte, des soldats chinois tirent les derniers coups de feu contre les assiégeants invisibles.

SCÈNE PREMIÈRE

L'IMPÉRATRICE, PRINCE-FIDÈLE, PORTE-FLÈCHE, LES FILLES D'HONNEUR, DES SOLDATS CHINOIS

Des blessés sanglants gisent çà et là parmi les décombres. L'Impératrice est au milieu de la scène, vêtue en guerrière, casquée, tenant une arme dans sa main qui saigne. Prince-Fidèle est sur le haut du rempart avec les soldats. Porte-Flèche, blessé à mort, gît à gauche, sur le devant de la scène.

PRINCE-FIDÈLE, du haut du rempart, arrêtant le feu.

Assez, mes braves amis!.. Ne tirez plus sur des fuyards… Gardons la poudre pour l'assaut suprême. (Les soldats cessent de tirer.) Ils s'en vont!.. Une fois encore nous voici délivrés!..

L'IMPÉRATRICE, haletant.

Ah! délivrés, oui!.. Délivrés pour quelques minutes du moins … le temps de nous recueillir avant la mort. (Elle s'assied sur une pierre. Aux filles d'honneur qui s'empressent autour d'elle.) Voyez plutôt à ceux qui souffrent trop, par terre. Je n'ai rien, moi: une main qui saigne, cela ne compte pas… Voyez ce qu'ils demandent, allez à leur secours… Le poison, les buires, vous les avez, n'est-ce pas?

LES FILLES D'HONNEUR, montrant des buires d'or qu'elles portaient dans les plis de leurs vêtements, et à chacune desquelles est enchaînée une petite tasse de jade.

Nous les avons, bonne souveraine…

L'IMPÉRATRICE

Ce qu'ils veulent, sans doute, c'est mourir… Aux plus blessés, vous verserez la liqueur de la Grande Délivrance… Épargnez-la cependant, car, hélas! nous n'en avons pas pour tous… Le contenu de la petite tasse de jade enchaînée au flacon, pour un homme, c'est la dose qu'il faut… Allez, mes chères filles, leur porter le sommeil: là est votre devoir à cette heure… (A Cinnamome.) Toi, Cinnamome, reste auprès de moi, et tu me verseras de tes mains le breuvage… Sur cette pierre, ici, tout près, pose ta buire, avec ma coupe impériale.

Cinnamome obéit. Les autres filles d'honneur se répandent parmi les blessés, se penchent sur eux, et à voix basse leur offrent le breuvage. On continue d'entendre au lointain des coups de feu.

LOTUS-D'OR, très douce à Porte-Flèche dont elle s'est tout de suite approchée.

Seigneur, voulez-vous mourir?.. Et aussitôt après vous, je viderai moi aussi la coupe… Voulez-vous mourir, seigneur?

PORTE-FLÈCHE, après un silence, et comme en extase.

Non, ma belle fleur tremblante, ma belle fleur des lacs!.. Avant que vous soyez venue là, je le voulais… A présent, je ne le veux plus… Laissez-moi rester un peu encore parmi les vivants, pour m'enivrer de cette parole d'amour que vous venez de dire… Secourez ceux qui souffrent plus que moi, sans une amie … et puis vous reviendrez, j'appuierai ma tête sur vos genoux, avant de m'en aller chez les Ombres…

LOTUS-D'OR

Qu'il soit fait tout ce que vous commanderez, cher seigneur… Près de vous, oui, je vais revenir…

Elle va se pencher sur d'autres blessés, suivie des yeux par le mourant. Les soldats, au fond, agrandissent le bûcher, apportant des poutres, des fagots, des branches. Une rumeur à droite, dans la coulisse, par où de nouveaux soldats arrivent.

L'IMPÉRATRICE

Qu'est-ce, là-bas?

LE CHEF DES SOLDATS

C'est notre envoyé Ouan-Tsi, qui a pu se rapprocher de nos murs, et nous rapportera les nouvelles du dehors… Nous lui avons jeté les cordes, et le voici de retour.

L'IMPÉRATRICE

Ah!.. Qu'il vienne!.. (Aux soldats qui, derrière elle, chargent toujours le bûcher.) Reposez-vous, mes amis!.. C'est bien plus qu'il ne faut, allez, pour consumer mon corps… Pourquoi donc faire le bûcher si grand?

LE CHEF DES SOLDATS

Pourquoi nous voulons tant de flamme… Le Prince-Fidèle vous le dira, Majesté, en vous présentant notre requête suprême.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 ekim 2017
Hacim:
120 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain

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