Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Henri VI. 2», sayfa 2

Yazı tipi:

SCÈNE III

Toujours à Londres. – Une salle du palais
Entrent PIERRE et plusieurs autres avec des pétitions

PREMIER PÉTITIONNAIRE. – Restons là tout près, mes maîtres. Milord protecteur va bientôt passer par ici, nous pourrons alors lui présenter nos suppliques par écrit.

DEUXIÈME PÉTITIONNAIRE. – Ma foi, Dieu le conserve, car c'est un brave homme. Jésus le bénisse!

(Entrent Suffolk et la reine Marguerite.)

PREMIER PÉTITIONNAIRE. – Je crois que le voilà qui vient, et la reine avec lui. Je serai le premier, c'est sûr.

DEUXIÈME PÉTITIONNAIRE. – En arrière, imbécile. C'est le duc de Suffolk, et non pas milord protecteur.

SUFFOLK. – Eh bien, qu'y a-t-il? me veux-tu quelque chose?

PREMIER PÉTITIONNAIRE. – Je vous prie, milord, pardonnez; je vous ai pris pour milord protecteur.

MARGUERITE, lisant le dessus des pétitions. – Milord protecteur! C'est à Sa Seigneurie que vos suppliques s'adressent? Laissez-moi les voir. – Quelle est la tienne?

DEUXIÈME PÉTITIONNAIRE. – La mienne, avec la permission de Votre Grâce, est contre John Goodman, un des gens de milord cardinal, qui m'a pris ma maison, mes terres, ma femme et tout.

SUFFOLK. – Ta femme aussi? Cela n'est pas trop bien, en effet. Et vous, la vôtre? – Qu'est-ce que c'est? (Il lit.) Contre le duc de Suffolk, pour avoir fait enclore les communes de Melfort. Comment, monsieur le drôle!

PREMIER PÉTITIONNAIRE. – Hélas! monsieur; je ne suis qu'un pauvre citoyen chargé des plaintes de toute notre ville.

PIERRE, présentant sa pétition.-Contre mon maître Thomas Horner, pour avoir dit que le duc d'York était le légitime héritier de la couronne.

MARGUERITE. – Que dis-tu là? Le duc d'York a-t-il dit qu'il était l'héritier légitime de la couronne?

PIERRE. – Que mon maître l'était? non vraiment. Mais mon maître a dit qu'il l'était, et que le roi était un usurpateur.

(Entrent des domestiques.)

SUFFOLK. – Y a-t-il quelqu'un là? Retenez cet homme et envoyez chercher son maître par un huissier. Nous nous occuperons de votre affaire en présence du roi.

(Les domestiques sortent avec Pierre.)

MARGUERITE. – Et vous qui aimez à être protégé des ailes de votre duc protecteur, vous pouvez recommencer vos suppliques et vous adresser à lui. (Elle déchire leurs requêtes.) Sortez, canaille. Suffolk, renvoyez-les.

TOUS. – Allons, sortons.

(Ils sortent.)

MARGUERITE. – Milord de Suffolk, parlez. Sont-ce là vos usages? est-ce là la mode de la cour d'Angleterre, le gouvernement de votre île britannique? est-ce là la royauté d'un roi d'Albion? Eh quoi! le roi Henri demeurera-t-il éternellement sous la domination du sombre Humphroy? Et moi, reine seulement de nom et pour la forme, faut-il que je sois la sujette d'un duc? Je te le dis, Pole, quand dans la ville de Tours, tu rompis une lance pour l'amour de moi, et enlevas les coeurs des dames de France, je crus que le roi Henri te ressemblerait en galanterie, en beauté, en courage; mais son esprit est entièrement tourné à la dévotion: tout occupé à compter des ave Maria sur son chapelet, il n'a d'autres champions que les prophètes et les apôtres, d'autres armes que les passages sacrés de l'Écriture sainte, d'autre champ clos que son cabinet, d'autres amours que les images en bronze des saints canonisés. Je voudrais que le collége des cardinaux voulût le nommer pape et l'emmener à Rome, pour y placer sur sa tête la triple couronne. Tels sont les honneurs qui conviennent à sa piété.

SUFFOLK. – Madame, prenez patience. C'est moi qui ai fait venir Votre Altesse en Angleterre, et je travaillerai à ce qu'en Angleterre tous les désirs de Votre Grâce soient pleinement satisfaits.

MARGUERITE. – Outre ce hautain protecteur, n'avons-nous pas encore Beaufort, ce prêtre impérieux, et Buckingham, et Somerset, et York, qui se plaint toujours, et le moins puissant d'entre eux ne l'est-il pas en Angleterre plus que le roi?

SUFFOLK. – Et de tous, le plus puissant ne l'est pas en Angleterre plus que les Nevil, Salisbury et Warwick ne sont point de simples pairs.

MARGUERITE. – Tous ces lords ensemble ne m'irritent pas autant que cette arrogante Éléonor, la femme du lord protecteur. On la voit, suivie d'un cortége de dames, balayer les salles du palais, plutôt de l'air d'une impératrice que de la femme du duc Humphroy. Les personnes étrangères à la cour la prennent pour la reine. Elle porte sur elle le revenu d'un duché, et dans son coeur elle insulte à notre indigence. Ne vivrai-je point assez pour me voir vengée d'elle? L'autre jour, au milieu de ses favoris, cette créature de rien ne disait-elle pas insolemment, méprisante drôlesse! que la queue de sa plus mauvaise robe de tous les jours valait mieux que toutes les terres de mon père, avant que Suffolk lui eût donné deux duchés en échange de sa fille.

SUFFOLK. – Madame, j'ai moi-même disposé la glu sur le buisson où elle doit venir se prendre, et j'y ai placé un choeur d'oiseaux si propres à l'attirer, qu'elle viendra s'y abattre pour écouter leurs chants et ne reprendra plus le vol qui vous blesse. Laissez-la donc en paix, et écoutez-moi, madame, car j'ose vous donner ici quelques conseils. Quoique le cardinal nous déplaise, il faut nous unir à lui et au reste des pairs, jusqu'à ce que nous ayons fait tomber le duc Humphroy dans la disgrâce. Quant au duc d'York, la plainte que nous venons de recevoir n'avancera pas ses affaires; ainsi, nous les déracinerons tous l'un après l'autre, et de vous seule l'heureux gouvernail recevra sa direction.

(Entrent le roi Henri, York et Somerset causant avec lui, le duc et la duchesse de Glocester, le cardinal, Buckingham, Salisbury et Warwick.)

LE ROI. – Quant à moi, nobles lords, le choix m'est indifférent: ou Somerset, ou York, c'est pour moi la même chose.

YORK. – Si York s'est mal conduit en France, que la régence lui soit refusée.

SOMERSET. – Si Somerset est indigne de la place, qu'York soit régent, je suis prêt à la lui céder.

WARWICK. – Que Votre Grâce soit digne ou non, ce n'est pas là la question: York en est le plus digne.

LE CARDINAL. – Ambitieux Warwick, laisse parler ceux qui valent mieux que toi.

WARWICK. – Le cardinal ne vaut pas mieux que moi sur le champ de bataille.

BUCKINGHAM. – Tous ceux qui sont ici présents valent mieux que toi, Warwick.

WARWICK. – Et Warwick pourra vivre assez pour être un jour le meilleur de tous.

SALISBURY. – Paix! mon fils. – Et vous, Buckingham, faites-nous connaître, par quelques raisons, pourquoi Somerset doit être préféré en ceci?

MARGUERITE. – Eh! vraiment, parce que cela convient au roi.

GLOCESTER. – Madame, le roi est en âge de dire lui-même son avis; et ce n'est point ici l'affaire des femmes.

MARGUERITE. – Si le roi est en âge, qu'a-t-il besoin, milord, que vous demeuriez protecteur de Sa Majesté?

GLOCESTER. – Je suis protecteur du royaume, madame; et, quand il le voudra, je résignerai mes fonctions.

SUFFOLK. – Résigne-les donc, et mets un terme à ton insolence. Depuis que tu es roi (car qui donc est roi que toi?), l'État se précipite chaque jour vers sa ruine. Le dauphin a triomphé au delà des mers; les pairs et les nobles du royaume ne sont plus autre chose que les vassaux de ton pouvoir.

LE CARDINAL. – Tu as écrasé le peuple, appauvri, exténué la bourse du clergé par tes extorsions.

SOMERSET. – Tes somptueux palais, les parures de ta femme, ont absorbé une portion des richesses publiques.

BUCKINGHAM. – La cruauté de tes exécutions a excédé la rigueur des lois, et te livre à ton tour à la merci des lois.

MARGUERITE. – Ton trafic des emplois, et la vente des villes de France, si on pouvait faire connaître tout ce qu'on soupçonne, devraient avant peu te rapetisser de la tête 6. (Glocester sort. – La reine laisse tomber son éventail.) Donnez-moi mon éventail. – Quoi donc, beau sire, ne sauriez-vous faire ce que je vous dis? (Elle donne un soufflet à la duchesse.) Ah! madame, je vous demande pardon: quoi! c'est vous?..

LA DUCHESSE. – Si c'est moi? Oui, c'est moi, orgueilleuse Française. Si mes ongles pouvaient atteindre votre beauté, j'imprimerais mes dix commandements sur votre face.

LE ROI. – Ma chère tante, calmez-vous; c'est contre sa volonté.

LA DUCHESSE. – Contre sa volonté! Bon roi, prends-y garde à temps; elle t'emmaillotera et te bercera comme un enfant. Quoiqu'il y ait ici plus d'un homme qui ne sache pas porter le haut-de-chausses, elle n'aura pas impunément frappé dame Éléonor.

BUCKINGHAM. – Lord cardinal, je vais suivre Éléonor, et m'informer de Glocester, de tous ses mouvements. – La voilà lancée, elle n'a pas besoin maintenant d'éperons pour l'échauffer, elle va galoper assez vite à sa perte.

(Buckingham sort.)
(Rentre Glocester.)

GLOCESTER. – Maintenant, milords, qu'un tour de terrasse a dissipé ma colère, je reviens délibérer sur les affaires de l'État. Quant à vos odieuses et fausses imputations, prouvez-les, soumettez-les au jugement de la loi. Puisse Dieu dans sa miséricorde traiter mon âme selon la mesure de mon affectueuse fidélité envers mon pays et mon roi! Mais venons à l'objet qui nous occupe. Dans mon opinion, mon souverain, York est l'homme le plus propre à remplir en France l'office de régent.

SUFFOLK. – Avant qu'on choisisse, permettez-moi de vous faire comprendre, par quelques raisons qui ne sont pas de peu d'importance, qu'York est de tous les hommes le moins propre à cet emploi.

YORK. – Je te le dirai, Suffolk, pourquoi j'y suis le moins propre. D'abord, c'est parce que je ne sais point flatter ton orgueil; ensuite si le choix tombe sur moi, milord de Somerset me laissera encore sans munitions, sans argent et sans secours, jusqu'à ce que la France soit retombée entre les mains du dauphin. Dernièrement il m'a fallu attendre, tantôt sur un pied tantôt sur l'autre 7, son bon plaisir, jusqu'à ce que Paris fût assiégé, affamé et perdu.

WARWICK. – J'en puis rendre témoignage, et jamais traître n'a commis envers son pays une action plus criminelle.

SUFFOLK. – Paix donc, impétueux Warwick.

WARWICK. – Emblème d'orgueil, pourquoi me tairais-je?

(Entrent les domestiques de Suffolk amenant Horner et Pierre.)

SUFFOLK. – Parce qu'il y a ici un homme accusé de trahison. Dieu veuille que le duc d'York réussisse à se justifier!

YORK. – Quelqu'un accuse-t-il York de trahison?

LE ROI. – Que signifie tout ceci, Suffolk? Dis-moi qui sont ces hommes?

SUFFOLK. – Avec la permission de Votre Majesté, cet homme est celui qui accuse son maître de haute trahison. Il assure lui avoir entendu dire que Richard, duc d'York, était le légitime héritier de la couronne d'Angleterre, et que Votre Majesté était un usurpateur.

LE ROI, à Horner.-Dis, as-tu tenu ce discours?

HORNER. – Avec la permission de Votre Majesté, je n'ai jamais rien dit ni pensé de semblable. Dieu m'est témoin que je suis faussement accusé par ce coquin.

PIERRE, levant les mains en haut.-Par ces dix os, milords, il m'a dit cela un soir que nous étions dans le grenier à nettoyer l'armure du duc d'York.

YORK. – Infâme misérable, vil artisan, ta tête me payera tes criminelles paroles. Je conjure Votre Royale Majesté de le livrer à toute la rigueur de la loi.

(York sort.)

HORNER. – Hélas, milord, que je sois pendu si jamais j'ai prononcé ces mots. Mon accusateur est mon apprenti. L'autre jour, comme je l'avais corrigé pour une faute, il a fait serment à genoux qu'il me le revaudrait: j'ai de bons témoins du fait. Je conjure donc Votre Majesté de ne pas perdre un honnête homme sur l'accusation d'un coquin.

LE ROI. – Glocester, que pouvons-nous légalement ordonner sur ceci?

GLOCESTER. – Voici mon jugement, seigneur, s'il m'appartient de décider: donnez à Somerset la régence de la France, parce que ceci a élevé des soupçons contre York, et indiquez un jour, un lieu convenable pour le combat singulier entre ces deux hommes. Telle est la loi, telle est la sentence du duc Humphroy.

LE ROI. – Qu'il en soit ainsi. Milord de Somerset, nous vous nommons lord régent de France.

SOMERSET. – Je remercie humblement Votre Royale Majesté.

HORNER. – Et moi, j'accepte volontiers le combat.

PIERRE. – Hélas! milord, je ne saurais combattre. Pour l'amour de Dieu, prenez en pitié ce qui m'arrive; c'est la méchanceté des hommes qui m'a conduit là. O seigneur, ayez pitié de moi! Jamais je ne serai en état de porter un coup. O Dieu! ô mon coeur!

GLOCESTER. – Il faut que tu te battes ou que tu sois pendu.

LE ROI. – Conduisez-les en prison. Le dernier jour du mois prochain sera celui du combat. – Viens, Somerset: nous allons pourvoir à ton départ.

SCÈNE IV

Toujours à Londres. – Dans les jardins du duc de Glocester
Entrent MARGERY, JOURDAIN, HUME, SOUTHWELL ET BOLINGBROOK

HUME. – Venez, mes maîtres: la duchesse, je vous l'ai dit, attend l'accomplissement de vos promesses.

BOLINGBROOK. – Nous sommes tout prêts, maître Hume. Mais la duchesse veut-elle entendre et voir nos mystères?

HUME. – Oui, pourquoi pas? comptez sur son courage.

BOLINGBROOK. – J'ai entendu dire que c'était une femme d'une fermeté inébranlable. Cependant, il sera bon, maître Hume, que vous soyez là-haut près d'elle, tandis que nous travaillerons ici en bas. Ainsi, je vous prie, sortez, au nom de Dieu, et laissez-nous. (Hume sort.) Mère Jourdain, prosternez-vous la face contre terre. Southwell, lisez, et commençons notre oeuvre.

(La duchesse paraît à une fenêtre.)

LA DUCHESSE. – Bien dit, mes maîtres; soyez tous les bienvenus. A la besogne; le plus tôt sera le mieux.

BOLINGBROOK. – Patience, ma bonne dame; les magiciens connaissent leur temps; la profonde nuit, la sombre nuit, le silence de la nuit, l'heure de la nuit où l'on mit le feu à Troie; le temps où errent les oiseaux funèbres, où hurlent les chiens de garde, où les esprits se promènent, où les fantômes brisent leurs tombeaux: tel est le temps propre à l'oeuvre qui nous tient occupés. Asseyez-vous, madame, et ne craignez rien; ce que nous allons faire paraître ne pourra sortir de l'enceinte sacrée.

(Ils exécutent les cérémonies d'usage, et tracent le cercle. Bolingbrook ou Southwell lit la formule, Conjuro te, etc. Éclairs et tonnerres effroyables, l'Esprit sort de terre.)

L'ESPRIT. -Adsum.

MARGERY. -Asmath, par le Dieu éternel, dont le nom et le pouvoir te font trembler, réponds à mes demandes; car jusqu'à ce que tu m'aies satisfait, tu ne passeras point cette enceinte.

L'ESPRIT. – Demande ce que tu voudras: que n'ai-je déjà dit et fini!

BOLINGBROOK, lisant les questions contenues dans un papier. -D'abord le roi, qu'en doit-il advenir?

L'ESPRIT. – Le duc qui déposera Henri est vivant; mais il lui survivra et mourra d'une mort violente.

(A mesure que l'Esprit parle, Southwell écrit la réponse.)

BOLINGBROOK. -Quel est le sort qui attend le duc de Suffolk?

L'ESPRIT. – Par l'eau il mourra et trouvera sa fin.

BOLINGBROOK. – Qu'arrivera-t-il au duc de Somerset?

L'ESPRIT. – Qu'il évite les châteaux; il sera plus en sûreté dans les plaines sablonneuses qu'aux lieux où les châteaux se tiennent en haut. Finis; à peine pourrais-je endurer plus longtemps.

BOLINGBROOK. – Descends dans les ténèbres et dans le lac brûlant, esprit pervers: en fuite!

(Tonnerre et éclairs. L'Esprit descend sous terre.)
(Entrent précipitamment York et Buckingham, suivis de gardes, et autres personnages.)

YORK. – Saisissez-vous de ces traîtres et de tout leur bagage. Sorcière, nous vous suivions, je crois, de bien près. Quoi! madame, vous ici? le roi et l'État vous devront beaucoup pour les peines que vous avez prises, et milord protecteur désirera sans doute vous voir bien récompensée de cette bonne oeuvre.

LA DUCHESSE. – Elle n'est pas la moitié aussi coupable que les tiennes envers le roi d'Angleterre, duc outrageant qui menaces sans cause.

BUCKINGHAM. – En effet, sans la moindre cause, madame. Comment appelez-vous ceci? (Lui montrant le papier qu'il a saisi.) Emmenez-les, qu'on les tienne bien renfermés et séparés. – Vous, madame, vous allez nous suivre. Stafford, prends-la sous ta garde. (La duchesse quitte la fenêtre.) Nous allons mettre au jour toutes ces bagatelles. Sortez tous.

(Les gardes sortent, emmenant Margery, Southwell, etc.)

YORK. – Je vois, lord Buckingham, que vous l'aviez bien surveillée. C'est une petite intrigue bien imaginée, et sur laquelle on peut bâtir bien des choses. Maintenant je vous prie, milord, voyons ce qu'a écrit le diable. (Il lit.) Le duc qui doit déposer Henri est vivant, mais il lui survivra et mourra d'une mort violente. C'est tout justement… Aio te, Æneïda, Romanos vincere posse. – Dites-moi quel sort attend le duc de Suffolk? – Il mourra par l'eau et y trouvera sa fin. – Qu'arrivera-t-il au duc de Somerset? – Qu'il évite les châteaux, il sera plus en sûreté dans les plaines sablonneuses que là où les châteaux se tiennent en haut. Allons, allons, milord, ce sont là des oracles dangereux à obtenir, et difficiles à comprendre. Le roi est sur la route de Saint-Albans, et l'époux de cette aimable dame l'accompagne. Que cette nouvelle leur arrive aussi promptement qu'un cheval pourra la leur porter. Triste déjeuner pour milord protecteur!

BUCKINGHAM. – Que Votre Grâce me permette, milord d'York, de porter moi-même ce message, dans l'espoir d'en obtenir la récompense.

YORK. – Comme il vous plaira, mon cher lord. – Y a-t-il quelqu'un ici? (Entre un domestique). Invitez de ma part les lords Salisbury et Warwick à souper chez moi ce Soir. Allons-nous-en. (Ils sortent.)

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE DEUXIÈME

SCÈNE I

Saint-Albans
Entrent LE ROI HENRI ET LA REINE MARGUERITE, GLOCESTER, LE CARDINAL, ET SUFFOLK suivis de fauconniers rappelant des oiseaux

MARGUERITE. – En vérité, milords, depuis sept ans je n'ai pas vu de plus belle chasse aux oiseaux d'eau, et cependant vous conviendrez que le vent était très-fort, et qu'il y avait dix contre un à parier que le vieux Jean ne partirait pas.

LE ROI, à Glocester. – Mais quelle pointe a fait votre faucon, milord! A quelle hauteur il s'est élevé au-dessus de tous les autres! Comme on reconnaît l'oeuvre de Dieu dans toutes ses créatures! Vraiment oui, l'homme et l'oiseau aspirent à monter.

SUFFOLK. – Il n'est pas étonnant, si Votre Majesté me permet de le dire, que les oiseaux de milord protecteur sachent si bien s'élever; ils n'ignorent pas que leur maître aime les hautes régions et porte ses pensées bien au delà du vol de son faucon.

GLOCESTER. – C'est un esprit ignoble et vulgaire, milord, que celui qui ne s'élève pas plus haut qu'un oiseau ne peut voler.

LE CARDINAL. – Je le savais bien; il voudrait se voir au-dessus des nuages.

GLOCESTER. – Sans doute. Milord cardinal, qu'entendez-vous par là? Ne siérait-il pas à Votre Grâce de prendre son essor vers le ciel?

LE ROI. – Trésor d'éternelle félicité!

LE CARDINAL. – Ton ciel est sur la terre. Tes yeux et tes pensées demeurent attachés sur la couronne, trésor de ton coeur. Pernicieux protecteur, dangereux pair, flatteur du roi et du peuple!

GLOCESTER. – Eh quoi! cardinal, cela me paraît bien violent pour un prêtre, Tantæne animis coelestibus iræ? Les ecclésiastiques sont-ils donc si colères? Mon cher oncle, cachez mieux votre haine. Convient-elle à votre caractère sacré?

SUFFOLK. – Il n'y a point là de haine, milord, pas plus qu'il ne convient dans une si juste querelle contre un pair si odieux.

GLOCESTER. – Que… qui, milord?

SUFFOLK. – Qui? vous, milord, n'en déplaise à Sa Seigneurie milord protecteur.

GLOCESTER. – Suffolk, l'Angleterre connaît ton insolence.

MARGUERITE. – Et ton ambition, Glocester.

LE ROI. – Tais-toi, de grâce, chère reine: n'aigris point la haine de ces pairs furieux; bienheureux sont ceux qui procurent la paix sur la terre!

LE CARDINAL. – Que je sois donc béni pour la paix que j'établirai entre ce hautain protecteur et moi, au moyen de mon épée!

GLOCESTER, à part au cardinal. – Sur ma foi, mon saint oncle, j'aimerais fort que nous en fussions déjà là.

LE CARDINAL, à part. – Nous y serons vraiment, dès que tu en auras le coeur.

GLOCESTER, à part. – Ne va pas ameuter pour cela un parti de factieux; charge-toi de répondre seul de tes insultes.

LE CARDINAL, à part. – Oui, pour que tu n'oses pas montrer ton nez; mais si tu l'oses, ce soir même, à l'est du bosquet.

LE ROI. – Qu'est-ce que c'est donc, milords?

LE CARDINAL, haut. – Croyez-m'en sur ma parole, cousin Glocester: si votre écuyer n'avait pas si soudainement rappelé l'oiseau, nous aurions poussé plus loin la chasse. (A part.) Viens avec ton épée 8 à deux mains.

GLOCESTER, à part. – Vous y pouvez compter, mon oncle.

LE CARDINAL, à part.-Entendez-vous?.. à l'est du bosquet.

GLOCESTER, à part.-J'y serai, cardinal.

LE ROI. – Comment? Qu'est-ce que c'est, oncle Glocester?

GLOCESTER. – Nous parlons de chasse: rien de plus, mon prince. (A part.) Par la mère de Dieu, prêtre, je vous élargirai la tonsure du crâne, ou tous mes coups porteront à faux.

LE CARDINAL, à part.-Medica teipsum, protecteur; songez-y, songez à vous protéger vous-même.

LE ROI. – Les vents augmentent, et votre colère aussi, milords. Quelle aigre musique vous faites entendre à mon coeur! Quand de pareilles cordes détonnent, comment espérer la moindre harmonie? Je vous en prie, milords, laissez-moi arranger ce différend.

(Entre un habitant de Saint-Albans criant: Miracle!)

GLOCESTER. – Que signifie ce bruit? Ami, quel miracle proclames-tu là?

L'HABITANT. – Un miracle! un miracle!

SUFFOLK. – Avance vers le roi, et dis-lui quel est ce miracle.

L'HABITANT. – Eh! vraiment: un aveugle qui a recouvré la vue à la châsse de saint Alban, il n'y a pas une demi-heure; un homme qui n'avait vu de sa vie.

LE ROI. – Gloire à Dieu, qui donne aux âmes croyantes la lumière dans les ténèbres et les consolations dans le désespoir!

(Entrent le maire de Saint-Albans et des compagnons, Simpcox, porté par deux personnes dans une chaise, et suivi de sa femme et d'une grande foule de peuple.)

LE CARDINAL. – Voici le peuple qui vient en procession présenter cet homme à Votre Majesté.

LE ROI. – Grande est sa consolation dans cette vallée terrestre, quoique la vue doive augmenter pour lui le nombre des pêchés!

GLOCESTER. – Arrêtez, mes maîtres, portez-le près du roi. Sa Majesté veut l'entretenir.

LE ROI. – Bonhomme, raconte-nous la chose en détail, afin que nous puissions glorifier en toi le Seigneur. Est-il vrai que tu sois depuis longtemps aveugle, et que tu aies été guéri tout à l'heure?

SIMPCOX. – Je suis né aveugle, n'en déplaise à Votre Grâce.

LA FEMME. – Oui, en vérité, il est né aveugle.

SUFFOLK. – Quelle est cette femme?

LA FEMME. – Sa femme, sauf le bon plaisir de Votre Seigneurie.

GLOCESTER. – Tu en serais plus certaine si tu eusses été sa mère.

LE ROI. – Où es-tu né?

SIMPCOX. – A Berwick, dans le nord, n'en déplaise à Votre Grâce.

LE ROI. – Pauvre créature! la bonté de Dieu a été grande envers toi. Ne laisse passer ni jour ni nuit sans le célébrer, et conserve éternellement la mémoire de ce que le Seigneur a fait pour toi.

MARGUERITE. – Dis-moi, mon ami, est-ce par hasard ou par dévotion que tu es venu à cette sainte châsse?

SIMPCOX. – Dieu sait que c'est par pure dévotion, parce que j'avais été appelé cent fois et plus pendant mon sommeil par le bon saint Alban, qui me disait: «Simpcox, va te présenter à ma châsse, et je viendrai à ton secours.»

LA FEMME. – Cela est bien vrai, sur ma parole. Moi-même j'ai entendu plusieurs fois, très-souvent, une voix qui l'appelait comme cela.

GLOCESTER. – Mais quoi! es-tu donc boiteux?

SIMPCOX. – Oui; que le Dieu tout-puissant aie pitié de moi!

GLOCESTER. – Par quel accident?

SIMPCOX. – Je suis tombé d'un arbre.

LA FEMME. – D'un prunier, monsieur.

GLOCESTER. – Combien y a-t-il que tu es aveugle?

SIMPCOX. – Oh! je suis né comme cela, milord.

GLOCESTER. – Et tu voulais monter au haut d'un arbre?

SIMPCOX. – Cette seule fois de ma vie, quand j'étais jeune.

LA FEMME. – C'est encore la vérité: il lui en a coûté cher pour y avoir monté.

GLOCESTER. – Par la messe! il fallait que tu aimasses bien les prunes pour t'exposer ainsi.

SIMPCOX. – Hélas! mon bon monsieur, c'était ma femme qui eut envie de quelques prunes de Damas, et cela me fit monter au péril de ma vie.

GLOCESTER. – Tu es un rusé coquin! mais cela ne te servira de rien. – Laisse-moi voir tes yeux. – Ferme-les. – Ouvre-les, à présent. Il me semble que tu ne vois pas bien.

SIMPCOX. – Si fait, monsieur, aussi clair que le jour, grâce à Dieu et à saint Alban.

GLOCESTER. – Vraiment? De quelle couleur est cet habit?

SIMPCOX. – Rouge, monsieur, rouge comme du sang.

GLOCESTER. – Ta réponse est juste. De quelle couleur est le mien?

SIMPCOX. – Il est noir, vraiment, comme du charbon, comme jais.

LE ROI. – Quoi! tu sais donc de quelle couleur est le jais?

SUFFOLK. – Et pourtant je m'imagine qu'il n'a jamais vu de jais.

GLOCESTER. – Mais il a vu bien des manteaux et des habits avant ce jour.

LA FEMME. – Jamais de la vie: pas un avant aujourd'hui.

GLOCESTER. – Dis-moi, l'ami, quel est mon nom?

SIMPCOX. – Hélas! monsieur, je ne le sais pas.

GLOCESTER. – Quel est son nom?

(Montrant un autre lord.)

SIMPCOX. – Je ne le sais pas.

GLOCESTER. – Ni le sien?

(En montrant un autre.)

SIMPCOX. – Non, en vérité, monsieur.

GLOCESTER. – Et ton nom, quel est-il?

SIMPCOX. – Saunder Simpcox, ne vous en déplaise, monsieur.

GLOCESTER. – Je te déclare donc, Saunder, ici présent, le plus menteur coquin de toute la chrétienté. Si tu avais été en effet aveugle de naissance, il ne t'aurait pas été plus difficile de connaître ainsi nos noms, que de nommer les différentes couleurs de nos habits. La vue peut, il est vrai, distinguer les couleurs; mais leur donner leurs noms divers la première fois qu'on les voit, cela est impossible. Milords, saint Alban a fait ici un miracle; mais ne pensez-vous pas que ce serait une grande habileté que de rendre à cet estropié l'usage de ses jambes?

SIMPCOX. – Ah! plût à Dieu, monsieur, que vous le pussiez.

GLOCESTER. – Mes amis de Saint-Albans, n'avez-vous pas d'officier de justice dans votre ville, et de ces choses qu'on appelle des fouets?

LE MAIRE. – Oui, milord, si c'est votre bon plaisir.

GLOCESTER. – Envoyez-en chercher un à l'instant.

LE MAIRE. – Allez, et amenez ici sans délai un exécuteur.

(Sort un homme de la suite.)

GLOCESTER. – Maintenant mettez-moi là un escabeau tout près. – Maintenant, l'ami, si vous voulez éviter les coups de fouet, sautez-moi par-dessus cet escabeau et sauvez-vous.

SIMPCOX. – Hélas! monsieur, je ne suis pas en état de me soutenir seul; vous allez me tourmenter en vain.

(Entre l'homme de la suite avec l'exécuteur.)

GLOCESTER. – C'est bon, mon ami, il faut que nous vous fassions retrouver vos jambes. Exécuteur, frappez jusqu'à ce qu'il saute par-dessus l'escabeau.

L'EXÉCUTEUR. – Je vais obéir, milord. – Allons, l'ami, ôtez votre pourpoint.

SIMPCOX. – Hélas! monsieur, que ferais-je? Je ne suis pas en état de me soutenir.

(Au premier coup de fouet, il saute par-dessus l'escabeau et s'enfuit. Le peuple le suit en criant: Miracle 9!)

LE ROI. – O Dieu, tu vois de telles choses, et tu retiens si longtemps ta colère!

MARGUERITE. – J'ai bien ri de voir courir ce misérable.

GLOCESTER. – Poursuivez le drôle, et emmenez-moi cette malheureuse.

LA FEMME. – Hélas! monsieur, c'est la misère qui nous l'a fait faire.

GLOCESTER. – Qu'ils soient fouettés le long de toutes les villes de marché, jusqu'à Berwick, d'où ils sont venus.

(Sortent l'exécuteur, le maire, la femme, etc.)

LE CARDINAL. – Le duc Humphroy a fait un miracle aujourd'hui!

SUFFOLK. – Il est vrai, il a fait sauter et s'enfuir les boiteux.

GLOCESTER, à Suffolk. – Vous avez fait de plus grands miracles que moi, milord: en un seul jour vous avez fait échapper de nos mains des villes entières.

(Entre Buckingham.)

LE ROI. – Quelles nouvelles nous apporte notre cousin Buckingham?

BUCKINGHAM. – Des choses que mon coeur frémit de vous apprendre. Une bande de méchants, adonnés à des oeuvres maudites sous les auspices et dans la compagnie de la femme du protecteur, d'Éléonor, chef et auteur de cette odieuse réunion, se sont livrés à des pratiques criminelles contre Votre Majesté, de concert avec des sorcières et des magiciens, que nous avons pris sur le fait, faisant sortir de terre des esprits pervers, et les interrogeant sur la vie et la mort d'Henri, et d'autres personnages du conseil privé de Votre Majesté, comme on le mettra plus en détail sous les yeux de Votre Grâce.

LE CARDINAL, bas à Glocester. – Eh bien, lord protecteur, par ce moyen votre épouse va figurer encore dans Londres. Cette nouvelle, je crois, aura un peu émoussé le fil de votre épée. Il n'y a pas d'apparence, milord, que notre rendez-vous tienne.

GLOCESTER. – Prêtre ambitieux, cesse d'affliger mon coeur. L'accablement et la douleur ont vaincu mon courage; et vaincu que je suis, je te cède comme je céderais au dernier valet.

LE ROI. – O Providence! quels crimes trament les méchants! et toujours pour amener la destruction sur leur propre tête!

MARGUERITE. – Glocester, ton nid est déshonoré; et toi-même, prends bien garde d'être irréprochable, je te le conseille.

GLOCESTER. – Madame, pour moi j'en appelle au Ciel de l'amour que j'ai porté à mon roi et à l'État. Quant à ma femme, j'ignore comment sont les choses. Je suis affligé d'avoir appris ce que je viens d'apprendre. Elle est noble; mais si elle a mis en oubli l'honneur et la vertu, et qu'elle ait eu commerce avec gens dont le contact, semblable à la poix, entache toute noblesse, je la bannis de mon lit et de ma compagnie, et j'abandonne aux lois et à l'opprobre celle qui déshonore l'honnête nom de Glocester.

LE ROI. – Allons, nous coucherons ici cette nuit. Demain nous retournerons à Londres pour examiner cette affaire à fond, interroger ces odieux coupables, et peser leur cause dans les équitables balances de la justice, dont le fléau ne sait point fléchir, et d'où le droit sort triomphant.

(Fanfares. Ils sortent.)
6.Would make thee quickly hop without thy head. Devraient avant peu te rendre boiteux de la tête.
7.I danc'd attendance on his will.
8.Two hand-sword. Cette sorte d'épée s'appelait aussi long-sword (longue épée).
9.L'anecdote du miracle de Saint-Albans est rapportée par sir Thomas More qui l'avait entendu raconter à son père. (V. ses Oeuvres, p. 134, édit. 1557.)
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
22 ekim 2017
Hacim:
120 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain