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Kitabı oku: «Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794», sayfa 14
Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours contre Dumouriez et Brissot, prononcé au Club des Jacobins le 3 avril 1793 (3 avril 1793)
Le préopinant vous a annoncé des faits; cela suppose que la société n'est pas instruite des dangers qui nous menacent: il faut savoir que Dumouriez est le général de tous les contre-révolutionnaires de France, de tous le royalistes, de tous les feuillants; il faut savoir qu'il est d'intelligence avec les puissances étrangères; il faut savoir qu'il veut nous forcer de transiger sur notre liberté, et qu'il s'offre pour médiateur; il faut savoir qu'on veut rétablir le despotisme. A qui persuadera-t-on que Beurnonville ait été sérieusement arrêté par Dumouriez? Beurnonville est le premier complice de Dumouriez.
Dumouriez n'a pas sérieusement blâmé Brissot, et ce passage du rapport où il reproche à Brissot de nous avoir suscité la guerre est un piège qu'il a tendu aux commissaires. Dumouriez feint d'être l'ennemi de Brissot, pour faire croire qu'il n'est pas d'intelligence avec la faction Brissot; mais il y a dans ce rapport plusieurs passages qui sont faits pour détourner l'attention des vrais complices de Dumouriez.
On a proposé d'envoyer des courriers. Qui les enverra? La Convention? Alors ces courriers seront dévoués à nos ennemis. On nous propose d'écrire aux sociétés affiliées; croyez-vous que cette mesure puisse être exécutée? Je vous ai dit que le premier plan de contre-révolution était dans le directoire de la poste: tant que la poste sera dans la main de nos ennemis, il est impossible que nous ayons aucune correspondance.
Tandis que nous délibérons, nos ennemis correspondent sans cesse; il faut voir si la Convention n'a pas un bandeau sur les yeux, et si les mesures proposées pour arrêter Dumonriez ne sont pas un piège de la cabale qui veut endormir le peuplé sur le bord de l'abîme. C'est contre les députés patriotes, contre les députés énergiques, contre les Jacobins, contre le peuple de Paris. Quant aux royalistes, aux feuillants, c'est de concert avec eux que Dumouriez vient pour écraser la liberté.
Je suis fondé à croire que je suis un de ceux contre lesquels marche Dumouriez. Que m'importe que Paris ait été calomnié; Paris est le boulevard de la liberté. Comme député de Paris, mon devoir est de l'avertir du complot. Toutes les autorités constituées doivent veiller à la conservation de Paris, ïl faut que les sections, que la municipalité, que le département, soient dans la plus active surveillance.
Il faut lever une armée révolutionnaire; il faut que cette armée soit composée de tous les patriotes, de tous les sans-culottes; il faut que les faubourgs fassent la force et le noyau de cette armée. Je ne dirai pas qu'il faut aiguiser nos sabres pour tuer les calotins; ce sont des ennemis trop méprisables, et les fanatiques ne demanderaient pas mieux pour avoir un prétexte de crier.
Il faut chasser impitoyablement de nos sections tous ceux qui se sont signalés par un caractère de modérantisme; il faut désarmer, non pas les nobles et les calotins, mais tous les citoyens douteux, tous les intrigants, tous ceux qui ont donné des preuves d'incivisme; on a pris ces mesures à Marseille. Dumouriez doit arriver à Paris avant les bataillons de Marseille; voilà pourquoi il précipite ses pas. Paris menacé doit se défendre. Il n'y a personne qui puisse s'opposer à ces mesures sans se déclarer mauvais citoyen.
Le moment est venu de transiger avec les despotes ou de mourir pour la liberté,l'ai pris mon parti: que tous les citoyens m'imitent. Que tout Paris s'arme, que les sections et le peuple veillent, que la Convention se déclare peuple. Je déclare que tant que la poste restera entre les mains des contre-révolutionnaires, que tant que des journaux perfides, qui font l'éloge de Dumouriez, corrompront l'opinion publique, il n'y aura aucun espoir de salut. Mais le génie de la liberté triomphera; le patriotisme et le peuple doivent dominer et dominer partout!
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Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours sur la conspiration tramée contre la liberté, prononcé à la Convention nationale le 10 avril 1793 (10 avril 1793)
(Les sections de Paris venaient journellement dénoncer les Girondins à la barre de la Convention. A l'occasion d'une de ces adresses, Robespierre s'exprima ainsi:)
Une faction puissante conspire avec les tyrans de l'Europe, pour nous donner un roi avec une espèce de constitution aristocratique; elle espère nous amener à cette transaction honteuse par la force des armes étrangères et par les troubles du dedans. Ce système convient au gouvernement anglais, il convient à Pitt, l'âme de toute cette ligne; il convient à tous les ambitieux; il plaît à tous les aristocrates bourgeois, qui ont horreur de l'égalité, à qui l'on a fait peur, même pour leurs propriétés; il plaît même aux nobles, trop heureux de trouver, dans la représentation aristocratique et dans la cour d'un nouveau roi, les distinctions orgueilleuses qui leur échappaient. La république ne convient qu'au peuple; aux hommes de toutes les conditions qui ont une âme pure et élevée, aux philosophes amis de l'humanité, aux sans-culottes, qui se sont on France parés avec fierté de ce titre, dont Lafayette et l'ancienne cour voulaient les flétrir, comme les républicains de Hollande s'emparèrent de celui de gueux, que le duc d'Albe leur avait donné.
Le système aristocratique dont je parle était celui de Lafayette et de tous ses pareils, connus sous les noms de feuillants et de modérés; il a été continué par ceux qui ont succédé à sa puissance. Quelques personnages ont changé, mais le but est semblable, les moyens sont les mêmes, avec cette différence que les continuateurs ont augmenté leurs ressources et accru le nombre de leurs partisans.
Tous les ambitieux qui ont paru jusqu'ici sur le théâtre de la révolution ont eu cela de commun, qu'ils ont défendu les droits du peuple aussi longtemps qu'ils ont cru en avoir besoin. Tous l'ont regardé comme un stupide troupeau, destiné à être conduit par le plus habile ou par le plus fort. Tous ont regardé les assemblées représentatives comme des corps composés d'hommes ou cupides ou crédules, qu'il fallait corrompre ou tromper, pour les faire servir à leurs projets criminels. Tous se sont servis des sociétés populaires contre la cour, et, dès le moment où ils eurent fait leur pacte avec elle ou qu'ils l'eurent remplacée, ils ont travaillé à les détruire. Tous ont successivement combattu pour ou contre les jacobins, selon les temps et les circonstances.
Comme leurs devanciers, les dominateurs actuels ont caché leur ambition sous le masque de la modération et de l'amour de l'ordre; comme leurs devanciers, ils ont cherché à décréditer les principes de la liberté.
Pour mieux y réussir, ils ont même cherché à en faire quelquefois de ridicules applications. Ils ont appelé tous les amis de la patrie des agitateurs, des anarchistes, quelquefois même ils en ont suscité de véritables, pour réaliser cette calomnie. Ils se sont montrés habiles dans l'art de couvrir leurs forfaits, en les imputant au peuple. Ils ont, de bonne heure, épouvanté les citoyens du fantôme d'une loi agraire; ils ont séparé les intérêts des riches de ceux des pauvres; ils se sont présentés aux premiers comme leurs protecteurs contre les sans-culottes; ils ont attiré à leur parti tous les ennemis de l'égalité. Maîtres du gouvernement et de toutes les places, dominant dans les tribunaux et dans les corps administratifs, dépositaires du trésor public, ils ont employé toute leur puissance à arrêter les progrès de l'esprit public, à réveiller le royalisme, et à ressusciter l'aristocratie; ils ont opprimé les patriotes énergiques, protégé les modérés hypocrites; ils ont corrompu successivement les défenseurs du peuple, attaché à leur cause ceux qui montraient quelque talent, et persécuté ceux qu'ils ne pouvaient séduire. Comment la république pouvait-elle subsister, quand toute la puissance publique s'épuisait pour décourager la vertu et pour récompenser l'incivisme et la perfidie?
La faction dominante aujourd'hui était formée longtemps avant la Convention nationale. A la fin de juillet dernier, ils négociaient avec la cour, pour obtenir le rappel des ministres qu'ils avaient fait nommer au mois de janvier précédent. L'une des conditions du traité était la nomination d'un gouverneur au prince royal (il n'est pas nécessaire de dire que le choix devait tomber sur l'un d'entre eux). A la même époque, ils s'opposaient de tout leur pouvoir à la déchéance de Louis, demandée par le peuple et par les fédérés; ils firent décréter un message et des représentations au roi. Ils n'ont rien négligé pour empêcher la révolution du 10 août; dès le lendemain, ils travaillèrent efficacement à en arrêter le cours. Le jour même du 10, ils firent tout ce qui était en eux pour que le ci-devant roi ne fût pas renfermé au Temple; ils tâchèrent de nous rattacher à la royauté, en faisant décréter par l'assemblée Législative qu'il serait nommé un gouverneur au prince royal. A ces faits, consignés dans les actes publics et dans l'histoire de notre révolution, vous reconnaissez déjà les Brissot, les Guadet, les Vergniaud, les Gensonné, et d'autres agents hypocrites de la même coalition.
En même temps, ils n'oublièrent rien pour déshonorer la révolution qui venait d'enfanter la république. Dès le lendemain du 10 août, ils calomniaient le conseil de la commune, qui, dans la nuit précédente, venait de se dévouer pour la liberté, en même temps qu'ils entravaient toutes ses opérations par leurs intrigues et par les décrets qu'ils dictaient à l'assemblée Législative.
Eux seuls recueillirent les fruits de la victoire du peuple; ils s'en attribuèrent même tout l'honneur. Leur premier soin, après l'acte conservatoire du prince royal et de la royauté, fut de rappeler au ministère leurs créatures, Servan, Clavière et Roland. Ils s'appliquèrent surtout à s'emparer de l'opinion publique, ils avaient eu soin de faire remettre entre les mains de Roland des sommes énormes pour la façonner à leur gré. Auteurs ou payeurs des journaux les plus répandus, ils ne cessèrent de tromper la France et l'Europe sur la révolution qui venait de renverser le trône. Ils dénoncèrent chaque jour le peuple de Paris et tous les citoyens généreux qui y avaient le plus puissamment concouru.
Il fallait détruire ce vaste foyer du républicanisme et des lumières publiques; ils s'accordèrent tous à peindre cette immortelle cité comme le séjour du crime et le théâtre du carnage, et à travestir en assassins ou en brigands les citoyens et les représentants dont ils redoutaient l'énergie. Ils cherchèrent à armer contre Paris la défiance et la jalousie des autres parties de la république, et cependant les Prussiens se préparaient à envahir notre territoire (c'était l'époque du mois de septembre 1792). Les dominateurs étaient membres du comité diplomatique, du comité de défense générale; ils dirigeaient le ministère, ils avaient eu d'étroites relations avec la cour, et ils laissaient ignorer à la France entière, au corps Législatif même, les dangers qui nous menaçaient. Les ennemis s'étaient rendus maîtres de Longwi, de Verdun; ils s'avançaient vers Paris, et les dominateurs avaient gardé le silence; ils ne s'occupaient que d'afficher, que d'écrire contre Paris. Notre armée était faible, divisée, mal approvisionnée, et si Paris ne s'était levé tout à coup, si, à son exemple, la France ne s'était pas ébranlée, Brunswick pénétrait sans résistance jusqu'au coeur de l'Etat. Mais ce n'est pas tout, la faction voulait livrer Paris et la France; elle voulait fuir avec l'assemblée Législative, avec le trésor public, avec le conseil exécutif, avec le roi prisonnier et sa famille. Les ministres qu'ils avaient nommés, Roland, Servan, Clavière, Lebrun, parlaient de ce projet aux députés; il fut proposé dans le conseil, et il était adopté, si le ministre de la justice n'en eût empêché l'exécution, en menaçant ses collègues de les dénoncer au peuple, et si Paris ne l'eût fait avorter, en se levant pour écraser les ennemis de la France. Ce projet de fuite est connu des membres de l'assemblée Législative et de plusieurs citoyens; il a été dénoncé à la Convention nationale, et Roland lui-même a été forcé de l'avouer dans sa lettre à la Convention nationale, du [30 septembre 1792].
La Convention nationale était convoquée.
La majorité était pure; mais un grand nombre de représentants, trompés d'avance par les papiers imposteurs dont la faction disposait, apportèrent à Paris des préventions sinistres, qui devaient causer bien des maux, et d'ailleurs ce fut toujours le sort des hommes qui ont des lumières sans probité, ou de la probité sans lumières, d'être les complices ou les jouets de l'intrigue.
Le décret qui déclare la royauté abolie, proposé à la fin de la première séance par un des députés de Paris calomniés, fut rendu avec enthousiasme. Si le lendemain on eût agité l'affaire du tyran, il eût été condamné; et si la Convention, libre de leur dangereuse influence, s'était ensuite occupée du bonheur public, la liberté et la paix seraient maintenant affermies; mais les intrigants, qui n'avaient pu s'opposer à la proclamation de la république, s'appliquèrent à l'étouffer dans sa naissance. En possession des comités les plus importants de l'assemblée Législative, qu'ils firent conserver provisoirement, ils composèrent bientôt les nouveaux à leur gré; ils s'emparèrent du bureau, du fauteuil et même de la tribune. Ils tenaient toujours dans leurs mains le ministère et le sort de la nation. Ils occupèrent sans cesse la Convention nationale de dénonciations contre la municipalité de Paris, contre le peuple de Paris, contre la majorité des députés de Paris. Ils inventèrent, ils répétèrent cette ridicule fable de la dictature, qu'ils imputaient à un citoyen sans pouvoir comme sans ambition, pour faire oublier, et l'affreuse oligarchie qu'ils exerçaient eux-mêmes, et le projet de la tyrannie nouvelle qu'ils voulaient ressusciter. Par là, ils cherchaient encore à dégoûter le peuple français de la république naissante, à arrêter les progrès de notre révolution dans les contrées voisines, en leur présentant la chute du trône comme l'ouvrage d'une ambition criminelle, et le changement de gouvernement comme un changement de maître.
De là ces éternelles déclamations contre la justice révolutionnaire qui immola les Montmorin, les Lessart et d'autres conspirateurs, au moment où le peuple et les fédérés s'ébranlaient pour repousser les Prussiens. Dès ce moment, ils ne cessèrent de remplir les âmes des députés de défiance, de jalousie, de haine et de terreurs, et de faire entendre dans le sanctuaire de la liberté, les clameurs des plus vils préjugés, et les rugissements des plus furieuses passions. Dès lors ils ne cessèrent de souffler le feu de la guerre civile, et dans la Convention même, et dans les départements, soit par leurs journaux, soit par leurs harangues à la tribune, soit par leur correspondance.
Ils étaient venus à bout de reculer par là, pendant quatre mois, le procès du tyran. Quelles chicanes! quelles entraves! quelles manoeuvres employées durant la discussion de cette affaire! Qui peut calculer sans frémir les moyens employés par Roland, les sommes prodiguées par le ministère pour dépraver l'esprit public, pour apitoyer le peuple sur le sort du dernier roi? Avec quelle lâche cruauté les avocats du tyran appelaient des corps armés contre Paris et contre les députés patriotes, dénoncés par eux des assassins et comme des traîtres! Avec quel insolent mépris des lois des corps administratifs, dignes de ces députés, les levaient de leur autorité privée aux dépens du trésor public! Avec quelle perfide audace cette même faction protégeait de toutes parts la rentrée des émigrés, et ce rassemblement de tous les assassins et de tous les scélérats de l'Europe à Paris! Avec quel odieux machiavélisme on emploie tous les moyens de troubler la tranquillité de cette ville et de commencer la guerre civile, sans même dédaigner celui de faire ordonner, par un décret, la représentation d'une pièce aristocratique (l'Ami des Lois), qui avait déjà fait couler le sang, et que la sagesse des magistrats du peuple avait interdite!
A quoi a tenu le salut de la patrie et la punition du tyran? Au courage invincible des patriotes, à l'énergie calme du peuple, éclairé sur ses véritables intérêts, et surtout à la réunion imprévue des fédérés. S'ils avaient conservé les fatales préventions que leur avaient inspirées ceux qui les avaient Appelés, si le bandeau était resté deux jours de plus sur leurs yeux, c'en était fait de la liberté: le tyran était absous, les patriotes égorgés, le fer même des défenseurs de la patrie, égarés, se serait combiné avec celui des assassins royaux; Paris était en proie à toutes lès horreurs, et la Convention nationale, escortée des satellites qu'ils avaient rassemblés, fuyait an milieu de la confusion et de la consternation universelle.
Mais, ô force toute-puissante de la vérité et de la vertu! ces généreux citoyens ont abjuré leurs erreurs; ils ont reconnu avec une sainte indignation les trames perfides de ceux qui les avaient trompés; ils les ont voués au mépris public, ils ont serré dans leurs bras les Parisiens calomniés; réunis tous aux jacobins, ils ont juré avec le peuple une haine éternelle aux tyrans et un dévouaient sans bornes à la liberté. Ils ont cimenté cette sainte alliance, sur la place du Carrousel, par des fêtes civiques où assistèrent tous les magistrats de cette grande cité, avec un peuple généreux que l'enthousiasme du patriotisme élevait au dessus de lui- même. Quel spectacle! comme il console des noirceurs, de la perfidie et des crimes de l'ambition! Ce grand événement fit pencher la balance dans la Convention nationale en faveur des défenseurs de la liberté; il déconcerta les intrigants et enchaîna les factieux. Lepelletier seul fut la victime de son courage à défendre la cause de là liberté, quoique plusieurs patriotes aient été poursuivis par des assassins. Heureux martyr de la liberté, tu ne verras pas les maux que nos ennemis communs ont préparés à là patrie!
Au reste, quelques efforts qu'ils aient faits pour sauver Louis XVI, je ne crois pas que ce soit lui qu'ils voulussent placer sur le trône; mais il fallait lui conserver la vie, pour sauver l'honneur de la royauté qu'on voulait rétablir, pour remplir un des articles du traité fait avec Londres et là promesse donnée à Pitt, comme le prouvent les discours de ce ministre au parlement d'Angleterre. Il fallait surtout allumer la guerre civile par l'appel au peuple, afin que les ennemis qui devaient bientôt nous attaquer nous trouvassent occupés à nous battre pour la querelle du roi détrôné.
La punition éclatante de ce tyran, la seule victoire que les républicains aient remportée à la Convention nationale, n'a fait que reculer le moment où la conspiration devait éclater; les députés patriotes, désunis, isolés, sans politique et sans plan, se sont rendormis dans une fausse sécurité, et les ennemis de la patrie ont continué de veiller pour la perdre.
Déjà ils recueillent les fruits des semences de guerre civile qu'ils ont jetées depuis si longtemps, et la ligue des traîtres de l'intérieur avec les tyrans du dehors se déclare.
On se rappellera ici que ce sont les chefs de cette faction qui, en 1791, prêtèrent à la cour le secours de leur fausse popularité, pour engager la nation dans cette guerre provoquée par la perfidie, déclarée par l'intrigue et conduite par la trahison. Je leur disais alors, aux Jacobins, où ils venaient prêcher leur funeste croisade, où Dumouriez lui-même, coiffé d'un bonnet rouge, venait étaler tout le charlatanisme dont il est doué: "Avant de déclarer la guerre aux étrangers, détruisez les ennemis du dedans; punissez les attentats d'une cour parjure, qui cherche elle-même à armer l'Europe contre vous; changez les états-majors qu'elle a composés de ses complices et de ses satellites; destituez les généraux perfides qu'elle a nommés, et surtout Lafayette, déjà souillé tant de fois du sang du peuple. Forcez le gouvernement à armer les défenseurs de la patrie, qui demandent en vain des armes depuis deux ans; fortifiez et approvisionnez nos places frontières, qui sont dans un dénûment absolu. Faites triompher la liberté au dedans, et nul ennemi étranger n'osera vous attaquer; c'est par les progrès de la philosophie et par le spectacle du bonheur de la France! que vous étendrez l'empire de notre révolution, et non par la force des armes et par les calamités de la guerre. En vous portant agresseurs, vous irritez les peuples étrangers contre vous, vous favorisez les vues des despotes et celles de la cour, qui a besoin de faire déclarer la guerre par les représentants de la nation, pour échapper à la défiance et à la colère du peuple."
Les chefs de la faction répondaient par des lieux communs, pour allumer l'enthousiasme des ignorants; ils nous montraient l'Europe entière volant au devant de la constitution française, les armées des despotes se débandant partout pour accourir sous nos drapeaux, et l'étendard tricolore flottant sur les palais des électeurs, des rois, des papes et des empereurs. Ils excusaient la cour, ils louaient les ministres, et surtout Narbonne; ils prétendaient que quiconque cherchait à inspirer la défiance contre les ministres, contre Lafayette et contre les généraux, était un désorganisateur, un factieux qui compromettait la sûreté de l'Etat.
En dépit de toutes leurs intrigues, les jacobins résistèrent constamment à la proposition qu'ils leur firent de prononcer leur opinion en faveur de la guerre; mais tel était le prix qu'ils attachaient à consacrer les projets de la cour par la sanction des sociétés populaires, que le comité de correspondance de cette société, composé de leurs émissaires, osa envoyer, à son insu, une lettre circulaire à toutes les sociétés affiliées, pour leur annoncer que le voeu des jacobins était pour la guerre; ils portèrent même l'imprudence jusqu'à dire que ceux qui avaient combattu ou embrassé l'opinion contraire l'avaient solennellement abjurée. Ce fut par ces manoeuvres que l'on détermina les patriotes même de l'assemblée Législative à voter comme le côté droit et comme la cour Le prix de cette intrigue fut l'élévation de la faction au ministère, dans la personne de Clavière, Roland, Servan et Dumouriez.
Nos prédictions ne tardèrent pas à s'accomplir. La première campagne fut marquée par des trahisons et par des revers, qui ne furent, pour la cour et pour Lafayette, que de nouveaux prétextes pour demander des lois de sang contre les plus zélés défenseurs de la patrie, et un pouvoir absolu, qui leur fût accordé sur la motion des chefs de la faction, et particulièrement des Guadet, des Gensonné. Dès ce temps-là, tous ceux qui osaient soupçonner les généraux et la cour furent dénoncés comme des agitateurs et des factieux. On se rappellera avec quel zèle les mêmes hommes défendaient, divinisaient le ministre Narbonne, avec quelle insolence ils outrageaient l'armée et les patriotes.
Bientôt tous nos généraux nous trahirent à l'envi. Une invasion dans la Belgique ne produisit d'autre effet que de livrer ensuite nos alliés à la vengeance de leur tyran, et d'irriter les étrangers contre nous, par l'infâme attentat du traître Jarri, qui n'a pas même été puni. Nos places fortes étaient dégarnies; notre armée divisée par les intrigues des états-majors, et presque nulle; tous les chefs s'efforçaient à l'envi de la royaliser, la ligue des tyrans étrangers se fortifiait; l'époque du mois d'août ou de septembre était destinée pour leur invasion, combinée avec la conspiration de la cour des Tuileries contre Paris et contre la liberté. C'en était fait de l'une et de l'autre, sans la victoire remportée par le peuple et les fédérés, le 10 août 1792; et lorsqu'au commencement du mois de septembre suivant, Brunswick, encouragé sans doute par la faction, osa envahir le territoire français, vous avez vu qu'ils ne songeaient qu'à abandonner et qu'à perdre Paris.
Mais, en dépit de tous les factieux hypocrites qui s'opposaient à cette insurrection nécessaire, Paris se sauva lui-même. Dumouriez était à la tête de l'armée. Auparavant Brissot avait écrit de lui, qu'après Bonne-Carrère, Dumouriez était le plus vil des hommes. Dumouriez avait répondu, par écrit, que Brissot était le plus grand des fripons, sans aucune espèce de réserve. Il avait affiché que la cause du courroux que la faction affectait contre lui était le refus qu'il avait fait de partager avec elle les six millions qu'elfe lui avait fait accorder pour dépenses secrètes, dans le temps de son ministère et de leur amitié. Ils annoncèrent des dénonciations réciproques, qui n'eurent point lieu. C'est encore un problème à quel point cette brouillerie était sérieuse; mais ce qui est certain, c'est qu'au moment où il prit le commandement de l'armée de Châlons, il était très bien avec la faction et avec Brissot, qui le pria d'employer Miranda dans une commission importante, s'if en faut croire ce que Brissot a dit lui-même au comité de défense générale. J'ignore ce qu'aurait fait Dumouriez, si Paris et les autres départements ne s'étaient levés au mois de septembre pour écraser les ennemis intérieurs et extérieurs; mais ce qui est certain, c'est que ce mouvement général de la nation n'était pas favorable au roi de Prusse pour pénétrer au coeur de la France. Dumouriez l'éconduisit avec beaucoup de politesse pendant une longue retraite assez paisible, en dépit de nos soldats, dont on enchaînait constamment l'impétuosité, et qui mordaient leurs sabres en frémissant de voir que leur proie leur échappait. L'armée prussienne, ravagée par la maladie et par la disette, a été sauvée; elle a été ravitaillée, traitée avec une générosité qui contraste avec les cruautés dont nos braves défenseurs ont été les victimes. Dumouriez a parlementé, a traité avec le roi de Prusse, dans le moment où la France et l'armée s'attendaient à voir la puissance et l'armée de ce despote ensevelies à la fois dans les plaines de la Champagne ou de la Lorraine, où Dumouriez lui-même avait annoncé, dans ses lettres à l'assemblée nationale, que les ennemis ne pouvaient lui échapper. Il se montra aussi complaisant et aussi respectueux pour le roi de Prusse, qu'il fut depuis insolent avec la Convention nationale. Il est au moins douteux s'il a rendu plus de services à la république qu'aux Prussiens et aux émigrés. Au lieu de terminer la guerre et d'affermir la révolution en exterminant cette armée, dont nos ennemis n'auraient jamais pu réparer la perte; au lieu de se joindre aux autres généraux pour pousser nos conquêtes jusqu'au Rhin, il revient à Paris; et, après avoir vécu quelque temps dans une étroite intimité avec les coryphées de la faction, il part pour la Belgique.
Il débute par un succès brillant, nécessaire pour lui donner la confiance que sa conduite avec les Prussiens était loin de lui avoir assurée; et quiconque rapprochera de ce qui se passe aujourd'hui la brusque témérité qui acheta la victoire de Jemmapes, par le sacrifice de tant de Français républicains, concevra facilement que ce succès même était plus favorable au despotisme qu'à la liberté, Dumouriez était maître de la Belgique; si, dès ce moment, il avait aussitôt envahi la Hollande, la conquête de ce pays était certaine; nous étions maîtres de la flotte hollandaise; les richesses de ce pays se confondaient avec les nôtres, et sa puissance était ajoutée à celle de la France: le gouvernement anglais était perdu, et la révolution de l'Europe était assurée. On a dit, et je l'ai cru moi-même un instant sur ces ouï-dire, que tel était le projet de Dumouriez, qu'il avait été arrêté par le conseil exécutif; mais il est démontré que ce bruit n'était qu'une nouvelle imposture répandue par la faction. En effet, si, comme on l'a dit, Dumouriez avait conçu ce grand dessein, s'il y attachait sa gloire et sa fortune, pourquoi n'a-t-il pas réclamé l'appui de l'opinion publique contre les oppositions perfides du conseil exécutif? pourquoi n'a-t-il pas invoqué la nation elle-même contre des intrigues qui compromettaient son salut? Il est bien plus naturel de penser que ce bruit n'avait été répandu par les ennemis de Dumouriez que pour lui concilier la confiance. On sait assez que les chefs de cette faction ont l'art de paraître quelquefois divisés pour cacher leur criminelle intelligence. Au surplus, que Dumouriez ait eu part ou non au retard funeste qu'a éprouvé l'expédition de la Hollande, il doit au moins être imputé à la malveillance de la majorité du conseil exécutif et des coryphées de la faction, qui dominaient dans les comités diplomatique et de défense générale. Les députés bataves se sont plaints eux-mêmes hautement, dans un mémoire qu'ils ont rendu public, et qui est entre nos mains, de l'opiniâtreté avec laquelle leurs offres et leurs instances ont été repoussées depuis trois mois par le ministre des affaires étrangères. On ne peut nier au moins que Dumouriez et les chefs de la faction ne fussent parfaitement d'accord sur le projet de ravir la Belgique à la France. On connaît les efforts de Dumouriez pour empêcher l'exécution des décrets des 15 et des 25 de décembre. On connaît toutes ses perfidies. D'un autre côté, on sait comment le comité diplomatique a repoussé tous les peuples qui voulaient s'incorporer à nous. Roland disait des députés de la Savoie: "On doit m'envoyer des Savoisiens pour solliciter la réunion de ce pays; je les recevrai à cheval." — "Comment est-il possible que vous vouliez vous réunir à notre anarchie, disait Brissot aux Belges et aux Liégeois?" Tel était le langage des Guadet, des Gensonné. Ils sont venus à bout de retarder toutes ces réunions jusqu'au moment où le parti ennemi de la révolution eut tout disposé pour les troubler, et que les despotes eurent rassemblé des forces suffisantes contre nous.
