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Kitabı oku: «Actes et Paroles, Volume 2: Pendant l'exil 1852-1870», sayfa 16

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Si rapide qu'eut ete la reponse de Victor Hugo, la deliberation du comite constituant fut plus hative encore, et, quand la lettre arriva, le travail etait termine. Le projet de constitution maintenait la peine de mort. Victor Hugo ne se decouragea pas. Le peuple n'ayant pas encore vote, tout n'etait pas fini. Victor Hugo ecrivit a M. Bost:

Hauteville-House, 29 novembre 1862.

Monsieur,

La lettre que j'ai eu l'honneur de vous envoyer le 17 novembre vous est parvenue, je pense, le 19 ou le 20. Le lendemain meme du jour ou je dictais cette lettre, a eclate, devant la cour d'assises de la Somme, cette affaire Doise-Gardin qui non seulement a tout a coup mis en lumiere certaines eventualites epouvantables de la peine de mort, mais encore a rendu palpable l'urgence d'une grande revision penale; les faits monstrueux ont une maniere a eux de demontrer la necessite des reformes.

Aujourd'hui, 20 novembre, je lis dans la Presse ces lignes datees du 24, et de Berne:

"Vous avez reproduit la lettre adressee par M. Victor Hugo a M. Bost, de Geneve, au sujet de la peine de mort. La publication de cette lettre est venue un peu tard; depuis quinze jours la constituante genevoise a termine ses travaux. La constitution qu'elle a elaboree ne donne point satisfaction aux voeux du poete, puisqu'elle n'abolit pas la peine de mort, sinon pour delit politique."

Non, il n'est pas trop tard.

En ecrivant, je m'adressais moins au comite constituant, qui prepare, qu'au peuple, qui decide.

Dans quelques jours, le 7 decembre, le projet de constitution sera soumis au peuple. Donc il est temps encore.

Une constitution qui, au dix-neuvieme siecle, contient une quantite quelconque de peine de mort, n'est pas digne d'une republique; qui dit republique, dit expressement civilisation; et le peuple de Geneve, en rejetant, comme c'est son droit et son devoir, le projet qu'on va lui soumettre, fera un de ces actes doublement grands qui ont tout a la fois l'empreinte de la souverainete et l'empreinte de la justice.

Vous jugerez peut-etre utile de publier cette lettre.

Je vous offre, monsieur, la nouvelle assurance de ma haute estime et de ma vive cordialite.

V. H.

La lettre fut publiee, le peuple vota, il rejeta le projet de constitution.

Quelques jours apres, Victor Hugo recut cette lettre:

"… Nous avons triomphe, la constitution des conservateurs est rejetee. Votre lettre a produit son effet, tous les journaux l'ont publiee, les catholiques l'ont combattue, M. Bost l'a imprimee a part a mille exemplaires, et le comite radical a quatre mille. Les radicaux, M. James Fazy en tete, se sont fait de votre lettre une arme de guerre, et les independants se sont aussi prononces a votre suite pour l'abolition. Votre preponderance a ete complete. Quelques radicaux n'etaient pas tres decides auparavant; c'est un radical, M. Heroi, qui passe pour avoir determine les deux executions de Vary et d'Elcy, et le grand conseil, qui a refuse ces deux graces, est tout radical.

"Cependant, en somme, les radicaux sont gens de progres et, maintenant que les voila engages contre la peine de mort, ils ne reculeront pas. On regarde ici l'abolition de l'echafaud comme certaine, et l'honneur, monsieur, vous en revient. J'espere que nous arriverons aussi a cet autre grand progres, la separation de l'eglise et de l'etat.

"Je ne suis qu'un homme bien obscur, monsieur, mais je suis heureux; je vous felicite et je nous felicite. L'immense effet de votre lettre nous honore. La patrie de M. de Sellon ne pouvait etre insensible a la voix de Victor Hugo.

"Excusez cette lettre ecrite en hate, et veuillez agreer mon profond respect.

"A. GAYET (de Bonneville)."

VI
AFFAIRE DOISE
A M. LE REDACTEUR DU TEMPS

Monsieur,

Veuillez, je vous prie, m'inscrire dans la souscription Doise. Mais il ne faut pas se borner a de l'argent. Quelque chose de pire peut-etre que Lesurques, la question retablie en France au dix-neuvieme siecle, l'aveu arrache par l'asphyxie, la camisole de force a une femme grosse, la prisonniere poussee a la folie, on ne sait quel effroyable infanticide legal, l'enfant tue par la torture dans le ventre de la mere, la conduite du juge d'instruction, des deux presidents et des deux procureurs generaux, l'innocence condamnee, et, quand elle est reconnue, insultee en pleine cour d'assises au nom de la justice qui devrait tomber a genoux devant elle, tout cela n'est point une affaire d'argent.

Certes, la souscription est bonne, utile et louable, mais il faut une indemnite plus haute. La societe est plus atteinte encore que Rosalie Doise. L'outrage a la civilisation est profond. La grande insultee ici, c'est la JUSTICE.

Souscrire, soit; mais il me semble que les anciens gardes des sceaux et les anciens batonniers ont autre chose a faire, et quant a moi, j'ai un devoir, et je n'y faillirai pas.

VICTOR HUGO.

Hauteville-House, 2 decembre 1862.

L'appel fait par Victor Hugo ne fut pas entendu. On a raison de dire que l'exil vit d'illusions. Victor Hugo se trompait en croyant qu'avertis de la sorte, les gardes des sceaux et les batonniers prendraient en main cette affaire. Aucune suite judiciaire ne fut donnee aux effroyables revelations de l'affaire Doise. Ceci, d'ailleurs, n'a rien que de normal; jamais la justice n'a fait le proces a la justice.

Disons ici, pour que l'on s'en souvienne, de quelle facon Rosalie Doise avait ete traitee. Il est bon de mettre ces details sous les yeux des penseurs. Les penseurs precedent les legislateurs. La lumiere faite d'abord dans les consciences se fait plus tard dans les codes.

Rosalie Doise etait accusee, sur de tres vagues presomptions, d'avoir tue son pere, Martin Doise. Rosalie Doise n'avait point supporte cette accusation patiemment. Chaque fois qu'on l'interrogeait, elle s'emportait, ce qui choquait la gravite des magistrats. Elle perdait toute mesure, s'il faut en croire le requisitoire, et s'indignait au point de sembler furieuse et folle. Des qu'on cessait de l'accuser, elle se calmait et devenait muette et immobile sous l'accablement: Elle avait l'air, dit un temoin, d'une sainte de pierre.

"La justice" desirait que Rosalie Doise s'avouat parricide. Pour obtenir cet aveu, on la mit dans un cachot de huit pieds de long sur sept de haut et sept de large2. Ce cachot etait ferme d'une double porte. Pas de jour et d'air que ce qui passait par un trou "grand comme une brique"3, perce dans l'une des deux portes et donnant dans une salle interieure de la prison; le cachot etait pave de carreaux; pas de chaise; la prisonniere etait forcee de se tenir debout ou de se coucher sur le carreau; la nuit, on lui donnait une paillasse qu'on lui otait le matin. Dans un coin, le baquet des excrements. Elle ne sortait jamais. Elle n'est sortie que deux fois en six semaines. Parfois on lui mettait la camisole de force4. Elle etait grosse.

Sentant remuer son enfant, elle avoua.

Elle fut condamnee aux travaux forces a perpetuite. L'enfant mourut.

Elle etait innocente.

Voici un fragment d'un de ses interrogatoires apres qu'elle fut reconnue innocente; on lui parle encore comme a une coupable:

"D. Mais enfin, on ne voit pas quels sont les moyens de contrainte qui ont ete exerces contre vous.

"R. On m'a dit: avouez, ou vous resterez dans le trou noir, ou l'on m'avait mise, ou je n'avais meme pas d'air.

"D. C'est-a-dire qu'on vous a mise au secret, ce qui est le droit et le devoir du magistrat. Vous avez persiste pendant cinq semaines dans vos aveux, apres votre sortie du secret.

"R. Avec vivacite. Eh sans doute, je ne voulais pas retourner au cachot!

"Le procureur general: Mais vous n'avez pas ete mise au cachot?

"R. Oh! je ne sais pas; ce que je sais, c'est qu'il y avait deux portes au trou et pas d'air.

"Le procureur general: Vous n'etiez separee que par une porte de la salle commune des detenus.

"Le president: Sortiez-vous dans le jour?

"R. Je ne suis sortie que deux fois pendant tout le temps.

"D. C'est que vous ne le demandiez pas.

"R. Pardon, je ne demandais que ca. On me disait: Dites la verite et vous sortirez.

"D. Le procureur general: Pas de confusion, sortiez-vous deux fois par jour?

"R. Je ne suis sortie que deux fois en six ou sept semaines.

"D. Le president: Mais demandiez-vous a sortir?

"R. Je demandais tant de choses et on ne m'accordait rien. Le commis-greffier me disait toujours: Avouez et vous sortirez.

"D. Le medecin vous visitait?

"R. Je ne l'ai vu que deux fois en deux mois. La premiere fois, il m'a saignee, la seconde, il a dit de me faire sortir.

"D. Combien de jours etes-vous accouchee apres votre sortie du secret?

"R. Quatre semaines apres.

"D. Vous avez perdu votre enfant?

"R. Oui. (Elle pleure). Mon enfant a vecu vingt-quatre jours. Comment aurait-il vecu?.. je ne dormais jamais au cachot. (Elle pleure.)

ARRET DE LA COUR DE CASSATION

DU 9 OCTOBRE 1862

"La Cour

"Declare inconciliables les arrets de Cour d'assises qui ont condamne, comme coupables d'assassinat de Martin Doise

"D'une part: Rosalie Doise, femme Cardin. (Travaux forces a perpetuite.)

"D'autre part: Vanhalvyn et Verhamme. (Pour le meme fait.)"

Disons, des aujourd'hui, que Victor Hugo compte revenir sur cette affaire Doise dans un ouvrage intitule Dossier de la Peine de Mort. Justice sera faite.

1863

La lutte des nations. La Pologne contre le czar. – L'Italie contre le pape. Le Mexique contre Bonaparte.

I
A L'ARMEE RUSSE

La Pologne, indomptable comme le droit, venait de se soulever. L'armee russe l'ecrasait. Alexandre Herzen, le vaillant redacteur du Kolokol, ecrivit a Victor Hugo cette simple ligne:

"Grand frere, au secours! Dites le mot de la civilisation."

Victor Hugo publia dans les journaux libres de l'Europe l'Appel a l'armee russe qu'on va lire:

Soldats russes, redevenez des hommes.

Cette gloire vous est offerte en ce moment, saisissez-la.

Pendant qu'il en est temps encore, ecoutez:

Si vous continuez cette guerre sauvage; si, vous, officiers, qui etes de nobles coeurs, mais qu'un caprice peut degrader et jeter en Siberie; si, vous, soldats, serfs hier, esclaves aujourd'hui, violemment arraches a vos meres, a vos fiancees, a vos familles, sujets du knout, maltraites, mal nourris, condamnes pour de longues annees et pour un temps indefini au service militaire, plus dur en Russie que le bagne ailleurs; si, vous qui etes des victimes, vous prenez parti contre les victimes; si, a l'heure sainte ou la Pologne venerable se dresse, a l'heure supreme ou le choix vous est donne entre Petersbourg ou est le tyran et Varsovie ou est la liberte; si, dans ce conflit decisif, vous meconnaissez votre devoir, votre devoir unique, la fraternite; si vous faites cause commune contre les polonais avec le czar, leur bourreau et le votre; si, opprimes, vous n'avez tire de l'oppression d'autre lecon que de soutenir l'oppresseur; si de votre malheur vous faites votre honte; si, vous qui avez l'epee a la main, vous mettez au service du despotisme, monstre lourd et faible qui vous ecrase tous, russes aussi bien que polonais, votre force aveugle et dupe; si, au lieu de vous retourner et de faire face au boucher des nations, vous accablez lachement, sous la superiorite des armes et du nombre, ces heroiques populations desesperees, reclamant le premier des droits, le droit a la patrie; si, en plein dix-neuvieme siecle, vous consommez l'assassinat de la Pologne, si vous faites cela, sachez-le, hommes de l'armee russe, vous tomberez, ce qui semble impossible, au-dessous meme des bandes americaines du sud, et vous souleverez l'execration du monde civilise! Les crimes de la force sont et restent des crimes; l'horreur publique est une penalite.

Soldats russes, inspirez-vous des polonais, ne les combattez pas.

Ce que vous avez devant vous en Pologne, ce n'est pas l'ennemi, c'est l'exemple.

VICTOR HUGO.

Hauteville-House, 11 fevrier 1863.

II
GARIBALDI

A VICTOR HUGO

Caprera, aout 1863.

Cher ami,

J'ai besoin d'un autre million de fusils pour les italiens.

Je suis certain que vous m'aiderez a recueillir les fonds necessaires.

L'argent sera place dans les mains de M. Adriano Lemari, notre tresorier.

Votre,

G. GARIBALDI.

AU GENERAL GARIBALDI

Hauteville-House, Guernesey, 18 novembre 1863.

Cher Garibaldi,

J'ai ete absent, ce qui fait que j'ai eu tard votre lettre, et que vous aurez tard ma reponse.

Vous trouverez sous ce pli ma souscription.

Certes, vous pouvez compter sur le peu que je suis et le peu que je puis. Je saisirai, puisque vous le jugez utile, la premiere occasion d'elever la voix.

Il vous faut le million de bras, le million de coeurs, le million d'ames. Il vous faut la grande levee des peuples. Elle viendra.

Votre ami,

VICTOR HUGO.

III
LA GUERRE DU MEXIQUE

Quoique digne de toutes les severites de l'histoire, le premier empire avait fait de la gloire; le second fit de la honte. La guerre du Mexique eclata, odieuse voie de fait contre un peuple libre. Le Mexique resista, et fut traite militairement; l'assaut de Puebla fut un crime dans ce crime, ce fut un de ces ecrasements de villes qui deshonoreraient une cause juste, et qui completent l'infamie d'une guerre inique. Puebla se defendit heroiquement. Tant que le siege dura, Puebla publia un journal imprime sur deux colonnes, l'une en francais, l'autre en espagnol. Tous les numeros de ce journal commencaient par une page de Napoleon le Petit. Les combattants de Puebla expliquaient ainsi a l'armee de l'empire ce que c'etait que l'empereur. Ce journal contenait un appel a Victor Hugo [note: Voici le texte: Que ereis? Los soldados de un tiranno. La mejor Francia es con nosotros. Habeis Napoleon, habemos Victor Hugo.]. Il y repondit.

Hommes de Puebla, Vous avez raison de me croire avec vous.

Ce n'est pas la France qui vous fait la guerre, c'est l'empire. Certes, je suis avec vous. Nous sommes debout contre l'empire, vous de votre cote, moi du mien, vous dans la patrie, moi dans l'exil.

Combattez, luttez, soyez terribles, et, si vous croyez mon nom bon a quelque chose, servez-vous-en. Visez cet homme a la tete, que la liberte soit le projectile.

Il y a deux drapeaux tricolores, le drapeau tricolore de la republique et le drapeau tricolore de l'empire; ce n'est pas le premier qui se dresse contre vous, c'est le second.

Sur le premier on lit: Liberte, Egalite, Fraternite. Sur le second on lit: Toulon. 18 brumaire. – 2 decembre. Toulon.

J'entends le cri que vous poussez vers moi, je voudrais me mettre entre nos soldats et vous, mais que suis-je? une ombre. Helas! nos soldats ne sont pas coupables de cette guerre; ils la subissent comme vous la subissez, et ils sont condamnes a l'horreur de la faire en la detestant. La loi de l'histoire, c'est de fletrir les generaux et d'absoudre les armees. Les armees sont des gloires aveuglees; ce sont des forces auxquelles on ote la conscience; l'oppression des peuples qu'une armee accomplit, commence par son propre asservissement; ces envahisseurs sont des enchaines; et le premier esclave que fait le soldat, c'est lui-meme. Apres un 18 brumaire ou un 2 decembre, une armee n'est plus que le spectre d'une nation.

Vaillants hommes du Mexique, resistez.

La Republique est avec vous, et dresse au-dessus de vos tetes aussi bien son drapeau de France ou est l'arc-en-ciel, que son drapeau d'Amerique ou sont les etoiles.

Esperez. Votre heroique resistance s'appuie sur le droit, et elle a pour elle cette grande certitude, la justice.

L'attentat contre la republique mexicaine continue l'attentat contre la republique francaise. Un guet-apens complete l'autre. L'empire echouera, je l'espere, dans sa tentative infame, et vous vaincrez. Mais, dans tous les cas, que vous soyez vainqueurs ou que vous soyez vaincus, notre France reste votre soeur, soeur de votre gloire comme de votre malheur, et quant a moi, puisque vous faites appel a mon nom, je vous le redis, je suis avec vous, et je vous apporte, vainqueurs, ma fraternite de citoyen, vaincus, ma fraternite de proscrit.

VICTOR HUGO.

1864

Le centenaire de Shakespeare.

I
LE CENTENAIRE DE SHAKESPEARE

Paris, 11 avril 1864.

LE COMITE DE SHAKESPEARE A VICTOR HUGO

Cher et illustre maitre,

Une reunion d'ecrivains, d'auteurs et d'artistes dramatiques, et de representants de toutes les professions liberales, a eu lieu dans le but d'organiser, a Paris, pour le 23 avril, une fete a l'occasion du trois centieme anniversaire de la naissance de Shakespeare.

Ont ete nommes membres du comite shakespearien francais:

MM. Auguste Barbier, Barye, Charles Bataille (du Conservatoire),

Hector Berlioz, Alexandre Dumas, Jules Favre, George Sand, Jules

Janin, Theophile Gautier, Francois-V. Hugo, Legouve, Littre, Paul

Meurice, Michelet, Eugene Pelletan, Regnier (de la Comedie francaise).

Secretaires: MM. Laurent Pichat, Leconte de Lisle, Felicien

Mallefille, Paul de Saint-Victor, Thore.

La presidence vous a ete decernee a l'unanimite.

Elle etait due au grand poete et au grand citoyen.

Nous attendons avec confiance une adhesion qui donnera a cette fete sa complete signification.

Les delegues du comite:

LAURENT PICHAT. HENRI ROCHEFORT. LOUIS ULBACH. AUGUSTE VACQUERIE. E. VALNAY.

AU COMITE POUR SHAKESPEARE

Hauteville-House, 16 avril 1864.

Messieurs,

Il me semble que je rentre en France. C'est y etre que de se sentir parmi vous. Vous m'appelez, et mon ame accourt.

En glorifiant Shakespeare, vous, francais, vous donnez un admirable exemple. Vous le mettez de plain-pied avec vos illustrations nationales; vous le faites fraterniser avec Moliere que vous lui associez, et avec Voltaire que vous lui ramenez. Au moment ou l'Angleterre fait Garibaldi bourgeois de la cite de Londres, vous faites Shakespeare citoyen de la republique des lettres francaises. C'est qu'en effet Shakespeare est votre. Vous aimez tout dans cet homme; d'abord ceci, qu'il est un homme; et vous couronnez en lui le comedien qui a souffert, le philosophe qui a lutte, le poete qui a vaincu. Vos acclamations honorent dans sa vie la volonte, dans son genie la puissance, dans son art la conscience, dans son theatre l'humanite.

Vous avez raison, et c'est juste. La civilisation bat des mains autour de cette noble fete.

Vous etes les poetes glorifiant la poesie, vous etes les penseurs glorifiant la philosophie, vous etes les artistes glorifiant l'art; vous etes autre chose encore, vous etes la France saluant l'Angleterre. C'est la magnanime accolade de la soeur a la soeur, de la nation qui a eu Vincent de Paul a la nation qui a eu Wilberforce, et de Paris ou est l'egalite a Londres ou est la liberte. De cet embrassement jaillira l'echange. L'une donnera a l'autre ce qu'elle a.

Saluer l'Angleterre dans son grand homme au nom de la France, c'est beau; vous faites plus encore. Vous depassez les limites geographiques; plus de francais, plus d'anglais; vous etes les freres d'un genie, et vous le fetez; vous fetez ce globe lui-meme, vous felicitez la terre qui, a pareil jour, il y a trois cents ans, a vu naitre Shakespeare. Vous consacrez ce principe sublime de l'ubiquite des esprits, d'ou sort l'unite de civilisation; vous otez l'egoisme du coeur des nationalites; Corneille n'est pas a nous, Milton n'est pas a eux, tous sont a tous; toute la terre est patrie a l'intelligence; vous prenez tous les genies pour les donner a tous les peuples; en otant la barriere entre les poetes vous l'otez entre les hommes, et par l'amalgame des gloires vous commencez l'effacement des frontieres. Sainte promiscuite! Ceci est un grand jour!

Homere, Dante, Shakespeare, Moliere, Voltaire, indivis; la prise de possession des grands hommes par le genre humain tout entier; la mise en commun des chefs-d'oeuvre; tel est le premier pas. Le reste suivra.

C'est la l'oeuvre que vous inaugurez; oeuvre cosmopolite, humaine, solidaire, fraternelle, desinteressee de toute nationalite, superieure aux demarcations locales; magnifique adoption de l'Europe par la France, et du monde entier par l'Europe. D'une fete comme celle-ci, il decoule de la civilisation.

Pour presider cette reunion memorable, vous aviez le choix des plus hautes renommees; les noms illustres et populaires abondent parmi vous; votre liste en rayonne; les eclatantes incarnations de l'art, du drame, du roman, de l'histoire, de la poesie, de la philosophie, de l'eloquence, sont groupees presque toutes dans cette solennite autour du piedestal de Shakespeare; mais vous avez eu sans doute cette pensee, qu'afin de donner a la celebration de cet anniversaire son caractere particulierement externe, afin que cette manifestation fut en dehors et au dela de toute frontiere, il vous fallait pour president un homme place lui-meme dans cette exception, un francais hors de France, a la fois absent et present, ayant le pied en Angleterre et le coeur a Paris, espece de trait d'union possible, situe a la distance voulue, et a portee en quelque sorte de mettre l'une dans l'autre les deux mains augustes des deux nations. Il s'est trouve, par un arrangement de la destinee, que cette position etait la mienne, et le choix glorieux que vous avez fait de moi, je le dois a ce hasard, heureux aujourd'hui.

Je vous rends grace, et je vous propose ce toast: – "A Shakespeare et a l'Angleterre. A la reussite definitive des grands hommes de l'intelligence, et a la communion des peuples dans le progres et dans l'ideal!"

VICTOR HUGO.

Le gouvernement de Bonaparte s'inquieta de la fete de Shakespeare, et crut devoir l'interdire.

2.Longueur, 2 m, 50; largeur; 2 m, 15; hauteur, 2 m, 40 (deposition du gardien chef).
3.Le procureur general au gardien chef: – Il y avait un jour quelconque dans cette chambre? Le gardien chef: – Mais oui, monsieur le procureur general, il y avait une ouverture de la grandeur d'une brique carree.
4.Le defenseur au gardien chef: – Ne lui a-t-on pas mis deux jours et deux nuits la camisole de force? Le gardien chef: – Oui, parce qu'elle voulait se suicider.
Yaş sınırı:
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27 eylül 2017
Hacim:
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