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Kitabı oku: «A se tordre», sayfa 3

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BOISFLAMBARD

La dernière fois que j’avais rencontré Boisflambard, c’était un matin, de très bonne heure (je ne me souviens plus quelle mouche m’avait piqué de me lever si tôt), au coin du boulevard Saint-michel et de la rue Racine.

Mon pauvre Boisflambard, quantum mutatus !

À cette époque-là, le jeune Boisflambard résumait toutes les élégances du Quartier latin.

Joli garçon, bien tourné, Maurice Boisflambard s’appliquait à être l’homme le mieux « mis » de toute la rive gauche.

Le vernis de ses bottines ne trouvait de concurrence sérieuse que dans le luisant de ses chapeaux, et si on ne se lassait pas d’admirer ses cravates, on avait, depuis longtemps, renoncé à en savoir le nombre.

De même pour ses gilets.

Que faisait Boisflambard au Quartier latin ? Voilà ce que personne n’aurait pu dire exactement. Étudiant ? En quoi aurait-il été étudiant et à quel moment de la journée aurait-il étudié ? Quels cours, quelles cliniques aurait-il suivis ?

Car Boisflambard ne fréquentait, dans la journée, que les brasseries de dames ; le soir, que le bal Bullier ou un petit concert énormément tumultueux, disparu depuis, qui s’appelait le Chalet.

Mais que nous importait la fonction sociale de Boisflambard ? N’était-il pas le meilleur garçon du monde, charmant, obligeant, sympathique à tous ?

Pauvre Boisflambard !

J’hésitai de longues secondes à le reconnaître, tant sa piteuse tenue contrastait avec son dandysme habituel.

De gros souliers bien cirés, mais faisant valoir, par d’innombrables pièces, de sérieux droits à la retraite ; de pauvres vieux gants noirs éraillés ; une chemise de toile commune irréprochablement propre, mais gauchement taillée et mille fois reprisée ; une cravate plus que modeste et semblant provenir d’une lointaine bourgade ; le tout complété par un chapeau haut de forme rouge et une redingote verte.

Je dois à la vérité de déclarer que ce chapeau rouge et cette redingote verte avaient été noirs tous les deux dans des temps reculés.

Et à ce propos, qui dira pourquoi le Temps, ce grand teinturier, s’amuse à rougir les chapeaux, alors qu’il verdit les redingotes ? La nature est capricieuse : elle a horreur du vide, peut-être éprouve-t-elle un vif penchant pour les couleurs complémentaires !

Je serrai la main de Boisflambard ; mais, malgré toute ma bonne volonté, mon regard manifesta une stupeur qui n’échappa pas à mon ami.

Il était devenu rouge comme un coq (un coq rouge, bien entendu).

– Mon ami, balbutia-t-il, tu dois comprendre, à mon aspect, qu’un malheur irréparable a fondu sur moi. Tu ne me verras plus : je quitte prochainement Paris.

Je ne trouvai d’autre réponse qu’un serrement de main où je mis toute ma cordialité.

De plus en plus écarlate, Boisflambard disparut dans la direction de la rue Racine.

Depuis cette entrevue, je m’étais souvent demandé quel pouvait être le sort de l’infortuné Boisflambard, et mes idées, à ce sujet, prenaient deux tours différents.

D’abord une sincère et amicale compassion pour son malheur, et puis un légitime étonnement pour le brusque effet physique de cette catastrophe sur des objets inanimés, tels que des souliers ou une chemise.

Qu’un homme soit foudroyé par une calamité, que ses cheveux blanchissent en une nuit, je l’admets volontiers ; mais que cette même calamité transforme, dans la semaine, une paire d’élégantes bottines en souliers de roulier, voilà ce qui passait mon entendement.

Pourtant, à la longue, une réflexion me vint, qui me mit quelque tranquillité dans l’esprit : peut-être Boisflambard avait-il vendu sa somptueuse garde-robe pour la remplacer par des hardes plus modestes ?

Quelques années après cette aventure, il m’arriva un malheur dans une petite ville de province.

Grimpé sur l’impériale d’une diligence, je ne voulus pas attendre, pour en descendre, qu’on appliquât l’échelle. Je sautai sur le sol et me foulai le pied.

On me porta dans une chambre de l’hôtel et, en attendant le médecin, on m’entoura le pied d’une quantité prodigieuse de compresses, à croire que tout le linge de maison servait à mon pansement.

– Ah ! voilà le docteur ! s’écria une bonne.

Je levai les yeux, et ne pus réprimer un cri de joyeuse surprise.

Celui qu’on appelait le docteur, c’était mon ancien camarade Boisflambard.

Un Boisflambard un peu engraissé, mais élégant tout de même et superbe comme en ses meilleurs temps du Quartier latin.

– Boisflambard !

– Toi !

– Qu’est-ce que tu fais ici ?

– Mais, tu vois… Je suis médecin.

– Médecin, toi ! Depuis quand ?

– Depuis… ma foi, depuis le jour où nous nous sommes vus pour la dernière fois, car c’est ce matin-là que j’ai passé ma thèse… Je t’expliquerai ça, mais voyons d’abord ton pied.

Boisflambard médecin ! Je n’en revenais pas, et même – l’avouerai-je ? – j’éprouvais une certaine méfiance à lui confier le soin d’un de mes membres, même inférieur.

– M’expliqueras-tu enfin ? lui demandai-je, quand nous fûmes seuls.

– Mon Dieu, c’est bien simple : quand tu m’as connu au Quartier, j’étais étudiant en médecine…

– Tu ne nous l’as jamais dit.

– Vous ne me l’avez jamais demandé… Alors j’ai passé mes examens, ma thèse, et je suis venu m’installer ici, où j’ai fait un joli mariage.

– Mais, malheureux ! à quel moment de la journée étudiais-tu l’art de guérir tes semblables ?

– Quelques jours avant mon examen, je piochais ferme avec un vieux docteur dont c’est la spécialité, et puis… et puis… j’avais découvert un truc pour être reçu.

– Un truc ?

– Un truc épatant, mon cher, simple et bien humain. Écoute plutôt…

– Lors du premier examen que je passai à l’École de médecine, j’arrivai bien vêtu, tiré à quatre épingles, reluisant ! Inutile de te prévenir que j’ignorais les premiers mots du programme. Le premier bonhomme qui m’interrogea était un professeur d’histoire naturelle. Il me pria de m’expliquer sur… et il prononça un mot qui n’avait jamais résonné dans mes oreilles. Je lui fis répéter son diable de mot, sans plus de succès pour mes souvenirs. Était-ce un animal, un végétal ou un minéral ? Ma foi, je pris une moyenne et répondis :

“C’est une plante…

– Vous m’avez mal entendu, mon ami, reprit doucement le professeur, je vous demande de parler de…”

« Et toujours ce diable de mot. Alors j’optai pour un animal, et, sur un signe d’impatience de l’interrogateur, je déclarai vivement que c’était un caillou. Pas de veine, en vérité : le professeur d’histoire naturelle interrogeait également sur la physique, et ce mot terrible que je ne connais pas, c’était les lois d’Ohm. Dois-je ajouter que je fus impitoyablement recalé ?…

« En même temps que moi se présentait un pauvre diable aussi piteusement accoutré que j’étais bien vêtu. Au point de vue scientifique, il était à peu près de ma force. Eh bien ! lui, il fut reçu ! J’attribuai mon échec et son succès à nos tenues différentes. Les examinateurs avaient eu pitié du pauvre jeune homme. Ils avaient pensé, peut-être, aux parents de province, besogneux, se saignant aux quatre veines pour payer les études du garçon à Paris. Un échec, c’est du temps perdu, de gros frais qui se prolongent, de plus en plus coûteux. Évidemment, de bonnes idées pitoyables leur étaient venues, à ces examinateurs, qui sont des hommes, après tout, et voilà pourquoi le pauvre bougre était reçu, tandis que moi, le fils de famille, j’étais invité à me représenter à la prochaine session.

« Cette leçon, comme tu penses bien, ne fut pas perdue. Je me composai, avec un soin, un tact, une habileté dont tu n’as pas idée, une garde-robe plus que modeste que je ne revêtais qu’aux jours d’examen : ce costume, tu l’as vu précisément le dernier jour où je l’ai porté, le jour de ma thèse. Tu me croiras si tu veux, j’ai vu un vieux dur à cuire de professeur essuyer une larme à la vue de mon minable complet. Il m’aurait fait blanchir une boule à son compte, plutôt que de me refuser, cet excellent homme.

– Tout cela est fort joli, objectai-je, mais ce n’est pas en enfilant une vieille redingote, tous les ans, au mois de juillet, qu’on apprend à guérir l’humanité de tous les maux qui l’accablent.

– La médecine, mon cher, n’est pas une affaire de science : c’est une affaire de veine. Ainsi, il m’est arrivé plusieurs fois de commettre des erreurs de diagnostic, mais, tu sais, des erreurs à foudroyer un troupeau de rhinocéros ; eh bien ! c’est précisément dans ces cas-là que j’ai obtenu des guérisons que mes confrères eux-mêmes n’ont pas hésité à qualifier de miraculeuses.

PAS DE SUITE DANS LES IDÉES

I

Il la rencontra un jour dans la rue, et la suivit jusque chez elle. À distance et respectueusement.

Il n’était pourtant pas timide ni maladroit, mais cette jeune femme lui semblait si vertueuse, si paisiblement honnête, qu’il se serait fait un crime de troubler, même superficiellement, cette belle tranquillité !

Et c’était bien malheureux, car il ne se souvenait pas avoir jamais rencontré une plus jolie fille, lui qui en avait tant vu et qui les aimait tant.

Jeune fille ou jeune femme, on n’aurait pas su dire, mais, en tout cas, une adorable créature.

Une robe très simple, de laine, moulait la taille jeune et souple.

Une voilette embrumait la physionomie, qu’on devinait délicate et distinguée.

Entre le col de la robe et le bas de la voilette apparaissait un morceau de cou, un tout petit morceau.

Et cet échantillon de peau blanche, fraîche, donnait au jeune homme une furieuse envie de s’informer si le reste était conforme.

Il n’osa pas.

Lentement, et non sans majesté, elle rentra chez elle.

Lui resta sur le trottoir, plus troublé qu’il ne voulait se l’avouer.

– Nom d’un chien ! disait-il, la belle fille !

Il étouffa un soupir :

– Quel dommage que ce soit une honnête femme !

Il mit beaucoup de complaisance personnelle à la revoir, le lendemain et les jours suivants.

Il la suivit longtemps avec une admiration croissante et un respect qui ne se démentit jamais.

Et chaque fois, quand elle rentrait chez elle, lui restait sur le trottoir, tout bête, et murmurait :

– Quel dommage que ce soit une honnête femme !

II

Vers la mi-avril de l’année dernière, il ne la rencontra plus.

– Tiens ! se dit-il, elle a déménagé.

– Tant mieux, ajouta-t-il, je commençais à en être sérieusement toqué.

– Tant mieux, fit-il encore, en manière de conclusion.

Et pourtant, l’image de la jolie personne ne disparut jamais complètement de son cœur.

Surtout le petit morceau de cou, près de l’oreille, qu’on apercevait entre le col de la robe et le bas de la voilette, s’obstinait à lui trottiner par le cerveau.

Vingt fois, il forma le projet de s’informer de la nouvelle adresse.

Vingt fois, une pièce de cent sous dans la main, il s’approcha de l’ancienne demeure, afin d’interroger le concierge.

Mais, au dernier moment, il reculait et s’éloignait, remettant dans sa poche l’écu séducteur.

Le hasard, ce grand concierge, se chargea de remettre en présence ces deux êtres, le jeune homme si amoureux et la jeune fille si pure.

Mais, hélas ! la jeune fille si pure n’était plus pure du tout.

Elle était devenue cocotte.

Et toujours jolie, avec ça !

Bien plus jolie qu’avant, même !

Et effrontée !

C’était à l’Eden.

Elle marcha toute la soirée, et marcha dédaigneuse du spectacle.

Lui, la suivit comme autrefois, admiratif et respectueux.

À plusieurs reprises, elle but du champagne avec des messieurs.

Lui, attendait à la table voisine.

Mais ce fut du champagne sans conséquence.

Car, un peu avant la fin de la représentation, elle sortit seule et rentra seule chez elle, à pied, lentement, comme autrefois, et non sans majesté.

Quand la porte de la maison se fut refermée, lui resta tout bête, sur le trottoir.

Il étouffa un soupir et murmura :

Quel dommage que ce soit une grue !

LE COMBLE DU DARWINISME

Je n’ai pas toujours été le vieillard quinteux et cacochyme que vous connaissez aujourd’hui, jeunes gens.

Des temps furent où je scintillais de grâce et de beauté.

Les demoiselles s’écriaient toutes, en me voyant passer : « Oh ! le charmant garçon ! Et comme il doit être comme il faut ! » Ce en quoi les demoiselles se trompaient étrangement, car je ne fus jamais comme il faut, même aux temps les plus reculés de ma prime jeunesse.

À cette époque, la muse de la Prose n’avait que légèrement effleuré, du bout de son aile vague, mon front d’ivoire.

D’ailleurs, la nature de mes occupations était peu faite pour m’impulser vers d’aériennes fantaisies.

Je me préparais, par un stage pratique dans les meilleures maisons de Paris, à l’exercice de cette profession tant décriée où s’illustrèrent, au XVIIe siècle, M. Fleurant, et, de nos jours, l’espiègle Fenayrou.

Dois-je ajouter que le seul fait de mon entrée dans une pharmacie déterminait les plus imminentes catastrophes et les plus irrémédiables ?

Mon patron devenait rapidement étonné, puis inquiet, et enfin insane, dément parfois.

Quant à la clientèle, une forte partie était fauchée par un trépas prématuré ; l’autre, manifestant de véhémentes méfiances, s’adressait ailleurs.

Bref, je tramais dans les plis de mon veston le spectre de la faillite, la faillite au sourire vert.

Je possédais un scepticisme effroyable à l’égard des matières vénéneuses ; j’éprouvais une horreur instinctive pour les centigrammes et les milligrammes, que j’estimais si misérables ! Ah, parlez-moi des grammes.

Et il m’advint souvent d’ajouter copieusement les plus redoutables toxiques à des préparations réputées anodines jusqu’alors.

J’aimais surtout faire des veuves : une idée à moi.

Dès qu’une cliente un peu gentille se présentait à l’officine, porteuse d’une ordonnance :

– Qui est-ce que vous avez donc de malade, chez vous, madame ?

– C’est mon mari, monsieur… Oh ! ce n’est pas grave… Un petit enrouement.

Alors je me disais : « Ah ! il est enroué, ton mari ? Eh bien ! Je me charge de lui rendre la pureté de son organe. » Et il était bien rare, le surlendemain, de ne pas rencontrer un enterrement dans le quartier.

C’était le bon temps !

Dans une pharmacie où je me trouvais vers cette époque ou à peu près, j’étais doué d’un patron qui aurait pu rendre des points à madame Benoîton. Toujours sorti.

J’aimais autant cela, n’ayant jamais été friand de surveillance incessante.

Chaque jour, dans l’après-midi, une espèce de vieux serin, rentier dans le quartier, ennemi du progrès, clérical enragé, venait tailler avec moi d’interminables bavettes, dont Darwin était le sujet principal.

Mon vieux serin considérait Darwin comme un grand coupable et ne parlait rien moins que de le pendre. (Darwin n’était pas encore mort, à ce moment-là.)

Moi, je lui répondais que Bossuet était un drôle et que, si je savais où se trouvait sa tombe, j’irais la souiller d’excréments.

Et des après-midi entiers s’écoulaient à causer adaptation, sélection, transformisme, hérédité.

– Vous avez beau dire, criait le vieux serin, c’est la Providence qui crée tel ou tel organe pour telle ou telle fonction !

– C’est pas vrai, répliquais-je passionnément, votre Providence est une grande dinde. C’est le milieu qui transforme l’organe, et l’adapte à la fonction.

– Votre Darwin est une canaille !

– Votre Fénelon est un singe !

Pendant nos discussions pseudo scientifiques, je vous laisse à penser comme les prescriptions étaient consciencieusement exécutées.

Je me rappelle notamment un pauvre monsieur qui arriva au moment le plus chaud, avec une ordonnance comportant deux médicaments : 1° une eau quelconque pour se frictionner le cuir chevelu ; 2° un sirop pour se purifier le sang.

Huit jours après, le pauvre monsieur revenait avec son ordonnance et ses bouteilles vides.

– Ça va beaucoup mieux, fit-il, mais, nom d’un chien ! C’est effrayant ce que ça poisse les cheveux, cette cochonnerie-là ! Et ce que ça arrange les chapeaux !

Je jetai un coup d’œil sur les bouteilles.

Horreur ! Je m’étais trompé d’étiquettes.

Le pauvre homme avait bu la lotion et s’était consciencieusement frictionné la tête avec le sirop.

– Ma foi, me dis-je, puisque ça lui a réussi, continuons.

J’appris depuis que ce pauvre monsieur, qui avait une maladie du cuir chevelu réputée incurable, s’était trouvé radicalement guéri, au bout d’un mois de ce traitement à l’envers.

(Je soumets le cas à l’Académie de médecine.)

Le vieux serin dont j’ai parlé plus haut possédait un chien mouton tout blanc dont il était très fier et qu’il appelait Black, sans doute parce que black signifie noir en anglais.

Un beau jour, Black éprouva des démangeaisons, et le vieux serin me demanda ce qu’on pourrait bien faire contre cet inconvénient.

Je conseillai un bain sulfureux.

Justement, il y avait dans le quartier un vétérinaire qui, un jour par semaine, administrait un bain sulfureux collectif aux chiens de sa clientèle.

Le vieux serin conduisit Black au bain et alla faire un tour pendant l’opération.

Quand il revint, plus de Black.

Mais un chien mouton, d’un noir superbe, de la taille et de la forme de Black, s’obstinant à lui lécher les mains d’un air inquiet.

Le vieux serin s’écriait : « Veux-tu fiche le camp, sale bête ! Black, Black, psst ! »

Et, en effet, c’était bien lui, le Black, mais noirci ; comment ?

Le vétérinaire n’y comprenait rien.

Ce n’était pas la faute du bain, puisque les autres chiens gardaient leur couleur naturelle. Alors quoi ?

Le vieux serin vint me consulter.

Je parus réfléchir, et, subitement, comme inspiré

– Nierez-vous, maintenant, m’écriai-je, la théorie de Darwin ? Non seulement les animaux s’adaptent à leur fonction, mais encore au nom qu’ils portent. Vous avez baptisé votre chien Black, et il était inéluctable qu’il devînt noir.

Le vieux serin me demanda si, par hasard, je ne me fichais pas de lui, et il partit sans attendre la réponse.

Je peux bien vous le dire, à vous, comment la chose s’était passée.

Le matin du jour où Black devait prendre son bain, j’avais attiré le fidèle animal dans le laboratoire et, là, je l’avais amplement arrosé d’acétate de plomb.

Or, on sait que le rapprochement d’un sel de plomb avec un sulfure détermine la formation d’un sulfure de plomb, substance plus noire que les houilles à Taupin.

Je ne revis jamais le vieux serin, mais, à ma grande joie, je ne cessai d’apercevoir Black dans le quartier.

Du beau noir dû à ma chimie, sa toison passa à des gris malpropres, puis à des blancs sales, et ce ne fut que longtemps après qu’elle recouvra son albe immaculation.

POUR EN AVOIR LE CŒUR NET

Ils s’en allaient tous les deux, remontant l’avenue de l’Opéra.

Lui, un gommeux quelconque, aux souliers plats, relevés et pointus, aux vêtements étriqués, comme s’il avait dû sangloter pour les obtenir ; en un mot, un de nos joyeux rétrécis.

Elle, beaucoup mieux, toute petite, mignonne comme tout, avec des frissons fous plein le front, mais surtout une taille…

Invraisemblable, la taille !

Elle aurait certainement pu, la petite blonde, sans se gêner beaucoup, employer comme ceinture son porte-bonheur d’or massif.

Et ils remontaient l’avenue de l’Opéra, lui de son pas bête et plat de gommeux idiot, elle, trottinant allègrement, portant haut sa petite tête effrontée.

Derrière eux, un grand cuirassier qui n’en revenait pas.

Complètement médusé par l’exiguïté phénoménale de cette taille de Parisienne, qu’il comparait, dans son esprit, aux robustesses de sa bonne amie, il murmurait, à part lui :

– Ça doit être postiche.

Réflexion ridicule, pour quiconque a fait tant soit peu de l’anatomie.

On peut avoir, en effet, des fausses dents, des nattes artificielles, des hanches et des seins rajoutés, mais on conçoit qu’on ne peut avoir, d’aucune façon, une taille postiche.

Mais ce cuirassier, qui n’était d’ailleurs que de 2e classe, était aussi peu au courant de l’anatomie que des artifices de toilette, et il continuait à murmurer, très ahuri

– Ça doit être postiche.

Ils étaient arrivés aux boulevards.

Le couple prit à droite, et, bien que ce ne fût pas son chemin, le cuirassier les suivit.

Décidément, non, ce n’était pas possible, cette taille n’était pas une vraie taille. Il avait beau, le grand cavalier, se remémorer les plus jolies demoiselles de son chef-lieu de canton, pas une seule ne lui rappelait, même de loin, l’étroitesse inouïe de cette jolie guêpe.

Très troublé, le cuirassier résolut d’en avoir le cœur net et murmura :

– Nous verrons bien si c’est du faux.

Alors, se portant à deux pas à droite de la jeune femme, il dégaina. Le large bancal, horizontalement, fouetta l’air, et s’abattit, tranchant net la dame, en deux morceaux qui roulèrent sur le trottoir.

Tel un ver de terre tronçonné par la bêche du jardinier cruel.

C’est le gommeux qui faisait une tête !

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 ağustos 2016
Hacim:
140 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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