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Kitabı oku: «Le chevalier d'Harmental», sayfa 34

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– Monsieur, aujourd'hui même ma pétition sera adressée au régent.

– Et demain vous serez payé.

– Ah! monsieur, que de bontés!

– Allez, monsieur Buvat, allez, votre pupille vous attend.

– Vous avez raison, monsieur, mais elle n'aura rien perdu pour m'attendre, puisque je vais lui porter une si bonne nouvelle. À l'honneur de vous revoir, monsieur. Ah! pardon; sans indiscrétion, comment vous appelez-vous, s'il vous plaît?

– Monsieur Philippe.

– À l'honneur de vous revoir, monsieur Philippe.

– Adieu, monsieur Buvat. Un instant, reprit Philippe, il faut que je donne des ordres pour que vous puissiez sortir.

À ces mots il sonna, un huissier parut.

– Faites venir Ravanne.

L'huissier sortit. Deux secondes après un jeune officier des gardes entra.

– Ravanne, dit monsieur Philippe, conduisez ce brave homme jusqu'à la porte du Palais-Royal. Il est libre d'aller où il voudra.

– Oui, monseigneur, dit le jeune officier.

Un éblouissement passa devant les yeux de Buvat, qui ouvrit la bouche pour demander quel était celui qu'on appelait ainsi monseigneur; mais Ravanne ne lui en laissa pas le temps.

– Venez, monsieur, lui dit-il, venez, je vous attends.

Buvat regarda d'un air hébété monsieur Philippe et le page, mais comme celui-ci ne comprenait rien à son hésitation, il lui renouvela une seconde fois l'invitation de le suivre. Il obéit en tirant son mouchoir de sa poche et en essuyant l'eau qui lui coulait à grosses gouttes du front.

À la porte la sentinelle voulut arrêter Buvat.

– Par ordre de Son Altesse Royale monseigneur le régent, monsieur est libre, dit Ravanne.

Le soldat présenta les armes et laissa passer.

Buvat crut qu'il allait avoir un coup de sang; il sentit les jambes qui lui manquaient, et s'appuya contre la muraille.

– Qu'avez-vous donc, monsieur? lui demanda son guide.

– Pardon, monsieur, balbutia Buvat mais est-ce que par hasard la personne à laquelle je viens d'avoir l'honneur de parler serait…

– Monseigneur le régent en personne, reprit Ravanne.

– Pas possible! s'écria Buvat.

– Très possible! au contraire, répondit le jeune homme, et la preuve, c'est que cela est ainsi.

– Comment, c'est monsieur le régent lui-même qui m'a promis que je serais payé de mon arriéré! s'écria Buvat.

– Je ne sais pas ce qu'il vous a promis, mais je sais que la personne qui m'a donné l'ordre de vous reconduire était monsieur le régent, répondit Ravanne.

– Mais il m'a dit qu'il s'appelait Philippe.

– Eh bien! c'est cela, Philippe d'Orléans.

– C'est vrai, monsieur, c'est vrai; Philippe est son nom patronymique, c'est connu, cela. Mais c'est un très brave homme que le régent, et quand je pense qu'il y avait d'infâmes gueux qui conspiraient contre lui, contre un homme qui m'a donné sa parole de me faire payer mon arriéré; mais ils méritent d'être pendus, ces gens-là, monsieur, d'être roués, écartelés, brûlés vifs; n'est-ce pas votre avis, monsieur?

– Monsieur, dit Ravanne en riant, je n'ai point d'avis sur les affaires de cette importance. Nous sommes à la porte de la rue, je voudrais avoir l'honneur de vous faire compagnie plus longtemps, mais monseigneur part dans une demi-heure pour l'abbaye de Chelles, et, comme il a quelques ordres à me donner avant son départ, je me vois, à mon grand regret, forcé de vous quitter.

– Tout le regret est pour moi, monsieur, dit gracieusement Buvat, et en répondant par une profonde inclination au léger salut du jeune homme qui, lorsque Buvat releva la tête, avait déjà disparu.

Cette disparition laissa Buvat parfaitement libre de ses mouvements, il en profita en s'acheminant vers la place des Victoires, et de la place des Victoires vers la rue du Temps-Perdu, dont il tournait l'angle juste au moment où d'Harmental passait son épée au travers du corps de Roquefinette. C'était en ce moment encore que la pauvre Bathilde, qui était loin de se douter de ce qui se passait chez son voisin, avait aperçu son tuteur et s'était précipitée à sa rencontre dans l'escalier, où Buvat et elle s'étaient joints entre le second et le troisième étage.

– Oh! petit père; cher petit père! s'écria Bathilde tout en montant l'escalier au bras de Buvat et en l'arrêtant pour l'embrasser à chaque marche. D'où venez-vous donc? que vous est-il arrivé, et comment se fait-il que depuis lundi nous ne vous ayons pas vu? Dans quelle inquiétude vous nous avez mises, mon Dieu, Nanette et moi! Mais il faut qu'il soit arrivé des événements incroyables!

– Ah! oui, bien incroyables, dit Buvat.

– Ah! mon Dieu! contez-moi cela, petit père. D'où venez-vous d'abord?

– Du Palais-Royal.

– Comment, du Palais-Royal? Et chez qui étiez-vous, au Palais-Royal?

– Chez le régent.

– Vous, chez le régent! Et que faisiez-vous chez le régent?

– J'étais prisonnier.

– Prisonnier! vous?

– Prisonnier d'État.

– Et pourquoi? Vous, prisonnier!

– Parce que j'ai sauvé la France.

– Ô mon Dieu! mon Dieu! petit père, est-ce que vous seriez devenu fou? s'écria Bathilde épouvantée.

– Non, mais il y aurait eu de quoi le devenir si je n'avais pas eu la tête solide.

– Mais, je vous en prie, expliquez-vous!

– Imagine-toi qu'il y avait une conspiration contre le régent.

– Ô mon Dieu!

– Et que j'en étais.

– Vous!

– Oui, moi; sans en être, c'est-à-dire. Tu sais bien ce prince de Listhnay?

– Après?

– Un faux prince, mon enfant, un faux prince!

– Mais ces copies que vous faisiez pour lui?..

– Des manifestes, des proclamations, des actes incendiaires; une révolte générale, la Bretagne… la Normandie… les états généraux… le roi d'Espagne… Et c'est moi qui ai découvert tout cela.

– Vous! s'écria Bathilde épouvantée.

– Oui, moi, que monseigneur le régent vient d'appeler le sauveur de la France; moi à qui il va payer mes arriérés!

– Mon père, mon père, dit Bathilde, vous avez parlé de conspirateurs; savez-vous les noms de ces conspirateurs?

– D'abord monsieur le duc du Maine; comprends-tu, ce misérable bâtard qui conspire contre un homme comme monseigneur le régent! Puis un comte de Laval, un marquis de Pompadour, un baron de Valef, le prince de Cellamare, l'abbé Brigaud, ce malheureux abbé Brigaud. Imagine-toi que j'ai copié la liste…

– Mon père, dit Bathilde haletant de crainte, mon père, parmi tous ces noms-là, n'avez-vous pas lu le nom… le nom… du… chevalier… Raoul d'Harmental?..

– Ah! je crois bien, s'écria Buvat, le chevalier Raoul d'Harmental! c'est le chef de la conjuration; mais le régent les connaît tous. Ce soir ils seront tous arrêtés, et demain pendus, écartelés, roués vifs.

– Oh! malheureux! malheureux que vous êtes! s'écria Bathilde en se tordant les bras, vous avez tué l'homme que j'aime. Mais je vous le jure par ma mère, monsieur, s'il meurt, je mourrai.

Et songeant qu'elle aurait peut-être encore le temps de prévenir Raoul du danger qui le menaçait, Bathilde, laissant Buvat atterré s'élança vers la porte de la chambre, descendit l'escalier comme si elle eût eu des ailes, traversa la rue en deux bonds, monta l'escalier presque sans toucher les marches, et, haletante, épuisée, mourante, vint heurter la porte de d'Harmental, qui, mal fermée par le chevalier, céda au premier effort de Bathilde, et en s'ouvrant lui laissa voir le cadavre du capitaine, étendu sur le carreau et nageant dans une mare de sang.

Cette vue était si loin d'être celle à laquelle s'attendait Bathilde, que, sans songer qu'elle allait peut-être achever de compromettre son amant, elle se précipita vers la porte en appelant du secours; mais en arrivant sur le palier, soit que les forces lui manquassent, soit que son pied eût glissé dans le sang, elle tomba à la renverse en poussant un cri terrible.

À ce cri les voisins accoururent et trouvèrent Bathilde évanouie; sa tête avait porté sur l'angle de la porte, et elle s'y était fait une grave blessure.

On descendit Bathilde chez madame Denis, qui s'empressa de lui offrir l'hospitalité.

Quant au capitaine Roquefinette, comme il avait déchiré l'adresse de la lettre qu'il avait dans sa poche pour allumer sa pipe, et qu'il ne possédait sur lui aucun autre papier qui indiquât son nom ou son domicile, on transporta son corps à la Morgue, où trois jours après il fut reconnu par la Normande.

Chapitre 43

Cependant d'Harmental, comme nous l'avons vu, était parti au galop, sentant bien qu'il n'y avait pas un instant à perdre pour faire face aux changements qu'allait amener, dans l'entreprise hasardeuse dont il s'était chargé, la mort du capitaine Roquefinette. En conséquence, et dans l'espoir de reconnaître, à un signe quelconque, les individus qui devaient jouer le rôle de comparses dans ce grand drame, il avait suivi les boulevards jusqu'à la porte Saint-Martin, et arrivé là, tournant à gauche, il s'était trouvé en un instant au milieu du marché aux chevaux. C'était là, on se le rappelle, que les douze ou quinze faux sauniers enrôlés par Roquefinette attendaient les ordres de leur capitaine.

Mais, comme l'avait dit le pauvre défunt, aucun signe particulier ne pouvait désigner à l'œil étranger ces hommes mystérieux, vêtus qu'ils étaient comme les autres et se connaissant entre eux à peine. D'Harmental chercha donc vainement: tous les visages lui étaient inconnus; vendeurs et acheteurs lui paraissaient si parfaitement indifférents à toute autre idée qu'à celle des marchés qu'ils étaient en train de conclure, que deux ou trois fois, après s'être rapproché de personnages qu'il avait cru reconnaître pour de faux paysans, il s'éloigna sans même leur adresser la parole, tant la probabilité était grande que sur cinq ou six cents individus qui se trouvaient là, le chevalier commettrait quelque erreur, qui non seulement pourrait être inutile, mais qui encore pouvait devenir dangereuse. La situation était désolante: d'Harmental incontestablement avait là sous la main tous les moyens d'exécution nécessaires à l'heureux accomplissement du complot, mais il avait, en tuant le capitaine, brisé lui-même le fil conducteur, et, l'anneau intermédiaire rompu, toute la chaîne était brisée. D'Harmental se mordait les lèvres jusqu'au sang, se déchirait la poitrine, allait et venait d'un bout à l'autre du marché, espérant toujours que quelque circonstance imprévue le tirerait d'embarras; mais le temps s'écoulait, le marché conservait sa même physionomie, personne n'était venu lui parler, et les deux paysans auxquels il avait en désespoir de cause adressé quelques questions ambiguës, avaient, à ces questions, ouvert des yeux et une bouche si naïvement étonnés, que d'Harmental avait interrompu à l'instant même la conversation commencée, convaincu qu'il était d'avoir touché à faux.

Sur ces entrefaites, cinq heures sonnèrent.

C'était vers les huit ou neuf heures du soir que le régent devait revenir de Chelles. Il n'y avait donc pas de temps à perdre, d'autant plus que cette embuscade était le va-tout des conjurés, qui s'attendaient bien à être arrêtés d'un moment à l'autre, et qui jouaient la seule chance qui leur restait sur leur dernier coup de dé. D'Harmental ne se dissimulait aucune des difficultés de la situation, il avait réclamé pour lui l'honneur de l'entreprise, c'était donc sur lui que pesait toute la responsabilité, et cette responsabilité était terrible. D'un autre côté, il se trouvait pris dans une de ces situations où le courage ne peut rien, où la volonté humaine se brise devant une impossibilité, et où la seule chance qui reste est d'avouer son impuissance et de solliciter le secours de ceux qui en attendaient de vous.

D'Harmental était homme de résolution, son parti fut bientôt pris; il fit dans le marché, qu'il parcourait en tout sens depuis une heure et demie, un dernier tour afin de voir enfin si quelque conjuré ne se trahirait pas comme lui par son impatience; mais voyant que tous les visages restaient dans leur impassible nullité, il mit son cheval au galop, longea les boulevards, gagna le faubourg Saint-Antoine, descendit à la maison n° 15, enfila l'escalier, grimpa au cinquième étage, ouvrit la porte d'une petite chambre et se trouva en face de madame du Maine, du comte de Laval, de Pompadour et de Valef, de Malezieux et de Brigaud.

Tous jetèrent un cri de surprise en l'apercevant.

D'Harmental raconta tout: les prétentions de Roquefinette, la discussion qui s'en était suivie, et le duel qui l'avait terminée. Il ouvrit son habit, montra sa chemise pleine de sang; puis il passa à l'espérance qu'il avait eue de reconnaître les faux sauniers et de se mettre à leur tête à la place du capitaine; il dit ses espérances déçues, ses investigations inutiles au milieu du marché aux chevaux, et finit par faire un appel à Laval, à Pompadour et à Valef, qui y répondirent aussitôt en disant qu'ils étaient prêts à suivre le chevalier au bout du monde, et à lui obéir en tout ce qu'il ordonnerait.

Rien n'était donc perdu encore: quatre hommes résolus et agissant pour leur compte pouvaient parfaitement remplacer douze ou quinze vagabonds soudoyés, qui n'étaient mus par aucun autre intérêt que celui de gagner une vingtaine de louis par tête. Les chevaux étaient prêts dans l'écurie, chacun était venu armé; d'Avranches n'était point encore parti, ce qui renforçait la petite troupe d'un homme dévoué. On envoya chercher des masques de velours noir, pour cacher le plus longtemps possible au régent la figure de ses ravisseurs; on laissa près de madame du Maine Malezieux qui, par son âge, et Brigaud qui, par sa profession, devaient naturellement être mis en dehors d'une pareille expédition; on se donna rendez-vous à Saint-Mandé, et l'on partit chacun isolément, afin de ne point donner de soupçons. Une heure après, les cinq conjurés étaient réunis et s'embusquaient sur la route de Chelles, entre Vincennes et Nogent-sur-Marne. Six heures et demie sonnaient à l'horloge du château.

D'Avranches s'était informé. Le régent était passé vers les trois heures et demie; il n'avait ni suite ni gardes; il était dans une voiture à quatre chevaux, menés par deux jockeys à la Daumont, et précédé par un seul coureur. Il n'y avait donc aucune résistance à craindre; on arrêtait le prince: on le dirigeait sur Charenton, dont le maître de poste, comme nous l'avons dit, était à la dévotion de madame du Maine; on le faisait entrer dans la cour, dont la porte se refermait sur lui; on le forçait à monter dans une voiture de voyage, qui attendait tout attelée et postillon en selle. D'Harmental et Valef se plaçaient près de lui; on repartait au galop; on traversait la Marne à Alfort, la Seine à Villeneuve-Saint-Georges; on gagnait Grand-Vaux, et à Montlhéry on se trouvait sur la route d'Espagne. Si à l'un ou à l'autre des relais le régent voulait appeler, d'Harmental et Valef le menaçaient et s'il appelait malgré les menaces, le fameux passeport était là pour prouver que celui qui réclamait assistance n'était pas le prince, mais un fou qui se croyait le régent, et que l'on reconduisait à sa famille, qui habitait Saragosse. Bref, tout cela était un peu hasardeux, il est vrai; mais, comme on le sait, ce sont ces sortes d'entreprises qui, d'ordinaire, réussissent d'autant mieux que ceux contre lesquels elles sont dirigées n'ont garde de les prévoir.

Sept heures et huit heures sonnèrent successivement. D'Harmental et ses compagnons voyaient avec plaisir la nuit s'approcher et devenir de plus en plus épaisse. Deux ou trois voitures, soit en poste, soit attelées de chevaux de maîtres, avaient déjà donné quelques fausses alertes, mais elles avaient eu en même temps pour résultat de les aguerrir à l'attaque véritable. À huit heures et demie la nuit était tout à fait obscure, et l'espèce de crainte bien naturelle que les conjurés avaient d'abord ressentie commençait à se changer en impatience.

À neuf heures, on crut entendre quelque bruit. D'Avranches se coucha à plat ventre et distingua plus clairement le roulement d'une voiture. Au même moment, à un millier de pas de distance à peu près à l'angle de la route, on vit poindre une lueur pareille à une étoile: les conjurés tressaillirent. C'était évidemment le coureur et sa torche. Bientôt il n'y eut plus de doute; on aperçut la voiture et ses deux lanternes. D'Harmental, Pompadour, Valef et Laval échangèrent une dernière poignée de main, se couvrirent le visage de leur masque, et chacun prit le poste qui lui était assigné.

Cependant la voiture s'avançait rapidement: c'était bien celle du duc d'Orléans. À la lueur de la torche qu'il portait, on voyait l'habit rouge du coureur, devançant les chevaux de vingt-cinq pas à peu près. La route était silencieuse et déserte; du reste, tout semblait d'accord avec les conjurés. D'Harmental jeta un dernier coup d'œil à ses compagnons; il vit d'Avranches au milieu de la route contrefaisant l'homme ivre; Laval et Pompadour de chaque côté du pavé, et en face de lui Valef qui regardait si ses pistolets jouaient bien dans leurs fontes. Quant au coureur, aux deux jockeys et au prince, il était évident qu'ils étaient tous dans la sécurité la plus parfaite, et qu'ils venaient se livrer d'eux-mêmes à ceux qui les attendaient.

La voiture avançait toujours: déjà le coureur avait dépassé d'Harmental et Valef. Tout à coup il alla se heurter contre d'Avranches, qui, se redressant, sauta à la bride de son cheval, lui arracha la torche des mains et l'éteignit. À cette vue, les jockeys voulurent faire tourner la voiture, mais il était trop tard: Pompadour et Laval s'étaient élancés et les tenaient en respect le pistolet à la main, tandis que d'Harmental et Valef se présentaient à chaque portière, éteignaient les lanternes, et signifiaient au prince qu'on n'en voulait point à sa vie s'il ne faisait aucune résistance, mais que si, au contraire, il se défendait, ou appelait, on était décidé à recourir aux dernières extrémités.

Contre l'attente de d'Harmental et de Valef, qui connaissaient le courage du régent, le prince se contenta de dire: – C'est bien, messieurs, ne me faites pas de mal, j'irai partout où vous voudrez.

D'Harmental et Valef jetèrent alors les yeux sur la grande route: ils virent Pompadour et d'Avranches qui emmenaient dans l'épaisseur du bois le coureur, les deux jockeys, ainsi que le cheval du coureur et les deux chevaux de la voiture, qu'ils avaient dételés. Le chevalier sauta aussitôt à bas de son cheval, enfourcha celui que montait le premier postillon; Laval et Valef se placèrent à chaque portière; la voiture repartit au galop, se jeta dans la première route qu'elle trouva à sa gauche, enfila une contre-allée, et commença de rouler sans bruit et sans lumière dans la direction de Charenton. Toutes les mesures avaient été si bien prises, que l'enlèvement n'avait pas été plus de cinq minutes à s'accomplir, qu'aucune résistance n'avait été faite, que pas un cri n'avait été poussé. Décidément cette fois la fortune était pour les conjurés.

Mais, arrivé au bout de l'allée, d'Harmental trouva un premier obstacle: la barrière, soit hasard, soit préméditation, était fermée: force fut donc de rebrousser chemin pour en prendre un autre. Le chevalier fit tourner les chevaux, revint sur ses pas, prit une allée latérale, et la course, un instant ralentie, recommença avec une nouvelle vélocité.

La nouvelle allée que suivait le chevalier conduisait à un carrefour, une des routes de ce carrefour conduisait droit à Charenton. Il n'y avait donc pas de temps à perdre, puisqu'en tout cas, il fallait absolument traverser ce carrefour. Un instant il crut voir dans l'ombre s'agiter des hommes devant lui, mais cette espèce de vision disparut comme un brouillard, et la voiture continua son chemin sans empêchement. En approchant du carrefour, d'Harmental crut entendre le hennissement d'un cheval et une espèce de froissement de fer comme feraient des sabres que l'on tirerait du fourreau; mais, soit qu'il crût que c'était le passage du vent dans les feuilles, soit qu'il pensât que c'était quelque autre bruit auquel il ne devait point s'arrêter, il continua son chemin avec la même vitesse, le même silence, et au milieu de la même obscurité.

Mais en arrivant au carrefour, d'Harmental vit une chose étrange: c'était une espèce de muraille fermant les routes qui venaient y aboutir: il était évident qu'il se passait là quelque chose de nouveau. D'Harmental arrêta aussitôt la voiture et voulut reprendre le chemin d'où il venait; mais une muraille pareille s'était refermée derrière lui; au même instant, il entendit la voix de Valef et de Laval qui criaient: « – Nous sommes cernés, sauve qui peut!» Et tous deux, quittant aussitôt la portière et faisant sauter le fossé à leurs chevaux, se lancèrent dans la forêt et disparurent au milieu de la futaie. Mais il était impossible à d'Harmental, qui montait un cheval attelé, de suivre ses deux compagnons. Ne pouvant donc éviter cette muraille vivante qu'il commençait à reconnaître pour être un cordon de mousquetaires gris, le chevalier essaya de la renverser, enfonça les éperons dans le ventre de son cheval, et s'avança tête baissée et un pistolet de chaque main, vers la route la plus proche de lui, sans s'inquiéter si c'était celle qu'il devait suivre; mais à peine avait-il fait dix pas, qu'une balle de mousqueton cassa la tête à son porteur, qui s'abattit, le renversant du coup et lui engageant la jambe sous lui.

Aussitôt huit ou dix cavaliers mettant pied à terre s'élancèrent sur d'Harmental, qui tira un de ses pistolets au hasard, approchant l'autre de sa tête pour se faire sauter la cervelle; mais il n'en eut pas le temps: deux mousquetaires lui saisirent le bras, quatre autres le tirèrent de dessous le cheval. On fit descendre de la voiture le prétendu prince qui n'était qu'un valet déguisé, on y fit entrer d'Harmental, deux officiers se placèrent près de lui, on attela un autre cheval à la place de celui qui avait été tué: la voiture se remit en mouvement, reprit une nouvelle direction, escortée par un escadron de mousquetaires. Un quart d'heure après elle roulait sur un pont-levis, une lourde porte grinçait sur ses gonds, et d'Harmental passait sous un guichet sombre et voûté, de l'autre côté duquel l'attendait un officier en uniforme de colonel.

C'était monsieur de Launay, gouverneur de la Bastille.

Maintenant si nos lecteurs désirent savoir comment le complot avait été déjoué, qu'ils se rappellent la conversation de Dubois et de la Fillon. La commère du premier ministre, on s'en souvient, soupçonnait le capitaine Roquefinette d'être mêlé à quelque trame illicite, elle était venue le dénoncer, à la condition qu'il aurait la vie sauve. Quelques jours après elle avait vu d'Harmental entrer chez elle, l'avait reconnu pour le jeune seigneur qui avait déjà eu une conférence avec le capitaine, était montée derrière lui, et, d'une chambre voisine, à l'aide d'un trou pratiqué dans la boiserie, elle avait tout entendu.

Or, ce qu'elle avait entendu, c'était le projet d'enlever le régent à son retour de Chelles. Dubois avait été prévenu le soir même, et afin de prendre les coupables sur le fait, il avait fait endosser un habit du régent à monsieur Bourguignon, et avait enveloppé le bois de Vincennes d'un cordon de mousquetaires gris, de chevau-légers et de dragons. On vient de voir quel avait été le résultat de sa ruse. Le chef du complot avait été pris en flagrant délit, et comme le premier ministre savait le nom de tous les autres conjurés, il était probable qu'il leur restait peu de chance d'échapper au vaste filet dans lequel à cette heure il les tenait tous enveloppés.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
620 s. 1 illüstrasyon
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