Kitabı oku: «Pour cause de fin de bail», sayfa 2
SENTINELLES, VEILLEZ!
Aux yeux de tous les personnages compétents, le chien est appelé à jouer un rôle considérable dans les grandes guerres européennes.
Chiens sentinelles, chiens éclaireurs, chiens anticyclistes, chiens estafettes, on les met à toutes les sauces, les pauvres toutous.
Dans ce curieux sport, l'Allemagne, sans contredit, marche à la tête des autres nations militaires, et, chaque jour, c'est à qui de MM. les officiers prussiens imaginera une nouvelle application du chien à un emploi militaire.
Me promenant récemment dans les environs les moins explorés de Koenigsberg, j'ai été assez heureux pour assister (par le plus grand des hasards, d'ailleurs, car je m'étais trompé de route) à des exercices infiniment suggestifs et qu'il importe de dévoiler au plus tôt.
On jugera de la stupeur qui m'envahit quand, d'un petit bois où je me trouvais égaré, j'aperçus la scène suivante:
Des soldats français et des soldats russes (je crus rêver!) ou plutôt—disons-le dès maintenant—des Allemands déguisés en Français et en Russes, fantassins, cavaliers, artilleurs, etc., etc., donnaient à manger à une forte meute de chiens, de ces gros chiens comme on en rencontre dans les Flandres, qui traînent des voitures à lait.
Et c'étaient des caresses, et c'étaient des bonnes paroles et de gros morceaux de viande!
Quand les chiens furent bien gavés, tous ces faux Français, tous ces pseudo-Russes les attelèrent à de petits chariots, les attachèrent à des piquets, grimpèrent à cheval et disparurent bientôt au loin.
Quelques instants plus tard surgissaient d'autres soldats, d'uniforme allemand ceux-là, qui se précipitèrent sur les chiens à coups de pied, à coups de fouet, et arrachant aux pauvres animaux les quelques os qu'ils rongeaient encore.
Après quoi, ils les détachèrent au son de mille horribles clameurs.
Comme bien vous le pensez, les infortunées bêtes n'attendirent point leur reste: en quelques minutes, tous les chiens, au grand galop, avaient rejoint leurs bienfaiteurs français et russes, là-bas, dans la campagne.
Qu'est-ce que cet étrange manège pouvait bien signifier?
Je résolus d'en avoir le coeur net et, au risque de me faire coffrer, je prolongeai mon séjour à Koenigsberg, poursuivant sans relâche et avec une remarquable intelligence mes patriotiques investigations.
La conversation d'un lieutenant pris de boisson me mit bientôt au courant.
Les chiens dont je viens de parler sont en cas de guerre, dressés à fuir, eux et leurs attelages, les troupes allemandes, pour aller rejoindre ces Français, ces Russes, dont ils n'ont jamais reçu que de bons traitements.
Les petites voitures qu'ils traînent derrière eux seront alors chargées d'effroyables substances dont l'explosion mettra fin à des milliers d'existences.
Le moment de la détonation peut être déterminé à une seconde près, grâce à un système d'horlogerie qu'on règle selon la distance qui sépare de l'ennemi.
Et ça n'est pas plus difficile que ça!
J'ajouterai que, ces chiens étant rendus aphones par une opération chirurgicale et les roulements des chariots se faisant sur caoutchouc, pas un bruit ne saurait révéler l'approche de cette terrible et ambulante machine infernale.
Messieurs les Français, vous voilà avertis!
UN BIZARRE ACCIDENT
Voulez-vous, mes petits amis, pour nous délasser un instant de la fixité de nos regards vers l'Est, jeter un léger coup d'oeil sur le laps de ces trente derniers ans passés, et alors, nous serons stupéfaits en considérant les progrès énormes accomplis par la pratique du vélocipède.
Avant les regrettables événements de 70-71, le vélocipède existait bien, mais sous la forme de rares spécimens. (Vous êtes trop jeunes pour vous rappeler cela.)
Il n'avait pas, d'ailleurs, revêtu la forme que nous lui connaissons actuellement, et même il prêtait au sourire de la grande majorité des Français d'alors.
Quelques rares originaux et qui ne craignaient point d'affronter les ricanements de leurs contemporains faisaient, seuls, usage de bicycles (comme on désignait les dites machines) et s'attiraient des piétons la spirituelle appellation d'imbéciles à roulettes!
Comme c'est loin, tout ça!
Aujourd'hui, en dépit de quelques grincheux, le cyclisme semble être entré définitivement en nos moeurs.
Dans les bourgades les plus reculées, on rencontre de nombreux vélocipédistes dont certains appartiennent parfois à d'humbles conditions, car, ainsi que la démocratie, la bicyclette coule à pleins bords.
Je n'entreprendrai pas l'apologie de ce nouveau mode de locomotion: des plumes autrement autorisées que la mienne l'ont déjà fait avec un rare bonheur. (Avez-vous lu Voici des ailes, de Maurice Leblanc? Non. Eh bien, lisez-le, et vous me remercierez du tuyau.)
Ah! dame! la bécane procure quelquefois de petits ennuis. Cette médaille a un côté pile, ou plutôt pelle, pas toujours drôle, sans compter le passage du sportsman sous la roue de pesants camions, ou le piquage de tête dans les gouffres embusqués au coin d'insidieux tournants.
Ou des accidents plus étranges encore, témoin celui que voici:
Dimanche dernier, un groupe joyeux d'environ vingt vélocipédistes de l'A. T. C. H. O. U. M. (Association des Terrassiers Cyclistes du Havre et des Organistes Unis de Montivilliers) remontait, en peloton compact, le chemin creux qui, partant de la route de Cabourg à Étretat, aboutit au plateau de Notre-Dame de Grâce, près Honfleur.
Tout à coup, pareillement au crépitus d'un canon à tir rapide, une série de détonations déchira l'air.
Les vingt pneux des camarades venaient d'éclater.
(Accident? Malveillance? C'est ce que l'enquête ouverte par l'A.T.C.H.O.U.M. établira.)
Nos gaillards eurent bientôt fait de réparer le désastre, mais au moment où, d'un énergique et simultané travail, ils regonflaient leurs pneumatiques, voici qu'ils tombèrent tous sur le sol, en proie à des mouvements spasmodiques, et comme asphyxiés, les pauvres!
L'explication du phénomène est bien simple: les vingt-cinq pompes de ces messieurs, absorbant l'air ambiant pour l'enfourner au sein des caoutchoucs, avaient fait le vide dans le chemin creux et les cyclistes subissaient les affres du petit oiseau que, dans les laboratoires, on met sous la cloche de la machine pneumatique.
L'accident, par bonheur, n'eut pas de suite, une forte brise ayant ramené de l'air dans ces parages; mais tous les affiliés de l'A.T.C.H.O.U.M. ont bien juré que cette mésaventure leur servirait de leçon.
PÉNIBLES DÉBUTS
Une des premières visites que fit ce jeune homme, débarquant à Paris, fut pour moi, moi son vieux concitoyen.
–Une place? lui répondis-je, une belle place? Vous cherchez une belle place?
–Dam! aussi belle que possible.
–Eh bien, mon cher ami, je puis vous en indiquer une superbe!
–Ah! vraiment. Laquelle?
–La place de la Concorde.
Cette facile plaisanterie, vieille déjà de pas mal d'années, continue à m'enchanter comme aux premiers jours (ainsi certains vieillards conservent jusqu'au seuil du sépulcre la plus réjouissante allégresse).
Le jeune homme consentit à sourire, mais je vis bien qu'il ne goûtait pas intégralement ma petite facétie.
Pour le remettre en joie, je l'entraînai vers un bar voisin que je connais et où l'on rencontre le seul gin buvable de Paris.
Un vieux camarade, étrange type et fertile en avatars, s'y trouvait déjà.
–Comment va?
–Et toi?… Rien de neuf?
Je présentai mon jeune ami au personnage.
Justement cela tombait bien, le personnage venant d'acquérir un journal du soir et recrutant pour son organe une rédaction jeune, ardente et pas encore compromise. C'était touchant d'entendre le monsieur parler de la sorte.
Il fut convenu que mon protégé ferait partie du vespéral canard en question et qu'il écrirait chaque jour un Croquis de Paris de vingt ou trente lignes.
–Mais, protestait mollement le jouvenceau, je ne sais pas si je saurai, moi d'hier à Paris, écrire des choses bien parisiennes.
–Au contraire, mon garçon! affirmait l'autre. Ce sera bien mieux ainsi. Vous verrez Paris sous l'angle charmant de vos yeux ingénus et vous le décrirez d'une plume non encore souillée des mille compromissions de la capitale!
(Mon vieux camarade use parfois de ces termes grandiloquents.)
–Alors, entendu.
–Quant aux appointements,—je vous avoue que je suis pour l'instant un peu serré,—je ne saurais donc vous gorger d'or. Je vous offre 150 fr. par mois—somme dérisoire, je le sais… Ce sera pour vos cigares…
–Je ne fume pas.
–Tous mes compliments, jeune homme; je voudrais pouvoir en dire autant.
Ce fut donc convenu.
Dès le lendemain, le jeune homme entrait en fonctions.
Chaque jour, il abattit son petit Croquis de Paris, pas plus mal qu'un autre, ma foi, et même souvent de fort gentille tournure.
À la fin du mois, un peu ému, il se présentait à la caisse.
–Vous désirez? fit l'argentier.
–Je suis M. Un Tel, j'appartiens depuis un mois à la rédaction du journal, à raison de 150 fr. par mois, lesquels cent cinquante francs j'aimerais bien toucher à cette heure.
–Je n'ai pas d'ordre, monsieur. Voyez le directeur.
D'un bond, le jeune homme était chez le directeur.
–On refuse à la caisse de me régler mon traitement de ce mois.
–Quel traitement?
–Les 150 fr. que vous m'avez promis.
–Pardon, jeune homme, je vous ai, en effet, promis 150 fr.; mais, avais-je ajouté, c'était pour vos cigares. Or, vous m'avez déclaré vous-même que vous ne fumiez pas.
–!!!!!
LA SCIENCE ET LA RELIGION—ENFIN—MARCHENT LA MAIN DANS LA MAIN
(Panneau allégorique)
Vous souvient-il de cette amusante scène d'une vieille opérette d'Hervé, dans laquelle, un homme venant d'avoir l'oeil crevé par accident, arrive le médecin mandé à la hâte?
Au lieu de se ruer vers le plus immédiat des pansements, l'homme de l'art s'assied dans un fauteuil, et, doctoralement, s'informe des antécédents, et surtout des ascendances du blessé.
–N'auriez-vous pas eu, s'enquiert-il, dans vos parents, quelqu'un qui fût sujet aux affections des yeux?
Aux temps héroïques de l'admirable Hervé, les microbes n'existaient pas, ou plutôt ils existaient mais n'avaient pas encore essuyé l'effroyable publicité qui sévit sur eux depuis quelques années et dont ils se passeraient si bien, d'ailleurs.
Sans cela, Hervé eût complété sa plaisanterie et, sur des rythmes loufoques, expliqué que l'accident du bonhomme provenait, non point d'un cruel traumatisme comme on aurait pu se l'imaginer, mais bien de l'existence préalable d'un virulent microbe, le microbe de l'oeil crevé.
Ne riez pas, frivoles lecteurs!
Si nous n'avons pas encore le microbe de l'oeil crevé, nous détenons, au moins, celui du coup de soleil!
Ne continuez pas à rire, captivantes lectrices!
Le microbe de l'insolation vient d'être découvert et isolé par un médecin autrichien, si j'en crois (et j'en crois) la docte Causerie scientifique de notre savant et pittoresque confrère Henry de Varigny (le Temps, de samedi dernier).
Oui, mesdames et messieurs, l'insolation n'est plus un accident dû à la chaleur, il devient l'effet d'une infection microbienne que—le savant autrichien consent à admettre ce léger détail—favorisent les hautes températures.
«Cette méchante bestiole—je copie mon auteur—se tient avec prédilection dans la poussière du sol; elle hante surtout les routes un peu encaissées où elle guette le passant pour se précipiter dans ses poumons, tandis qu'il halète, et l'infecter.
» Il est vrai que le nombre et la variété des microbes qui se peuvent rencontrer dans la poussière de nos routes sont grands, et, dès lors, le signalement manque de précision. Apprenez alors que ce microbe présente encore ce caractère de ressembler beaucoup au microbe de la petite vérole.»
Suivent quelques lignes sceptiques de notre chroniqueur physiologiste.
Je ne partage pas, moi, l'affreux doute de M. de Varigny, et je me rallie à cette doctrine panmicrobiste qui rassemble déjà tant de passionnés adhérents.
Et celui qui tient en moi ce langage, ce n'est pas tant le savant austère que le catholique fervent.
La prescience de Dieu, l'intégrale prescience de Dieu, n'est-ce point le dogme indiscutable, fondamental et sacré?
Alors quoi d'étonnant à ce que Dieu, lequel a créé les microbes, comme il a créé toutes choses et tous êtres, quoi d'étonnant à ce que Dieu opère d'avance une sage distribution, bien raisonnée, de ces bestioles? À qui doit mourir du choléra, Dieu dépêche les microbes du choléra, de même qu'il décerne le microbe du coup de pied dans le cul à celui qui doit recevoir un coup de pied dans le cul.
Et maintenant, tas de francs-maçons, ne me parlez plus des conflits de la Science et de la Religion!
LE DROIT DE BOUCHON
Selon l'usage et comme tous mes confrères, j'ai fermé Vendredi-Saint dernier, ma boutique de charcuterie, et suis parti vers la banlieue, du côté de Saint-Ouen, hameau réputé pour sa riche floraison en tessons de bouteilles.
Il faisait un temps superbe, et même un peu trop chaud pour la saison; mais qu'importe la haute température, si l'on est libre!
Être libre, tout est là!
Il vaut mieux rôtir au soleil de l'indépendance que de goûter la fraîcheur au sein des cachots du despotisme et de la tyrannie.
Du moins, c'est mon avis.
Donc, nous voilà partis, toute ma famille et moi, la joie au coeur, la chanson aux lèvres, en bras de chemise (les messieurs), en léger corsage d'indienne (les dames et les demoiselles).
Une guinguette attira soudain nos regards, et surtout nos gosiers, car il commençait à faire une soif terrible.
Imaginez une de ces guinguettes à tonnelles, à balançoires, à toutes sortes de jeux et divertissements, une de ces guinguettes dont la seule vue vous fait pousser aux pieds des ailes de pigeon.
Une grosse enseigne: Au rendez-vous des Rigolos se complétait de cette condescendance: On peut apporter son manger.
Ayant déjeuné à la maison avant le départ, nous n'avions pas cru devoir emporter d'aliments avec nous, et nous le regrettâmes, car, grâce au manger dont il nous eût été si facile de nous lotir, nous aurions accompli une collation à la fois économique et réconfortante.
C'est le patron lui-même de l'établissement qui nous servit.
Pour dire quelque chose:
–Alors, on peut apporter son manger? dis-je.
–Parfaitement, monsieur, le monde sont libre d'apporter leur manger.
–Et leur boire?
–Ah! ça non, par exemple! Si le monde apportaient leur manger et leur boire, alors, moi, avec quoi que je me les calerais? Avec des briques?
–C'est trop juste.
–Il y a bien, parbleu, des gens qui ont le culot d'apporter leur vin, leur saint-galmier, leur cognac et tout le tremblement. Mais, moi, je n'entends pas de cette oreille-là; je leur fais payer un droit de bouchon de dix sous par bouteille introduite dans mon établissement.
–C'est un peu cher.
–Si ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à ne pas revenir.
À ce moment, un homme et une femme, cette dernière chargée d'un bébé, s'installèrent à une table du Rendez-vous des Rigolos.
L'homme demanda une chopine à cinquante et deux verres.
Pendant qu'ils buvaient, la femme allaita l'enfant.
–Patron, cria l'homme désaltéré, payez-vous!
Et il jeta une pièce d'un franc sur la table.
–Ça fait le compte, répondit le patron.
–Comment, ça fait le compte? Mais je vous donne vingt sous!
–Eh bien! justement, une chopine cinquante, plus cinquante pour le bouchon de votre petit jeune homme!
Le prolétaire fit une tête!
UNE ÉTRANGE COMPLEXION
PROLOGUE
Ayant perdu, fort jeune, son père et sa mère, Georges vivait avec sa vieille grand'-maman dont il était la dernière consolation, l'unique souci, la seule joie.
I
Or, un matin, Georges rencontra dans la rue le type même du charme féminin et de l'irrésistible séduction.
Georges ne songea même pas à résister: abandonnant son itinéraire, il suivit la jeune personne jusqu'au moment où elle s'engouffra dans un établissement dit de bouillon.
Une minute ne s'écoula certainement point avant que Georges ne pénétrât lui-même dans le restaurant.
Déjà, la jeune personne ne s'y trouvait plus mais, bientôt, elle réapparaissait, affublée d'un joli petit bonnet blanc et d'un tablier de même couleur.
Georges (qui n'est pas une bête) conclut que la jeune femme servait comme bonne dans la maison.
S'asseyant à l'une des tables dont le service semblait dévolu à la petite, il commanda, quoi donc! un bouillon, naturellement.
… Abrégeons.
Dès lors, le coeur de notre pauvre Georges fut pris dans le pire des engrenages.
Vingt fois par jour, il revenait s'asseoir à l'une des tables d'Eugénie (car vous avez deviné, n'est-ce pas, qu'elle s'appelait Eugénie) pour absorber mille aliments divers qu'il s'appliquait à choisir aussi légers que possible, mais dont l'ensemble ne laissait point que de le gaver tout de même, et solidement.
Ce qu'on peut appeler se nourrir de prétextes.
Aussi, c'était, à chaque repas familial, des désolations sans trêve:
–Tu ne manges pas, mon pauvre petit!
–Je n'ai pas faim, bonne maman.
–Il faut se forcer, mon chéri.
–Ça me ferait mal.
–Le plus drôle, c'est que tu ne maigris pas, depuis le temps que tu ne manges plus… Tu n'as pas mal quelque part?
–Mais non, bonne maman.
–Tu dors bien?
–Comme le peintre Luigi Loir lui-même.
–Ah! tu as une étrange complexion!
Et comme, en somme, Georges conservait sa bonne mine et sa belle humeur, la vieille grand'maman ne s'inquiétait pas outre mesure de cet inexplicable manque d'appétit.
II
Un jour, la petite bonne du restaurant dit à Georges:
–Il y a du nouveau.
–Ah!
–Je quitte la boîte.
–Ah!
–Oui, on m'a offert une place dans un magasin du boulevard où l'on vend un apéritif grec, le Kina Passonrigolo. C'est moi qui tiendrai le comptoir de dégustation. Vous me viendrez voir?
Le reste, vous le devinez! (Vous avez bien deviné que la petite s'appelait Eugénie.)
Georges remplaça son absorption d'aliments solides par une égale consommation d'apéritif breuvage.
Et sa bonne vieille grand'mère fut radieuse de lui voir tant d'appétit revenu!
Oui, mais voilà!
(Ou plutôt voici:)
Eugénie, en changeant de fonction, également changea d'âme. De vertueuse qu'elle était, elle devint la plus lubrique des maîtresses, et le pauvre Georges en vit de dures!
(Eugénie aussi, comme de juste, mais n'insistons pas, rapport à notre clientèle de jeunes filles.)
Georges maigrit, maigrit, maigrit!
Et la bonne vieille maman disait tout éplorée:
–Je n'y comprends rien, mon pauvre Georges! Tant que tu ne mangeais pas, tu avais une mine superbe, et maintenant que tu dévores, tu as l'air d'un déterré! Quelle drôle de complexion!
ÉPILOGUE
(Pour rassurer les familles)
Un beau jour, Georges s'aperçut qu'Eugénie le trompait avec le Grec commanditaire du Kina Passonrigolo. Il plaqua froidement l'infâme et se maria avec une jeune fille qui ne le poussa ni à la suralimentation, ni à l'extrême apéritivité, ni à autre chose itou, comme disent les villageois.
Et la pauvre vieille grand'maman fut joliment contente.
Maintenant, elle peut mourir en paix, dit-elle.
Sans empressement, d'ailleurs.
SCEPTIQUE ENFANCE
—Eh bien! mon vieux Georges?
–Eh bien! mon vieux Fifi?
L'appellation de «vieux Georges» désigne un jeune gentleman, mon filleul, lequel cingle allègrement vers son huitième printemps.
Le «vieux Fifi» n'est autre que l'honorable signataire de ces propres lignes.
–Et le niveau des études?
–Ça se maintient à peu près… Ça ne casse rien, mais ça se maintient.
–À quelle branche de la science te voues-tu plus particulièrement?
–Je n'ai pas de préférence, tu sais. C'est bien le même rasoir, tout ça… Pourtant, il y a un truc qui m'a vraiment fait rigoler, l'autre jour. Imagine-toi que nous avons commencé l'Histoire Sainte.
–Et c'est l'Histoire Sainte…
–Qui m'a gondolé? Oui, c'est ça.
–Il n'y a pourtant pas de quoi.
–Tu crois ça, toi? Eh bien, moi je dis qu'il faut que les curés nous prennent sérieusement pour des poires, de nous envoyer des boniments comme ça!
–Mon cher Georges, ton âge ne t'autorise pas à tenir un tel langage!
–Qu'est-ce que tu veux, c'est mon caractère, à moi!… Ainsi, la création du monde, crois-tu que ça s'est passé comme on le raconte dans l'Histoire Sainte?
–Évidemment.
–Tiens, voilà l'effet que tu me fais. (Il hausse les épaules). Mais, mon pauvre vieux, ça ne tient pas debout, tout ça!—Par exemple, les lions, les tigres, les jaguars, de quoi qu'ils se sont nourris, un coup que le bon Dieu les a eu créés?
–Ma foi, je t'avouerai…
–Tu ne vas pas me dire qu'ils ont brouté de l'herbe, et mangé du pissenlit.
–Je ne dis pas cela.
–Alors quoi! Ils se sont donc mis à boulotter les pauvres moutons, les pauvres antilopes que le Seigneur venait de créer. En voilà une administration!
–Il y a évidemment là…
–Et les asticots qu'on trouve dans le fromage, et les espèces de petites anguilles que tu m'as montrées avec ton microscope dans le vinaigre! Où qu'ils étaient, tous ces petits animaux ridicules, avant qu'on ait inventé le fromage, le vinaigre et tout le reste?
–Bien sûr que…
–Et tous les sales microbes qui vous fichent un tas de maladies, ça a beau être tout petit, c'est des bêtes comme les autres, créées par le bon Dieu en même temps que tous les animaux. Eh bien! qu'est-ce qu'ils faisaient, où nichaient-ils quand Adam et Ève étaient bien portants, car sûr qu'ils en avaient, une santé, ces deux-là!
–Je ne sais pas.
–Et puis, il y a encore quelque chose qui me chiffonne dans toute cette histoire-là… Seulement, promets-moi de ne pas dire à maman que je t'ai causé de ça.
–Je te le jure.
–Abel et Caïn, ils n'avaient pas de femmes, dis?
–Je ne crois pas.
–Alors, dis-moi comment qu'ils ont fait pour avoir des gosses?