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Ivanhoe. 3. Le retour du croisé

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Au moment où le chevalier blessé allait adresser la parole à cette belle étrangère, elle lui imposa silence en posant sur ses lèvres de rose un doigt façonné par les grâces, tandis que son esclave s'occupait à découvrir le côté où était la blessure d'Ivanhoe. La belle Juive s'assura par elle-même que le bandage n'avait pas été dérangé, et que la blessure était en état progressif de guérison. Elle s'acquitta de ses fonctions avec cette simplicité et cette modestie qui, même dans des siècles plus civilisés, auraient pu repousser d'avance tout soupçon d'acte contraire à la délicatesse scrupuleuse, si naturelle à son sexe. L'idée d'une fille si jeune et si belle se tenant auprès d'un lit de douleur, occupée à panser les blessures d'un malade de sexe différent, disparaissait et se confondait admirablement dans celle d'un être bienfaisant, contribuant par l'efficacité de son art à soulager la douleur et à détourner le coup de la mort. Rébecca donna quelques courtes instructions à son domestique, et s'exprima dans la langue des hébreux; celui-ci, accoutumé à aider sa maîtresse en pareilles occasions, obéit sans répliquer.

Les accents d'une langue étrangère, quelque durs qu'ils eussent pu paraître, prononcés par tout autre personne, avaient dans la bouche de Rébecca cet effet romanesque et enchanteur que l'imagination attribue aux charmes d'une fée bienfaisante, inintelligible à l'oreille, il est vrai, mais qui touche, qui va jusqu'au coeur, lorsqu'il est accompagné d'une prononciation douce, d'un regard où se peint la bienfaisance la plus désintéressée. Sans chercher à hasarder aucune nouvelle question, Ivanhoe laissa ces deux personnes faire usage des moyens qu'elles jugèrent les plus propres à opérer sa guérison. Ce ne fut qu'après que toutes ces opérations furent terminées et lorsque celle qui venait de le soigner avec tant de bienveillance se disposait à se retirer, que le malade, ne pouvant plus réprimer sa curiosité: «Jeune et douce fille,» dit-il en arabe, car ses voyages dans l'orient lui avaient rendu cette langue familière, et il lui avait paru probable qu'il serait entendu par une femme à turban et à caftan qui était devant lui; «je vous en prie, belle et bonne demoiselle, ayez la bonté de…» Mais il fut interrompu par l'aimable juive, dont un sourire qu'elle eut de la peine à retenir, vint un instant colorer le visage qui avait généralement l'expression d'une mélancolie contemplative.

«Je suis Anglaise, sire chevalier, dit-elle, et je parle la langue de mon pays quoique mon costume et ma famille appartiennent à un autre climat.» – «Noble demoiselle,» reprit Ivanhoe…; mais Rébecca se hâta de l'interrompre de nouveau. «Sire chevalier, dit-elle, ne me donnez pas l'épithète de noble. Il est à propos que vous sachiez dès à présent que votre servante est une pauvre juive, la fille de cet Isaac d'York, dont vous avez été dernièrement le bon et bienfaisant seigneur. Il est bien juste que lui, et toute sa famille, vous donnent tous les soins et les secours qu'exige impérieusement votre présente situation.»

Je ne sais si lady Rowena aurait été très satisfaite de l'espèce d'émotion avec laquelle son tout dévoué chevalier avait jusqu'ici fixé ses regards sur les beaux traits, l'ensemble enchanteur de la figure et les yeux brillans de l'aimable Rébecca, de ces yeux surtout dont l'éclat était adouci par des cils longs et soyeux, qui leur servaient d'ombrage, et qu'un ménestrel aurait comparés à l'étoile du soir, dardant ses rayons à travers un berceau de jasmin. Mais Ivanhoe était trop bon catholique pour conserver des sentiments de cette nature envers une juive. La jeune Israélite l'avait prévu, et pour cela elle s'était empressée de faire connaître le nom et l'origine de son père. Néanmoins, car la belle et sage fille d'Isaac n'était pas sans avoir sa petite part des faiblesses de son sexe, elle ne put s'empêcher de soupirer lorsqu'elle vit le regard d'admiration respectueuse, mêlée de tendresse, qu'Ivanhoe avait jusqu'alors jeté sur sa bienfaitrice inconnue, se changer tout à coup en un air froid, composé, recueilli, et n'exprimant que le simple sentiment d'une reconnaissance, que l'on ne peut s'empêcher de témoigner pour un service rendu par un individu de qui on ne l'attendait point, et qui appartient à une classe inférieure. Ce n'est pas que le premier mouvement d'Ivanhoe eût imprimé quelque chose de plus que cet hommage banal de dévouement que la jeunesse rend toujours à la beauté; mais il était mortifiant pour la pauvre Israélite que l'on ne pouvait supposer entièrement ignorante de ses titres à un pareil hommage, de voir qu'un seul mot l'eût reléguée dans une caste avilie, à laquelle on n'eût osé accorder publiquement cette marque de respect.

Mais par sa douceur de caractère et sa candeur d'âme, Rébecca ne faisait pas un crime à Ivanhoe de partager les préjugés universels de son siècle et de sa religion: au contraire, quoique bien convaincue que son malade ne la regardait alors que comme appartenant à une race frappée de réprobation, et avec laquelle il était déshonorant d'avoir d'autres rapports que ceux qui étaient absolument nécessaires, la juive ne cessa de donner les mêmes soins et les mêmes attentions à sa guérison et à sa convalescence. Elle l'informa de la nécessité où ils étaient de se rendre à York, et de la résolution que son père avait prise de le faire transporter dans cette ville, et de le garder chez lui jusqu'à ce que sa santé fût rétablie. Ivanhoe montra une grande répugnance pour ce projet, mais il la motiva sur celle qu'il avait d'occasionner de nouveaux embarras à son bienfaiteur.

«Ne pourrait-on trouver, dit-il, dans Ashby, ou dans les environs, quelque franklin saxon, ou même quelque riche paysan qui voulût se charger de garder chez lui un compatriote blessé, jusqu'à ce qu'il fût en état de reprendre son armure? N'y aurait-il pas de couvent doté par les Saxons, où il pût être reçu? ou bien ne pourrait-on le transporter jusqu'à Burton, où il était bien sûr d'être reçu avec hospitalité par Walthcoff, abbé de Saint-Withold, et qui était son parent?»

«La plus misérable chaumière, dit Rébecca avec un sourire mélancolique, serait sans doute préférable pour y établir votre résidence, à la demeure d'un juif méprisé; néanmoins, sire chevalier, à moins que de renvoyer votre médecin, vous ne pouvez changer de logement. Notre nation, comme vous le savez très bien, sait guérir les blessures, quoiqu'elle ignore l'art de les faire, et notre famille, en particulier, possède des secrets qui lui ont été successivement transmis depuis le règne de Salomon, et vous en avez déjà éprouvé l'efficacité. Il n'y a pas dans les quatre parties de l'Angleterre un médecin nazaréen… pardon… un médecin chrétien qui puisse vous mettre en état d'endosser votre cuirasse d'ici à un mois.» – «Et toi, dans combien de temps me mettras-tu en état de la porter? demanda Ivanhoe d'un ton d'impatience.» – «Dans l'espace de huit jours, répondit Rébecca, si tu veux avoir patience et te conformer à mes prescriptions.» – «Par la sainte Vierge, dit Wilfrid, si ce n'est pas pécher que de prononcer ce nom ici, il ne convient en ce moment ni à moi, ni à aucun vrai chevalier de rester étendu dans un lit; et si tu remplis ta promesse, jeune fille, je te donnerai plein mon casque d'écus, de quelque part qu'ils m'arrivent.» – «Je tiendrai ma promesse, dit Rébecca; et le huitième jour, à compter de celui-ci, tu pourras partir, couvert de ton armure, si tu veux m'octroyer un don, au lieu des pièces d'argent que tu me promets.» – «Si ce don est en mon pouvoir, répondit Ivanhoe, et qu'il soit tel qu'un chevalier chrétien puisse l'octroyer à un individu de ta nation, je te l'accorderai avec plaisir et reconnaissance.»

«Hé bien, dit Rébecca, je ne veux tout simplement que te prier de croire dorénavant qu'un juif peut fort bien rendre un bon office à un chrétien, sans attendre d'autre récompense que la bénédiction du grand Être, qui est le père du juif comme du gentil.» – «Ce serait un crime que d'en douter, répliqua Ivanhoe, et je me repose entièrement sur ton savoir, sans nullement hésiter, et sans te faire aucune autre question, bien persuadé que dans huit jours tu me mettras en état d'endosser mon corselet. Maintenant, mon bon et obligeant médecin, laisse-moi te demander quelles sont les nouvelles que l'on débite. Que dit-on du noble saxon Cedric et de sa famille? et de l'aimable lady…?» Il s'arrêta, comme s'il eût craint de prononcer le nom de Rowena dans la maison d'un juif. «Je veux dire de celle qui fut nommée reine du tournoi.» – «Dignité à laquelle vous l'élevâtes vous-même, sire chevalier, avec un discernement qui ne fut pas moins admiré que votre valeur,» dit Rébecca.

Quoique Ivanhoe eût perdu une quantité considérable de sang, néanmoins une légère rougeur vint colorer ses joues; car il sentait qu'il avait imprudemment découvert l'intérêt qu'il portait à lady Rowena, par les efforts qu'il avait imprudemment faits pour le cacher. «C'était moins d'elle que je voulais parler, ajouta-t-il, que du prince Jean; je voudrais bien aussi apprendre quelque chose d'un fidèle écuyer, et savoir pourquoi il n'est pas auprès de moi?»

«Permettez-moi, répondit Rébecca, de faire usage de mon autorité, comme médecin, et de vous ordonner de garder le silence, et d'éviter toute réflexion, qui ne servirait qu'à vous agiter, tandis que je vais vous instruire de ce que vous désirez savoir. Le prince Jean a rompu le tournoi et est parti en toute hâte pour York, avec les nobles, les chevaliers et les gens d'église de son parti, emportant toutes les sommes qu'il avait pu enlever, soit de gré, soit de force, de ceux qu'on regarde comme les riches de la terre. On dit qu'il a le dessein de s'emparer de la couronne de son père.»

«Non sans une lutte hasardée pour sa défense, dit Ivanhoe se levant sur sa couche, n'y eût-il qu'un seul fidèle sujet en Angleterre. Je défierai le plus brave de ses ennemis pour soutenir son titre. Oui, qu'ils se présentent deux contre un; je maintiendrai la légitimité de son droit.» – «Mais pour vous mettre en état de le faire, dit Rébecca en lui posant la main sur l'épaule, il faut que vous suiviez mes ordonnances et que vous restiez tranquille.» – «Tu as raison, jeune fille, dit Ivanhoe, aussi calme qu'il était possible de l'être dans un temps si orageux. Dis-moi, que sait-on de Cedric et de sa famille?»

 

«Il n'y a pas long-temps, répondit la juive, que son intendant est venu en toute hâte pour demander à mon père certaines sommes d'argent, provenant de la vente des laines des troupeaux de son maître; et c'est de lui que j'ai appris que Cedric et Athelstane de Coningsburgh avaient quitté la résidence du prince, extrêmement mécontens, et se disposaient à partir pour retourner chez eux.»

«Quelque dame n'alla-t-elle pas avec eux au banquet?» demanda Wilfrid.» – «Lady Rowena, dit Rébecca répondant à cette question avec plus de précision qu'elle n'avait été faite, lady Rowena n'a point assisté au banquet du prince, et, d'après ce que l'intendant nous a dit, elle est en ce moment en route pour retourner à Rotherwood avec son tuteur Cedric. Quant à votre écuyer Gurth…»

«Ah! s'écria le chevalier, tu sais son nom? Mais oui, ajouta-t-il incontinent, et en effet, tu dois bien le connaître; car c'est de sa main, et, je crois, de ta généreuse bonté qu'il a reçu, et pas plus tard qu'hier, cent sequins.» – «Ne parlez pas de cela, dit Rébecca, dont une rougeur subite couvrit le visage, je vois comment il peut très bien arriver que la langue trahisse les secrets que le coeur aimerait à garder.»

«Mais cet or, répliqua Ivanhoe d'un ton grave, mon honneur exige que je le rembourse à votre père.» – «Lorsque les huit jours seront passés, dit Rébecca, tu feras tout ce que tu voudras; mais à présent tu ne dois ni penser ni parler ni rien faire qui puisse retarder ta guérison.» – «Soit, bonne et douce fille, répliqua Ivanhoe; il y aurait ingratitude de ma part à ne pas obéir à tes ordres; mais un mot, je t'en prie, sur le pauvre Gurth, et je termine là mes questions.» – «J'ai le chagrin de te dire, répondit la juive, qu'il est en prison par ordre de Cedric.» Puis voyant l'effet que venait de faire cette nouvelle sur Wilfrid, elle s'empressa d'ajouter: «Cependant je tiens de l'intendant Oswald que, sauf quelque nouvelle circonstance qui pourrait ajouter au mécontentement de son maître, il était sûr que Cedric pardonnerait à Gurth, qui était un serf fidèle, qui possédait à un haut degré la confiance de son maître, et qui ne s'était rendu coupable que par amour pour le fils de son bienfaiteur. Il m'a dit de plus que ses camarades, lui-même, et jusqu'au fou Wamba, se proposaient de conseiller à Gurth de s'échapper pendant la route, dans le cas où la colère de Cedric ne pourrait être apaisée.»

«Dieu veuille qu'ils persistent dans leur dessein, dit Ivanhoe, mais on dirait que j'ai été destiné à rassembler tous les genres de malheurs sur la tête de ceux qui me témoignent quelque intérêt. Mon roi m'a honoré, m'a distingué, et tu vois que son frère, qui lui doit plus que tout autre, arme dans le dessein de le dépouiller de sa couronne. L'intérêt que j'ai montré pour la plus belle des femmes a porté atteinte à sa liberté et à sa tranquillité, et maintenant mon père, dans son état actuel d'exaspération, peut faire périr ce malheureux esclave, uniquement parce qu'il m'a donné des preuves de zèle et d'affection. Tu vois, jeune fille, à quel être infortuné tu prodigues tes soins; écoute les conseils de la prudence, et laisse-moi partir avant que les maux que je traîne à ma suite, comme une meute acharnée, te précipitent aussi dans l'abîme.»

«Allons, allons, sire chevalier, dit Rébecca, ton état de faiblesse, le chagrin que tu éprouves, tout cela ne fait que jeter sur tes yeux un voile qui te cache le résultat des calculs d'en haut. Tu as été rendu à ta patrie au moment où elle avait le plus grand besoin d'un bras vaillant et d'un courage à l'épreuve; tu as humilié l'orgueil de ses ennemis et de ceux de son roi, lorsque cet orgueil était porté au plus haut degré d'exaltation; et dans le sort malencontreux qui est venu t'accabler, ne vois-tu pas que le ciel t'a suscité un bras secourable, une main habile dans l'art de guérir, même du milieu de la nation la plus méprisée par la tienne. Prends donc courage, et pénètre-toi de l'idée que tu es destiné à quelque exploit éclatant opéré par la valeur de ton bras. Adieu, et quand tu auras pris la potion que je vais t'envoyer par Reuben, tâche de reposer, afin que tu puisses demain supporter les fatigues du voyage.»

Ivanhoe, convaincu par les raisonnemens de Rébecca, se conforma entièrement à ses instructions. La vertu calmante et narcotique de la potion qui lui fut apportée par Reuben lui procura un sommeil profond et tranquille; en sorte que le lendemain matin la bonne Rébecca, ne lui trouvant aucun symptôme de fièvre, déclara qu'il était en état de supporter les fatigues de la route.

On le plaça dans la même litière qui l'avait ramené du tournoi, et toutes les précautions furent prises pour que le voyage fût facile et commode. Il n'y eut qu'un seul point sur lequel, en dépit de toutes les instances de Rébecca, il fut impossible de procurer au chevalier blessé toutes les commodités que son état exigeait. Isaac, comme le voyageur enrichi, dans la dixième satire de Juvénal, était continuellement tourmenté par la crainte des voleurs, sachant fort bien qu'il serait toujours regardé de bonne prise par le Normand aussi bien que par le Saxon, par le noble aussi bien que par le brigand. Il voyageait donc à grandes journées, et faisait des haltes courtes et des repas encore plus courts; en sorte qu'il dépassa Cedric et Athelstane, qui étaient partis plusieurs heures avant lui, mais qui se trouvaient retardés par suite du long-temps qu'ils étaient restés à table au couvent de saint Withold. Cependant, telle fut la vertu du baume de Miriam, ou la force de la constitution d'Ivanhoe, que le voyage se termina sans aucun des inconvéniens que Rébecca avait appréhendés: sous un autre rapport cependant, son résultat prouva qu'une trop grande précipitation est souvent nuisible. La célérité qu'il exigeait dans la marche donna lieu à des disputes entre lui et les gens qu'il avait loués pour son escorte. C'étaient des Saxons qui n'étaient nullement exempts de l'amour naturel à leur nation pour l'aise et la bonne chère, c'est-à-dire, suivant les Normands, pour la paresse et la gourmandise. Au rebours de l'histoire de Shylock, ils avaient accepté les offres d'Isaac dans l'espoir de se nourrir aux dépens du riche Israélite, et furent très mécontens de voir leurs espérances trompées par la rapidité avec laquelle il voulait absolument que l'on avançât. Ils firent aussi des représentations sur le risque qu'ils couraient de ruiner les chevaux par des marches forcées. Enfin il s'éleva une querelle extrêmement vive entre Isaac et son escorte, au sujet de la quantité de vin et d'ale (bière) qui leur était allouée par repas: aussi, lorsque l'alarme se répandit, et que tout fit présager le danger qu'Isaac avait tant redouté, il se vit abandonné par les mercenaires mécontens, sur la protection desquels il avait compté, parce qu'il n'avait pas employé les moyens indispensables pour s'assurer leur attachement.

Ce fut dans cet état d'abandon et de dénuement absolu de secours que le juif, sa fille et le chevalier blessé, furent rencontrés par Cedric, ainsi que nous l'avons raconté, et tombèrent ensuite au pouvoir de de Bracy et de ses confédérés. On fit d'abord peu d'attention à la litière, et elle serait probablement restée en arrière, sans la curiosité de de Bracy, qui s'en approcha, dans l'idée qu'elle pouvait contenir l'objet de son entreprise, car Rowena ne s'était point dévoilée. Mais l'étonnement de de Bracy fut extrême lorsqu'il découvrit que la litière contenait un homme blessé, qui, se croyant tombé au pouvoir des Saxons proscrits, auprès desquels son nom pourrait lui servir de protection ainsi qu'à ses amis, avoua franchement qu'il était Wilfrid d'Ivanhoe.

Les principes de l'honneur chevaleresque, qui, au milieu de ses dérèglemens et de sa légèreté, n'avaient jamais entièrement abandonné de Bracy, lui interdisaient tout acte d'hostilité contre le chevalier qu'il voyait hors d'état de se défendre. D'un autre côté, et toujours par suite de sa fidélité à ces mêmes principes, il ne pouvait le découvrir à Front-de-Boeuf, qui, dans tout état de cause, et sans être arrêté par aucune considération, ne se serait pas fait scrupule de se défaire d'un rival qui lui contestait ses droits au fief d'Ivanhoe. Mais rendre à la liberté un chevalier que les événemens du tournoi, l'exclusion de la maison paternelle et la notoriété publique, désignaient comme l'amant préféré de lady Rowena, était un effort de générosité dont de Bracy était entièrement incapable. Un terme moyen entre le bien et le mal se présentait, il l'embrassa, et ce fut tout ce qu'il put faire; il ordonna à deux de ses écuyers de se tenir constamment près de la litière et de ne pas souffrir que qui que ce fût s'en approchât: si on venait à leur faire quelque question, ils avaient ordre de dire que c'était la litière de lady Rowena, et qu'ils s'en servaient pour transporter un de leurs camarades qui avait été blessé dans le combat. En arrivant à Torquilstone, pendant que le templier et le maître du château s'occupaient sérieusement du plan de leur double conquête, l'un des trésors du juif, l'autre de sa charmante fille; les écuyers de de Bracy transportèrent Ivanhoe, toujours sous la désignation d'un camarade blessé, dans les appartemens les plus reculés du château; et ce fut là l'excuse que les écuyers de de Bracy donnèrent à Front-de-Boeuf, lorsqu'il leur demanda pourquoi aux premiers cris d'alarme ils ne s'étaient pas rendus sur les remparts.

«Un camarade blessé! s'écria-t-il d'un ton de colère et de surprise; je ne m'étonne plus que des rustres et des paysans aient l'audace de se présenter en armes devant des châteaux, et que jusqu'à des gardeurs de cochons s'oublient au point d'envoyer des cartels à des nobles, quand on voit des hommes d'armes devenir garde-malades, et des francs compagnons se mettre garde-rideaux de moribonds, dans un moment où le château va être assailli. Aux murailles, misérables traînards! cria-t-il d'une voix qui fit retentir toutes les voûtes du château, aux murailles! où je vais vous briser les os avec ma massue.» – «Nous ne demandons pas mieux, répondirent-ils, d'un ton de mauvaise humeur, que d'y aller, pourvu que vous nous excusiez auprès de notre maître, qui nous a commandé de nous tenir auprès du moribond.»

«Moribond! vilains animaux, répliqua le baron; nous serons tous moribonds, je vous en réponds, si nous ne nous montrons pas mieux que cela… Mais il faut que je relève la garde que l'on a mise auprès de ce camarade, comme vous l'appelez… Holà! Urfried!.. la vieille!.. ho! fille de sorcière saxonne!.. m'entends-tu?.. Va-t'en soigner ce malade, puisqu'il faut qu'il ait quelqu'un auprès de lui, pendant que j'emploierai ces gens-ci autre part… Allons, voici deux arbalètes avec leurs tourniquets ou cabestans et leurs carreaux. Vite, à la barbacane, et que chaque trait s'enfonce dans une tête saxonne!» Les deux écuyers, qui, comme la plupart des gens de cette espèce, aimaient le mouvement et détestaient l'inaction, se rendirent gaîment à leur poste, et ce fut ainsi que la garde d'Ivanhoe fut confiée à Urfried ou Ulrique. Mais celle-ci, dont le cerveau s'enflammait au souvenir de ses injures, et dont le coeur n'était rempli que d'espoir de vengeance, se sentit facilement disposée à se décharger sur Rebecca de l'emploi que l'on venait de lui confier.