Kitabı oku: «La vie et la mort du roi Richard II», sayfa 4
SCÈNE II
La scène est toujours en Angleterre. – Un appartement dans le palais
Entrent LA REINE, BUSHY, BAGOT
BUSHY. – Madame, Votre Majesté est beaucoup trop triste. Vous avez promis au roi, en le quittant, d'écarter cette mélancolie dangereuse et d'entretenir la sérénité dans votre âme.
LA REINE. – Je l'ai promis pour plaire au roi; mais si je veux me plaire à moi-même, cela m'est impossible. Cependant je ne me connais aucun sujet pour accueillir un hôte tel que le chagrin, si ce n'est d'avoir dit adieu à un hôte aussi cher que me l'est mon cher Richard: et pourtant il me semble que quelque malheur, encore à naître, mais prêt à sortir du sein de la fortune, s'avance en ce moment vers moi: le fond de mon âme tremble de rien, et elle s'afflige de quelque chose de plus que de l'éloignement du roi mon époux.
BUSHY. – Chaque cause réelle de douleur a vingt ombres qui ressemblent au chagrin, sans l'être: l'oeil de l'affliction, terni par les larmes qui l'aveuglent, décompose une seule chose en plusieurs objets: comme ces peintures qui, vues de face, n'offrent que des traits confus, et qui, regardées obliquement, présentent des formes distinctes; ainsi Votre chère Majesté, considérant de côté le départ du roi, y voit à déplorer des apparences de chagrins en dehors de lui, et qui, vues telles qu'elles sont, ne sont que des ombres de ce qui n'est pas. Ainsi, reine trois fois gracieuse, ne pleurez rien de plus que le départ de votre seigneur: il n'y a rien de plus à voir, ou si vous voyez quelque chose c'est de l'oeil trompeur du chagrin, qui dans les maux réels pleure des maux imaginaires.
LA REINE. – Cela peut être, mais mon coeur me persuade intérieurement qu'il en est autrement: quoi qu'il en soit, je ne puis m'empêcher d'être triste, et si mortellement triste que, quoique en pensant je ne m'arrête à aucune pensée, mon âme frémit et succombe sous ce pesant néant.
BUSHY. – Ce n'est rien, gracieuse dame, qu'un caprice de l'imagination.
LA REINE. – C'est tout autre chose; car l'imagination prend naissance de quelque chagrin qui lui sert d'ancêtre, et je ne suis pas dans ce cas. Ou le chagrin que j'éprouve est né sans cause, ou d'une véritable cause est né pour moi un chagrin sans réalité. Je possède déjà ce qui doit me revenir, mais comme une chose encore inconnue, que je ne puis nommer; c'est un malheur sans nom que je sens.
(Entre Green.)
GREEN. – Que le ciel conserve Votre Majesté! – Et vous, messieurs, je suis bien aise de vous rencontrer. – J'espère que le roi n'est pas encore embarqué pour l'Irlande.
LA REINE. – Et pourquoi l'espères-tu? Il vaut mieux espérer qu'il l'est; car ses desseins exigent de la célérité, et c'est sur cette célérité que se fondent nos espérances. Pourquoi donc espères-tu qu'il n'est pas embarqué?
GREEN. – C'est qu'il aurait pu, lui en qui nous espérons, ramener ses troupes sur leurs pas, et changer en désespoir les espérances d'un ennemi débarqué en force dans ce royaume. Le banni Bolingbroke se rappelle lui-même, et, les armes à la main, est arrivé en sûreté jusqu'à Ravensburg.
LA REINE. – Que le Dieu du ciel nous en préserve!
GREEN. – Oh! madame, cela n'est que trop vrai! et ce qu'il y a de plus fâcheux encore, c'est que lord Northumberland, son jeune fils Henry Percy, les lords Ross, Beaumont, et Willoughby, ont couru le rejoindre avec tous leurs puissants amis.
BUSHY. – Pourquoi n'avez-vous pas déclaré traîtres Northumberland et tout le reste de cette faction rebelle?
GREEN. – Nous l'avons fait; et aussitôt le comte de Worcester a brisé son bâton, a remis sa dignité de grand maître d'hôtel, et tous les officiers de la maison du roi ont volé avec lui vers Bolingbroke.
LA REINE. – Ainsi, Green, c'est vous qui êtes la sage-femme de mon malheur; et Bolingbroke est le funeste héritier qu'avait conçu mon chagrin. Enfin mon âme a enfanté son monstre; et, comme une mère encore haletante après sa délivrance, j'accumule douleurs sur douleurs et chagrins sur chagrins.
BUSHY. – Ne désespérez pas, madame.
LA REINE. – Et qui peut m'en empêcher? Oui, je désespère et me déclare ennemie de la trompeuse espérance; c'est une flatteuse, une parasite qui retient les pas de la mort, qui dissoudrait doucement les liens de la vie, si la perfide espérance ne faisait traîner nos derniers moments.
(Entre York.)
GREEN. – Voici le duc d'York.
LA REINE. – Avec l'armure de la guerre sur ses épaules vieillies. Oh! ses regards sont remplis de soucis inquiets! – Mon oncle, au nom du ciel, dites-nous des paroles consolantes.
YORK. – Si je le faisais, je mentirais à mes pensées: les consolations sont dans le ciel, et nous sommes sur la terre où l'on ne trouve que croix, peines et chagrins. Votre mari est allé sauver au loin ce que d'autres vont lui faire perdre ici. Il m'a laissé pour être l'appui de son royaume, moi qui, affaibli par l'âge, ne puis me soutenir moi-même! La voici arrivée l'heure de maladie amenée par ses excès! c'est maintenant qu'il va faire l'épreuve des amis qui l'ont flatté.
(Entre un serviteur.)
LE SERVITEUR. – Milord, votre fils était parti avant que j'arrivasse.
YORK. – Il était parti? A la bonne heure; que tout aille comme cela voudra. La noblesse a déserté; les communes sont froides, et je crains bien qu'elles ne se révoltent et ne se déclarent pour Hereford. Mon ami, va à Plashy trouver ma soeur Glocester; dis-lui de m'envoyer sur-le-champ mille livres. – Tiens, prends mon anneau.
LE SERVITEUR. – Milord, j'avais oublié de le dire à Votre Seigneurie, j'y suis entré aujourd'hui en passant par là-Mais je vais vous affliger si je vous dis le reste.
YORK. – Quoi, misérable?
LE SERVITEUR. – Une heure avant mon arrivée, la duchesse était morte.
YORK. – Que le ciel ait pitié de nous! Quel déluge de maux vient fondre à la fois sur ce malheureux pays! – Je ne sais que faire. – Plût à Dieu, pourvu qu'il n'y eût pas été poussé par mon infidélité, que le roi eût fait tomber ma tête avec celle de mon frère. – A-t-on fait partir des courriers pour l'Irlande? – Comment trouverons-nous de l'argent pour fournir à cette guerre? – Venez ma soeur… Je voulais dire ma nièce; pardonnez-moi, je vous prie. (Au serviteur.) – Va, mon garçon, va chez moi, procure-toi quelques chariots, et apporte les armes que tu trouveras. – Messieurs, voulez-vous aller rassembler des soldats? – Si je sais comment et par quelle voie mettre fin à ces affaires qu'on a jetées ainsi tout embrouillées dans mes mains, ne me croyez jamais. – Tous les deux sont mes parents. – L'un est mon souverain, que mon serment et mon devoir m'ordonnent de défendre; et l'autre est également mon parent, que le roi a injustement dépouillé, à qui ma conscience et les liens du sang m'ordonnent de faire justice. – Allons, il faut pourtant faire quelque chose. – Venez, ma nièce, je vais disposer de vous. – Vous, allez, rassemblez vos troupes, et venez me trouver sans délai au château de Berkley. Il serait nécessaire aussi que j'allasse à Plashy, mais le temps ne me le permet pas. – Tout est en désordre, tout est laissé sens dessus dessous 15.
(York et la reine sortent.)
BUSHY. – Les vents sont favorables pour porter des nouvelles en Irlande, mais aucune n'en arrive. – Quant à nous, lever une armée proportionnée à celle de l'ennemi, c'est ce qui nous est tout à fait impossible.
GREEN. – D'ailleurs, de l'attachement qui nous unit étroitement au roi, il n'y a pas loin à la haine de ceux qui n'aiment pas le roi.
BAGOT. – Oui, la haine de ces communes indécises; car leur affection loge dans leur bourse: quiconque la vide remplit d'autant leur coeur d'une haine mortelle.
BUSHY. – Et c'est pourquoi le roi est généralement condamné.
BAGOT. – Si le jugement dépend d'eux, nous le sommes aussi, nous qui avons toujours été près du roi.
GREEN. – Eh bien, pour moi, je vais m'aller réfugier dans le château de Bristol; le comte de Wiltshire y est déjà.
BUSHY. – Je m'y rendrai avec vous; car ces détestables communes ne feront pas grand'chose pour nous, si ce n'est de nous mettre tous en pièces comme des chiens. – Venez-vous avec nous?
BAGOT. – Non: je me rends, en Irlande, auprès de Sa Majesté. – Adieu; si les pressentiments du coeur ne sont pas vains, nous voilà trois ici qui nous séparons pour ne jamais nous revoir.
BUSHY. – Cela dépend du succès qu'aura York pour chasser Bolingbroke.
GREEN. – Hélas! ce pauvre duc! il entreprend là une tâche… C'est comme s'il voulait boire l'Océan jusqu'à la dernière goutte, ou compter ses grains de sable. – Pour un qui va combattre avec lui, il en désertera mille.
BUSHY. – Adieu tout de suite pour cette fois, pour tous et pour toujours.
GREEN. – Bon! nous pouvons nous retrouver encore.
BAGOT. – Jamais, je le crains.
SCÈNE III
Les landes du comté de Glocester
Entrent BOLINGBROKE et NORTHUMBERLAND avec des troupes
BOLINGBROKE. – Combien y a-t-il encore d'ici à Berkley, milord?
NORTHUMBERLAND. – En vérité, noble seigneur, je suis absolument étranger dans le comté de Glocester. La hauteur de ces montagnes sauvages, la rudesse de ces chemins inégaux, allongent nos milles et augmentent la fatigue; et cependant l'agrément de votre conversation a été comme du sucre et a rendu ces mauvais chemins doux et délicieux. Mais je songe quelle fatigue éprouveront Ross; et Willoughby dans leur route de Ravensburg à Costwold, où ils n'auront pas votre compagnie qui, je vous le proteste, a tout à fait trompé pour moi l'ennui et la longueur du voyage. Mais le leur est adouci par l'espérance de jouir de l'avantage que je possède actuellement; et l'espérance du plaisir est, à peu de chose près, un plaisir égal à celui de la jouissance. Ce sentiment abrégera le chemin pour les deux seigneurs fatigués, comme l'a abrégé pour moi la jouissance présente de votre noble compagnie.
BOLINGBROKE. – Ma compagnie vaut beaucoup moins que vos paroles obligeantes. – Mais qui vient à nous?..
(Entre Henri Percy.)
NORTHUMBERLAND. – C'est mon fils, le jeune Percy, envoyé par mon frère Worcester, de quelque lieu qu'il arrive. – Henri, comment se porte votre oncle?
PERCY. – Je pensais, milord, que vous me donneriez de ses nouvelles.
NORTHUMBERLAND. – Comment, n'est-il pas avec la reine?
PERCY. – Non, mon bon seigneur, il a abandonné la cour, brisé les insignes de sa dignité, et dispersé la maison du roi.
NORTHUMBERLAND. – Quelle a été sa raison? Il n'avait pas cette intention la dernière fois que nous nous sommes entretenus ensemble.
PERCY. – C'est parce que Votre Seigneurie a été déclarée traître. Quant à lui, milord, il est allé à Ravensburg offrir ses services au duc d'Hereford; et il m'a envoyé par Berkley pour découvrir quelles étaient les forces que le duc d'York y avait rassemblées, avec ordre de me rendre ensuite à Ravensburg.
NORTHUMBERLAND. – Eh bien, mon enfant, est-ce que vous avez oublié le duc d'Hereford?
PERCY. – Non, mon bon seigneur, car je n'ai pu oublier ce que je n'ai jamais eu à me rappeler. Je ne sache pas l'avoir jamais vu de ma vie.
NORTHUMBERLAND. – Eh bien, apprenez à le connaître aujourd'hui. Voilà le duc.
PERCY. – Mon gracieux seigneur, je vous offre mes services tels qu'ils sont; je suis jeune, neuf et faible encore, mais les années, en me mûrissant, pourront rendre mes services plus utiles et plus dignes de votre approbation.
BOLINGBROKE. – Je te remercie, aimable Percy; et sois certain que je regarde comme mon plus grand bonheur de posséder un coeur qui se souvient de ses bons amis. A mesure que ma fortune croîtra avec ton affection, elle deviendra la récompense de cette affection fidèle. Mon coeur fait ce traité, et ma main le scelle ainsi.
NORTHUMBERLAND. – Quelle est la distance d'ici à Berkley, et quels sont les mouvements qu'y faits le bon vieux York avec ses hommes de guerre?
PERCY. – Là-bas, près de cette touffe d'arbres, est la forteresse, défendue par trois cents hommes, à ce que j'ai ouï dire; et là sont renfermés les lords d'York, Berkley et Seymour. On n'y compte aucun autre homme de nom et distingué par sa noblesse.
(Entrent Ross et Willoughby.)
NORTHUMBERLAND. – Voici les lords de Ross et Willoughby: leurs éperons sont tout sanglants, et leur visage est enflammé de la course.
BOLINGBROKE. – Soyez les bienvenus, milords: je sens bien que votre amitié s'attache aux pas d'un traître banni. Toute ma richesse se borne encore à des remercîments sans effets, qui, devenus plus riches, sauront récompenser votre amour et vos travaux.
ROSS. – Très-noble seigneur, votre présence nous fait riches.
WILLOUGHBY. – Et elle surpasse de beaucoup la fatigue que nous avons subie pour en jouir.
BOLINGBROKE. – Recevez encore des remercîments, seul trésor du pauvre, le seul d'où je puisse tirer mes bienfaits, jusqu'à ce que ma fortune, au berceau, ait acquis des années. – Mais qui vient à nous?
(Entre Berkley.)
NORTHUMBERLAND. – C'est, si je ne le trompe, lord Berkley.
BERKLEY. – Milord d'Hereford, c'est à vous que s'adresse mon message.
BOLINGBROKE. – Milord, je ne réponds qu'au nom de Lancastre, et je suis venu chercher ce nom en Angleterre: il faut que je trouve ce titre dans votre bouche avant que je réponde à rien de ce que vous pourrez me dire.
BERKLEY. – Ne vous méprenez pas sur mes paroles, milord: ce n'est pas mon intention d'effacer aucun de vos titres d'honneur. – Je viens vers vous, milord… (ce que vous voudrez), de la part du très-glorieux régent de ce royaume, le duc d'York, pour savoir ce qui vous excite à profiter de l'absence du roi pour troubler la paix de notre pays avec des armes forgées dans son sein.
(Entre York avec sa suite.)
BOLINGBROKE, à Berkley.-Je n'aurai pas besoin de transmettre par vous ma réponse: voilà Sa Seigneurie en personne. (Il fléchit le genou.) – Mon noble oncle!
YORK. – Que je voie s'abaisser devant moi ton coeur et non tes genoux, dont le respect est faux et trompeur.
BOLINGBROKE. – Mon gracieux oncle!..
YORK. – Cesse, cesse; ne me gratifie pas du titre de grâce, ni de celui d'oncle: je ne suis point l'oncle d'un traître, et ce titre de grâce a mauvaise grâce dans ta bouche sacrilège 16. Pourquoi les pieds d'un banni, d'un proscrit, ont-ils osé toucher la poussière du sol d'Angleterre? mais surtout, pourquoi ont-ils osé traverser tant de milles sur son sein paisible, et effrayer ses pâles hameaux par l'appareil de la guerre et une ostentation de forces que je méprise? Viens-tu parce que le roi consacré n'est pas ici? Mais, jeune insensé, le roi est demeuré dans ma personne, son autorité a été remise à mon coeur loyal. Ah! si je possédais encore ma bouillante jeunesse, comme au temps où le brave Gaunt ton père, et moi, nous délivrâmes le Prince Noir, ce jeune Mars parmi les hommes, du milieu des rangs de tant de milliers de Français, oh! comme ce bras, que la paralysie retient captif, t'aurait bientôt puni et châtié de ta faute!
BOLINGBROKE. – Mon gracieux oncle, faites-moi connaître ma faute, et quelle en est la nature et la gravité.
YORK. – Elle est de la nature la plus grave. – Une révolte ouverte et une trahison détestable! Tu es un homme banni, et tu reviens ici avant l'expiration du terme de ton exil, bravant ton souverain les armes à la main!
BOLINGBROKE. – Quand je fus banni, j'étais Hereford banni, mais maintenant je reviens Lancastre: et mon digne oncle, j'en conjure Votre Grâce, examinez d'un oeil impartial les injures que j'ai souffertes. Vous êtes mon père, car il me semble qu'en vous je vois vivre encore le vieux Gaunt; ô vous donc, mon père, souffrirez-vous que je reste condamné au sort d'un vagabond errant, mes droits et mon royal héritage arrachés de mes mains par la violence et abandonnés à des prodigues parvenus? A quoi me sert donc ma naissance? Si le roi mon cousin est roi d'Angleterre, il faut bien m'accorder que je suis duc de Lancastre. Vous avez un fils, Aumerle, mon noble parent: si vous étiez mort le premier, et qu'il eût été foulé aux pieds comme moi, il aurait retrouvé dans son oncle Gaunt un père pour poursuivre l'injustice et la mettre aux abois. On me refuse le droit de poursuivre la mise en possession de mes biens, comme j'y suis autorisé par mes lettres patentes, tous les biens de mon père ont été saisis et vendus, et, comme tout le reste, mal employés! Que vouliez-vous que je fisse? Je suis un sujet, et je réclame la loi; on me refuse des fondés de pouvoir; je viens donc réclamer en personne l'héritage qui me revient par légitime descendance.
NORTHUMBERLAND. – Le noble duc a été trop indignement traité.
ROSS. – Il dépend de Votre Grâce de lui rendre justice.
WILLOUGHBY. – Des hommes indignes se sont agrandis à ses dépens.
YORK. – Messeigneurs d'Angleterre, laissez-moi vous parler. – J'ai ressenti les outrages faits à mon cousin, et j'ai fait tout ce que j'ai pu pour lui faire rendre justice: mais venir ainsi avec des armes menaçantes, en s'ouvrant soi-même un chemin l'épée à la main, en cherchant à reconquérir ses droits par l'injustice, cela ne se peut pas. – Et vous qui le soutenez dans cette conduite, vous favorisez la révolte et vous êtes tous des rebelles.
NORTHUMBERLAND. – Le noble duc a fait serment qu'il ne revenait que pour revendiquer ce qui lui appartient: sa cause est si juste que nous avons tous solennellement juré de lui prêter notre secours, et que celui de nous qui violera son serment ne voie jamais la joie.
YORK. – Allons, allons, je vois quelle sera l'issue de cet armement. Je n'y puis rien, il faut que je le confesse; mon pouvoir est faible, et tout m'a été laissé en mauvais état. Si je le pouvais, j'en jure par Celui qui m'a donné la vie, je vous ferais tous arrêter et vous obligerais à implorer la souveraine miséricorde du roi; mais, puisque je ne le puis, je vous déclare que je reste neutre; ainsi, adieu, à moins qu'il ne vous plaise d'entrer dans le château, et d'y prendre du repos cette nuit.
BOLINGBROKE. – C'est une offre, mon oncle, que nous accepterons volontiers; mais il faut que nous persuadions à Votre Grâce de venir avec nous au château de Bristol, qu'on dit occupé par Bushy, Bagot et leurs complices, ces chenilles de l'État, que j'ai fait serment d'abattre et de détruire.
YORK. – Il pourrait se faire que j'allasse avec vous. Mais non, cependant, j'y réfléchirai, car j'ai de la répugnance à enfreindre les lois de notre patrie. Vous n'êtes ni mes amis ni mes ennemis, mais vous êtes les bienvenus chez moi: je ne veux plus prendre souci de choses auxquelles on ne peut plus porter remède.
SCÈNE IV 17
Un camp dans le pays de Galles
Entrent SALISBURY et UN CAPITAINE
LE CAPITAINE. – Lord Salisbury, nous avons attendu dix jours, et nous avons eu bien de la peine à tenir nos compatriotes rassemblés; et cependant nous ne recevons aucune nouvelle du roi: en conséquence, nous allons nous disperser; adieu.
SALISBURY. – Attends encore un jour, fidèle Gallois, le roi met toute sa confiance en toi.
LE CAPITAINE. – On croit le roi mort. Nous ne resterons pas davantage: les lauriers dans nos campagnes se sont tous flétris; des météores viennent effrayer les étoiles fixes du firmament; la pâle lune jette sur la terre une lueur sanglante, et des prophètes au visage hâve annoncent tout bas, d'effrayants changements: les riches ont l'air triste, et les coquins dansent et sautent de joie, les uns dans la crainte de perdre ce qu'ils possèdent, les autres dans les espérances que leur offre la violence et la guerre. Ces signes présagent la mort ou la chute des rois. – Adieu: nos compatriotes sont partis et déjà loin, bien persuadés que leur roi Richard est mort.
(Il sort.)
SALISBURY. – Ah! Richard, c'est avec une douleur profonde que je vois ta gloire, comme une étoile filante, s'abîmer du firmament sur la misérable terre. Ton soleil descend en pleurant vers l'humble couchant, annonçant les orages, les maux et les troubles à venir. Tes amis ont fui et se sont joints à tes ennemis; et le cours de tous les événements te devient contraire.
(Il sort.)
FIN DU SECOND ACTE
ACTE TROISIÈME
SCÈNE I
Le camp de Bolingbroke devant Bristol
Entrent BOLINGBROKE, YORK, NORTHUMBERLAND, PERCY, ROSS. -Derrière eux viennent des officiers conduisant WILLOUGHBY, BUSHY et GREEN prisonniers
BOLINGBROKE. – Faites approcher ces hommes. – Bushy et Green, je ne veux point tourmenter vos âmes (qui dans un instant vont être séparées de leurs corps) en vous représentant trop fortement les crimes de votre vie: cela serait manquer de charité. Cependant, pour laver mes mains de votre sang, je vais ici, à la face des hommes, exposer quelques-unes des causes de votre mort. Vous avez perverti un prince, un véritable roi, né d'un sang vertueux, d'une physionomie heureuse; vous l'avez dénaturé, vous l'avez entièrement défiguré. Vous avez en quelque sorte, par les heures choisies pour vos débauches 18, établi le divorce entre la reine et lui, et troublé la possession de la couche royale; vous avez flétri la beauté des joues d'une belle reine par les larmes qu'ont arrachées de ses yeux vos odieux outrages. Moi-même, que la fortune a fait naître prince, uni au roi par le sang, uni par l'affection avant que vous l'eussiez porté à mal interpréter mes actions, j'ai courbé la tête sous vos injustices; j'ai envoyé vers des nuages étrangers les soupirs d'un Anglais, mangeant le pain amer de l'exil; tandis que vous vous engraissiez sur mes seigneuries, que vous renversiez les clôtures de mes parcs, que vous abattiez les arbres de mes forêts, que vous enleviez de mes fenêtres les armoiries de ma famille, que vous effaciez partout mes devises, ne laissant plus, si ce n'est dans la mémoire des hommes et dans ma race vivante, aucun indice qui pût prouver au monde que je suis un gentilhomme. C'est là ce que vous avez fait, et bien plus encore, bien plus que le double de tout ceci; et c'est ce qui vous condamne à mort. – Voyez à ce qu'on les livre aux exécuteurs et à la main de la mort.
Ces vers ne paraissent pas précisément impliquer que ces favoris de Richard l'aient rendu infidèle à la reine, mais plutôt qu'ils l'ont entraîné dans des orgies de nuit. Rien d'ailleurs dans la pièce n'indique aucun tort de ce genre; Richard et sa femme sont au contraire représentés comme des époux très-unis, et même très-tendres.
BUSHY. – Le coup de la mort est mieux venu pour moi que ne l'est Bolingbroke pour l'Angleterre. – Milords, adieu.
GREEN. – Ce qui me console, c'est que le ciel recevra nos âmes, et punira l'injustice des peines de l'enfer.
BOLINGBROKE. – Lord Northumberland, veillez à leur exécution. (Sortent Northumberland et plusieurs autres emmenant les prisonniers.) – Ne dites-vous pas, mon oncle, que la reine est dans votre château? Au nom du ciel, ayez soin qu'elle soit bien traitée: Dites-lui que je lui envoie l'assurance de mes sentiments affectueux; ayez bien soin qu'on lui transmette mes compliments.
YORK. – J'ai dépêché un de mes gentilshommes, avec une lettre où je lui parle au long de votre affection pour elle.
BOLINGBROKE. – Merci, mon bon, mon cher oncle. – Allons, milords, partons pour combattre Glendower et ses complices: encore quelque temps à l'ouvrage; puis après, congé.
(Ils sortent.)
You have in manner, with your sinful hours,Made a divorce betwixt his queen and him,Broke the possession of a royal bed.
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