Kitabı oku: «L'appellativisation du prénom», sayfa 8
2.2.1.3. Aspects historiques et socioculturels
Nous avons vu que ni la fonction de désignation immédiate ni les critères linguistiques ne permettent de définir le prénom de manière satisfaisante. Il paraît en effet difficile de ranger sous cette catégorie les noms propres « purs » Waldi ou Médor, associés au chien, ou les matricules des détenus ou des agents spéciaux (007), qui atteignent pourtant le degré maximal d’identification d’un particulier. Qu’est-ce qui permet alors à un élément d’accéder au statut de prénom ? « Sans conteste », notent BOUTIER & PEROUAS (1984 : 71), « les prénoms sont d’abord l’expression des comportements culturels d’une communauté », le vocable « culture » rassemblant des « phénomènes complexes, tant sociaux que familiaux ou religieux ». Cette dimension, évidente pour qui s’intéresse aux prénoms, est soulignée également par NAUMANN (1973) qui considère le prénom comme ‘une catégorie autant sociétale que linguistique’1.
Un premier constat s’impose donc : pour qu’un élément puisse faire partie du stock des prénoms d’une langue, il doit être perçu comme tel par la communauté linguistique, c’est-à-dire faire l’objet d’un consensus, de la part des locuteurs, sur son statut de prénom. Ce consensus est le résultat d’une évolution historique influencée par toutes sortes de facteurs socioculturels, le plus important et le plus durable ayant sans doute été, pour l’allemand comme pour le français, la vénération des saints (cf. entre autres NIED 1924 et KOHLHEIM 1996). Ce lien indissociable entre histoire des prénoms et histoire culturelle est souligné par SEIBICKE (1999 : 59) dans la formule vigoureuse : « Vornamengeschichte ist Kulturgeschichte! » (‘L’histoire des prénoms, c’est l’histoire culturelle !’).
Le consensus sur le statut de prénom ne dépend pas uniquement de la fréquence d’attribution, mais également de la capacité, en tant que « bien symbolique » (BOZON 1987 : 83), à situer le ‘propriétaire’ à la fois biologiquement et socialement. Biologiquement car le prénom renseigne, en règle générale, sur le sexe du porteur et, dans certains cas, également sur son âge : Ida, Wilhelm et Otto se rencontrent plutôt chez les Allemands d’un certain âge alors qu’en Allemagne comme en France, Kevin est porté par les adolescents ou les jeunes adultes (cf. THURMAIR 2002b : 96 sq., RUDOLPH et al. 2007 : 19). Socialement car, comme l’ont montré anthropologues, historiens et sociologues2, le prénom a une fonction d’identificateur social puisqu’il peut renseigner sur l’appartenance socioéconomique, ethnique ou religieuse, sur l’origine géographique ou encore l’engagement idéologique des parents :
Les historiens nous rappellent qu’à l’époque révolutionnaire Giroflée, Jasmin, Prune, Olive étaient signes d’un engagement républicain tout comme aujourd’hui Guilhem ou Maguelonne le sont d’un engagement occitan. Il y a quelques années Marie-Chantal était tenu pour l’indice d’une prétention petite-bourgeoise[3] et France-Marie indique le souci d’une distinction à l’égard du plus commun Marie-France. (SIBLOT 1987 : 107)
En inscrivant le donneur et le porteur dans de multiples réseaux identitaires, le prénom revêt, outre ses fonctions désignative et contactive, une fonction classifiante de premier plan (cf. LEROY 2006 : 27 sq.).
Un dernier aspect lié à l’ancrage social du prénom concerne les associations, les sentiments et les jugements esthétiques qu’il peut susciter, résultant pour partie de l’unicité référentielle qui associe le prénom de manière stable à un porteur ou à un groupe de porteurs. Pour AMMANN (1920), ces relations interpersonnelles sont à l’origine de ce qu’il nomme le ‘potentiel signifiant’ (« Bedeutsamkeit ») du nom propre :
Il nous faut établir une distinction nette entre l’individualité qualitative de l’objet désigné par le nom propre et l’identité de la relation entre l’objet et notre moi, relation qui est à l’origine du potentiel signifiant particulier que l’objet a pour ce moi. […] Le nom propre, outre sa fonction première de désignation du porteur […], incarne ainsi la représentation individuelle dudit porteur, celle-ci n’étant ni réductible à la somme de ses propriétés, ni construite à partir d’elles.4
Ces deux aspects, individuel et supra-individuel, participent de la « signifiance » du nom propre, que les tenants de la praxématique définissent comme une « somme de potentialités signifiantes, elles-mêmes constituées à partir de pratiques signifiantes (sociales, politiques, idéologiques) » (DÉTRIE et al. 2001 : 315 ; cf. également SIBLOT 1987).
La dimension sociale est doublement utile pour notre étude : non seulement elle permet de circonscrire la classe des prénoms sur la base d’un consensus social, mais elle est également susceptible d’expliquer, grâce aux potentialités signifiantes des prénoms, le choix de tel ou tel prénom dans le cadre de la déonymisation.
2.2.1.4. Délimitation de la classe des prénoms
Les différents aspects du prénom, fonctionnels, linguistiques, historiques et socioculturels, montrent à quel point il est difficile d’appréhender la notion. Nous inspirant de l’approche cognitive du nom propre proposée par JONASSON (1994 : 19), nous posons que
la classe des prénoms est constituée de sous-ensembles (ou « stocks ») d’anthroponymes qui se caractérisent par un lien dénominatif direct et stable avec un porteur ou un groupe de porteurs. Ce lien est établi sur la base d’une convention sociale, celle-ci étant le produit d’une évolution historique qui confère au prénom une fonction classifiante.
Deux remarques s’imposent. La première concerne le terme de « stabilité » du lien dénominatif, que nous préférons à celui de « rigidité », le porteur du prénom pouvant être affublé de toutes sortes de diminutifs ou sobriquets selon les locuteurs et les situations. Cette stabilité est par ailleurs la condition mémorielle des fonctions référentielle, contactive et classifiante du prénom. La seconde concerne l’absence de toute mention du nom de famille dans notre définition, qui peut paraître surprenante au vu de l’acception courante du terme (cf. p. 67). Elle s’explique autant par le souci de ne pas répéter nos remarques introductives au sujet de l’interdépendance historique des notions de « nom de famille » et « prénom » (cf. p. 1) que par le constat de l’autonomie de la classe puisque le nom de famille n’intervient pas directement dans le consensus sur le statut de prénom de tel ou tel élément.
En conséquence, nous rangeons dans la classe des prénoms1 :
le stock classique, constitué des prénoms « de base » issus pour la plupart de noms de personnages bibliques et/ou de saints. Ces prénoms, d’origine latine, germanique, grecque ou hébraïque, sont largement similaires en allemand et en français : Anton(ius)/Antoine, Benjamin/Benjamin, Bernhard/Bernard, Franz(iskus)/François, Friedrich/Frédéric, Georg/Georges, Heinrich/Henri, Jakob/Jacques, Johannes/Jean, Josef/Joseph, Katharina/Catherine, Kaspar/Gaspard, Ludwig/Louis, Margarete/Marguerite, Marie/Marie, Nikolaus/Nicolas, Paul/Paul, Peter/Pierre, Veronika/Véronique, etc. Parmi les rares prénoms germaniques n’ayant pas d’équivalent en français, nous relevons Eckart, Otto, T(h)usnelda et Ulrich.
le stock des diminutifs, qui résultent d’un abrègement (Johannes > Hans, Heinrich > Hein, Nikolaus > Klaus ; Nicolas > Colas), de la dérivation (Peter > Peterchen/Peterken, Jean > Jeannot/Jeannin) ou des deux simultanément (Heinrich > Hein-i, T(h)usnelda > Tuss-i ; Marguerite > Marg-ot, Robert > Robin) et, plus rarement, d’une réduplication partielle (Charlotte > Lolotte, Émile > Mimile, Anna > Nana)2 ou d’une déformation liée à une prononciation particulière (Jean > Schani). Le fait que les deux langues recourent à des morphèmes spécifiques explique la forte variation formelle des diminutifs issus du même prénom de base en allemand et en français : Margarete/Marguerite > Grete, Gret(e)l vs Margot(on), Got(h)on ; Johannes/Jean > Hans(el), Schani vs Jeannot, Janin ; Jakob/Jacques > Jockel, Köbes vs Jacquot, Jacquet ; Katharina/Catherine > Kath(a)rinchen, Kathi, Käthe, Trine vs Cateau, Catiche, Catin.Comme les prénoms de base dont ils sont issus, les diminutifs assurent les fonctions référentielle3, contactive et classifiante. Certains, comme Hans, Grete et Liese, ne sont d’ailleurs plus perçus comme diminutifs, en témoigne la formation des diminutifs de ‘second degré’ Hansel/Hänslein/Hänschen, Gretchen et Lieschen.
le stock des prénoms désuets : si les parents ne prénomment plus leurs enfants Hinz, Kunz, Metze, Fiacre, Jenin et Péronnelle, ces noms n’en restent pas moins des prénoms. Ils font partie intégrante de l’inventaire historique des prénoms de l’allemand et du français et ont donc, au même titre que les traditionnels Hans et Jean, toute leur place dans notre étude.
le stock des prénoms étrangers courants tels que Juan, John, Iwan (correspondant aux prénoms Jean et Johannes), Fatma, Mohamed et Kevin. Stockés comme prénoms dans la mémoire collective des germanophones et des francophones, ils seront donc, eux aussi, traités comme tels.
2.2.1.5. Le statut du prénom à l’époque du porteur initial
La référence à un porteur initial est fréquemment invoquée dans les travaux consacrés au passage du prénom au nom commun. Il est dès lors légitime de se demander si certains éléments, tout en ayant aujourd’hui le statut de prénom, sont susceptibles de poser problème dans le cadre d’une conception du prénom basée sur le consensus social.
Nous distinguons deux cas de figure selon l’époque à laquelle est associé le porteur initial. Le premier cas n’est pas problématique, le nom ayant bien eu, à l’époque du porteur, le statut de prénom : parmi les items concernés, nous relevons madeleine, manon (‘amoureuse infidèle, indigne et dépourvue de moralité’) et Romeo/roméo (‘archétype de l’amoureux transi’), issus des prénoms respectifs de Madeleine Pau(l)mier, la cuisinière à qui est attribuée la recette, de Manon Lescaut et Roméo Montaigu, personnages de fiction. Ces exemples montrent que la déonymisation concerne le prénom non pas uniquement en tant qu’élément faisant partie d’un stock historiquement constitué, mais également en tant que marqueur identitaire : il est en effet probable que le statut social du porteur (une cuisinière, une femme volage, un jeune amoureux) ait joué un rôle dans le choix du prénom plutôt que celui du nom de famille1.
Le second cas de figure, plus délicat, concerne les éléments qui n’avaient pas le statut de prénom à l’époque du porteur initial, antérieure à l’apparition des noms de famille. Il s’agit en particulier
de personnages bibliques : outre Abraham, Adam et Eva/Ève (p. 64), on citera entre autres Jésus (dont le nom est employé dans le sens de 1. ‘enfant mignon’ ; 2. ‘homosexuel efféminé et homosexuel’), Joseph (‘homme niais, timide en amour ; nigaud qui laisse échapper les bonnes occasions’ ; n. 171), Moïse2 (‘petite corbeille capitonnée qui sert de berceau’), Moses (1. ‘le plus jeune d’un équipage ; apprenti marin, mousse, moussaillon’ ; 2. ‘canot d’un yacht’) et Suzanne3 (keusche Susanne/chaste Suzanne ‘femme chaste et vertueuse’) ;
de saints : saint Antoine4 (Antoniusfeuer/feu de saint-Antoine, mal de Saint-Antoine), sainte Catherine5 (catherinette ‘ouvrière ou employée encore célibataire à 25 ans’), saint Florian6 (Floriansjünger ‘pompier’), saint Mathurin7 (mathurin ‘matelot’), saint Pierre8 (saint-pierre ‘poisson de mer’) ;
de certains personnages historiques : Philippe9 (philippe ‘pièce d’or en circulation dans l’Antiquité’), T(h)usnelda10 (‘amante, femme’), Berthe11 (1. ‘large col arrondi ou petite pèlerine de femme’, 2. ‘type de coiffure’).
Il est possible d’analyser ces items de deux manières, en fonction du repère temporel auquel on donne la priorité : soit on considère qu’ils ne sont pas issus d’un prénom au sens strict, mais d’un nom de personne qui, pour diverses raisons – notamment l’influence culturelle du porteur initial –, a acquis a posteriori le statut de prénom ; soit on pose que les items sont issus d’un prénom puisque la base onymique avait bel et bien ce statut au moment du passage vers le nom commun. Nous retenons cette dernière analyse, considérant que l’étude de l’appellativisation du prénom devrait privilégier les facteurs ayant favorisé la diffusion de l’item, dont le statut de prénom de la base onymique, en reléguant au second plan les connaissances historiques au sujet de son statut plusieurs siècles auparavant.
2.2.2. Le prénom devient un nom commun
Les grammairiens s’appliquent à donner une définition
différentielle du nom propre et du nom commun
la langue se fait un jeu de défaire leur ouvrage.
(MAROUZEAU 1950 : 159)
L’observation de MAROUZEAU, particulièrement pertinente dans le cas du passage du prénom au nom commun, nous invite à préciser la distinction entre nom propre et nom commun esquissée en introduction (p. 4).
Tout locuteur germanophone ou francophone ayant été scolarisé a une intuition relativement claire de la différence entre ces deux notions. En effet, bien des grammaires présentent cette différence comme une évidence en faisant appel au mode de fonctionnement référentiel (cf. p. 68)1. Si cette distinction entre « nom propre » et « nom commun » est convaincante dans le domaine de la logique, elle est considérée depuis longtemps comme « fragile et conventionnelle » (BRUNOT 1922 : 39), voire comme « artificielle aux yeux du linguiste » (DAUZAT 1925 : 1). Les noms propres étant souvent issus de noms communs et les noms communs pouvant fonctionner comme noms propres2, il est en effet impossible de définir le nom propre sur la base de conditions nécessaires et suffisantes qui seraient de nature strictement linguistique et non-référentielle. Il suffit, pour s’en convaincre, de puiser dans le vaste « catalogue des idées reçues » sur le nom propre (VAXELAIRE 2005 : 63) cinq lieux communs parmi les plus tenaces et de les mettre à mal par des contre-exemples (en italique) :
1 le nom propre n’a pas de contenu descriptif3 => les États-Unis d’Amérique ;
2 le nom propre ne se traduit pas4 => die Vereinigten Staaten, les États-Unis ;
3 le nom propre est inapte à la pluralisation => Die Müllers sind da, les Müller sont arrivés ;
4 le nom propre s’emploie sans déterminant5 => ein Hans hat angerufen, un Jean a appelé ;
5 le nom propre prend une majuscule => [chère] Madame (majuscule dite de ‘déférence’ portée par certains noms communs), un Français6.
Face à la difficulté de distinguer nettement les deux notions, il nous semble judicieux de considérer, à l’instar de BRÉAL7, qu’« entre les noms propres et les noms communs il n’y a qu’une différence de degré » (1897 : 197), et de poser un continuum allant du pôle de la « propritude » à celui de la « communitude » (VAXELAIRE 2007 : 8).
Le pôle de la communitude
La propriété principale du nom commun réside dans sa signification lexicale (lexikalische Bedeutung ; Begriff chez TRIER [n. 208]), ‘le noyau stable de la signification susceptible d’être décrit dans le dictionnaire’1. Pourvus de cette signification, les prénoms perdent leur fonction propriale de référence directe à un porteur pour renvoyer à des « réalités notionnelles (des concepts) » (RIEGEL, PELLAT & RIOUL 1994 : 321 sq.) : je peux ainsi insulter un individu prénommé Horst en le traitant de Stoffel (‘rustre, mufle’) ou, inversement, insulter Stoffel en le traitant de Horst (‘niais, idiot’)2. La précision « susceptible d’être décrit dans le dictionnaire » rappelle qu’indépendamment de son existence lexicographique, le nom commun et avec lui le prototype du déonomastique de prénom, relevant du vocabulaire courant ou du substandard, font partie intégrante du lexique d’une langue.
Nous ne distinguons pas les items en fonction de leur richesse sémique, c’est-à-dire du nombre de sèmes constituant le noyau de signification, la seule chose qui importe étant la présence d’une signification lexicale : ainsi, Hans, jean et Grete pris dans le sens générique d’‘homme’ et de ‘femme’ satisfont tout autant à ce critère sémantique que les items de moindre extension que sont Heini et yvette, le premier désignant un homme sot ou niais, le second une femme au foyer, restant dans l’ombre de son mari.
La seule signification lexicale n’est toutefois pas suffisante pour définir le pôle du nom commun, les adjectifs, les verbes, etc., en étant également pourvus. Il faut donc faire intervenir un second critère, d’ordre grammatical cette fois-ci, celui de la détermination : contrairement aux noms propres, autodéterminés (MLS 2010), les noms communs ont généralement besoin d’un article pour actualiser leur référent en discours3. Nous considérons ainsi comme prototypiques des items tels que ein/der Dietrich (‘rossignol, passe-partout’), ein/der Stoffel (‘rustre, mufle’), un/le fritz (‘soldat allemand, Allemand’) et une/la madeleine (‘petit gâteau sucré de forme ovale’) pour lesquels le locuteur peut employer aussi bien l’article défini que l’indéfini.
La majorité des items relevés remplissent les deux critères de la signification lexicale et de la détermination libre. Ceux désignant des êtres humains sont, sans surprise, les plus nombreux4 :
ein/der Bernd ‘bon à rien’ | une/l’agnès ‘jeune fille innocente et ingénue ou qui affecte de l’être’ |
ein/der Detlev, Detlef ‘homosexuel’ | un/l’alphonse, arthur ‘proxénète’ |
ein/der Fritze ‘homme, exerçant souvent une activité’ | une/la catin ‘fille, femme de mauvaise vie ; prostituée’ |
eine/die Grete ‘femme’ | un/le fritz ‘soldat allemand, Allemand’ |
ein/der Hans, Heini, Heino ‘sot, niais’ | un/le jacky ‘macho ringard’ |
ein/der Kasper ‘niais, homme puéril ; guignol, pitre’ | un/le jésus ‘enfant mignon’ |
ein/der Louis, Ludwig, Lude ‘proxénète’ | un/le joseph ‘homme niais, timide en amour ; nigaud qui laisse échapper les bonnes occasions’ |
eine/die Metze ‘fille aux mœurs légères, prostituée’ | une/la lolita ‘nymphette, jeune fille plutôt mignonne’ |
eine/die Minna ‘servante, domestique’ | une/la lolotte ‘fille de joie’, ‘copine, chérie’ |
ein/der Moses ‘le plus jeune d’un équipage ; apprenti marin, mousse, moussaillon’ | une/la marie-chantal ‘grande bourgeoise, snob, coupée des réalités sociales, économiques et culturelles’ |
ein/der Schani ‘serveur, serviteur’ | une/la nana ‘maîtresse, concubine’ |
ein/der Schorsch, Schurl ‘sot, niais’ | une/la péronnelle ‘jeune femme sotte et bavarde’ |
ein/der Sepp, Sepp(e)l ‘homme dont on reconnaît l’origine bavaroise’ | un/le séraphin ‘usurier ; grippe-sou, avare’ |
ein/der Stoffel ‘rustre, mufle’ | une/l’yvette ‘femme qui exerce le rôle traditionnel de femme au foyer et reste dans l’ombre de son mari’ |
eine/die Trine ‘femme lente, maladroite, plutôt laide, lourdaude’ |
Les autres items prototypiques peuvent être rangés grossièrement dans trois classes sémantiques :
1 LES PARTIES DU CORPS OU LES MANIFESTATIONS CORPORELLES :
ein/der Johannes, Willy ‘pénis’5 | un/le jésus, popaul/popol ‘pénis’ |
une/la louise, marie-louise ‘pet’ | |
des/les jacquots/jacques ‘mollets’ |
1 LES ANIMÉS NON HUMAINS, PLANTES ET ANIMAUX :
ein/der Matz ‘petit oiseau’ | une/la julienne ‘poisson comestible’ |
eine/die Isabell ‘cheval à robe isabelle’ | un/le martinet ‘oiseau à longues ailes, au vol rapide’ |
eine/die Veronika ‘plante aux fleurs bleues à quatre pétales en croix’ | une/la véronique (idem) |
1 DIVERS ARTEFACTS, Y COMPRIS LES PRÉPARATIONS CULINAIRES :
ein/der Dietrich, Klaus ‘rossignol, passe-partout’ | une/la berthe ‘large col arrondi ou petite pèlerine de femme’ |
eine/die Elise ‘sorte de pain d’épices de Nuremberg’ | une/la catin ‘poupée’, ‘doigtier qui recouvre un pansement’ |
ein/der Hugo ‘(mégot de) cigarette’ | un/le jules, thomas ‘tinette de nuit, pot de chambre’ |
ein/der Lukas ‘tête de Turc’6 | une/la julienne ‘préparation de légumes, souvent pour potages’ |
ein/der Moses ‘canot d’un yacht’ | un/le louis ‘ancienne monnaie d’or’ |
ein/der Nicki ‘pullover en coton peluché’ | une/la madeleine ‘petit gâteau sucré à pâte molle, de forme ovale’ |
Nous écarterons deux critères du nom commun figurant en creux dans le catalogue des idées reçues de VAXELAIRE :
1 l’absence de la majuscule initiale, dont on voit aisément les limites pour notre étude : inopérant en l’allemand, ce critère est, en français, peu fiable pour qui s’intéresse à l’évolution de l’appellativisation sur le long terme. En effet, l’attribution de la majuscule au nom propre étant relativement tardive7, son absence ne saurait renseigner sur le statut des items les plus anciens. On constate par ailleurs que l’emploi de la majuscule ou de la minuscule est fonction du degré de lexicalisation du nom commun (cf. 2.2.3)8.
2 le critère de la pluralisation est lui aussi peu pertinent, l’opposition singulier-pluriel ne s’appliquant pas à plusieurs sous-types de noms communs qui sont bien représentés dans nos relevés, tels que les noms abstraits (Antoniusfeuer/feu de saint-Antoine, flotter Anton/Fritz/Heinrich, schnelle Kathrin ‘courante, diarrhée’, Veitstanz/danse de saint Guy, mal saint Lazare/Ladre ‘lèpre’, etc.), les noms à sens collectif (Itzig ‘Juif’, Kleinhans/klein Hans/klein Nickel ‘bas peuple, petites gens’ ; Jacques Bonhomme ‘paysan français’, jaquette ‘hommes homosexuels, homosexualité masculine’, la vache à Colas ‘huguenots, protestantisme’, etc.) ou générique (Adam ‘homme’ ; Eva ‘femme’) et les pluralia tantum (Hansel ‘nombre relativement restreint de personnes quelconques’ ; jacquots/jacques ‘mollets’, jos/djos/djeaux et roberts ‘seins’).
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