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Kitabı oku: «Les Histoires merveilleuses, ou les Petits Peureux corrigés», sayfa 2

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Une nuit, à peine ces seigneurs étaient-ils endormis, qu'un fantôme horrible pénétra dans la chambre de chacun d'eux, tenant en main une espèce d'épée flamboyante, et leur dit d'une voix sourde, mais assurée, qu'il était envoyé de Dieu pour leur ordonner la guerre contre les Pictes, et que la victoire leur était assurée: ce fantôme disparut aussitôt.

Dès le matin, les princes vinrent trouver le roi, à qui chacun communiqua sa vision: Cenethus parut étonné, et leur confia qu'il en avait eu une semblable. La guerre fut aussitôt résolue; et les Ecossais, enhardis par la promesse qui leur avait été faite qu'ils remporteraient la victoire, assaillirent les Pictes avec tant d'ardeur que non-seulement ils gagnèrent la bataille, mais qu'ils les exterminèrent entièrement.

Cécile. Puisque tous ces seigneurs, des peuples et des armées entières croyaient à la réalité de ces apparitions, il nous est bien pardonnable d'avoir cru aussi aux revenans.

M. de Verseuil. C'était pardonnable dans ces temps-là, parce que les lumières de la raison n'étaient le partage que de quelques êtres privilégiés. Mais aujourd'hui que les connaissances sont répandues presque dans toutes les classes de la société, on doit ranger de telles idées avec les contes de fées, de sorciers, et autres fables semblables.

Albert. Tu nous as dit qu'il n'avait jamais existé de fées, et que la construction de ce château qu'on prétend être leur ouvrage, est un vieux conte comme ceux du Petit Poucet et du Chat botté; mais les sorciers ne sont pas des êtres imaginaires, car j'ai entendu parler de gens qu'on accusait de l'être, et qui ont été condamnés au feu.

M. de Verseuil. Il est vrai que l'on a cru aux sorciers et que l'on a brûlé des malheureux qui passaient pour tels: c'était le déplorable effet de l'ignorance du temps.

M. le Curé. Oui, mes petits amis, il fut un temps où l'on n'entendait parler que de sorciers; c'était une manie; on les poursuivait en justice, on les condamnait au feu, et, jusque dans les flammes, ces fanatiques soutenaient l'esprit de leur rôle.

Cécile. Comment! ils aimaient mieux se laisser brûler que de dire la vérité?

M. le Curé. Je conçois que cela a droit de vous étonner; mais ces gens, après avoir passé pour des êtres extraordinaires, ne voulaient pas décheoir de l'opinion qu'ils avaient donnée d'eux; ils étaient glorieux de leur titre, et le soutenaient jusqu'à la mort. Il y a mieux, plus on poursuivait les sorciers, plus ils se multipliaient.

Cécile. Je ne comprends pas encore cela. S'il n'y avait que la mort à espérer, pourquoi donc cette fureur?

M. le Curé. Tous les prétendus sorciers n'étaient pas pris; il n'y avait que les plus maladroits ou les plus entêtés qui s'exposaient assez pour cela. Les autres vivaient à leur aise et en fainéans des largesses que répandaient sur eux, et à pleines mains, les insensés qui croyaient à leur prétendue science. Du moment qu'on ne les a plus persécutés, le métier a perdu son crédit, et les sorciers de ces temps-là ne comptent plus de successeurs aujourd'hui que parmi ces pauvres hères qui tirent les cartes et disent la bonne aventure pour quelques sous dans nos places publiques. Il est permis à tout le monde d'être sorcier comme cela.

M. de Forbin. On rencontre cependant encore quelquefois des drôles qui veulent jouer le rôle de sorcier avec toute sa burlesque dignité. J'ai vu il y a quelques années un vieux pâtre, nommé Rocafiol, qui vint fixer son domicile dans un des faubourgs de Montpellier, où il exerçait la profession de médecin-sorcier. Une troupe imbécile et crédule accourait tous les jours des extrémités de la ville et même des lieux circonvoisins pour consulter le devin. J'eus la curiosité d'aller visiter ce grotesque personnage dans son manoir mystérieux: au fond d'une cabane obscure et enfumée, je vis un vieillard assis dans un fauteuil antique; son front sillonné, sa barbe longue et blanche, ses habits, ou plutôt ses haillons de mille couleurs, offraient un coup d'œil dont un comédien aurait pu très-bien tirer parti. Quand tout était préparé, on faisait entrer l'un après l'autre les malades qui venaient exposer leurs infirmités. Cet Esculape d'un nouveau genre leur répondait: On vous a ensorcelé, je romprai le charme; faites des habits et du linge neufs; apportez ici ceux dont vous vous êtes servi jusqu'à ce jour; je brûlerai le tout samedi à minuit, dans les champs, je battrai la souche, je forcerai celui qui vous tourmente à se taire, et mille autres balivernes de cette espèce; sa recette était la même pour tout le monde.

Rien n'égalait le désintéressement de ce Rocafiol; il n'acceptait ni cadeaux ni honoraires: cette générosité était sans doute admirable dans un gueux; mais la police, qui est sorcière aussi, s'est occupée de son sort; elle a fait faire des fouilles chez les revendeurs de nippes, et comme vous pouvez bien le penser, chacun a reconnu les effets qu'il avait donnés pour être brûlés. Vous croyez peut-être que Rocafiol fut déconcerté, qu'il laissa tomber son masque de sorcier pour avouer franchement son charlatanisme? Point du tout; il soutint que les effets avaient été réellement brûlés par lui; mais que sans doute quelque sorcier, ayant un pouvoir au-dessus du sien, les avait fait renaître de leurs cendres pour le perdre.

Victor. C'est précisément comme les génies de nos contes de fées, qui sont toujours opposés les uns des autres, avec une puissance plus ou moins étendue.

M. le Curé. Eh bien, dans d'autres temps, au lieu de se borner à renfermer cet homme comme un escroc, on lui aurait fait son procès comme sorcier, et il est probable qu'il eût mieux aimé mourir avec sa réputation que de se démentir. Je vais vous parler d'un homme respectable qui n'est nullement à comparer avec le malheureux dont il vient d'être question. J'ai étudié à l'ancienne Université de Helmstedt, sous un savant professeur, M. Beireis, qui passait aux yeux de beaucoup de monde pour un sorcier, parce qu'il possédait quelques secrets de chimie. Un jour il parut à la table du duc de Brunswick, vêtu d'un bel habit de draps gros bleu. Au milieu du dîner, on s'aperçoit que son habit est devenu violet, et avant qu'on se fût levé de table, il était d'une superbe couleur écarlate. Depuis cette expérience, M. Beireis devint un objet de la curiosité publique; et il se plut à confirmer les gens crédules dans l'idée qu'il était magicien.

Albert. Comment! il est possible qu'un habit change ainsi trois fois de couleur, sans qu'on y touche?

M. de Forbin. La physique et la chimie donnent les moyens de faire quantité d'expériences aussi curieuses.

M. de Verseuil. Je me souviens d'une aventure assez plaisante arrivée à Bâle, après l'exécution d'un chaudronnier qui fut pendu comme sorcier. Il avait été ensuite exposé à des fourches patibulaires peu distantes de la ville. Le lendemain de l'exécution, un paysan qui s'était hâté de nuit d'aller au marché de la ville, étant arrivé avant que les portes fussent ouvertes, alla se reposer sous un arbre, sans se douter qu'il était près du gibet. L'obscurité de la nuit n'était pas encore dissipée, lorsque d'autres hommes qui se rendaient aussi à la ville, passant devant les fourches patibulaires et sachant que le chaudronnier y était exposé, l'un d'eux, pour faire le plaisant, se mit à crier s'il voulait venir avec eux. Le paysan qui était dessous l'arbre, croyant qu'on s'adressait à lui, et étant bien aise de trouver compagnie, répondit: volontiers, attendez-moi, nous irons ensemble. A ces mots, le questionneur et tous ceux qui étaient avec lui s'enfuirent épouvantés, et racontèrent dans la ville que le pendu leur avait parlé; ce qui établit encore bien mieux sa réputation de sorcellerie.

M. le Curé. Remarquez bien, mes petits amis, que presque toutes les aventures de revenans arrivent la nuit, parce que dans l'obscurité, la crainte nous fait voir et entendre bien des choses qui ne sont pas, ou nous empêche de remarquer d'où provient ce que nous voyons et entendons. Dans ces circonstances, quand notre imagination n'est pas fortement prémunie contre la peur, elle grossit nos visions, et devient elle-même la source de nos alarmes.

M. de Verseuil. Toutes les fois, mes enfans, que quelque chose se présentera à vous d'une manière surnaturelle, songez bien que c'est ou une illusion de vos sens, ou qu'il y a des causes dont vous ne voyez que les effets. Je veux vous donner tant de preuves à cet égard, que vous ne soyez jamais tentés de vous laisser aller à des idées aussi contraires à la raison, que nuisibles à la santé. A votre âge, ces frayeurs sinistres non-seulement étouffent le courage de l'âme, mais en outre paralysent le développement des forces du corps. L'homme peureux, craintif, ne jouira jamais pleinement de son existence.

Victor. Cela est bien vrai; car je ne vois jamais approcher la nuit sans en ressentir de la peine. Si je suis seul, j'éprouve du malaise, je n'ose remuer. Quand je suis couché, le moindre bruit me fait frissonner; mes yeux semblent toujours apercevoir des fantômes; je crois sentir que l'on me touche; mon cœur bat avec force, la respiration me manque, il me serait impossible alors de parler, et je souffre comme si j'étais bien malade. Mon frère et ma sœig;ur sont tout comme moi.

M. de Forbin. Corbleu! Comment voulez-vous devenir des hommes, si cela continue!

Albert. Oh, quant à moi, mon oncle, l'aventure de ce soir m'a déjà bien raffermi, et j'espère me débarrasser tout-à-fait de cette vilaine peur.

M. le Curé. Je serai charmé de contribuer à votre guérison; et j'espère, avant trois jours, vous voir assez raisonnables pour ne pas craindre de vous mettre en rapport avec certain spectre qui est chez moi, et dont la familiarité vous délivrera de la peur de tous les autres.

Les Enfans. Un spectre!

M. le Curé. Oui, vraiment; un spectre avec lequel j'ai fait connaissance il y a long-temps, et qui m'a l'obligation de se trouver encore ici-bas.

Cécile. Quoi! il est visible chez vous? Nous ne l'avons pas vu lorsque nous y avons été?

M. le Curé. C'est un revenant de Paris où il est né, où il est mort. Je lui permets quelquefois de faire des absences de chez moi; il n'est revenu dans ma maison que ce soir.

Victor. Mais vous disiez qu'il n'en existait pas?

M. le Curé. Non, il n'existe ni spectres ni fantômes qui reviennent pour effrayer et tourmenter ceux qui ne les recherchent pas; mais j'ai recherché celui dont je parle, il me doit sa conservation, et il n'apparaît devant les étrangers que lorsque je le veux.

Gertrude ouvrait de grands yeux pour regarder M. le Curé; et il lui passait bien des idées par la tête.

Dix heures sonnèrent en ce moment à l'horloge du château; le pasteur se leva pour se retirer. – Nous serons bien contens d'aller chez vous demain, dirent les enfans, si l'on veut nous le permettre. Cette intention de leur part fit grand plaisir à M. de Verseuil; elle lui annonçait l'heureuse disposition de ses enfans à maîtriser leurs vaines craintes; la veille, ils n'auraient pas eu le courage de songer seulement à entrer chez M. le Curé, si on leur eût dit qu'il y avait un revenant.

D'après cette simple annonce, Gertrude se promit bien à elle-même de n'y jamais mettre les pieds.

Les enfans reconduisirent le pasteur jusqu'à la grille du château, et traversèrent ensuite les cours et les corridors sans songer qu'ils n'étaient accompagnés de personne. – Bien! très-bien! dit M. de Forbin, nous en ferons des hommes; il y a tout lieu d'espérer à présent.

LES HISTOIRES MERVEILLEUSES

SECONDE PARTIE

Les enfans étaient venus de grand matin souhaiter le bonjour à leur mère, et lui demander si elle leur permettrait d'aller chez monsieur le Curé; elle le leur avait accordé, pourvu qu'ils obtinssent aussi la permission de leur père; ils allèrent aussitôt la lui demander.

Madame de Verseuil exprimait à Gertrude toute sa joie de l'heureux changement qui s'était opéré dans le caractère craintif de ses enfans. – Tenez, madame, lui dit celle-ci, je ne veux pas parler; tant mieux s'ils sont guéris. Quant à moi, je ne dormirai tranquille que quand je serai de retour à Paris.

Mad. de Verseuil. Comment! l'aventure d'hier ne t'a pas entièrement rassurée?

Gertrude. Il s'en faut; et depuis hier, il s'est passé bien d'autres choses.

Mad. de Verseuil. Que s'est-il donc passé?

Gertrude. J'ai eu une belle peur cette nuit! Qu'on vienne me dire que les morts ne reviennent pas, surtout dans des maisons comme celle-ci! Oh le maudit château! je voudrais bien en être dehors.

Mad. de Verseuil. Quoi! M. le Curé ne t'a pas convaincue que tes frayeurs étaient chimériques?

Gertrude. M. le Curé lui-même m'a bien donné à penser.

Mad. de Verseuil. Et qu'as-tu donc pensé, ma pauvre Gertrude?

Gertrude. J'ai pensé qu'en sa qualité de prêtre, il a beaucoup de pouvoir sur les esprits, qu'il aura conjuré celui d'hier, et nous l'aura fait apparaître sous la forme d'une chauve-souris.

Mad. de Verseuil. Oh! Gertrude, que vous êtes peu raisonnable!

Gertrude. Cela vous plaît à dire, madame. Au contraire, je réfléchis. Pourquoi le spectre, qu'il a maintenant chez lui, n'y est-il que depuis hier soir? parce que ce n'est que de ce moment que la prétendue chauve-souris a quitté ces lieux.

Mad. de Verseuil. Mais ne vois-tu pas que cette annonce d'un revenant chez lui n'est qu'une plaisanterie pour exciter la curiosité de mes enfans, ou quelque moyen ingénieux qu'il veut employer pour les rendre plus hardis? Ne l'avons-nous pas tenue entre nos mains, cette chauve-souris? Or, les esprits, rapporte-t-on, ne sont pas palpables.

Gertrude. Au surplus, cette nuit, c'était bien pire que la chauve-souris.

Mad. de Verseuil. Qu'est-il donc arrivé cette nuit?

Gertrude. Oh bien, madame, puisque vous voulez que je vous le dise, le voici: je dormais bien profondément, lorsque j'ai été réveillée par le bruit de quelqu'un qui se promenait dans les corridors; j'ai entendu ouvrir et fermer des portes, on a été sans doute dans le parc, puis on est revenu. Le vent faisait entendre un sifflement aigu, toutes les fenêtres tremblaient je crois autant que moi. Personne de la maison ne serait tenté je pense d'aller dans cette saison se promener ainsi la nuit.

Mad. de Verseuil. Tiens, écoute cette histoire: Une femme de beaucoup d'esprit du temps de Louis XIV, madame Deshoulières, se trouvait chez des amis à leur campagne; prévenue qu'un fantôme venait chaque nuit se promener dans l'un des appartemens du château, elle eut la curiosité de vouloir s'en convaincre par elle-même, et assez de fermeté pour approfondir cette aventure. Depuis long-temps, personne n'osait habiter l'appartement en question: elle s'y rendit après le souper, et se coucha bien tranquillement. Au milieu de la nuit, elle entendit ouvrir sa porte; on s'avança dans sa chambre d'un pas lourd et pesant; on renversa une table qui était près du lit, et on remua les rideaux: il y avait de quoi être effrayé. Cependant madame Deshoulières surmonta toute crainte; et allongeant ses deux mains pour sentir si le spectre avait une forme palpable, elle rencontra deux oreilles longues et velues. Ces deux oreilles lui donnaient beaucoup à penser; mais continuant à vérifier, elle reconnut que le fantôme n'était autre chose qu'un gros chien assez pacifique, qui, n'aimant point à coucher à l'air, avait l'adresse de pénétrer dans l'intérieur de la maison par un carreau brisé, et venait coucher dans cette chambre, dont la serrure ne fermait pas bien. Le chien de la cour ne serait-il pas ton revenant de cette nuit?

Gertrude. Non, madame, ce n'est pas cela; demandez à Gérard, votre concierge, à qui l'esprit a parlé.

Mad. de Verseuil. Il lui a parlé!

Gertrude. Oui, madame; et il en est encore tout malade. Il y a précisément un an à pareil jour que son père est mort. Eh bien, vers minuit, il est venu frapper aux carreaux de la fenêtre, et a crié à son fils: Gérard, songe à moi, n'oublie pas ce que je t'ai demandé. Avant de mourir, ce brave homme lui a recommandé de faire dire tous les ans une messe pour le repos de son âme, et d'acquitter une petite dette qu'il laissait. Malheureusement Gérard a négligé de la payer; c'est sans doute pour cela que son père est revenu.

Mad. de Verseuil. Gérard aura rêvé ce qu'il t'a rapporté.

Gertrude. Non, madame, il a bien entendu la voix du défunt, et Brigitte sa femme, l'a entendue de même.

M. de Verseuil entra chez sa femme avec les enfans, et un instant après, M. de Forbin arriva. – Ma sœur, dit-il, c'est aujourd'hui la fête de ma petite Cécile; comme je suis bien content d'elle, je vais lui donner de jolis livres que j'ai fait venir de Paris. Gertrude, allez voir si Gérard a été les chercher chez le libraire, à la ville voisine. Gertrude revint un instant après dire que Gérard avait oublié sa commission; mais qu'il venait de partir sur-le-champ.

M. de Forbin. Le maraud l'a donc fait exprès?

Gertrude. Pardonnez-lui, monsieur; car c'est bien excusable d'après ce qui lui est arrivé.

M. de Forbin. Qu'est-ce donc?

Mad. de Verseuil. C'est une grande aventure qui n'est pas très-claire; je vous conterai cela.

M. de Forbin. Je devais d'autant moins m'attendre à cet oubli, qu'hier au moment de me mettre au lit, craignant que ce nigaud manquât de mémoire, je suis descendu exprès pour lui rappeler ma commission.

Mad. de Verseuil. Sur le minuit?

M. de Forbin. Minuit sonnait comme je remontais.