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Kitabı oku: «Introduction à la vie dévote», sayfa 18

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CHAPITRE XXXIV.
Quand on peut jouer ou danser

Pour jouer et danser licitement, il faut que ce soit par récréation, et non par passion; pour peu de temps, et non jusqu'à en être étourdi et fatigué; et que ce soit rarement; car qui s'en fait une habitude, changera bientôt la récréation en occupation.

Mais en quelles occasions peut-on jouer et danser? Les justes occasions de la danse et d'un jeu indifférent sont plus fréquentes; celles des jeux défendus sont plus rares, comme aussi tels jeux sont plus blâmables et plus dangereux que tels autres. Mais, pour le dire en un mot, dansez et jouez sous les conditions que je vous ai marquées, lorsque la prudence et la discrétion vous conseilleront cette honnête condescendance pour les personnes avec lesquelles vous vous trouvez en compagnie; car la condescendance, qui est fille de la charité, rend les choses indifférentes bonnes, et les dangereuses permises. Elle ôte même la malice à celles qui jusqu'à un certain point sont mauvaises: ainsi les jeux de hasard, qui autrement seroient blâmables, ne le sont pas, quand une juste condescendance nous y porte. J'ai lu avec bien de la consolation dans la vie de saint Charles Borromée, qu'il usoit de cette condescendance avec les Suisses en de certaines choses, pour lesquelles il étoit d'ailleurs très-sévère; et que le bienheureux Ignace de Loyola, étant un jour invité à jouer, accepta bonnement la partie. Quant à sainte Elisabeth de Hongrie, elle jouoit et dansoit quelquefois lorsqu'elle se trouvoit dans les assemblées où l'on prenoit ce plaisir; ce qui ne nuisoit aucunement à sa dévotion; car elle l'avoit si fort enracinée dans son ame, que, comme les rochers du lac de Riette croissent parmi les flots et les vagues, de même aussi sa dévotion croissoit parmi les pompes et les vanités auxquelles sa condition l'exposoit. Ce sont les grands feux qui s'enflamment au vent, mais les petits s'éteignent si on ne les porte à couvert.

CHAPITRE XXXV.
Qu'il faut être fidèle dans les petites choses aussi bien que dans les grandes

L'époux sacré des Cantiques dit que son épouse lui a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux. Or, de toutes les parties extérieures du corps humain, il n'en est point de plus admirable que l'œil, soit pour la conformation, soit pour l'activité, ni de plus vile que le cheveu. C'est pourquoi le divin époux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement pour agréables les grandes œuvres des personnes dévotes, mais encore les moindres et les plus basses; et que, pour le servir à son goût, il faut avoir soin de le bien servir, et dans les choses importantes et relevées, et dans les choses petites et abjectes, puisque nous pouvons également par les unes et par les autres ravir son cœur d'amour.

Préparez-vous donc, Philothée, à souffrir beaucoup de grandes afflictions pour Notre-Seigneur, et même le martyre; soyez bien résolue à lui donner tout ce que vous avez de plus précieux, s'il lui plaisoit de le prendre: père, mère, frère, mari, femme, enfans, vos yeux mêmes, et votre vie; car votre cœur doit être prêt à tous ces sacrifices; mais tandis que la divine Providence ne vous envoie pas des afflictions si grandes et si sensibles, et qu'elle ne vous demande pas vos yeux, donnez-lui pour le moins vos cheveux. Je veux dire, supportez tout doucement ces injures, ces petites contrariétés, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalières: car en usant de ces petites occasions avec beaucoup d'amour et de charité, vous gagnerez entièrement son cœur, et le rendrez tout vôtre. Ces petits devoirs de tous les jours, ce mal de tête, ce mal de dents, cette fluxion, cette bizarrerie du mari ou de la femme, ce verre brisé, ce mépris ou cette moue, cette perte de gants, d'une bague, d'un mouchoir, cette petite incommodité d'aller se coucher de bonne heure, et de se lever matin pour prier, pour communier, cette petite honte que l'on a de faire publiquement certaines pratiques de dévotion; bref, toutes ces petites misères étant prises et embrassées avec amour, seront très-agréables à la bonté divine, qui, pour un seul verre d'eau donné en son nom, a promis à ses fidèles des torrens de félicité; et comme ces occasions se présentent à tout moment, voyez quels fonds de richesses spirituelles nous pouvons amasser en sachant bien en profiter.

Quand j'ai vu dans la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissement et d'extases, tant de paroles d'une sublime sagesse, et même des prédications faites par elle, je n'ai point douté qu'avec cet œil de contemplation elle n'eût ravi le cœur de son céleste époux; mais j'ai eu aussi bien de la consolation quand je l'ai vue en la cuisine de son père, tourner humblement la broche, attiser le feu, apprêter la viande, pétrir le pain, et faire tous les plus bas offices de la maison avec un courage plein d'amour pour son Dieu; et je n'estime pas moins les petites et simples méditations qu'elle faisoit parmi des occupations si basses, que les extases et les ravissemens qu'elle eut si souvent, et qui ne furent peut-être que la récompense de son humilité et de son abjection. Or, voici comme elle méditoit: Elle s'imaginoit qu'en apprêtant le dîner pour son père, elle l'apprêtoit pour Notre-Seigneur comme une autre sainte Marthe; que sa mère tenoit la place de la sainte Vierge, et ses frères, la place des apôtres; par là elle s'excitoit à servir en esprit toute la cour céleste, et s'employoit à ces humbles fonctions avec une grande consolation, parce qu'elle savoit que telle étoit la volonté de Dieu. J'ai cité cet exemple, Philothée, afin que vous sachiez comment il est important de faire toutes nos actions, quelque petites et basses qu'elles soient, en vue de servir et d'honorer la divine Majesté.

Pour cela je vous conseille autant que je le puis, d'imiter cette femme forte, que Salomon a tant louée, laquelle, en s'occupant de choses grandes, fortes et généreuses, ne laissoit pas néanmoins de filer et de tourner le fuseau: Elle a mis la main à des choses fortes, et ses doigts ont pris le fuseau. Mettez aussi la main à des choses fortes, en vous exerçant à la prière et à la méditation, à l'usage des sacremens, à inspirer l'amour de Dieu au prochain, à répandre dans les cœurs de bonnes inspirations, et enfin à faire des œuvres grandes et importantes, selon votre vocation. Mais en même temps n'oubliez pas votre fuseau et votre quenouille, c'est-à-dire pratiquez les petites et humbles vertus, qui, comme de simples fleurs, croissent au pied de la croix: le service des pauvres, la visite des malades, le soin de la famille avec les œuvres qui en dépendent, et cette activité précieuse qui ne vous laissera pas un seul instant oisive; et au milieu de tout cela, occupez-vous de temps en temps de considérations semblables à celles de sainte Catherine de Sienne, dont je viens de vous parler.

Les grandes occasions de servir Dieu se présentent rarement; mais les petites sont très-communes. Or, qui sera fidèle dans les petites choses, dit le Sauveur lui-même, on l'établira sur de grandes. Faites donc toutes choses au nom de Dieu, et toutes choses seront bien faites, soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous dormiez, soit que vous jouiez, soit que vous tourniez la broche: pourvu que vous sachiez bien ménager vos affaires, vous profiterez beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les fassiez.

CHAPITRE XXXVI.
Qu'il faut avoir l'esprit juste et raisonnable

Nous ne sommes hommes que par la raison, et c'est pourtant une chose rare de trouver des hommes vraiment raisonnables, l'amour-propre nous troublant presque toujours l'esprit, et nous conduisant à mille sortes de petites mais très-dangereuses injustices, qui ressemblent beaucoup à ces petits renardeaux dont il est parlé dans le Cantique: car, parce qu'ils sont petits, on n'y prend pas garde; mais parce qu'ils sont en quantité, ils ne laissent pas de nuire beaucoup, et de faire un grand dégât dans les vignes.

Vous allez juger, Philothée, si les traits que je vais vous citer ne sont pas autant d'injustices et de déraisons? Nous accusons le prochain pour de petites choses, et nous nous excusons nos fautes les plus grossières; nous voulons vendre fort cher, et acheter bon marché; nous voulons qu'on fasse justice des autres, et que pour nous l'on use de miséricorde et de clémence; nous voulons que l'on prenne nos paroles en bonne part, et nous sommes chatouilleux à l'excès pour celles des autres; nous voudrions que notre voisin nous cédât son bien en le payant, et n'est-il pas plus juste qu'il le garde, si bon lui semble, en nous laissant notre argent? nous lui savons mauvais gré de ce qu'il ne veut pas nous accommoder, et n'a-t-il pas bien plus raison de se plaindre que nous le voulons incommoder?

Si nous affectionnons un exercice, nous méprisons tout le reste, et contrôlons tout ce qui ne vient pas à notre goût. S'il y a quelqu'un de nos inférieurs qui n'ait pas bonne grâce, ou que nous ayons pris une fois en aversion, quoi qu'il fasse, nous le trouvons mauvais; nous ne cessons de le contrister, et sommes toujours à le quereller. Au contraire, si quelqu'un nous plaît par ses manières extérieures, il ne fait rien que nous n'excusions. Il y a des enfans vertueux que leurs pères et mères ne peuvent presque pas voir, à cause de quelque imperfection corporelle; et il y en a de vicieux qui sont les favoris à cause qu'ils ont bonne mine. En tout nous préférons les riches aux pauvres, quoiqu'ils ne soient ni de meilleure condition, ni si vertueux: nous préférons même les mieux vêtus. Nous exigeons nos droits en toute rigueur, et nous voulons que les autres soient désintéressés quand il s'agit des leurs; nous sommes pointilleux à garder notre rang, et nous voulons que les autres soient humbles et condescendans; nous nous plaignons volontiers du prochain, et nous ne voulons pas que personne se plaigne de nous; nous estimons beaucoup ce que nous faisons pour autrui, et nous comptons pour rien tout ce qu'on fait pour nous. Bref, nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie, qui ont deux cœurs; car nous en avons un doux, gracieux et indulgent pour nous-mêmes; et un autre dur, sévère et rigoureux pour le prochain. Nous avons deux poids: l'un pour peser nos intérêts avec le plus d'avantage que nous pouvons, et l'autre pour peser les intérêts d'autrui avec le plus de désavantage possible. Or, parler ainsi avec un cœur et un cœur, comme dit l'Ecriture, c'est-à-dire avoir deux cœurs, et avoir deux poids, l'un fort pour recevoir, et l'autre foible pour délivrer, c'est une chose abominable devant Dieu.

En toutes vos actions, Philothée, soyez égale et juste. Mettez-vous toujours en la place du prochain, et mettez-le en la vôtre, et comme cela vous jugerez bien. Supposez-vous vendeuse quand vous achetez, et acheteuse quand vous vendez, et vous vendrez et achèterez justement.

Toutes ces injustices sont petites et n'obligent pas à restitution, parce que je suppose que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles nous obligent au moins à nous amender, parce que ce sont de grands défauts de raison et de charité, et qu'au bout de cela se trouvent presque toujours de vraies tricheries. D'ailleurs on ne perd jamais rien à vivre généreusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur loyal, juste et raisonnable. Souvenez-vous donc, Philothée, d'examiner souvent votre cœur, pour voir s'il est pour le prochain ce que vous voudriez que le sien fût pour vous, en supposant que vous fussiez en sa place; car voilà le point de la vraie et droite raison. Trajan étant repris par ses confidens de ce qu'il rendoit, à leur avis, la majesté impériale trop accessible: Quoi donc, leur dit-il, ne dois-je pas être empereur pour mes sujets, comme je voudrois que fût l'empereur si j'étois sujet moi-même?

CHAPITRE XXXVII.
Des désirs

Chacun sait qu'il faut se garder du désir des choses vicieuses; car le désir du mal rend mauvais. Mais je vous dis de plus, Philothée, ne désirez point les choses qui sont dangereuses pour votre ame, comme les bals, les jeux et autres divertissemens, les honneurs et les charges, les visions et les extases; car il y a dans tout cela beaucoup de péril, de vanité et de tromperie. Ne désirez pas non plus les choses fort éloignées, c'est-à-dire qui ne peuvent arriver de long-temps, comme font plusieurs, qui, par ce moyen, lassent et dissipent leur cœur inutilement, et s'exposent à de grandes inquiétudes. Si un jeune homme désire fort d'être pourvu d'une charge avant que le temps en soit venu, à quoi, je vous prie, lui sert ce désir? Si une femme mariée désire être religieuse, à quel propos? Si je désire acheter le bien de mon voisin avant qu'il soit prêt à le vendre, mon temps ne se trouve-t-il pas perdu en ce désir? Si, étant malade, je désire prêcher, dire la sainte messe, visiter les autres malades, faire enfin ce que font les gens qui se portent bien, ces désirs ne sont-ils pas vains, puisqu'il n'est pas en mon pouvoir de les effectuer? Et cependant ces désirs inutiles occupent la place des autres que je devrais avoir, comme sont les désirs d'être bien patient, bien résigné, bien mortifié, bien obéissant, bien doux en mes souffrances: toutes choses que Dieu me demande en l'état où je suis; souvent nos désirs ressemblent à ceux des femmes grosses, qui veulent des cerises fraîches en automne, et des raisins frais au printemps.

Je n'approuve nullement qu'une personne attachée à une vocation quelconque s'amuse à désirer une autre sorte de vie que celle qui lui appartient, et des exercices incompatibles avec sa condition présente; car cela dissipe le cœur, et le refroidit pour les choses nécessaires. Si je désire la solitude des Chartreux, je perds mon temps, et ce désir tient la place de celui que je dois avoir de me bien acquitter de mon emploi. Non, je ne voudrois pas même qu'on désirât d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement; car ces désirs sont frivoles, et tiennent la place de celui que chacun doit avoir de cultiver son esprit tel qu'il est; ni enfin que l'on désirât les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, au lieu d'employer fidèlement ceux que l'on a entre les mains. Or, tout cela s'entend des désirs qui amusent le cœur; car, quant aux simples souhaits, ils ne causent aucun dommage, pourvu qu'ils ne soient pas fréquens.

Ne désirez pas les croix, sinon à mesure que vous aurez bien supporté celles qui se seront présentées; car c'est un abus de désirer le martyre et de n'avoir pas la force de supporter une injure. L'ennemi nous donne souvent de grands désirs pour des objets absens, et qui ne se présenteront jamais, afin de détourner notre esprit des objets présens, et qui, tout petits qu'ils sont, nous pourroient être d'un grand profit. Nous combattons les monstres d'Afrique en imagination, et nous nous faisons tuer en effet par les petits serpens qui sont en notre chemin; cela faute d'attention.

Ne désirez point les tentations, car ce seroit témérité: mais exercez votre cœur à les attendre courageusement, et à vous en défendre quand elles arriveront.

La variété des viandes, surtout si la quantité y est jointe, charge toujours l'estomac, et s'il est foible, elle le ruine. Ne remplissez pas votre ame de beaucoup de désirs, les désirs mondains vous gâteroient entièrement, et la multitude de désirs spirituels vous embarrasseroit. Quand notre ame est purgée, se sentant déchargée des mauvaises humeurs, elle a un grand appétit des choses spirituelles; elle en est comme affamée, elle se met à désirer mille sortes d'exercices de piété, de mortification, de pénitence, d'humilité, de charité et d'oraison. C'est bon signe, Philothée, d'avoir ainsi appétit; mais regardez si vous pourrez bien digérer tout ce que vous voulez manger. Choisissez donc, selon l'avis de votre père spirituel, entre tant de désirs, ceux qui peuvent être pratiqués et exécutés de suite, arrêtez-vous à ceux-là: quand vous les aurez réalisés, Dieu vous en enverra d'autres, que vous pratiquerez aussi en leur saison: et ainsi vous ne perdrez pas le temps en désirs inutiles. Je ne dis pas qu'il faille étouffer et perdre aucune sorte de bons désirs; mais je dis qu'il les faut produire avec ordre: ceux qui ne peuvent être effectués présentement, il les faut serrer en quelque coin du cœur, jusqu'à ce que leur temps soit venu, et en attendant il faut donner suite à ceux qui sont mûrs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les désirs spirituels, mais encore pour les mondains. Autrement nous ne saurions vivre qu'avec trouble, inquiétude et empressement.

CHAPITRE XXXVIII.
Avis pour les gens mariés

Le mariage est un grand sacrement, je dis en Jésus-Christ et en son Eglise. Il est honorable pour tous, en tous, et en tout, c'est-à-dire en toutes ses parties. Pour tous; car les vierges mêmes le doivent honorer avec humilité. En tous; car il est également saint et entre les pauvres et entre les riches. En tout; car son origine, sa fin, son utilité, sa matière et sa forme sont saintes. C'est la pépinière du christianisme, qui remplit la terre de fidèles, pour accomplir dans le Ciel le nombre des élus; en sorte que la conservation de l'honnêteté et de la sainteté du mariage est extrêmement importante au bien de la société, dont elle est en quelque sorte la racine et la source.

Plût à Dieu que son Fils bien-aimé fût appelé à toutes les noces, comme il le fut à celles de Cana! le vin des consolations et des bénédictions n'y manqueroit jamais. Car ce qui fait qu'il y en a si peu ordinairement, c'est qu'en place de Notre-Seigneur et de la sainte Vierge, on n'y invite que la licence et le scandale. Qui veut être heureux dans le mariage doit en commençant se bien pénétrer de la sainteté et de la dignité de ce sacrement; mais au lieu de cela, c'est alors qu'on se livre à mille excès en jeux, en festins et en paroles. Ce n'est donc pas merveille, si les suites en sont si funestes.

J'exhorte surtout les personnes mariées à l'amour mutuel que le Saint-Esprit leur recommande tant dans l'Ecriture. Ce n'est rien de leur dire: aimez-vous d'un amour naturel, car c'est ainsi que s'aiment les animaux; ce n'est rien non plus de leur dire: aimez-vous d'un amour humain, car les païens ont pratiqué cet amour-là; mais je vous dis après le grand Apôtre: Maris, aimez vos femmes comme Jésus-Christ aime son Eglise. Femmes, aimez vos maris comme l'Eglise aime son Sauveur. Ce fut Dieu qui amena Eve à notre premier père Adam, et qui la lui donna pour femme. C'est Dieu aussi, mes amis, qui de sa main invisible a formé les nœuds sacrés de votre mariage, et qui vous a donnés les uns aux autres. Pourquoi donc ne vous aimeriez-vous pas d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin?

Le premier effet de cet amour, c'est l'union indissoluble des époux, laquelle est rendue si forte par l'application des mérites du sang de Jésus-Christ, que leur ame doit se séparer de leur corps plutôt que le mari de sa femme. Or cette union est moins celle des corps que celle des cœurs et des affections.

Le second effet de cet amour doit être la fidélité inviolable des époux. Anciennement les cachets étoient gravés sur des anneaux que l'on portoit au doigt, ainsi que le témoigne la Sainte-Ecriture elle-même. Voici donc le secret de la cérémonie qui se fait au mariage: l'Eglise, par la main du prêtre, bénit un anneau, et le donne premièrement à l'homme comme le sceau du sacrement qui ferme son cœur à tout autre amour qu'à celui de l'épouse qui lui a été donnée, au moins, tant qu'elle vivra. Après cela l'époux remet l'anneau en la main de son épouse, afin que réciproquement elle sache que, tant qu'il vivra sur la terre, elle ne doit recevoir aucune autre affection en son cœur que celle que Notre-Seigneur vient de bénir.

Le troisième fruit du mariage, c'est la naissance et la bonne éducation des enfans; ô époux! combien est grand l'honneur que Dieu vous fait, lorsque voulant multiplier les hommes qui puissent le louer et le bénir éternellement, il se sert de vous pour un si grand dessein; unissant aux êtres que vous formez les ames qu'il leur destine, et qu'il répand en eux comme des gouttes célestes, au même instant où il les crée!

Conservez donc, ô maris! un tendre, constant et cordial attachement pour vos femmes. Car si la première de toutes fut tirée du côté d'Adam le plus proche du cœur, ce fut pour être aimée de lui cordialement et tendrement. Bien loin donc que les foiblesses et les infirmités, soit du corps, soit de l'esprit, vous doivent inspirer pour vos femmes aucune sorte de mépris, vous devez au contraire n'en avoir pour elles qu'une plus douce et plus amoureuse compassion, puisque Dieu les a créées telles, afin que, dépendant de vous, vous en reçussiez plus d'honneur et de respect, et que vous en fussiez les supérieurs et les chefs, en même temps que vous les avez pour compagnes. Et vous, ô femmes! aimez tendrement et cordialement, mais en même temps d'un amour très-respectueux, les maris que Dieu vous a choisis. Car vraiment Dieu a donné à l'homme plus de force et de courage, afin que la femme lui fût soumise comme l'os de ses os, et la chair de sa chair; et la première de votre sexe fut formée d'une côte d'Adam, et tirée de dessous son bras, afin que toutes apprissent à se tenir sous la main et sous la conduite de leurs maris. Que si l'Ecriture vous recommande étroitement cette sujétion, elle ne laisse pas néanmoins de vous la rendre douce; car non-seulement elle veut que vous vous y accommodiez avec amour, mais encore elle ordonne à vos maris de l'exercer avec une grande tendresse, douceur et suavité: Maris, dit saint Pierre, comportez-vous envers vos femmes avec respect et discrétion, les considérant comme des vases fragiles, qui doivent partager avec vous l'héritage de la grâce et de la vie.

Mais tandis que je vous exhorte à faire croître de plus en plus cette affection mutuelle que vous vous devez, prenez garde qu'elle ne se convertisse en jalousie; car il arrive souvent que comme le ver s'engendre de la pomme la plus délicate et la plus mûre, la jalousie aussi se forme de l'affection la plus vive entre les époux; ce qui en gâte et en corrompt tellement la nature, que bientôt il n'y a plus dans le ménage que querelles, dissensions et divorces. Certes la jalousie n'arrive jamais quand l'amitié est fondée de part et d'autre sur la vraie vertu: c'est pourquoi elle est une marque indubitable d'un amour imparfait, grossier et sensuel, qui s'est adressé à une vertu foible, inconstante et suspecte. C'est donc une sotte prétention que de vouloir exalter l'amitié par la jalousie; car si la jalousie prouve la grandeur et la véhémence de l'amitié, elle n'en prouve ni la pureté, ni la perfection; puisque la perfection de l'amitié présuppose l'assurance de la vertu de la personne aimée, et que la jalousie en présuppose l'incertitude.

Hommes, si vous attendez de vos femmes grande fidélité, donnez-leur-en vous-mêmes un grand exemple. «Avec quel front, dit saint Grégoire de Nazianze, voulez-vous que vos femmes soient sujettes aux lois de la pudicité, si vous vous laissez aller à la licence de la volupté? Pourquoi leur demandez-vous ce qu'elles ne trouvent pas en vous? Voulez-vous qu'elles soient chastes? commencez par rendre bien pure la société que vous avez contractée avec elles; et, comme dit saint Paul, que chacun sache posséder son vase en esprit de sanctification: si au contraire vos mauvaises manières corrompent en elles l'honnêteté des mœurs, ne vous étonnez pas qu'après cela votre honneur souffre de leur infidélité: mais vous, femmes, en qui l'honneur est inséparable de la pudeur, soyez extrêmement jalouses de votre gloire, et ne permettez jamais qu'aucune liberté mal réglée en ternisse l'éclat.»

Craignez toutes choses autour de tous, pour petites qu'elles soient; ne souffrez jamais aucune cajolerie ni sotte flatterie: quiconque veut louer les avantages naturels que le Ciel vous a donnés, vous doit être suspect; car l'on dit communément, que celui qui loue avec chaleur une marchandise qu'il ne peut pas acheter, est ordinairement fort tenté de la dérober. Mais si l'on veut joindre à vos louanges le mépris de votre mari, l'on vous offense infiniment, parce qu'il est évident que non-seulement l'on veut vous perdre, mais que l'on vous tient déjà pour demi-perdue; et véritablement le marché est à demi-fait avec le second marchand, quand on est dégoûté du premier. Lorsque j'ai fait réflexion qu'on donna à la chaste Rebecca de riches pendans d'oreilles de la part d'Isaac, son époux, comme les premiers gages de son amour, j'ai pensé que cet ornement, dont l'usage est de tout temps établi parmi les femmes, étoit plus mystérieux qu'on ne croit, et que n'a cru Pline, qui n'en marque pas d'autre raison, que le plaisir d'un certain bruit qui se fait à leurs oreilles, et qui flatte agréablement leur vanité. Pour moi je crois, selon cette observation de l'Ecriture, que c'est pour marquer le premier droit de l'époux sur le cœur de son épouse, qui doit fermer l'oreille à tout autre voix qu'à la sienne; car enfin, il faut toujours se souvenir que c'est par l'oreille qu'on empoisonne le cœur.

L'amour et la fidélité produisent ensemble une douce et familière confiance, qui se manifeste par des démonstrations tendres et amoureuses, mais chastes et sincères: c'est ainsi que les saints et les saintes en ont usé dans leurs mariages. C'est ce que l'Ecriture a remarqué dans la conduite d'Isaac et de Rebecca, et par où Abimelech reconnut ce qu'ils étoient l'un à l'autre: c'est ce qui fit presque blâmer le grand saint Louis, qui tout dur qu'il étoit à sa propre chair, avoit une tendre amitié pour la reine son épouse, à qui il en donnoit souvent des marques extrêmement démonstratives: mais on auroit dû plutôt le louer de ce qu'il savoit si bien, quand il vouloit, se défaire de son esprit guerrier, pour s'accommoder à ces menus devoirs si nécessaires à la conservation de l'amour conjugal; car bien que ces petites démonstrations d'amitié ne lient pas les cœurs, elles les approchent, et servent à faire l'agrément d'une douce société.

Sainte Monique étant grosse de saint Augustin, le consacra plusieurs fois à la religion chrétienne et au service de la gloire de Dieu, ainsi qu'il le témoigne lui-même, disant que, déjà dès le sein de sa mère, il avoit goûté le sel de Dieu. C'est là une grande instruction pour les femmes chrétiennes d'offrir à la divine Majesté le fruit de leurs entrailles, même avant qu'il soit né. Car Dieu, qui accepte les oblations d'un cœur humble et généreux, bénit ordinairement les bonnes dispositions d'une mère en ce temps-là, témoin Samuël, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiésole, et plusieurs autres. La mère de saint Bernard, digne mère d'un tel fils, prenoit ses enfans dans ses bras aussitôt qu'ils étoient nés, et les offroit à Jésus-Christ, après quoi elle les aimoit avec respect comme un dépôt sacré que Dieu lui avoit confié; ce qui lui réussit si heureusement, qu'enfin ils furent tous sept très-saints.

Les enfans étant venus au monde, et commençant à faire usage de la raison, les pères et mères doivent avoir grand soin d'imprimer la crainte de Dieu en leur cœur. C'est ce que fit excellemment la bonne reine Blanche à l'égard du roi saint Louis son fils; car souvent elle lui disoit: Mon cher enfant, j'aimerois bien mieux vous voir mourir sous mes yeux, que de vous voir commettre un seul péché mortel. Ce qui demeura tellement gravé dans l'ame de ce saint fils, que jamais depuis lors, ainsi qu'il l'a raconté lui-même, il n'y eut jour de sa vie où cette parole ne lui revînt; s'efforçant, tant qu'il lui étoit possible, d'en bien observer la divine instruction.

On appelle dans notre langue les races et les générations, des maisons; et les Hébreux eux-mêmes, pour signifier l'accroissement d'une famille et la bonne éducation des enfans, se servoient de cette expression: construire une maison, faire une maison. C'est en ce sens qu'il est dit que Dieu édifia des maisons aux sages femmes d'Egypte. Or, ceci nous montre que ce n'est pas faire une bonne maison que d'y entasser beaucoup de biens et de richesses; mais qu'il faut par-dessus tout bien élever les enfans dans la vertu et la crainte de Dieu. En quoi on ne doit épargner ni peine ni travail, puisque les enfans sont la couronne du père et de la mère. Aussi voyons-nous que sainte Monique combattit sans relâche les mauvaises inclinations de son fils, jusque là que, l'ayant suivi par terre et par mer, elle le rendit enfin plus heureusement enfant de ses larmes par la conversion de son ame, qu'il n'avoit été enfant de son sang par la formation de son corps.

Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la maison; c'est pourquoi plusieurs pensent, et à juste titre, que leur dévotion est plus utile à la famille que celle des maris; parce que ceux-ci étant presque toujours occupés dehors, ne peuvent pas aussi aisément enseigner la vertu. C'est pour cela que Salomon en ses Proverbes fait dépendre le bonheur de toute la maison du soin et de l'autorité de cette femme forte dont il trace si bien le caractère.

Il est dit en la Genèse, qu'Isaac, voyant sa femme Rebecca stérile, pria le Seigneur pour elle; ou, comme il est dit dans le texte hébreu, pria le Seigneur vis-à-vis d'elle, parce que l'un prioit d'un côté de l'oratoire, et l'autre de l'autre; aussi leur prière fut-elle exaucée. Voilà justement la plus excellente et la plus utile union qui puisse exister entre un mari et une femme; c'est celle de la dévotion à laquelle les époux doivent se porter l'un et l'autre avec une sainte émulation. Il y a des fruits comme le coing, qui, à cause de l'âpreté de leur suc, ne sont guère agréables qu'en confitures; et il y en a d'autres aussi, qui, à cause de leur grande délicatesse, ne peuvent se conserver s'ils ne sont confits, comme sont les abricots et les cerises. De même les femmes doivent désirer que leurs maris soient confits au sucre de la dévotion; car, sans la dévotion, l'homme est naturellement fâcheux, violent et emporté; et les maris doivent désirer que leurs femmes soient dévotes; car, sans la dévotion, la femme est extrêmement fragile, et sa vertu très en danger de se perdre. Saint Paul a dit, que l'homme infidèle est sanctifié par la femme fidèle, et la femme infidèle par l'homme fidèle; parce qu'en cette étroite alliance du mariage l'un peut aisément attirer l'autre à la vertu; mais quelle bénédiction n'est-ce pas, lorsque l'homme et la femme, tous deux fidèles, se sanctifient l'un l'autre par une véritable crainte du Seigneur!

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
350 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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