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Kitabı oku: «La vie et la mort du roi Richard III», sayfa 6

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SCÈNE VI

Une rue de Londres
Entre UN CLERC

LE CLERC. – Voilà les chefs d'accusation intentés contre ce bon lord Hastings, grossoyés dans une belle écriture à main posée, pour être lus tantôt publiquement dans l'église de Saint-Paul! Et remarquez comme tout cela est d'accord! – J'ai employé onze heures entières à les mettre au net; car ce n'est que d'hier au soir que Catesby me les a envoyés; l'original avait coûté au moins autant de temps à rédiger, et pourtant il n'y a pas cinq heures que Hastings vivait encore, et sans avoir été ni accusé, ni interrogé, en pleine liberté. Il faut avouer que nous sommes dans un joli monde! – Qui serait assez stupide pour ne pas voir ce grossier artifice? Et cependant qui serait assez hardi pour avoir le courage de ne pas dire qu'il ne le voit pas? Le monde est mauvais; et tout est perdu sans ressource, quand il faut, en voyant de pareilles actions, se contenter de penser.

(Il sort.)

SCÈNE VII

Toujours à Londres. – La cour du château de Baynard 19
GLOCESTER ET BUCKINGHAM entrent par différents côtés

GLOCESTER. – Eh bien? eh bien? Que disent nos bourgeois?

BUCKINGHAM. – Par la sainte Mère de notre Sauveur, les bourgeois ont la bouche close, et ne disent pas un mot!

GLOCESTER. – Avez-vous touché l'article de la bâtardise des enfants d'Édouard?

BUCKINGHAM. – Oui; j'ai parlé de son contrat de mariage avec lady Lucy, et de celui qui a été fait en France par ses ambassadeurs; de l'insatiable voracité de ses désirs, et de ses violences sur les femmes de la Cité; de sa tyrannie à propos de rien; j'ai dit que lui-même était bâtard puisqu'il avait été conçu lorsque votre père était en France; qu'il n'avait point de ressemblance avec le duc; j'ai en même temps rappelé vos traits et je vous ai montré comme la véritable image de votre père, tant par la physionomie que par la noblesse de l'âme. J'ai fait valoir toutes vos victoires dans l'Écosse, votre science dans la guerre, votre sagesse dans la paix, vos vertus, la bonté de votre naturel, et votre humble modestie; enfin, rien de ce qui pouvait tendre à vos vues n'a été laissé de côté dans ma harangue, ni touché avec négligence. Et lorsque je suis venu à la fin, j'ai sommé ceux qui aimaient le bien de leur pays, de crier: Dieu conserve Richard, roi d'Angleterre!

GLOCESTER. – Et l'ont-ils fait?

BUCKINGHAM. – Non. Que Dieu me soit aide! ils n'ont pas dit un mot. Mais tous, comme de muettes statues ou des pierres insensibles, sont demeurés à se regarder l'un l'autre, et pâles comme des morts. – Quand j'ai vu cela, je les ai réprimandés, et j'ai demandé au maire ce que signifiait ce silence obstiné. Sa réponse a été, que le peuple n'était pas accoutumé à se voir haranguer par d'autres que par le greffier. Alors on l'a pressé de répéter mon discours: mais il n'a parlé que d'après moi; voilà ce qu'a dit le duc, voilà comment le duc a conclu; sans rien prendre sur lui. Lorsqu'il a eu fini, un certain nombre de mes gens, apostés dans le bas de la salle, ont jeté leurs bonnets en l'air, et environ une douzaine de voix ont crié: Dieu conserve le roi Richard! J'ai saisi l'occasion qu'ils me donnaient. Je vous remercie, bons citoyens, braves amis, leur ai-je dit. Cette acclamation générale et ces cris de joie prouvent votre discernement, et votre affection pour Richard: et j'ai fini là, et me suis retiré.

GLOCESTER. – Quels muets imbéciles! Quoi! Ils n'ont pas voulu parler? – Mais le maire et ses adjoints ne viendront-ils pas?

BUCKINGHAM. – Le maire est tout près d'ici, milord. Montrez quelque crainte. Ne leur donnez audience qu'après de vives instances; et ayez soin, mon bon lord, de paraître devant eux un livre de prières à la main, et entre deux ecclésiastiques: car je veux sur ce texte faire un sermon édifiant. Et ne vous laissez pas aisément gagner à nos sollicitations. Jouez le rôle de la jeune fille: répondez toujours non, tout en acceptant.

GLOCESTER. – Je rentre: et, si vous plaidez aussi bien pour eux que je saurai répondre non pour mon propre compte, nul doute que nous ne conduisions notre projet à une heureuse issue.

BUCKINGHAM. – Allez, allez, montez sur la terrasse; voilà le maire qui frappe. (Sort Glocester.) – (Entrent le lord maire, les aldermen, des citoyens.) – Soyez le bienvenu, milord. Je perds mon temps à attendre le duc. Je ne crois pas qu'il veuille nous recevoir. (Entre Catesby, venant du château.) Eh bien, Catesby, qu'a répondu le duc à ma requête?

CATESBY. – Il prie Votre Grâce, mon noble lord, de remettre votre visite à demain, ou au jour suivant. Il est enfermé avec deux vénérables ecclésiastiques, et saintement occupé de méditations, et désire qu'aucune affaire temporelle ne vienne le distraire de son pieux exercice.

BUCKINGHAM. – Retournez, bon Catesby, vers le gracieux duc. Dites-lui que le maire, les aldermen et moi, nous sommes venus pour conférer avec Sa Grâce sur des affaires de la dernière conséquence, sur des projets très-importants, et qui se rattachent au bien général de l'État.

CATESBY. – Je vais l'en instruire sur-le-champ.

(Il sort.)

BUCKINGHAM, au maire. – Ha! ha! milord: ce prince-là n'est pas un Edouard. Il n'est pas à se bercer sur un voluptueux canapé. Il est sur ses genoux, occupé à la contemplation. On ne le trouve pas se divertissant avec une couple de courtisanes: mais il médite avec deux profonds et savants docteurs. Il n'est pas à dormir pour engraisser son corps indolent: mais il prie pour enrichir son âme vigilante. Heureuse l'Angleterre, si ce vertueux prince voulait se charger d'en être le souverain! Mais, je le crains bien, jamais nous n'obtiendrons cela de lui.

LE MAIRE. – Vraiment, Dieu nous préserve d'un refus de sa part!

BUCKINGHAM. – Ah! je crains bien qu'il ne refuse. – Voilà Catesby qui revient. (Entre Catesby.) Eh bien, Catesby, que dit Sa Grâce?

CATESBY. – Elle ne conçoit pas dans quel but vous avez réuni un si grand nombre de citoyens, pour les amener chez elle, sans l'en avoir prévenue auparavant; elle craint, milord, que vous n'ayez de mauvais desseins contre elle.

BUCKINGHAM. – Je suis mortifié que mon noble cousin puisse me soupçonner de mauvais desseins contre lui. Par le ciel! nous venons à lui remplis d'affection; retournez encore, je vous prie, et assurez-en Sa Grâce. (Catesby sort.) Quand ces hommes pieux et d'une dévotion profonde sont à leur chapelet, il est bien difficile de les en retirer: tant sont doux les plaisirs d'une fervente contemplation.

(Glocester paraît sur un balcon élevé, entre deux évêques. Catesby revient avec lui.)

LE MAIRE. – Eh! tenez, voilà Sa Grâce qui arrive entre deux ecclésiastiques.

BUCKINGHAM. – Deux appuis pour la vertu d'un prince chrétien, et qui le préservent des chutes de la vanité! Voyez! dans sa main un livre de prières: ce sont là les véritables parures auxquelles se fait reconnaître un saint. – Fameux Plantagenet, très-gracieux prince, prête une oreille favorable à notre requête, et pardonne-nous d'interrompre les dévots exercices de ton zèle vraiment chrétien.

GLOCESTER. – Milord, vous n'avez pas besoin d'apologie. C'est moi qui vous prie de m'excuser si mon ardeur pour le service de mon Dieu m'a fait négliger la visite de mes amis. Mais laissons cela; que désire Votre Grâce?

BUCKINGHAM. – Une chose qui, j'espère, sera agréable à Dieu, et réjouira tous les bons citoyens de cette île dans l'anarchie.

GLOCESTER. – Vous me faites craindre d'avoir commis quelque faute répréhensible aux yeux de cette ville, et vous venez sans doute me reprocher mon ignorance?

BUCKINGHAM. – Vous avez deviné juste, milord. Votre Grâce daignerait-elle, à nos instantes prières, réparer sa faute?

GLOCESTER. – Comment pourrais-je autrement vivre dans un pays chrétien?

BUCKINGHAM. – Sachez donc que vous êtes coupable d'abandonner le siége suprême, le trône majestueux, les fonctions souveraines de vos ancêtres, les grandeurs qui vous appartiennent, les droits de votre naissance et la gloire héréditaire de votre royale maison, au rejeton corrompu d'une tige souillée; tandis que vous êtes plongé dans le calme de vos pensées assoupies, dont nous venons de vous réveiller aujourd'hui pour le bien de notre patrie, cette belle île se voit mutilée dans plusieurs de ses membres, son visage est défiguré par des marques d'infamie, la tige de ses rois est greffée sur d'ignobles sauvageons, et elle-même se voit presque entièrement ensevelie dans l'abîme profond de la honte et de l'oubli. C'est pour la sauver que nous venons vous solliciter ardemment, gracieux seigneur, de prendre sur vous le fardeau et le gouvernement de ce pays qui est le vôtre, non plus comme protecteur, régent, lieutenant, ou comme agent subalterne qui travaille pour le profit d'un autre, mais comme héritier qui a reçu de génération en génération les droits successifs à un empire qui vous appartient en propre. Voilà ce que, d'accord avec les citoyens, vos amis sincères et dévoués, et sur leurs ardentes sollicitations, je suis venu demander à Votre Grâce avec de légitimes instances.

GLOCESTER. – Je suis incertain, s'il convient mieux à mon rang et aux sentiments où vous êtes, que je me retire en silence, ou que je réponde pour vous adresser d'amers reproches. Car, si je ne réponds pas, vous pourriez peut-être imaginer que ma langue, liée par l'ambition, consent par son silence à ce joug doré de la souveraineté, que vous voulez follement m'imposer ici. Et si, d'un autre côté, je vous reproche les offres que vous me faites, et qui me touchent par l'expression de votre fidèle attachement pour moi, j'aurai maltraité mes amis… Pour vous répondre donc et éviter ce premier inconvénient, et ne pas tomber, en m'expliquant, dans le second, voici définitivement ma réponse. Votre amour mérite mes remerciements; mais mon mérite, qui n'est d'aucune valeur, se refuse à de si hautes propositions. D'abord, quand tous les obstacles seraient écartés, et que le chemin au trône me serait aplani, quand il me reviendrait comme une succession ouverte, et par les droits de ma naissance, telle est la pauvreté de mes talents, et telles sont la grandeur et la multitude de mes imperfections, que je chercherais à me dérober à mon élévation, frêle barque que je suis, peu faite pour affronter une mer puissante, plutôt que de m'exposer à me voir caché sous ma grandeur, et englouti dans les vapeurs de ma gloire. Mais, Dieu merci, on n'a pas besoin de moi; et je répondrais bien peu à votre besoin, si c'était à moi à vous secourir. La tige royale nous a laissé un fruit royal, qui, mûri par les heures que nous dérobe le temps, sera digne de la majesté du trône, et nous rendra, je n'en doute point, tous heureux sous son règne. C'est sur lui que je dépose ce que vous voudriez placer sur moi, ce qui lui appartient par les droits de sa naissance, et par son heureuse étoile. – Et Dieu me préserve de vouloir le lui ravir.

BUCKINGHAM. – Milord, c'est une preuve des délicatesses de la conscience de Votre Grâce; mais ses scrupules sont frivoles et sans importance, dès qu'on vient à bien considérer les choses. Vous dites qu'Édouard est le fils de votre frère: nous en convenons avec vous; mais il n'est pas né de l'épouse légitime d'Édouard; car celui-ci s'était engagé auparavant avec lady Lucy; et votre mère peut servir de témoin à son engagement 20. Ensuite il s'est fiancé par ambassadeur à la princesse Bonne, soeur du roi de France. Ces deux épouses mises à l'écart, il s'est présenté une pauvre suppliante, une mère accablée des soins d'une nombreuse famille, une veuve dans la détresse, qui, bien que sur le déclin de sa beauté, a conquis et charmé l'oeil lascif d'Édouard, et l'a fait tomber de la hauteur et de l'élévation de ses premières pensées, dans le honteux abaissement d'une dégoûtante et vile bigamie: c'est de cette veuve, et dans sa couche illégitime, qu'il a engendré cet Édouard, que, par courtoisie, nous appelons le prince. Je pourrais m'en plaindre ici en termes plus amers, si, retenu par les égards que je dois à certaine personne vivante, je n'imposais à ma langue une prudente circonspection. Ainsi, mon bon seigneur, prenez pour votre royale personne cette dignité qui vous est offerte; si ce n'est pour nous rendre heureux, et avec nous tout le pays, que ce soit du moins pour retirer votre noble race de la corruption que lui ont fait contracter les abus du temps, et pour la rendre à son cours direct et légitime.

LE MAIRE. – Acceptez, mon bon seigneur: vos citoyens de la ville de Londres vous en conjurent.

BUCKINGHAM. – Ne refusez pas, puissant prince, l'offre de notre amour.

CATESBY. – Oh! rendez-les heureux, en souscrivant à leur juste requête!

GLOCESTER. – Hélas! pourquoi voulez-vous m'accabler de ce fardeau d'inquiétudes? Je ne suis pas fait pour les grandeurs et la majesté d'un trône. – Je vous en prie, ne le prenez pas en mauvaise part, mais je ne puis ni ne veux céder à vos désirs.

BUCKINGHAM. – Si vous vous obstinez à le refuser, si par sensibilité et par attachement vous répugnez à déposer un enfant, un fils de votre frère; car nous connaissons bien la tendresse de votre coeur, et cette pitié douce et efféminée, que nous avons toujours remarquée en vous pour vos proches, et qui au reste s'étend également à toutes les classes d'hommes:… eh bien, apprenez, que, soit que vous acceptiez nos offres ou non, jamais le fils de votre frère ne régnera sur nous comme notre roi; mais que nous placerons quelque autre sur le trône, à la disgrâce et à la ruine de votre maison; – et c'est dans cette résolution que nous vous quittons. – Venez, citoyens; nous ne le solliciterons pas plus longtemps.

(Buckingham sort avec le maire et sa suite.)

CATESBY. – Rappelez-les, cher prince; acceptez leur demande: si vous la refusez, tout le pays en portera la peine.

GLOCESTER. – Voulez-vous donc me précipiter dans un monde de soucis? Eh bien, rappelez-les: je ne suis pas fait de pierre, et je sens que mon coeur est touché de vos tendres sollicitations (sort Catesby), quoique ce soit contre ma conscience et mon inclination. (Entrent Buckingham et les autres.) Cousin Buckingham… et vous, hommes sages et respectables, puisque vous voulez charger mes épaules du fardeau de la grandeur, et me le faire porter, que je le veuille ou non, il faut bien que je m'y soumette avec résignation. Mais si la noire calomnie, ou le blâme au visage odieux, sont un jour la conséquence du devoir que vous m'imposez, la violence que vous me faites me sauvera de toutes les censures, et de toutes les taches d'ignominie qui pourraient en résulter; car Dieu m'est témoin, et vous le voyez en quelque sorte vous-mêmes, combien je suis loin de désirer ce qui m'arrive.

LE MAIRE. – Que Dieu bénisse Votre Grâce! Nous le voyons, et nous le publierons.

GLOCESTER. – En le disant, vous ne direz que la vérité.

BUCKINGHAM. – Je vous salue donc de ce titre royal. Longue vie au roi Richard, le digne souverain de l'Angleterre!

TOUS. -Amen.

BUCKINGHAM. – Vous plairait-il d'être couronné demain?

GLOCESTER. – Ce sera quand il vous plaira, puisque vous le voulez absolument.

BUCKINGHAM. – Nous viendrons donc demain pour accompagner Votre Grâce: et nous prenons congé de vous, le coeur rempli de joie.

GLOCESTER, aux ecclésiastiques qui sont avec lui. – Venez: allons reprendre nos pieux exercices. – Adieu, bon cousin. – Adieu, chers amis.

FIN DU TROISIÈME ACTE

ACTE QUATRIÈME

SCÈNE I

Devant la Tour
Entrent d'un côté LA REINE ÉLISABETH, LA DUCHESSE D'YORK, ET LE MARQUIS DE DORSET, ET de l'autre ANNE, DUCHESSE DE GLOCESTER, menant LADY MARGUERITE PLANTAGENET, fille du duc de Clarence

LA DUCHESSE. – Qui rencontrons-nous ici? – Ma nièce Plantagenet que conduit par la main sa bonne tante de Glocester! Sur ma vie, elle se rend à la Tour par pure tendresse de coeur pour y saluer le jeune prince. – Ma fille, je me félicite de vous trouver ici.

ANNE, à Élisabeth et à la duchesse. – Que le ciel vous soit propice à toutes deux dans cette heure du jour!

ÉLISABETH. – Je vous en souhaite autant, bonne soeur! Où donc allez-vous?

ANNE. – Pas plus loin qu'à la Tour; et, à ce que je présume, dans le même sentiment qui vous y mène, pour y féliciter les jeunes princes.

ÉLISABETH. – Je vous en remercie, ma chère soeur: nous y entrerons de compagnie. Et voilà fort à propos le lieutenant qui arrive. (Entre Brakenbury.) Monsieur le lieutenant, avec votre permission, dites-moi, je vous prie, comment se portent le prince, et mon jeune fils York.

BRAKENBURY. – Très-bien, madame… Mais, soit dit sans vous offenser, je ne puis vous permettre de les voir: le roi l'a sévèrement défendu.

ÉLISABETH. – Le roi? quel roi?

BRAKENBURY. – C'est du lord protecteur que je parle.

ÉLISABETH. – La protection du Seigneur le préserve de ce titre de roi! – A-t-il donc élevé une barrière entre la tendresse de mes enfants et moi? Je suis leur mère. Qui pourra m'empêcher d'arriver jusqu'à eux?

LA DUCHESSE. – Je suis mère de leur père, et je prétends les voir.

ANNE. – Je suis leur tante par alliance, et leur mère par ma tendresse: ainsi conduisez-moi vers eux; je me charge de la faute, et je t'absous de l'ordre à mes périls.

BRAKENBURY. – Non, madame, je ne puis me départir ainsi de ma charge: je suis lié par serment; ainsi daignez m'excuser.

(Il sort.)
(Entre Stanley.)

STANLEY, à la duchesse. – Mesdames, si je vous rencontre dans une heure d'ici, je pourrai saluer dans Sa Grâce la duchesse d'York, la respectable mère de deux belles reines qu'elle aura vues régner l'une après l'autre. (A la duchesse de Glocester.) Venez, madame; il faut vous rendre sans délai à Westminster, pour y être couronnée reine comme épouse de Richard.

ÉLISABETH. – Ah! coupez mon lacet, afin que mon coeur oppressé puisse battre en liberté… ou je sens que je vais m'évanouir à cette mortelle nouvelle.

ANNE. – Odieuse nouvelle! ô sinistre événement!

DORSET, à Élisabeth. – Prenez courage, ma mère: comment se trouve Votre Grâce?

ÉLISABETH. – O Dorset, ne me parle pas; va-t'en. La mort et la destruction sont à ta poursuite et prêtes à te saisir. Le nom de ta mère est fatal à ses enfants: si tu veux échapper à la mort qui te poursuit, traverse les mers, et va vivre avec Richmond hors des atteintes de l'enfer. Va, hâte-toi, hâte-toi de fuir cette boucherie, si tu ne veux pas augmenter le nombre des morts, et me faire mourir selon la malédiction de Marguerite, n'étant plus ni mère, ni femme, ni reine actuelle de l'Angleterre.

STANLEY. – Votre conseil, madame, est dicté par de très-sages craintes. – Dorset, saisissez rapidement l'avantage que vous laissent quelques heures. Je vous donnerai des lettres de recommandation pour mon fils, et lui écrirai de venir au-devant de vous; ne vous laissez pas surprendre par un imprudent délai.

LA DUCHESSE. – O vent funeste du malheur qui nous disperse tous! – O entrailles maudites, couches de mort, vous avez donné le jour à un serpent dont le regard est mortel à qui n'a pas su l'éviter!

STANLEY. – Allons, madame, venez; j'ai été envoyé en toute hâte.

ANNE. – Et je vais vous suivre à contre-coeur. Oh! plût à Dieu que le cercle d'or, qui va ceindre mon front, fût un fer rouge qui me brûlât jusqu'au cerveau! Puissé-je être ointe d'un poinçon meurtrier, qui me fasse expirer avant qu'on ait pu dire: Dieu conserve la reine!

ÉLISABETH. – Va, va, pauvre créature; je n'envie pas ta gloire; ma douleur ne désire pas se repaître de tes maux.

ANNE. – Eh! pourquoi pas? – Lorsqu'au moment où je suivais le cercueil de Henri, celui qui est aujourd'hui mon époux vint me trouver, les mains à peine lavées du sang de cet ange qui fut mon premier époux, et de celui du saint défunt que j'accompagnais en pleurant; lorsqu'en ce moment, dis-je, je fixai mes yeux sur Richard, voici quel fut mon voeu: «Sois maudit pour m'avoir condamnée, moi si jeune, à un si long veuvage; et, quand tu te marieras, que la douleur assiége ta couche, et que ton épouse (s'il est une femme assez folle pour le devenir) soit plus malheureuse par ta vie 21 que tu ne m'as rendue malheureuse par le meurtre de mon cher époux!» Hélas! avant que je pusse répéter cette malédiction, dans cet espace de temps si court, mon coeur de femme s'était laissé si grossièrement surprendre par ses mielleuses paroles, et avait fait de moi l'objet de ma propre malédiction. Depuis ce moment elle a privé mes yeux de tout repos: je n'ai pas encore joui une heure dans sa couche des précieuses vapeurs du sommeil, sans être réveillée par les songes effrayants qui agitent Richard. Je sais d'ailleurs qu'il me hait, par la haine qu'il portait à mon père Warwick, et sans doute il ne tardera pas à se défaire de moi.

ÉLISABETH. – Pauvre chère âme, adieu. Je plains tes douleurs.

ANNE. – Pas plus que mon coeur ne gémit sur les vôtres.

DORSET. – Adieu, toi qui accueilles si tristement les grandeurs.

ANNE, à Dorset. – Adieu, pauvre malheureux qui vas prendre congé d'elles.

LA DUCHESSE, à Dorset. – Va joindre Richmond, et qu'une heureuse fortune guide tes pas! (A lady Anne.) Va joindre Richard, et que les anges gardiens veillent sur tes jours! (A la reine.) Va au sanctuaire, et que de bonnes pensées s'emparent de toi! Moi je vais à mon tombeau, et puissent le repos et la paix y descendre avec moi. J'ai vu quatre-vingts tristes années de chagrins, et chacune de mes heures de joie est toujours venue s'abîmer dans une semaine de douleurs.

ÉLISABETH. – Arrêtez, encore. – Jetons encore un regard sur la Tour. – O vous, pierres antiques, prenez en compassion ces tendres enfants, que la haine a renfermés dans vos murs! Berceau bien rude pour de si jolis petits enfants! dure et sauvage nourrice! vieille et triste compagne de jeu pour de jeunes princes, traite bien mes enfants! Pierres, c'est ainsi qu'une douleur insensée prend congé de vous.

(Ils sortent tous.)
19.Le château de Baynard était, à ce qu'il paraît, une habitation fortifiée, bâtie par un des gentilshommes qui accompagnèrent Guillaume le Conquérant. Elle était située dans Londres même, au bord de la Tamise, où l'on en aperçoit encore les fondations lorsque les eaux sont basses.
20.On voulut en effet arguer de cet argument pour empêcher le mariage d'Édouard avec lady Grey. Mais lady Lucy, sommée sous serment de dire la vérité, déclara qu'elle n'avait reçu aucune promesse d'Edouard.
21.La malédiction d'Anne fut: Sois plus malheureuse par ta mort, etc.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
27 eylül 2017
Hacim:
150 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain