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Kitabı oku: «Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792», sayfa 4

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Je finis par une déclaration franche: ce qui a achevé de me convaincre de la vérité de l'opinion que je soutiens, ce qui m'y a invariablement attaché, c'est à la fois et la vivacité des efforts et la faiblesse des raisons par lesquels on s'est efforcé de préparer de longue main les esprits au système contraire. Cette curiosité inquiète avec laquelle on interrogeait les opinions particulières; ces insinuations adroites, ces propos répétés à l'oreille pour décréditer d'avance ceux à qui l'on croyait une opinion contraire, en assurant qu'il n'y avait que des ennemis de l'ordre ou de la liberté qui pussent la soutenir; cet art de remplir les esprits de terreur par les mots d'anarchie, d'aristocratie; ces inquiétudes, ces mouvements, ces coalitions: enfin j'ai vu que ce système se réduisait tout entier à cette idée pusillanime, fausse et injurieuse à la nation, de regarder le sort de la révolution comme attaché à un certain nombre d'individus; et j'ai dit: la raison et la vérité ne combattent point avec de pareilles armes, et ne déploient point ce genre d'activité. J'ai cru sentir qu'il importait infiniment de détruire la cause de toutes ces agitations; il m'a paru que, dans un temps où nous devons tous réunir toutes nos forces pour terminer nos travaux d'une manière également prompte et réfléchie, ce serait un grand malheur que des hommes éclairés fussent en quelque sorte partagés entre les soins qu'ils exigent et l'attention qu'ils pourraient donner à ce qui se passerait au dehors, dans le temps des assemblées et des élections dont le moment approche. Quel scandale si ceux qui doivent faire des lois contre la brigue pouvaient en être eux-mêmes accusés! Et combien n'importe-t-il pas de faire cesser certains bruits, mal fondés sans doute, qui se sont déjà répandus et même accrédités! Enfin, et ce seul mot suffisait peut-être: puisque nous allons fixer définitivement les rapports, le pouvoir des législatures, la manière même d'y être élu, procédons à ce grand travail, non comme des hommes destinés à en être membres, mais comme des hommes qui doivent redevenir de simples citoyens. Pour nous garantir à nous-mêmes, pour garantir à la nation entière que nous serons tous animés d'un tel esprit, le moyen le plus sûr est de nous placer, en effet, nous-mêmes dans cette condition. Il faut donc, avant tout, décider la question qui concerne les membres de 'Assemblée actuelle.

Je demande que l'on décrète que les membres de l'Assemblée actuelle ne pourront être réélus à la suivante.

Second discours prononcé à l'Assemblée nationale, le 18 mai 1791, par Maximilien Robespierre, député du département du Pas-de-Calais, sur la rééligibilité des membres du Corps législatif (18 mai 1791)

Tout prouve l'importance de la question que vous agitez, tout, jusqu'à la manière dont on a défendu le système de la réélection. Quelles qu'aient été les circonstances qui ont précédé et accompagné cette discussion, je ne veux voir, je ne veux examiner que les principes de l'intérêt général, qui doit être la règle de votre décision.

Quel est le principe, quel est le but des lois à faire sur les élections? L'intérêt du peuple. Partout où le peuple n'exerce pas son autorité, et ne manifeste pas sa volonté par lui-même, mais par des représentants, si le corps représentatif n'est pas pur et presque identifié avec le peuple, la liberté est anéantie. Le grand principe du gouvernement représentatif, l'objet essentiel des lois, doit être d'assurer la pureté des élections et l'incorruptibilité des représentants. Si la rééligibilité va à ce but, elle est bonne; si elle s'en éloigne, elle est mauvaise. Je ne sais si c'est sérieusement que les partisans de la réélection ont prétendu que le système contraire blessait la liberté du peuple. Toute entrave mise à la liberté des choix, dès qu'elle est inutile, est injuste; à plus forte raison, si elle est nuisible ou dangereuse: mais toute règle qui tend à défendre le peuple contre la brigue, contre les malheurs des mauvais choix, contre la corruption de ses représentants, est juste et nécessaire. Voilà, ce me semble, les vrais principes de cette question.

Vous avez cru me mettre en contradiction avec moi-même, en observant que j'avais manifesté une opinion contraire à la condition prescrite par le décret du marc d'argent; et cet exemple même est la preuve la plus sensible de la vérité de la doctrine que j'expose ici. Si plusieurs ont adopté une opinion contraire au décret du marc d'argent, c'est parce qu'ils le regardaient comme une de ces règles fausses qui offensent la liberté au lieu de la maintenir; c'est parce qu'ils pensaient que la richesse ne pouvait pas être la mesure ni du mérite, ni des droits des hommes; c'est qu'ils ne trouvaient aucun danger à laisser tomber le choix des électeurs sur des hommes qui, ne pouvant subjuguer les suffrages par les ressources de l'opulence, ne les auraient obtenus qu'à force de vertus; c'est parce que loin de favoriser la brigue, la concurrence des citoyens qui ne payaient point cette contribution ne favorisait que le mérite. Mais de ce que je croirais que le décret du marc d'argent n'est pas utile, s'ensuit-il que je blâmerais ceux qui repoussent les hommes flétris, ceux qui défendent la réélection des membres des corps administratifs?

Mais si, lorsque réellement les principes de la liberté étaient attaqués, vous aviez montré beaucoup moins de disposition à vous alarmer; si ce même décret du marc d'argent avait obtenu votre suffrage, n'est-ce pas moi qui pourrais dire que vous êtes en contradiction avec vous-mêmes, et qui aurais le droit de m'étonner que les excès de votre zèle datent précisément du moment où il était question d'assurer à des représentants, et même sans aucune exception, la perspective d'une réélection éternelle?

Laissez donc cette extrême délicatesse de principes, et examinons sans partialité le véritable point de la question, qui consiste à savoir si la rééligibilité est propre ou non à assurer au peuple de bons représentants. C'est d'après les vices des hommes qu'il faut en calculer les effets; car ce n'est que contre ces vices que les lois sont faites. Or, l'expérience a toujours prouvé qu'autant les peuples sont indolents ou faciles à tromper, autant ceux qui les gouvernent sont habiles et actifs pour étendre leur pouvoir et opprimer la liberté publique: c'est cette double cause qui a fait que les magistratures électives sont devenues perpétuelles et ensuite héréditaires. C'est l'histoire de tous les siècles qui a prouvé qu'une loi prohibitive de la réélection est le plus sûr moyen de conserver la liberté. Parlez-vous d'un corps de représentants destinés à faire des lois, à être les interprètes de la volonté générale? La nature même de leurs fonctions les rappelle impérieusement dans la classe des simples citoyens. Ne faut-il pas en effet qu'ils se trouvent dans la situation qui confond le plus leur intérêt et leur voeu personnel avec celui du peuple? Or, pour cela, il faut que souvent ils redeviennent peuple eux-mêmes. Mettez-vous à la place des simples citoyens, et dites de qui vous aimeriez mieux recevoir des lois, ou de celui qui est sûr de n'être bientôt plus qu'un citoyen, ou de celui qui tient encore à son pouvoir par l'espérance de le perpétuer.

Vous dites que le Corps législatif sera trop faible pour résister à la force du pouvoir exécutif, si tous les membres sont renouvelés tous les deux ans: mais à quoi tient donc la véritable force du Corps législatif? Est-ce à la puissance, au crédit, à l'importance de tels ou tels individus? Non: c'est à la Constitution sur laquelle il est fondé; c'est à la puissance, à la volonté de la nation qu'il représente et qui le regarde lui-même comme le boulevard nécessaire de la liberté publique. Croyez-vous que la nation consentira encore à reprendre ses premières chaînes, et à voir le despotisme ministériel se relever seul sur les débris des anciennes corporations, ou ces corporations elles-mêmes renaître de leurs propres cendres? Si telle est sa volonté, vos efforts sont superflus; mais s'il est évident aux yeux de tout homme raisonnable que sa volonté est différente, n'est-il pas ridicule de croire que le pouvoir de ses représentants disparaîtra devant le pouvoir exécutif, si tel individu cède sa place à un autre représentant qu'elle aura choisi? Le pouvoir du Corps législatif est immense par sa nature même: il est assuré par sa permanence, par la faculté de s'assembler sans convocation, par la loi qui refusera au roi le pouvoir de le dissoudre. Le respect, l'amour qu'inspireront les collections d'hommes qui le composeront successivement, dépendront des vertus, de la justice de ces hommes. Or, croyez-vous qu'ils seront plus incorruptibles sous la loi de la rééligibilité, que sous celle qui la proscrira?

Je crois qu'il est facile de prouver le contraire. C'est dans votre système que le Corps législatif sera trop faible pour résister, non pas à la force du pouvoir exécutif, mais à ses caresses et à ses séductions. Car, dès le moment où il sera assis sur les bases de la Constitution, ce n'est pas à le détruire que le pouvoir exécutif s'appliquera, mais à le corrompre; et ce qui sera à craindre, ce n'est pas qu'il soit trop faible contre la puissance exécutive, c'est qu'il soit trop fort contre la liberté des citoyens. Or, comparez les moyens de corruption dans le cas de la rééligibilité, avec ceux qu'il peut épuiser, dans le système contraire. N'est-il pas clair que le gouvernement aurait bien moins d'intérêt à corrompre des hommes dont la retraite romprait la trame qu'il aurait ourdie de concert avec eux contre la liberté de la nation; qu'il faudrait la renouer périodiquement avec de nouveaux obstacles et de nouveaux frais, sans être jamais sûr de recueillir dans une Assemblée nouvelle ce qu'il aurait semé dans la précédente: au contraire, voyez-le aux prises, pour ainsi dire, avec des représentants rééligibles; il s'attachera à ceux qui, par leur éloquence et par leur adresse, exerceront plus d'influence sur l'Assemblée législative; ils feront servir au succès de ses prétentions la réputation même de popularité qu'ils auront eu soin d'acquérir; et quand il les aura aidés de son pouvoir, pour les faire réélire à la législature suivante, ils achèveront alors de lui rendre les plus signalés services. Mais vous ne comprenez pas, dites-vous, comment le pouvoir exécutif pourrait concevoir l'idée de séduire des membres du Corps législatif, depuis qu'il ne peut plus les appeler au ministère. Je rougirais de vous rappeler qu'il existe d'autres moyens de corruption: mais je pourrais au moins demander si ces places que l'on ne peut obtenir pour soi, on peut ne pas les détourner sur ses amis, sur ses proches, sur son père, sur son fils; si le crédit d'un ministre est entièrement inutile; s'il est impossible que des membres du Corps législatif règnent en effet sous son nom, et qu'ils fassent, avec lui, une espèce d'échange de leur crédit et de leur pouvoir: je pourrais dire même que ce serait déjà un grand avantage que celui d'être porté à la législature par le parti et par l'influence que le pouvoir exécutif peut avoir dans les assemblées électorales. Il est vrai que vous supposez toujours que ceux qui seront réélus seront toujours les plus zélés et les plus sincères défenseurs de la patrie. Vous oubliez donc que vous avez dit vous-mêmes qu'un mot dit à propos lève tous les doutes sur le patriotisme d'un homme? Vous croyez à l'impuissance de l'intrigue et du charlatanisme! Vous croyez au discernement parfait, à l'impartialité absolue de ceux qui choisiront pour le peuple! Vous ignorez qu'il existe un art de s'abandonner toujours au cours de l'opinion du moment, en évitant soigneusement de la heurter pour servir le peuple; et que, dans cette arène, l'intrigant souple et ambitieux lutte souvent, avec avantage, contre le citoyen modeste et incorruptible! Mais c'est ici que le parallèle du représentant rééligible, et de celui qui ne l'est pas, tourne entièrement contre votre système. Suivez-les l'un et l'autre dans le cours de leur carrière. Le premier, séduit par l'espérance de prolonger la durée de son pouvoir, partage sa sollicitude entre ce soin et celui de la chose publique. A mesure surtout qu'il approche de la fin de sa carrière, il s'occupe avec plus d'ardeur des moyens de la recommencer; il songera plus à son canton qu'à sa patrie, à lui-même qu'à ses commettants: parmi ceux-ci, il caressera, il défendra avec plus de zèle ceux qui pourront seconder avec plus de succès son projet favori; il se gardera bien de protéger un citoyen obscur et malheureux contre un homme puissant et accrédité dans sa contrée, surtout si cet acte de justice n'était pas de nature à produire un éclat favorable à son ambition. Représentez-vous une Assemblée tout entière dans cette situation: les représentants du peuple détournés du grand objet de leur mission, changés en autant de rivaux, divisés par la jalousie, par l'intrigue, occupés presque uniquement à se supplanter, à se décrier les uns les autres, dans l'opinion de leurs concitoyens: reconnaissez-vous là des législateurs, des dépositaires du bonheur du peuple? Quelle sera l'influence de ces brigues honteuses? Elles dépraveront les moeurs publiques en même temps qu'elles dégraderont la majesté des lois.

Quel respect le peuple aurait-il pour des législateurs qui lui donneraient l'exemple des vices mêmes qu'ils doivent réprimer? Supposez, au contraire, que les législateurs soient mis à l'abri de ces tentations par la loi qui met obstacle à la rééligibilité, ils ne doivent avoir naturellement d'autre pensée que celle du bien public. Le pouvoir exécutif a moins d'intérêt de les séduire, parce qu'ils ne peuvent pas lui vendre un système de perfidies gradué et prolongé dans une autre législature: leur prévarication serait d'autant plus odieuse qu'elle serait plus brusque et plus précipitée. Le véritable objet de leur ambition, déterminé par la durée même de leur mission, est de la mettre à profit pour leur gloire, pour mériter l'estime et la reconnaissance de la nation dans le sein de laquelle ils sont sûrs de retourner. Je m'étonne donc de l'extrême prévention que l'un des préopinants surtout, M. Duport, a marquée pour une législature dont les membres ne pourraient point être réélus, quand il a prononcé qu'ils n'emploieraient leur temps qu'à deux choses: à médire des ministres, et à plaider la cause de leurs départements contre l'intérêt général de la nation. Quant aux intérêts du département, j'ai déjà prouvé que cet inconvénient, et même un inconvénient plus grave, n'existait que dans le système opposé: quant aux ministres, s'ils en médisaient, cela prouverait au moins qu'ils ne leur seraient point asservis; et c'est beaucoup. D'ailleurs, quoique nous soyons nous-mêmes entachés de ce vice capital, par le décret de lundi* [*Il s'agit du décret de l'avant-veille, 16 mai, par lequel l'Assemblée avait prescrit que ses membres ne pourraient être réélus à la législature suivante.], je suis persuadé que nous emploierons notre temps à quelque chose de mieux qu'à médire des ministres sans nécessité, et à parler uniquement des affaires de nos départements; et je suis convaincu, au surplus, que ce décret, quoi qu'on puisse dire, n'a pas affaibli l'estime de la nation pour ses représentants actuels.

On a fait une autre objection qui ne me paraît pas plus raisonnable, lorsqu'on a dit que, sans l'espoir delà rééligibilité, on ne trouverait pas, dans les vingt-cinq millions d'hommes qui peuplent la France, des hommes dignes de la législature. Ce qui me paraît évident, c'est que s'opposer à la réélection est le véritable moyen de bien composer la législature. Quel est le motif qui doit appeler, qui peut appeler un citoyen vertueux à désirer ou à accepter cet honneur, le plus grand de ceux que la nation française puisse accorder à ses citoyens? Sont-ce les richesses, le désir de dominer, et l'amour du pouvoir? Non. Je n'en connais que deux: le désir de servir sa patrie; le second, qui est naturellement uni à celui-là, c'est l'amour de la véritable gloire, celle qui consiste, non dans l'éclat des dignités, ni dans le faste d'une grande fortune, mais dans le bonheur de mériter l'amour de ses semblables par des talents et des vertus. Or, je dis que deux années de travaux aussi brillants qu'utiles, sur le plus grand théâtre où les talents et les vertus puissent se développer, suffisent pour satisfaire ce genre d'ambition. Quand on les a bien su mettre à profit, on peut retourner, avec quelque plaisir, dans le sein de sa famille, et souffrir avec patience cet intervalle de deux ans, qui peut paraître une situation violente à un ambitieux, mais qui est nécessaire à l'homme, le plus éclairé, pour méditer sur les principes de la législation avec plus de profondeur qu'on ne peut le faire au milieu du tourbillon des affaires, et surtout pour reprendre ce goût de l'égalité, que l'on perd aisément dans les grandes places. Ne me parlez pas de pur civisme et de perfection idéale, et ne calomniez pas la nature humaine, pour avoir un prétexte de repousser ces principes. Je vous assure que ces sentiments sont plus naturels que vous ne croyez: je connais plus d'un homme qui pense ainsi; j'en ai sous mes yeux; et l'oeil du public en découvrirait davantage, si l'état ancien de notre gouvernement avait permis qu'un plus grand nombre d'hommes acquît ou l'habitude ou l'audace de la parole: mais laissez se répandre les principes du droit public, et s'établir la nouvelle constitution; et vous verrez naître une foule d'hommes qui développeront un caractère et des talents. Croyez, croyez dès à présent qu'il existe dans chaque contrée de l'empire des pères de famille qui viendront volontiers remplir le ministère de législateurs, pour assurer à leurs enfants des moeurs, une patrie, le bonheur et la liberté; des citoyens qui se dévoueront volontiers, pendant deux ans, au bonheur de servir leurs concitoyens, et de secourir les opprimés. Et si vous avez tant de peine à croire à la vertu, croyez du moins à l'amour-propre, croyez que, chez une nation qui n'est pas tout à fait stupide et abrutie, un grand nombre d'hommes, un trop grand nombre peut-être, sera naturellement jaloux d'obtenir le prix le plus glorieux de la confiance publique. Voulez-vous me parler de ces hommes qu'une ambition vile et insensée dévore, qui n'estiment rien que la richesse et l'orgueil du pouvoir; de ces hommes que le génie de l'intrigue pousse dans une carrière que le seul génie de l'humanité devrait ouvrir? Voulez-vous me dire qu'ils fuiront la législature, si l'appât de la réélection ne les y attire? Tant mieux! Ils ne troubleront pas le bonheur public par leurs intrigues; et la vertu modeste recevra le prix qu'ils lui auraient enlevé. Voulez-vous faire des fonctions du législateur un état lucratif, un vil métier? Non. Dispensez-vous donc du détail de toutes ces petites convenances personnelles, de tous ces méprisables calculs qui contrastent avec la grandeur d'une si sainte mission.

Faut-il dissiper encore une autre crainte? Vous craignez que, si l'on ne conserve pas des membres de chaque législature, les autres n'aient pas les lumières nécessaires pour remplir leurs fonctions.

Je pourrais observer que cet argument banal, comme ceux que j'ai déjà réfutés, s'appliquait à la disposition qui écarte les membres de l'Assemblée nationale actuelle de la législature prochaine, et que l'Assemblée l'a rejeté, quoi qu'on ait dit, avec une profonde sagesse. Son moindre défaut est de présenter les fonctions du législateur comme on présentait la finance lorsqu'elle était couverte d'un voile mystérieux! Quoi! lorsque étrangers, pour la plupart, à ces occupations, vous avez suffi à des travaux si immenses, si compliqués; quand vous avez pensé que la législature qui, après vous, devait être la plus surchargée d'affaires, pouvait se passer de votre secours, et être entièrement composée de nouveaux individus, vous croiriez que les législatures suivantes auront besoin de transmettre à celles qui viendront après elles des guides, des Nestors politiques, dans le temps où toutes les parties du gouvernement seront plus simplifiées et plus solidement affermies? Non; la législation tient bien plus à des principes qu'à la routine. Toutes les lois importantes sont toujours devancées par l'opinion publique, provoquées par un besoin présent, ou par la nécessité de réformer des abus dont on a longtemps gémi. On a voulu fixer votre attention sur de certains détails de finance, d'administration, comme si les législatures, par le cours naturel des choses, ne devaient pas voir dans leur sein des hommes instruits dans l'administration, dans la finance, et présenter une diversité infinie de connaissances, de talents en tout genre. Je conclurai plutôt, de tout ce qu'on a dit à cet égard, qu'il n'est pas bon qu'il reste des membres de l'ancienne; car s'ils étaient présumés d'avance nécessaires à certaines parties qui tiennent à l'administration, ils se perpétueraient dans les mêmes emplois: les autres membres se dispenseraient de s'en instruire; et l'esprit particulier, l'intérêt individuel seraient substitués aux lumières, au voeu général de l'Assemblée représentative. Ce qui m'étonne surtout, c'est que ceux qui veulent nous inspirer ces terreurs aient oublié de faire une observation bien simple, qui les en eût eux-mêmes préservés. Comment croire en effet à cette effroyable pénurie d'hommes éclairés, puisque après chaque législature on pourra choisir les membres de celles qui l'auront précédée? Les partisans les plus zélés de la réélection peuvent se rassurer; s'ils se croyaient absolument nécessaires au salut public, dans deux ans ils pourront être les ornements et les oracles de la législature qui suivra immédiatement la prochaine.

Comment concevoir après cela ces cris éternels que nous entendons retentir depuis plusieurs jours: c'en est fait de la Constitution; la liberté est perdue? Il est vrai que ces déclamations portaient principalement sur le décret qui concerne l'Assemblée actuelle; il est vrai que tous ces discours étaient faits et préparés avant ce décret, et qu'ils étaient destinés à prouver aussi que nous devions être réélus; et je ne sais si l'on trouve un secret plaisir à le censurer en discutant une question liée aux principes qui l'ont dicté: mais ce que je sais bien, c'est qu'il est permis de s'étonner de ce que ces personnes n'ont commencé à nous effrayer sur les dangers de la patrie, que le jour où l'Assemblée nationale a donné ce grand exemple de sagesse et de magnanimité. Pour moi, indépendamment de toutes les raisons que j'ai déduites et que je pourrais ajouter, un fait particulier me rassure: c'est que les mêmes personnes qui nous ont dit: tout est perdu, si on ne réélit pas, disaient aussi, le jour du décret qui nous interdit l'entrée du ministère: tout est perdu; la liberté du peuple est violée; la Constitution est détruite. Je me rassure, dis-je, parce que je crois que la France peut subsister, quoique quelques-uns d'entre nous ne soient ni législateurs, ni ministres; je ne crois pas que l'ordre social soit désorganisé, comme on l'a dit, précisément parce que l'incorruptibilité des représentants du peuple sera garantie par des lois sages. Ce n'est pas que je ne puisse concevoir aussi de certaines alarmes d'un autre genre; j'oserais même dire que tel discours véhément, dont l'impression fut ordonnée hier, est lui-même un danger, ou du moins en présage quelqu'un. A Dieu ne plaise que ce qui n'est point relatif à l'intérêt public soit ici l'objet d'une de mes pensées! Aussi suis-je bien loin de juger sévèrement cette longue mercuriale prononcée contre l'Assemblée nationale le lendemain du jour où elle a rendu un décret qui l'honore, et tous ces anathèmes lancés du haut de la tribune contre toute doctrine qui n'est pas celle du professeur: mais si en même temps qu'on prévoit, qu'on annonce des troubles prochains; en même temps que l'on en voit les causes dans cette lutte continuelle des factions diverses et dans d'autres circonstances que l'on connaît très bien, on s'étudiait à les attribuer d'avance à l'Assemblée nationale, au décret qu'elle vient de rendre, on cherchait d'avance à se mettre à part, ne me serait-il pas permis de m'affliger d'une telle conduite, et d'être trop convaincu de ce que l'on aurait voulu prouver: que la liberté serait en effet menacée? Mais je ne veux pas moi-même suivre l'exemple que je désapprouve, en fixant l'attention de l'Assemblée sur un épisode plus long que l'objet de la discussion; j'en ai dit assez pour prouver que, si les dangers de la patrie étaient mis une fois à l'ordre du jour, j'aurais aussi beaucoup de choses à dire. Au reste, le remède contre ces dangers, de quelque part qu'ils viennent, c'est votre prévoyance, votre sagesse, votre fermeté. Dans tous les cas nous saurons consommer, s'il le faut, le sacrifice que nous avons plus d'une fois offert à la patrie! Nous passerons; les cabales des ennemis de la patrie passeront: les bonnes lois, le peuple, la liberté resteront. Maintenant il s'agit de porter une loi qui doit influer sur le bonheur des temps qui nous suivront; j'ai prouvé qu'elle était nécessaire à la liberté: j'aurais pu me contenter d'observer que les mêmes principes qui ont nécessité votre décret relatif à l'Assemblée actuelle s'appliquent à toutes les Assemblées législatives. Ce n'est qu'une raison de convenance très impérieuse, très morale, qui m'a déterminé à provoquer préliminairement le premier décret. Du moins je ne l'eusse jamais proposé, si j'avais pensé qu'il fût contraire aux principes généraux de l'intérêt public: il importe que ceux qui s'opposaient à ce même décret ne vous mettent pas en contradiction avec vous-mêmes, et ne prennent pas le droit de présenter comme un acte de désintéressement ou de générosité ce qui est un acte de raison, de sagesse et de zèle pour le bien public. Au reste, je dois ajouter une dernière observation: c'est que ce même décret et les principes que j'ai développés militent contre toute réélection immédiate d'une législature à l'autre. Ce qui me porte à faire cette observation, c'est que je sais que l'on proposera de réélire au moins pour une législature, parce que, pour peu que les opinions soient partagées, ou se laisse facilement entraîner à ces termes moyens, qui participent presque toujours des inconvénients des deux termes opposés.

Je demande que les membres des Assemblées législatives ne puissent être réélus qu'après l'intervalle d'une législature.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
22 ekim 2017
Hacim:
180 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
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