Kitabı oku: «Création et rédemption, première partie: Le docteur mystérieux», sayfa 20

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XXXIV
La veille de Jemmapes

Dumouriez, nous l'avons dit, était revenu à Paris pour concerter avec le gouvernement son plan de l'invasion de la Belgique.

Dumouriez avait pris ses mesures pour avoir, dans chaque parti puissant, un ami puissant dans ce parti:

Il avait Santerre à la Commune;

Il avait Danton à la Montagne;

Il avait Gensonné aux Girondins.

Ce fut d'abord Santerre, l'homme des faubourgs, qu'il fit agir.

Par Santerre, il obtint que l'idée du camp sous Paris serait abandonnée; que tous les rassemblements que l'on avait faits en hommes, tous les approvisionnements que l'on avait réunis en artillerie, en munitions, en effets de campement, seraient reportés en Flandre pour servir à son armée, qui manquait de tout; qu'on y ajouterait des capotes, des souliers et six millions d'argent monnayé pour payer la solde des soldats jusqu'à leur entrée dans les Pays-Bas. Une fois là, la guerre nourrirait la guerre.

Dumouriez était un stratégiste. Quoique le premier il ait donné l'exemple des victoires remportées par masses, système qui fut adopté depuis avec tant de succès par Napoléon, c'était un calculateur à longues vues; il préparait une bataille avec la même intelligence qu'un grand joueur d'échecs prépare son échec au roi et à la reine.

Donc son plan embrassait toute la frontière, depuis la Méditerranée jusqu'à la Moselle.

Montesquiou se maintiendrait le long des Alpes, tout en achevant la conquête de Nice et en conservant la neutralité suisse; Biron, à qui on enverrait des renforts, garderait le Rhin depuis Bâle jusqu'à Landau. Douze mille hommes aux ordres du général Meunier soutiendraient Custine, qui s'était avancé comme un fou jusqu'à Francfort-sur-le-Mein; Kellermann quitterait ses quartiers, passerait entre Luxembourg et Trèves, et, faisant ce que Custine aurait dû faire, il marcherait sur Coblentz; quant à lui, Dumouriez, il prendrait l'offensive avec quatre-vingt mille hommes, et porterait la guerre en Belgique, qu'il adjoindrait au territoire français; il attaquerait par sa frontière ouverte, là où, comme le disait lui-même le téméraire aventurier, on ne pouvait se défendre qu'en gagnant des batailles.

En partant de Paris, Dumouriez avait dit à la Convention:

– Je serai le 15 à Bruxelles et le 30 à Liége.

«Il se trompa, dit Michelet; il fut à Bruxelles le 14 et à Liége le 28.»

L'armée que commandait Dumouriez était une armée de volontaires; quelques vieux soldats seulement de place en place, comme, après une coupe dans les forêts, restent debout des échantillons de grands chênes.

Elle commença par un revers. Il y eût eu de quoi décourager une vieille armée qui n'eût marché que selon les lois de la discipline. Celle-ci marchait à la loi de l'enthousiasme; elle sentait la main de la France qui la poussait en avant; elle n'en tint pas compte.

On avait mis des réfugiés belges à l'avant-garde; c'était pour leur rendre une patrie qu'on faisait la guerre; il était trop juste qu'ils missent les premiers le pied sur la terre de la patrie.

À peine furent-ils à la frontière que rien ne put les retenir; ils s'élancèrent sur la terre natale et attaquèrent les avant-postes. Les avant-postes reculèrent. Les Belges se crurent victorieux; ils poursuivirent les Autrichiens et descendirent des hauteurs dans la plaine. Dumouriez vit la faute qu'ils commettaient, et il envoya quelques centaines de hussards, sous la conduite des deux sœurs Fernig, pour les soutenir.

Ce fut un bonheur. La cavalerie impériale les chargeait et allait les envelopper; sans les hussards et les deux braves enfants qui les conduisaient, la terre natale s'ouvrait sous leurs pas et se refermait sur eux.

Beurnonville et Dumouriez, leur lunette à la main, suivaient l'échauffourée.

Beurnonville voulait se replier et reformer toute cette troupe dispersée en désordre. Mais Dumouriez cria: «En avant!» et, comme Beurnonville le regardait avec étonnement:

– Il faut, dit-il, garder à tout prix l'offensive; le jour où, en face des impériaux, nous ferons un pas en arrière, nous serons perdus.

Les craintes de Beurnonville n'étaient pas sans raisons; les impériaux cédaient si facilement, ils abandonnaient avec tant de courtoisie les meilleures positions, qu'il était évident qu'ils voulaient nous attirer sur un terrain connu d'eux et où ils pussent manœuvrer tout à leur aise.

– Ils veulent nous avoir à leur loisir, dit Beurnonville à Dumouriez.

– Je le sais bien, répondit celui-ci.

– Ils ont préparé leur champ de bataille, dit Beurnonville.

– Je le connais d'avance, répondit Dumouriez.

– Ils veulent une grande bataille, à votre avis?

– Et au vôtre aussi, n'est-ce pas?

– Oui.

– Eh bien! ils l'auront, et cette bataille s'appellera Jemmapes.

Et, en effet, les Autrichiens considéraient Jemmapes comme une position inexpugnable. C'était aussi l'avis du général Clerfayt, un des hommes les plus distingués de l'armée impériale. Beaulieu, qui se fit plus tard une si grande réputation en Italie, voulait, au contraire, prendre vingt-huit ou trente mille vieux soldats, tomber la nuit par surprise sur toute notre armée composée de recrues, l'écraser et la disperser. Mais de pareils coups de main n'étaient pas dans les habitudes de la vieille stratégie autrichienne: le duc de Saxe-Teschen, qui commandait l'armée en chef, préféra attendre l'armée française à Jemmapes et y combattre à l'abri de ses retranchements.

L'Europe avait les yeux sur la France; elle voyait avec étonnement ses armées surgir du sol, non pas seulement pour défendre ses frontières menacées, mais pour envahir les frontières ennemies. On s'attendait toujours à quelque grande victoire de la part des coalisés: mais on avait entendu le canon de Valmy et l'on avait suivi les Prussiens dans leur retraite; mais on avait vu Custine envahir le Palatinat et pousser une pointe téméraire jusqu'à Francfort-sur-le-Mein; et voilà que l'on voyait Dumouriez pousser devant lui toute cette vieille armée impériale qui n'avait jamais eu de rivale que ces grenadiers de Frédéric, dont l'ennemi n'avait jamais vu le dos, disait Voltaire, et qui pour la première fois, dans une retraite de onze jours, nous avaient montré leurs gibernes.

Dumouriez, lui aussi, comme les Autrichiens, voulait une grande bataille. Depuis cinquante ans les Français avaient la réputation d'être les meilleurs soldats du monde, mais seulement pour un coup de main. Depuis cinquante ans, en effet, ils n'avaient pas gagné une seule grande bataille rangée. Valmy ouvrait la série nouvelle; mais Valmy, disait-on, n'était qu'une canonnade, une bataille gagnée l'arme au bras.

Le 5 au soir, Dumouriez était à Valenciennes. Mais le 5 au soir, rien de ce qu'on lui avait promis n'était arrivé. Servan, le ministre de la Guerre, surchargé de travaux, avait succombé à la fatigue et rétablissait sa santé au camp des Pyrénées; il avait été remplacé par Pache, grand travailleur, homme éclairé, simple comme un Spartiate. Il partait de chez lui le matin, emportant un morceau de pain dans sa poche, travaillant des journées entières, et ne sortant pas même du ministère pour manger.

Le 2 novembre, Dumouriez lui avait écrit qu'il lui fallait indispensablement trente mille paires de souliers, vingt-cinq mille couvertures, des effets de campement pour quarante mille hommes, et surtout deux millions d'argent monnayé pour payer la solde des soldats dans un pays où les assignats n'étaient point connus et où chaque homme serait obligé de payer ce qu'il consommerait.

Pache donna des ordres pour que Dumouriez eût tout ce dont il avait besoin; mais en attendant, le 5 était arrivé, on était à la veille de la bataille, et nos soldats n'avaient ni souliers, ni habillements d'hiver, ni pain, ni eau-de-vie.

Ils avaient bien envie de murmurer quelque peu lorsque, vers trois heures de l'après-midi, Dumouriez passa dans les rangs; mais aux premiers qui grognèrent, Dumouriez porta un doigt à sa bouche et, montrant la montagne de Jemmapes où étaient campés les Autrichiens:

– Silence! enfants! dit-il, l'ennemi vous entendrait.

Et alors, pour les consoler, il appela les officiers à l'ordre, et leur lut la lettre du ministre de la Guerre leur annonçant qu'ils recevraient incessamment tout ce qui leur manquait.

Les soldats battirent des mains et promirent d'attendre.

Et cependant, d'où ils étaient, ils pouvaient voir dans tout son ensemble la formidable position qu'ils auraient à enlever le lendemain. Lorsque l'on arrive par la France, on voit, à partir du moulin du Boussu, cet amphithéâtre de coteaux au milieu duquel, entre Jemmapes et Cuesmes, passe la route qui conduit à Mons. Cet amphithéâtre, en effet, commence à la ville et finit au village que nous venons de nommer. Jemmapes est à gauche, Cuesmes est à droite. Jemmapes est bâti au flanc de la montagne et la couvre en partie. Cuesmes, au pied de la montagne, au lieu de défendre, était défendu; les deux montagnes étaient hérissées de redoutes; la route qui les coupe en deux passait à travers une forêt. Elle était palissadée, couverte d'abatis d'arbres. Derrière les derniers abatis et les dernières redoutes, outre ces redoutes et ces abatis, qu'il fallait vaincre et déloger d'abord, on trouvait toute une armée, c'est-à-dire dix-neuf mille soldats autrichiens. L'armée de Dumouriez était plus nombreuse que celle de l'ennemi; mais peu importait, puisque l'on pouvait se déployer et qu'il fallait absolument attaquer par colonnes.

Or tout dépendait de ces têtes de colonne; enlèveraient-elles des maisons crénelées? escaladeraient-elles des retranchements? iraient-elles prendre des canons jusque dans leurs batteries? soutiendraient-elles avec avantage, elles qui n'avaient jamais vu le feu, ce combat corps à corps où les vieilles troupes hésitent si souvent?

Dumouriez avait porté son quartier général au petit village de Rasme. Il était défendu de front par la petite rivière qui porte ce nom; à sa droite par un bois; à sa gauche par les retranchements du Boussu, élevés par les Autrichiens, et qui, ainsi que nous l'avons dit, étaient tombés en notre pouvoir.

Il venait de se mettre à table et mangeait avec grand appétit une soupe aux choux que venait de lui faire son hôtesse, regardant du coin de l'œil un poulet qui tournait au bout d'une ficelle devant un grand feu, lorsqu'une voiture s'arrêta devant la porte et qu'un homme entra en criant:

– Place ce soir à la table! place demain à la bataille!

Cet homme, c'était Jacques Mérey, qui, comme il l'avait dit, rejoignait Dumouriez le 5.

Dumouriez jeta un cri de joie et lui tendit les bras.

– Ma foi! dit-il, je n'attendais plus que vous pour être sûr de la victoire; vous êtes mon porte-bonheur; c'est vous qui vous chargerez pour la Convention des drapeaux de Jemmapes, comme vous vous êtes chargé de ceux de Valmy.

Jacques Mérey se mit à table; tout l'état-major soupa avec la soupe aux choux, le poulet et du fromage, puis chacun se roula dans son manteau et attendit le point du jour.

Une heure avant le lever du soleil, Dumouriez était prêt; car il n'ignorait pas la nuit que venaient de passer ses soldats, et il savait que, le jour venu, ils auraient besoin d'être encouragés.

L'armée française, en effet, avait passé toute la nuit, l'arme au bras, au fond d'une plaine humide où il avait été impossible aux bivacs d'allumer leur feu. Aussi, pendant cette nuit, Beaulieu pour la seconde fois avait-il proposé de tomber sur nos soldats, et, tout affaiblis et trempés qu'ils étaient, de les anéantir.

Comme la première fois, le général en chef avait refusé.

Pour les vieilles troupes habituées et endurcies aux camps en plein air et aux bivacs sous la voûte du ciel, cette nuit eût déjà été une nuit terrible. Lorsque Dumouriez vit ces marécages, où le sol tremblait sous les pieds, et au milieu du brouillard s'agiter toute cette armée, il fut effrayé lui-même de l'état d'anéantissement où il allait la trouver.

Son étonnement fut grand lorsqu'il entendit rire et chanter.

Il leva les yeux au ciel. Jacques Mérey lui posa la main sur l'épaule.

– C'est la force infinie de la conscience et du sentiment du droit, lui dit-il, qui a fait ce miracle.

Et, lorsqu'ils passèrent au milieu d'eux, ils virent que tout en chantant nos soldats grelottaient; le froid du matin faisait claquer les dents aux plus vigoureux, et ce qui les glaçait encore plus, c'était de voir étagés sur la montagne, lorsque le jour parut, les hussards impériaux dans leurs belles pelisses, les grenadiers hongrois dans leurs fourrures et les dragons autrichiens dans leurs manteaux blancs.

– Tout cela est à vous! dit Dumouriez; il ne s'agit que de le prendre.

– Ah! répondit un volontaire de Paris, ce ne serait pas difficile si on avait déjeuné.

– Bon! dit Dumouriez; vous déjeunerez après la bataille; vous en aurez meilleur appétit; en attendant, on va vous distribuer à chacun une goutte d'eau-de-vie.

– Va pour la goutte d'eau-de-vie! répondirent les volontaires.

Ô bienheureuse époque où les armées étaient chauffées par leur enthousiasme, cuirassées par le fanatisme et vêtues par la foi!

L'histoire n'oubliera jamais que c'est pieds nus que nos soldats sont partis l'an Ier de la République pour conquérir le monde.

XXXV
Jemmapes

De même qu'en jetant les yeux sur la carte rien n'était plus facile que de se rendre compte de la bataille de Valmy, de même, en prenant la même peine, rien ne sera plus facile que de se rendre compte de la bataille de Jemmapes.

Nous avons dit que l'armée autrichienne était rangée sur les collines qui s'étendent en amphithéâtre depuis Jemmapes jusqu'à Cuesmes.

Dumouriez adopta le même ordre de bataille.

Le général Darville, qui occupait l'extrême-droite de la ligne, vers Frameries, fut chargé de partir avant le jour et d'aller occuper derrière la ville de Mons les hauteurs formant la seule retraite des Autrichiens.

Beurnonville, qui venait après Darville dans notre ordre de bataille, devait marcher droit sur Cuesmes et l'aborder de face. Le duc de Chartres, à qui, dans son plan de royauté, Dumouriez destinait les honneurs de la journée, reçut le commandement du centre, et en même temps le grade de général. Sa mission était d'attaquer Jemmapes de front en essayant de pousser une partie de ses hommes dans la trouée que forme la grande route de Mons entre Jemmapes et Cuesmes. Enfin le général Féraud, qui commandait la gauche, devait traverser le village de Quaregnon et se porter sur les flancs de Jemmapes pour soutenir l'attaque du prince.

Partout la cavalerie se tenait prête à soutenir l'infanterie, et notre artillerie à battre chaque redoute en flanc et à éteindre ses feux.

Une réserve considérable d'infanterie et de cavalerie se tenait prête à marcher derrière le petit ruisseau de Vasme.

Ce fut le canon qui, des deux côtés, commença l'attaque; puis, comme l'ordre en avait été donné, Féraud et Beurnonville se détachèrent, l'un allant attaquer la droite de Jemmapes, l'autre attaquant Cuesmes de front.

Mais ni l'une ni l'autre des deux attaques ne réussit.

Il était onze heures; on se battait depuis trois heures au milieu du brouillard, et le brouillard en se levant montra le peu de progrès que nous avions faits. Il fallait, pour emporter la position de Jemmapes, un de ces hommes à qui on dit: «Allez là, et faites-vous tuer!»

Dumouriez avait cet homme sous la main: c'était Thévenot.

Thévenot traverse Quaregnon, fait cesser la canonnade, entraîne tout le corps d'armée de Féraud avec lui, tête baissée, musique en tête, baïonnette au bout du fusil, et aborde les Autrichiens.

De la vallée, où l'on ne pouvait, à cause du brouillard qui se levait lentement, voir les progrès de nos soldats, on les devinait à la musique dont l'harmonie majestueuse semblait marcher devant la France. De temps en temps, des volées de canon couvraient tout autre bruit; mais, dans les intervalles de la détonation, on entendait toujours ces notes terribles de la Marseillaise, devant lesquelles devaient s'ouvrir les portes de toutes les capitales de l'Europe.

Au bruit de cette musique qui s'éloignait toujours, Dumouriez comprit que le moment était venu de lancer le jeune duc de Chartres. Le prince se met à la tête d'une colonne et trouve une brigade qui, voyant déboucher par la route de Mons la cavalerie autrichienne, manifestait une certaine hésitation.

Mais, dans ce moment même, le domestique de Dumouriez, voyant le général qui reculait avec ses hommes, court à lui au milieu du feu, le menace de prendre sa place avec sa livrée, lui fait honte et le pousse en avant; c'est alors qu'arrive le duc de Chartres: ralliant à lui tous les fuyards, en formant un bataillon auquel il donna le nom de bataillon de Jemmapes, il descend de son cheval qui ne peut gravir la pente trop escarpée, et à la tête de ces héros improvisés pénètre au milieu des feux d'une artillerie qui change la montagne en fournaise, jusqu'au village de Jemmapes, d'où il chasse les Autrichiens, et à l'extrémité duquel il fait sa jonction avec Thévenot.

Dumouriez, inquiet de ce qui se passait à sa gauche, prend lui-même une centaine de cavaliers et s'élance sur la route de Jemmapes; mais, à peine est-il au tiers de la montagne, qu'il rencontre le duc de Montpensier envoyé par son frère pour lui annoncer que Jemmapes est au pouvoir des Français.

Du point où il est arrivé, il a vu l'hésitation des troupes qui attaquent Cuesmes; un triple rang de redoutes arrêtait Beurnonville, et cependant, au moment où Dumouriez arrivait, Dampierre s'était élancé seul en avant, et le régiment de flanc l'avait suivi, puis nos volontaires s'étaient précipités, et l'on venait d'enlever le premier étage de la triple redoute.

Mais là il recevait le feu des deux autres. Un instant les volontaires parisiens crurent qu'on les avait réunis et entassés sous le feu de l'ennemi pour les anéantir. Dumouriez arrive, les trouve émus et sombres, et prononçant déjà tout bas le mot de trahison. Ce qui soutenait les deux bataillons jacobins cependant, c'était de voir le bataillon de la rue des Lombards, qui était girondin, recevoir la même pluie de feu. Puis ils étaient sous les yeux des vieux soldats de Dumouriez, qui regardaient comment ces conscrits se conduiraient sur le champ de bataille.

Ce fut en ce moment que Dumouriez, rassuré sur sa gauche, jugea important de faire un suprême effort sur sa droite et se jeta au milieu d'eux.

Comme si elle eût attendu ce moment, la lourde masse des dragons impériaux s'ébranla pour charger l'infanterie parisienne; mais Dumouriez se plaça à la tête de cette infanterie, l'épée à la main.

– Feu à vingt pas seulement! cria Dumouriez. Celui qui aura fait feu avant aura eu peur.

Tous entendirent cet ordre, tous l'exécutèrent; ils laissèrent approcher jusqu'à vingt pas cette cavalerie sous laquelle la terre tremblait, puis à vingt pas les trois bataillons firent feu.

Deux cents chevaux abattus, trois cents hommes tués, leur firent un rempart; puis, ne donnant pas le temps à cette lourde cavalerie de se rallier, il lança sur elle sa cavalerie légère, qui poursuivit les dragons jusqu'à Mons.

Lui alors se mit à la tête des bataillons et entonna la Marseillaise.

Ce fut un entraînement général; tous ces hommes s'avancèrent à la baïonnette en chantant l'hymne de la liberté. Tous sentaient que le monde avait les yeux fixés sur eux à cette heure, et chacun d'eux fut un héros.

En quelques minutes, les deux autres redoutes furent emportées, les canonniers égorgés sur leurs pièces, et les grenadiers hongrois poignardés à leurs rangs.

Dumouriez ne fit halte que sur les hauteurs de Cuesmes, de même que Thévenot et le duc de Chartres n'avaient fait halte que sur les hauteurs de Jemmapes.

Par malheur, Darville avait mal compris l'ordre qui lui enjoignait de garder les collines par lesquelles les Autrichiens devaient faire leur retraite; il s'arrêta à Berthatmont et s'amusa à canonner sans aucun effet les redoutes.

Sans avoir été chargé d'aucune mission particulière, Jacques Mérey avait été vu partout: avec Thévenot lorsqu'il avait attaqué la gauche de Jemmapes; avec le duc de Chartres lorsqu'il avait enfoncé le centre de l'ennemi; avec Dumouriez lorsqu'il avait escaladé les redoutes.

Le lendemain, il se trouvait nommé sur les rapports des trois chefs.

Le compte des morts fait, il se trouva que de chaque côté la perte était à peu près égale: quatre ou cinq mille morts.

Mais la bataille de Jemmapes avait un résultat plus sérieux qu'un calcul arithmétique. La bataille de Jemmapes, c'était la cause des habitants du monde gagnée en première instance à Valmy, en appel à Jemmapes.

La bataille de Jemmapes n'était point, comme la bataille de Valmy, la victoire d'une armée.

C'était la victoire d'un peuple.

De Jemmapes date l'ère de l'infanterie française.

Sous Charles-Quint, l'infanterie espagnole fut la première infanterie du monde.

Sous le grand Frédéric, ce fut l'infanterie prussienne.

Depuis Jemmapes, c'est l'infanterie française.

À partir de Jemmapes, deux chants patriotiques remplacèrent pour nos soldats le vin et l'eau-de-vie que l'on verse chez les autres peuples.

Avec la Marseillaise on gagna les batailles de plaine. Avec le Ça ira! on enleva les redoutes.

Au lieu de déjeuner, nos soldats, nus, à jeun après une nuit de novembre passée dans les marais, avaient chanté et vaincu.

À deux heures, la bataille était gagnée sur tous les points; ils cessèrent de chanter, s'aperçurent qu'ils étaient fatigués et qu'ils avaient faim.

Ils s'assirent et demandèrent du pain.

Ils eurent du pain et de la bière, ce qu'il fallait pour ne pas mourir de faim.

Mais, à l'horizon, les belles plaines de la Belgique, et derrière elle le monde.

J'ai visité le champ de bataille de Jemmapes, comme j'avais parcouru le champ de bataille de Valmy.

À Valmy, pas d'autre monument que le cœur de Kellermann, qui a voulu avoir sa victoire pour tombeau.

À Jemmapes, rien.

Que la France ait été ingrate envers ses enfants, c'est tout simple; les enfants ont deux mères: celle qui les a enfantés comme hommes, celle qui les a enfantés comme peuples.

À la mère qui les a enfantés comme hommes, ils doivent leur amour.

À la mère qui les a enfantés comme peuples, ils doivent plus que leur amour, ils doivent leur sang.

Mais la Belgique, à qui nous ne devions rien et à qui nous donnions la liberté, ne devait-elle pas, elle, une pierre à nos soldats?

Cette pierre, elle en a fait sculpter un lion, et elle a mis ce lion sur le champ de bataille de Waterloo. Ce lion menace la France!

Orgueil de pygmée, ingratitude de géant!

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19 mart 2017
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