Kitabı oku: «Nouveaux mystères et aventures», sayfa 11
Chapitre VII
Pauvre Jack! Il fut certainement très malheureux ce jour-là.
Même un amoureux accueilli favorablement eût été quelque peu désorienté, je crois, par un incident survenu pendant notre retour à la maison.
Il avait été convenu que nous reviendrions tous à pied. La charrette avait été déjà renvoyée avec le panier vide, de sorte que nous prîmes par l’Allée des Épines, et ensuite à travers champs.
Nous étions occupés justement à franchir une barrière à claire-voie pour traverser la pièce de terre de dix acres du père Brown, quand master Cronin revint en arrière et dit que nous ferions mieux de prendre la route.
– La route? dit Jack. C’est absurde. Nous gagnons un quart de mille par ce champ.
– Oui, mais il y a quelque danger. Nous ferions mieux de faire le tour.
– Où est le danger? fit notre militaire en tortillant sa moustache d’un air dédaigneux.
– Oh! ce n’est rien, dit Cronin. Ce quadrupède qui est au milieu du pré, c’est un taureau, et un taureau qui n’a pas très bon caractère. Voilà tout. Je ne suis pas d’avis de laisser aller les dames.
– Nous n’irons pas, dirent en chœur les dames.
– Alors suivons la haie pour regagner la route, suggéra Sol.
– Vous irez par où il vous plaira, dit Jack d’un ton grognon. Quant à moi, je passe par le pré.
– Ne faites pas le fou, Jack, dit mon frère.
– C’est bon pour vous autres de penser à tourner le dos à une vieille vache; moi je ne trouve pas. Cela blesse mon amour-propre, voyez-vous, et je vous rejoindrai de l’autre côté de la ferme.
Et, ce disant, Jack boutonna son habit d’un air truculent, brandit sa canne avec jactance et entra dans la prairie de dix acres.
On se groupa près de la barrière et on suivit d’un regard anxieux les événements.
Jack fit de son mieux pour avoir l’air absorbé par la contemplation du paysage et de l’état probable du temps, car il jetait des regards autour de lui et vers les nuages d’un air préoccupé.
Toutefois ses coups d’œil partaient du côté taureau et y revenaient je ne sais comment.
L’animal, après avoir examiné longuement et fixement l’intrus, avait battu en retraite dans l’ombre de la haie sur un des côtés, et Jack suivait le grand axe du champ.
– Ça va bien, dis-je, il s’est écarté du chemin.
– Je crois qu’il le fait marcher, dit master Nicolas Cronin. C’est un animal plein de méchanceté et de roublardise.
Master Cronin finissait à peine ces mots que le taureau sortit de l’ombre de la haie, et se mit à frapper du pied en secouant sa tête noire à l’expression mauvaise.
À ce moment Jack était au milieu du pré et affectait de ne pas remarquer son adversaire, tout en hâtant un peu le pas.
La manœuvre, que fit ensuite le taureau, consista à décrire rapidement deux ou trois petits cercles.
Puis il s’arrêta, lança un mugissement, baissa la tête, dressa la queue et se dirigea sur Jack de toute sa vitesse.
Ce n’était plus le moment de feindre d’ignorer l’existence de l’animal.
Jack regarda un instant autour de lui.
Il n’avait d’autre arme que sa petite canne, pour tenir tête à cette demi-tonne de viande en colère qui accourait sur lui au pas de charge.
Il fit la seule chose qui fut possible, c’est à dire qu’il courut vers la haie de l’autre côté du pré.
Tout d’abord Jack eut la condescendance de courir, mais ensuite il se mit à un trot tranquille, méprisant, une sorte de compromis entre sa dignité et sa crainte, chose si plaisante que, malgré notre effroi, nous éclatâmes de rire en chœur.
Peu à peu, toutefois, comme il entendait le galop des sabots se rapprocher, il hâta le pas, et finit par prendre pour tout de bon la fuite pour trouver un abri.
Son chapeau s’était envolé, les basques de son habit voltigeaient au vent, et son ennemi n’était plus qu’à dix yards de lui.
Quand même notre héros de l’Afghanistan aurait eu à ses trousses toute la cavalerie d’Ayoub Khan, il n’aurait pu parcourir cet espace en moins de minutes.
Si vite qu’il allât, le taureau allait plus vite encore, et ils parurent atteindre la haie en même temps.
Nous vîmes Jack s’y enfoncer hardiment, et une seconde après il en sortit de l’autre côté, d’un trait, comme s’il avait été projeté par un canon, pendant que le taureau lançait une série de mugissements triomphants à travers le trou fait par Jack.
Nous éprouvâmes une sensation de soulagement en voyant Jack se secouer pour se mettre en route dans la direction de la maison sans jeter un regard de notre côté.
Lorsque nous arrivâmes, il s’était retiré dans sa chambre et ce fut seulement le lendemain au déjeuner qu’il reparut, boitant et l’air fort déconfit.
Mais aucun de nous n’eut la cruauté de faire allusion à l’événement, et par un traitement judicieux nous l’eûmes remis dans son état normal de bonne humeur avant l’heure du lunch.
Chapitre VIII
C’était deux jours après la partie de campagne que devait se tirer notre grande cagnotte du Derby.
C’était une cérémonie annuelle qu’on n’omettait jamais à Hatherley House.
En comptant les visiteurs et les voisins il y avait généralement autant de demandes de tickets qu’il y avait de chevaux engagés.
– La cagnotte se tire ce soir, Mesdames et Messieurs, dit Bob en qualité de maître de la maison. Le montant est de dix shillings. Le second a un quart de la masse, le troisième rentre dans sa mise. Personne ne peut prendre plus d’un billet, ni vendre son billet après l’avoir pris.
Tout cela fut proclamé par Bob d’une voix très pompeuse, très officielle, bien que l’effet en fût un peu amoindri par un sonore «Amen» de master Nicolas Cronin.
Chapitre IX
Il me faut maintenant renoncer au style personnel pour un moment.
Jusqu’à présent, ma petite histoire s’est composée simplement d’une série d’extraits de mon journal particulier, mais j’ai maintenant à raconter une scène que je n’appris qu’au bout de bien des mois.
Le lieutenant Hawthorne, ou Jack, comme je ne puis m’empêcher de l’appeler, avait été fort tranquille depuis la partie de campagne, et il s’était adonné à la rêverie.
Or, le hasard voulut que master Salomon Barker vînt au fumoir après le lunch, le jour de la cagnotte, et qu’il y trouvât le lieutenant assis et faisant de la fumée, pour distraire sa grandeur solitaire.
Battre en retraite eût paru une lâcheté.
Aussi l’étudiant s’assit-il sans mot dire et se mit à feuilleter le Graphic.
Les deux nivaux trouvaient la situation également embarrassante.
Ils avaient pris l’habitude de mettre le plus grand soin à s’éviter et maintenant ils se trouvaient brusquement mis face à face, sans qu’un tiers fût là pour jouer le rôle de tampon.
Le silence finissait par devenir pénible.
Le lieutenant bâilla, toussa avec une nonchalance mal jouée et continua à examiner d’un air sombre le journal qu’il tenait.
Le tic-tac de la pendule, le choc des billes qui arrivait de l’autre côté du corridor, où se trouvait la salle de billard, prenaient une intensité et une monotonie qui, à la longue, devenaient insupportables.
Sol leva les yeux une fois, mais il rencontra les yeux de son compagnon, qui venait de faire exactement la même chose.
Les deux jeunes gens se donnèrent aussitôt l’air de s’intéresser profondément, exclusivement aux dessins du plafond.
«Pourquoi me quereller avec lui? pensait Sol à part lui. Après tout, je ne demande qu’à jouer à chances égales. Probablement je serai mal accueilli, mais je ne risque rien à lui offrir une entrée en conversation.
Le cigare de Sol s’était éteint: l’occasion était trop favorable pour la laisser passer.
– Auriez-vous l’obligeance de me donner une allumette, Lieutenant? demanda-t-il.
Le lieutenant était désolé, extrêmement désolé, mais n’avait pas la moindre allumette.
C’était un mauvais début.
La politesse glaciale vous tient plus à distance que la grossièreté proprement dite. Mais master Salomon Barker, comme la plupart des gens timides, était l’audace même, dès que la glace avait été rompue.
Il ne voulait plus de ces coups d’épingle, de ces malentendus; le moment était venu des mesures définitives.
Il poussa son fauteuil jusqu’au milieu de la chambre et se planta en face du militaire étonné.
– Vous faites la cour à miss Nelly Montague, dit-il.
Jack se leva de son canapé aussi promptement que si le taureau du fermier Brown était entré par la fenêtre.
– Et si je la fais, dit-il en tortillant sa moustache roussie, que diable cela peut-il vous faire?
– Ne vous emportez pas, dit Sol, rasseyez-vous; et causons de l’affaire en gens raisonnables. Je l’aime, moi aussi.
– Où diable cet individu veut-il en venir? se demanda Jack en se ressayant, et tout fumant encore de la récente explosion.
– En un mot comme en cent, le fait est que nous l’aimons tous les deux, reprit Sol en soulignant sa remarque d’un mouvement de son doigt osseux.
– Et après? dit le lieutenant, donnant quelques indices d’une rechute. Je suppose que le plus favorisé l’emportera, et que la jeune personne est parfaitement en état de faire elle-même son choix. Vous ne vous attendez pas, n’est-ce pas, à ce que je me retire de la course, uniquement parce que vous tenez à gagner le prix?
– C’est bien cela, s’écria Sol, il faudra que l’un de nous deux se retire. Vous avez émis la bonne idée. Vous voyez, Nelly, miss Montague veux-je dire, vous aime mieux que moi, autant que je puis voir, mais elle m’aime encore assez pour ne pas vouloir m’affliger par un refus formel.
– L’honnêteté m’oblige à reconnaître, dit Jack d’un ton plus conciliant que celui donc il avait parlé jusqu’alors, que Nelly, miss Montague, veux-je dire, vous aime mieux que moi, mais que, néanmoins, elle m’aime encore assez pour ne pas préférer mon rival ouvertement, en ma présence.
– Je ne suis pas de votre avis, dit l’étudiant. À vrai dire, je crois que vous vous trompez, car elle me l’a dit en propres termes. Toutefois, ce que vous dites nous permettra d’arriver plus facilement à nous entendre. Il est parfaitement évident que tant que nous nous montrerons également amoureux d’elle, aucun de nous deux ne peut avoir le moindre espoir de faire sa conquête.
– Il y a quelque bon sens dans cela, dit le lieutenant, d’un air réfléchi, mais que proposez-vous?
– Je propose que l’un de nous se retire, pour employer votre expression. Il n’y a pas d’autre alternative.
– Mais qui devra se retirer? demanda Jack.
– Ah! voilà la question.
– Je puis alléguer que je la connais depuis plus longtemps.
– Je puis alléguer que j’ai été le premier à l’aimer.
L’affaire semblait arrivée à un point mort. Ni l’un ni l’autre des jeunes gens n’était, si peu que ce fût, disposé à abdiquer en faveur de son rival.
– Voyons, dit l’étudiant, si nous tirions au sort.
Cela paraissait équitable, tous deux en tombèrent d’accord. Mais il surgit une nouvelle difficulté.
Tous deux éprouvaient une répugnance sentimentale à risquer l’ange de leurs rêves sur une chance aussi mesquine que la chute d’une pièce de monnaie ou la longueur d’une paille.
Ce fut en ce moment critique que le lieutenant Hawthorne eut une inspiration.
– Je vais vous dire de quelle façon nous allons trancher l’affaire, proposa-t-il. Vous et moi nous sommes inscrits pour la cagnotte de notre Derby. Si votre cheval bat le mien, je renonce à ma chance. Si le mien bat le vôtre, vous renoncez pour toujours à miss Montague. Est-ce marché conclu?
– Je n’ai qu’une réserve à faire, dit Sol. C’est dans deux jours qu’auront lieu les courses. Pendant ce temps-là, aucun de nous ne devra rien faire pour gagner sur l’autre un avantage déloyal. Nous conviendrons tous les deux d’ajourner notre cour jusqu’à ce que la chose soit décidée.
– Convenu! dit le soldat.
– Convenu! dit Salomon.
Et tous deux scellèrent l’engagement d’une poignée de mains.
Chapitre X
Ainsi que je l’ai fait remarquer, je ne savais rien de l’entretien qui avait eu lieu entre mes prétendants.
Je puis dire incidemment que, pendant ce temps-là, j’étais dans la bibliothèque, ou j’écoutais du Tennyson, que me lisait de sa voix sonore et musicale master Nicolas Cronin.
Toutefois, je m’aperçus, dans la soirée, que ces deux jeunes gens montraient un entrain singulier au sujet de leurs chevaux, et que ni l’un ni l’autre n’étaient disposés à rien faire pour m’être agréable.
Je suis heureuse de pouvoir dire qu’ils furent punis de ce crime par le sort qui leur attribua des outsiders sans valeur.
Eurydice fut, je crois, le cheval échu à Sol, pendant que Jack tirait le nom de Bicyclette.
Master Cronin eut pour sa part un cheval appelé Iroquois. Quant aux autres, ils parurent enchantés de leur lot.
Avant d’aller me coucher, je jetai un coup d’œil au fumoir, et je fus enchanté de voir Jack en train de consulter le prophète du sport dans le Champ de Courses tandis que Sol était plongé jusqu’au cou dans la Gazette.
Cette passion soudaine pour le Turf paraissait d’autant plus étrange que si je savais mon cousin capable de distinguer un cheval d’une vache, c’était tout ce que ses amis pouvaient lui accorder en fait de connaissances de cette sorte.
Les différentes personnes qui se trouvaient à la maison furent unanimes à trouver que ces dix jours passaient bien lentement.
Je n’aurais pu en dire autant.
Peut-être parce que je découvris une chose fort inattendue et fort agréable au cours de cette période.
C’était un soulagement que de me sentir exempte de toute crainte de blesser la susceptibilité de l’un ou de l’autre de mes anciens amoureux.
Je pouvais dire maintenant quel était l’objet de mon choix, de ma préférence, car ils m’avaient complètement abandonnée, et me laissaient à la société de mon frère Bob ou de master Nicolas Cronin.
Le nouvel élément d’entrain qu’avaient apporté les courses de chevaux semblait avoir chassé entièrement de leur esprit leur première passion. Jamais on ne vit maison envahie à ce point par les tuyaux spéciaux, par un tel nombre d’odieux imprimés, où il pourrait par hasard se trouver un mot relatif à la forme des chevaux ou à leurs antécédents.
Les grooms de l’écurie eux-mêmes étaient las de raconter comme quoi Bicyclette descendait de Vélocipède, ou d’expliquer à l’étudiant en médecine comment Eurydice était issue de Hadès par Orphée. L’un d’eux découvrit que la grand-mère maternelle d’Eurydice était arrivée troisième au Handicap d’Ebor; mais la façon bizarre dont il se mettait sur l’œil gauche la demi-couronne qu’il avait reçue, tout en adressant de l’œil droit un clin d’œil au cocher, donne quelque lieu de mettre en doute son affirmation.
Et d’une voix qui sentait la bière, il dit tout bas ce soir-là:
– Ce nigaud! Il ne s’apercevra pas de la différence, et rien que de s’imaginer que c’est la vérité, ça vaut un dollar pour lui.
Chapitre XI
À l’approche du jour du Derby l’émotion s’accrut.
Master Cronin et moi, nous échangions des coups d’œil et des sourires, en voyant Jack et Sol se jeter, après le déjeuner, sur les journaux et dévorer les listes des paris.
Mais le point culminant, ce fut le soir qui précédait immédiatement la course.
Le lieutenant avait couru à la gare pour s’assurer les dernières nouvelles. Il revint toujours courant, et brandissant avec frénésie un journal froissé au-dessus de sa tête.
– Eurydice est couronnée, cria-t-il. Votre cheval est fichu, Barker.
– Quoi? hurla Sol.
– Oui, fichu… absolument abîmé à l’entraînement, ne courra pas du tout.
– Faites voir, gémit mon cousin, en s’emparant du journal.
Puis il le laissa tomber, s’élança hors de la chambre et descendit à grand bruit les marches quatre à quatre.
Nous ne le revîmes plus jusqu’au soir, où il reparut furtivement très ébouriffé et se hâta de se glisser dans sa chambre.
Pauvre garçon? j’aurais sympathisé avec sa peine si je n’avais songé à la conduite déloyale qu’il avait récemment tenue à mon égard.
Depuis ce moment, Jack parut un tout autre homme.
Il commença aussitôt à me témoigner des attentions visibles, ce qui fut fort ennuyeux pour moi et pour une autre personne qui se trouvait là.
Il joua du piano. Il chanta. Il proposa des amusements de société. En somme, il usurpa les fonctions exercées d’ordinaire par master Nicolas Cronin.
Je me souviens d’avoir été frappée d’un fait remarquable, c’est que dans la matinée du Derby, le lieutenant parut avoir complètement cessé de s’intéresser de la course.
À déjeuner, il se montra plein d’entrain, mais il n’ouvrit pas même le journal qui se trouvait devant lui.
Ce fut master Cronin qui le déploya à la fin, et jeta un regard sur les colonnes.
– Quoi de neuf, Nick? demanda mon frère Bob.
– Pas grand-chose. Ah! si, voici quelque chose. Un autre accident de chemin de fer. Une rencontre de trains, à ce qu’il paraît, le frein Westinghouse n’a pas fonctionné. Deux tués, sept blessés et… par Jupiter! écoutez-moi ça: parmi les victimes se trouvait un des concurrents des jeux Olympiques d’aujourd’hui. Un éclat aigu de bois lui est entré dans le côté et cet animal de valeur a dû être sacrifié sur l’autel de l’humanité. Le nom de ce cheval est Bicyclette. Holà, Hawthorne, voilà que vous avez répandu tout votre café sur la nappe. Ah! j’oubliais: Bicyclette, c’était votre cheval, n’est-ce pas? Voilà votre chance à l’eau, je le crains. Je vois qu’Iroquois, qui avait une basse cote au commencement, est devenu le favori du jour.
Chapitre XII
Paroles significatives, et je ne doute pas que votre perspicacité ne vous l’ait appris, au moins depuis les trois dernières pages.
Ne me traitez pas de flirteuse, de coquette avant d’avoir pesé les faits.
Tenez compte de mon amour-propre piqué du soudain abandon de mes amoureux, songez combien je fus charmée de l’aveu que me fit celui dont j’avais voulu me cacher l’amour, alors même que je le lui rendais, songez aux occasions qui s’offrirent à lui et dont il profita pendant tout le temps que Jack et Sol m’évitèrent d’une manière systématique et pour se conformer à leur ridicule convention.
Pesez tout cela, et alors qui d’entre vous jettera la première pierre à la jeune fille rougissante qui fut l’enjeu de la cagnotte du Derby?
Voici la chose, telle qu’elle parut au bout de trois mois bien courts dans le Morning Post: «12 août – À l’église de Hatherley, mariage de Nicolas Cronin, esquire, fils aîné de Nicolas Cronin, esquire, de Woodlands, Cropshire, avec miss Eleanor Montague, fille de feu James Montague, esquire, juge de paix, à Hatherley House».
Chapitre XIII
Jack partit en déclarant qu’il allait s’offrir comme volontaire dans une expédition en ballon pour le Pôle Nord. Mais il revint trois jours après, et dit qu’il avait changé d’intention.
Il voulait refaire à pied le trajet parcouru par Stanley à travers l’Afrique équatoriale.
Depuis, il a laissé échapper une ou deux allusions pleines d’amertume aux espérances déçues et aux joies ineffables de la mort; mais tout bien considéré, il continue à se porter fort bien, et récemment on l’a entendu grogner en des occasions telles que du mouton pas assez cuit et du bœuf trop cuit, allusions que l’on peut à bon droit regarder comme des indices de bonne santé.
Sol prit la chose avec plus de calme; mais je crains que le fer ne soit entré plus profond dans son âme.
Toutefois, il se remit d’aplomb comme un garçon courageux qu’il était.
Il poussa même la hardiesse jusqu’à désigner les demoiselles d’honneur, ce qui lui fournit l’occasion de se perdre dans un labyrinthe inextricable de mots.
Il se lava les mains de la phrase rebelle, et la coupa en deux pour s’asseoir, succombant à sa rougeur et aux applaudissements.
J’ai entendu dire qu’il avait pris pour confidente de ses douleurs et de ses déceptions la sœur de Grace Maberly et trouvé en elle la sympathie qu’il en attendait.
Bob et Grace se marient dans quelques mois, et il se pourrait qu’un autre mariage ait lieu à la même époque.
LE RÉCIT DE L’AMÉRICAIN
Chapitre I
Cela vous a un air étrange, disait-il au moment où j’ouvris la porte de la chambre où se réunissait notre cercle mi-social mi-littéraire, mais je pourrais vous raconter des choses bien plus drôles que celles-là, diablement plus drôles.
Comme vous le voyez, ça n’est pas les gens qui savent enfiler des mots anglais correctement, et qui ont reçu de bonnes éducations, qui se trouvent dans les drôles d’endroits où je me suis vu.
Messieurs, la plupart du temps, c’est des gens grossiers, qui savent toute juste se faire comprendre de vive voix; et bien moins encore décrire, avec la plume et l’encre, les choses qu’ils ont vues, mais s’ils le pouvaient, ils vous feraient dresser les cheveux d’étonnement à vous autres Européens; oui, Messieurs, c’est comme ça.
Il se nommait, je crois, Jefferson Adams.
Je sais que ses initiales étaient J. A., car vous pouvez les voir encore profondément gravées à la pointe du couteau sur le panneau d’en haut, et à droite de la porte de notre fumoir.
Il nous légua ce souvenir, ainsi que quelques dessins artistiques exécutés par lui avec du jus de tabac sur notre tapis de Turquie, mais à part ces reliques, notre Américain conteur d’histoire a disparu de notre monde.
Il flamba comme un météore brillant au milieu de nos banales et calmes réunions, et alla se perdre dans les ténèbres extérieures.
Ce soir-là, cependant, notre hôte du Nevada était complètement lancé. Aussi j’allumai tranquillement ma pipe et m’installai sur la chaise la plus proche, en me gardant bien d’interrompre son récit.
– Remarquez-le bien, reprit-il, je ne veux pas chercher noise à vos hommes de science.
«J’aime, je respecte un type qui est capable de mettre à sa place n’importe quelle bête ou plante, depuis une baie de houx jusqu’à un ours grizzly, avec des noms à vous casser la mâchoire, mais si voulez des faits vraiment intéressants, des faits pleins d’un jus savoureux, adressez-vous à vos baleiniers, à vos gens de la frontière, à vos éclaireurs, aux hommes de la Baie d’Hudson, des gaillards qui savent à peine signer leur nom.
Il y eut alors une pause, pendant laquelle master Jefferson Adams sortit un long cigare et l’alluma.
Nous observions un rigoureux silence, car l’expérience nous avait appris qu’à la moindre interruption notre Yankee rentrait aussitôt dans sa coquille.
Il regarda autour de lui avec un sourire d’amour-propre satisfait, et remarquant notre air attentif, il reprit à travers une auréole de fumée:
– Eh bien lequel de vous, gentlemen, est jamais allé dans l’Arizona? Aucun, je parie.
«Et parmi tous les Anglais et Américains qui promènent la plume sur le papier, combien y en a-t-il qui sont allés dans l’Arizona? Bien peu, j’en suis sûr.
«J’y suis allé, Monsieur, j’y ai vécu des années, et quand je pense à ce que j’y ai vu, c’est à peine si je me crois moi-même aujourd’hui.
«Ah! en voilà un du pays!
«J’étais du nombre des flibustiers de Walker.
«On avait jugé à propos de nous qualifier ainsi. Après que nous eûmes été dispersés, et notre chef fusillé, plusieurs d’entre nous se frayèrent des routes et s’installèrent par là.
«C’était une colonie anglaise, et américaine au grand complet, avec nos femmes et enfants.
«Je crois qu’il en reste encore des anciens, et qu’ils n’ont pas encore oublié ce que je vais vous raconter. Non, je vous garantis qu’ils ne l’ont point oublié, tant qu’ils seront de ce côté-ci de la tombe.
«Mais je parlais du pays, et je parie que je vous étonnerais énormément, si je ne vous parlais pas d’autre chose.
«Songer qu’un tel pays aurait été fait pour quelques Graisseurs et quelques demi-sang! C’est faire un mauvais usage des bienfaits de la Providence, je vous le dis.
«L’herbe y poussait plus haut que la tête d’un homme à cheval, et des arbres si serrés que pendant des lieues et des lieues vous n’arriviez pas à entrevoir un bout de ciel bleu, et des orchidées grandes comme des parapluies. Peut-être quelqu’un de vous a-t-il vu une plante qu’on appelle piège à mouches quelque part dans les États.
– Dionoea muscipula, dit à demi-voix Dawson, notre savant par excellence.
– Ah! Dix au nez de municipal, c’est ça! Vous voyez une mouche se poser sur cette plante-là. Alors vous voyez aussitôt les deux battants de la feuille se rapprocher brusquement et tenir la mouche prisonnière entre eux, la broyer, la triturer en petits morceaux.
«Ça ressemble à s’y méprendre à une grande pieuvre avec son bec, et des heures après, si vous ouvrez la feuille, vous voyez le corps de la mouche à moitié digéré, et en menus morceaux. Eh bien j’ai vu dans l’Arizona de ces pièges à mouche avec des feuilles de huit, de dix pieds de long, des épines ou dents d’au moins un pied.
«Elles étaient capables de… Mais, Dieu me damne, je vais trop vite.
«C’était la mort de Joe Hawkins que je voulais votre raconter.
«C’est bien la chose la plus étrange que vous puisiez jamais entendre.
«Il n’y avait personne du Montana qui ne connût Joe Hawkins, Alabama Joe, comme on l’appelait là-bas.
«C’était un homme de plein air, je vous en réponds, mais le plus damné putois qu’un homme ait jamais vu.
«Un bon garçon, souvenez-vous en, tant que vous le caressiez dans le sens du poil, mais pour peu qu’on le blaguât, il devenait pire qu’un chat sauvage.
«Je l’ai vu tirer ses six coups dans une foule d’hommes qui le bousculait pour l’entraîner dans le bar de Simpson, alors qu’une danse était en train, et il planta son bowie-knife dans Tom Hooper, parce que celui-ci lui avait versé par mégarde son verre sur son gilet.
«Non, il ne reculait pas devant un assassinat, Joe, oh non, et il ne fallait pas avoir confiance en lui, tant que vous n’aviez pas l’œil sur lui.
«Car, au temps dont je parle, alors que Joe Hawkins faisait le matamore par la ville et piétinait la loi sous son révolver, il y avait là un Anglais nommé Scott, Tom Scott, si je me souviens bien.
«Ce diable de Scott était un Anglais pour tout de bon (je demande pardon à la compagnie présente) et pourtant il ne plaisait guère à la bande d’Anglais de là-bas, ou la bande d’Anglais ne lui allait pas beaucoup.
«C’était un homme tranquille, ce Scott, même trop tranquille pour une population aussi rude que celle-là.
«On l’appelait sournois, mais il ne l’était pas.
«Il se tenait le plus souvent à l’écart et ne se mêlait d’aucune affaire tant qu’on le laissait tranquille.
«Certains disaient qu’il avait été comme qui dirait persécuté dans son pays, qu’il avait été Chartiste, ou quelque chose dans ce genre, qu’il lui avait fallu lever le pied et décamper, mais il n’en parlait jamais lui-même et ne se plaignait jamais.
«Cet individu de Scott était une sorte de cible pour les gens du Montana, tant il était tranquille et avait l’air simple.
«Il n’avait personne pour le soutenir dans ses ennuis, car, comme je le disais tout à l’heure, c’est à peine si les Anglais le regardaient comme l’un des leurs, et on lui fit plus d’une mauvaise farce.
«Il ne répondait jamais grossièrement; il était poli avec tout le monde.
«Je crois que les gens en vinrent à croire qu’il manquait d’énergie, jusqu’au jour où il leur montra qu’ils se trompaient.
«Ce fut au bar de Simpson que le coup se monta, et ça aboutit à la drôle de chose que j’allais vous conter.