Kitabı oku: «Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 1», sayfa 33
Ainsi, tout le monde souffre, d'un état de choses si profondément illogique et vicieux. Mais si toute l'étendue du mal est appréciée quelque part, ce doit être au sommet de l'échelle sociale. Je ne puis pas croire que des hommes d'État comme M. Guizot, M. Thiers, M. Molé, soient depuis si longtemps en contact avec toutes ces turpitudes, sans avoir appris à les connaître et à en calculer les effrayantes conséquences. Il n'est pas possible qu'ils se soient trouvés tantôt dans les rangs, tantôt en face d'une opposition systématique, qu'ils aient été assaillis par des rivalités personnelles, qu'ils aient eu à lutter contre les obstacles factices que la fureur de les déplacer suscita sous leurs pas, sans qu'ils se soient dit quelquefois: Les choses iraient autrement, l'administration serait bien plus régulière, et la tâche du gouvernement bien moins lourde; si les députés ne pouvaient devenir ministres.
Oh! si les ministres étaient en face des députés ce que sont les préfets en présence des conseillers généraux; si la loi supprimait dans la Chambre ces perspectives qui fomentent l'ambition; il me semble qu'une paisible et fructueuse destinée serait ouverte à tous les organes du corps social; Les dépositaires du pouvoir pourraient bien rencontrer encore des erreurs et des passions; mais jamais de ces coalitions subversives à qui tous les moyens sont bons, et qui n'aspirent qu'à renverser cabinets sur cabinets, sous les coups d'une impopularité momentanément et intentionnellement égarée. Les députés ne pourraient avoir d'autres intérêts que ceux de leurs commettants; les électeurs ne seraient pas mis à même de prostituer leurs votes à des vues égoïstes; la presse, dégagée de tous liens avec des chefs de parti qui n'existeraient plus, remplirait son vrai rôle qui est d'éclairer l'opinion et de lui servir d'organe; le peuple, administré avec sagesse, avec suite, avec économie, heureux, ou ne pouvant s'en prendre au pouvoir de ses souffrances, ne se laisserait point séduire par les utopies les plus dangereuses, et le roi enfin, dont la pensée ne saurait plus être méconnue, entendrait prononcer de son vivant le jugement que lui réserve l'histoire.
Je n'ignore pas, monsieur, les objections que l'on peut opposer à la réforme parlementaire. On y trouve des inconvénients. Eh, mon Dieu! il y en a dans tout. La presse, la liberté civile, le jury, la monarchie ont les leurs. La question n'est jamais de savoir si une institution réformée aura des inconvénients, mais si l'institution non réformée n'en a pas de plus grands encore. Et quelles calamités pourront jamais découler d'une Chambre de contribuables, égales à celles que verse sur le pays une Chambre d'ambitieux qui se battent pour la possession du pouvoir?
On dit qu'une telle Chambre serait trop démocratique, animée de passions trop populaires. – Elle représenterait la nation. Est-ce que la nation a intérêt à être mal administrée, à être envahie par l'étranger, à ce que la justice ne soit pas rendue?
La plus forte objection, celle qu'on renouvelle sans cesse, c'est que la Chambre manquerait de lumières et d'expérience.
Il y aurait fort à dire là-dessus. Mais enfin, si l'exclusion des fonctionnaires offre des dangers, si elle semble violer les droits d'hommes honorables qui sont citoyens aussi, si elle circonscrit la liberté des électeurs, ne serait-il pas possible, en ouvrant aux agents du pouvoir les portes du Palais-Bourbon, d'y environner leur présence de précautions dictées par la plus simple prudence?
Vous ne vous attendez pas à ce que je formule ici un projet de loi. Mais il me semble que le bon sens public sanctionnerait une mesure conçue à peu près en ces termes:
«Tous les Français, sans distinction de profession, sont éligibles (sauf les cas exceptionnels où une position officielle élevée fait supposer une influence directe sur les suffrages: préfets, etc.).
«Tous les députés reçoivent une indemnité convenable et uniforme.
«Les fonctionnaires nommés députés résigneront leurs fonctions, pour tout le temps que durera leur mandat. Ils ne recevront pas de traitement; ils ne pourront être ni destitués ni avancés. En un mot, leur vie administrative sera entièrement suspendue pour ne recommencer qu'après l'expiration de leur mission législative.
«Aucun député ne pourra être appelé à une fonction publique»
Et enfin, bien loin d'admettre, comme MM. Gauguier, Rumilly, Thiers et autres, qu'une exception sera faite au principe de l'incompatibilité, en faveur des ministères, des ambassades et de tout ce que l'on nomme situations politiques, ce sont celles-là surtout que je voudrais exclure, sans pitié et en première ligne; car il est évident pour moi que ce sont les aspirants ambassadeurs et les aspirants ministres qui troublent le monde. Sans vouloir le moins du monde offenser les coryphées de la réforme parlementaire, qui ont proposé une telle exception, j'ose dire qu'ils n'aperçoivent pas ou ne veulent pas apercevoir la millionième partie des maux qui résultent de l'admissibilité des députés aux fonctions publiques; que leur prétendue réforme ne réforme rien, et qu'elle n'est qu'une mesure mesquine, étriquée, sans portée sociale, dictée par un sentiment étroit de basse et injuste jalousie.
Mais l'article 46 de la Charte, dites-vous. – À cela je n'ai rien à répondre. La Charte est-elle faite pour nous, ou sommes-nous faits pour la Charte? La Charte est-elle la dernière expression de l'humaine sagesse? Est-ce un Alcoran sacré descendu du ciel, dont il ne soit pas permis d'examiner les effets, quelque désastreux qu'ils puissent être? Faut-il dire: Périsse le pays plutôt qu'une virgule de la Charte? S'il en est ainsi, je n'ai rien à dire, si ce n'est: Électeurs! la Charte ne vous défend pas de faire de vos suffrages un usage déplorable, mais elle ne vous l'ordonne pas non plus. Quid leges sine moribus?
En terminant cette trop longue lettre, je devrais répondre à ce que vous me dites de votre position personnelle. Je m'en abstiendrai. Vous pensez que la réforme, si elle a lieu, ne pourra vous atteindre, parce que vous ne dépendez pas du pouvoir responsable, mais bien du pouvoir irresponsable. À la bonne heure. La législature a décidé que cette position n'entraîne pas une incapacité légale. Il appartient aux électeurs de décider si elle ne constitue pas l'incapacité morale la plus évidente qui se puisse imaginer.
Je suis, monsieur, votre serviteur.
AUX ÉLECTEURS DES LANDES
Mugron, 22 mars 1848.
Mes chers Concitoyens,
Vous allez confier à des représentants de votre choix les destinées de la France, celles du monde peut-être, et je n'ai pas besoin de dire combien je me trouverai honoré si vous me jugez digne de votre confiance.
Vous ne pouvez attendre que j'expose ici mes vues sur les travaux si nombreux et si graves qui doivent occuper l'assemblée nationale; vous trouverez, j'espère, dans mon passé, quelques garanties de l'avenir. Je suis prêt d'ailleurs à répondre, par la voie des journaux ou dans des réunions publiques, aux questions qui me seraient adressées.
Voici dans quel esprit j'appuierai de tout mon dévouement la République:
Guerre à tous les abus: un peuple enlacé dans les liens du privilège, de la bureaucratie et de la fiscalité, est comme un arbre rongé de plantes parasites:
Protection à tous les droits: ceux de la Conscience comme ceux de l'Intelligence; ceux de la Propriété comme ceux du Travail; ceux de la Famille comme ceux de la Commune; ceux de la Patrie comme ceux de l'Humanité. Je n'ai d'autre idéal que la Justice universelle; d'autre devise que celle de notre drapeau: Liberté, Égalité, Fraternité.
Votre dévoué compatriote…
À MESSIEURS TONNELIER, DEGOS, BERGERON, CAMORS, DUBROCA, POMEDE, FAURET, ETC
1849.
Mes Amis,
Merci pour votre bonne lettre. Le pays peut disposer de moi comme il l'entendra; votre persévérante confiance me sera un encouragement… ou une consolation.
Vous me dites qu'on me fait passer pour socialiste. Que puis-je répondre? Mes écrits sont là. À la doctrine Louis Blanc n'ai-je pas opposé Propriété et Loi; à la doctrine Considérant, Propriété et Spoliation; à la doctrine Leroux, Justice et Fraternité; à la doctrine Proudhon, Capital et Rente; au comité Mimerel, Protectionnisme et Communisme; au papier-monnaie, Maudit Argent; au Manifeste Montagnard, L'État? – Je passe ma vie à combattre le socialisme. Il serait bien douloureux pour moi qu'on me rendit cette justice partout, excepté dans le département des Landes.
On a rapproché mes votes de ceux de l'extrême gauche. Pourquoi n'a-t-on pas signalé aussi les occasions où j'ai voté avec la droite?
Mais, me direz-vous, comment avez-vous pu vous trouver alternativement dans deux camps si opposés? Je vais m'expliquer.
Depuis un siècle, les partis prennent beaucoup de noms, beaucoup de prétextes; au fond, il s'agit toujours de la même chose: la lutte des pauvres contre les riches.
Or, les pauvres demandent plus que ce qui est juste, et les riches refusent même ce qui est juste. Si cela continue, la guerre sociale, dont nos pères ont vu le premier acte en 93, dont nous avons vu le second acte en juin, – cette guerre affreuse et fratricide n'est pas près de finir. Il n'y a de conciliation possible que sur le terrain de la justice, en tout et pour tous.
Après février, le peuple a mis en avant une foule de prétentions iniques et absurdes, mêlées à des réclamations fondées.
Que fallait-il pour conjurer la guerre sociale?
Deux choses:
1° Réfuter comme écrivain, repousser comme législateur les prétentions iniques;
2° Appuyer comme écrivain, admettre comme législateur les réclamations fondées.
C'est la clef de ma conduite.
Au premier moment de la Révolution, les espérances populaires étaient très-exaltées et ne connaissaient pas de limites, même dans notre département; et rappelez-vous qu'on ne me trouvait pas assez rouge. C'était bien pis à Paris; les ouvriers étaient organisés, armés, maîtres du terrain, à la merci des plus fougueux démagogues.
Le début de l'Assemblée nationale dut être une œuvre de résistance. Elle se concentra surtout dans le Comité des finances, composé d'hommes appartenant à la classe riche. Résister aux exigences folles et subversives, repousser l'impôt progressif, le papier-monnaie, l'accaparement de l'industrie privée par l'État, la suspension des dettes nationales, telle fut sa laborieuse tâche. J'y ai pris ma part; et, je vous le demande, Citoyens, si j'avais été socialiste, ce comité m'aurait-il appelé huit fois de suite à la vice-présidence?
Une fois l'œuvre de résistance accomplie, restait à réaliser l'œuvre de réforme, à l'occasion du budget de 1849. Que de taxes mal réparties à modifier! que d'entraves à supprimer! Car, enfin, cette conscription (appelée depuis recrutement), impôt de sept ans de vie, tiré au sort! ces droits réunis (appelés aujourd'hui contributions indirectes), impôt progressif à rebours, puisqu'il frappe en proportion de la misère; ne sont-ce pas là des griefs fondés de la part du peuple? Après les journées de juin, quand l'anarchie a été vaincue, l'Assemblée nationale a pensé que le temps était venu d'entrer résolument, spontanément, dans cette voie de réparation commandée par l'équité et même par la prudence.
Le Comité des finances, par sa composition, était moins disposé à cette seconde tache qu'à la première. De nouveaux éléments s'y étaient introduits par les élections partielles, et l'on y entendait dire à chaque instant: Loin de modifier les taxes, nous serions bien heureux, si nous pouvions rétablir les choses absolument comme elles étaient avant février.
C'est pourquoi l'Assemblée confia à une commission de trente membres le soin de préparer le budget. Elle chargea une autre commission de mettre l'impôt des boissons en harmonie avec les principes de liberté et d'égalité inscrits dans la Constitution. J'ai fait partie des deux; et autant j'avais été ardent à repousser les exigences utopiques, autant je l'ai été à réaliser de justes réformes.
Il serait trop long de raconter ici comment les bonnes intentions de l'Assemblée ont été paralysées. L'histoire le dira. Mais vous pouvez comprendre ma ligne de conduite. Ce qu'on me reproche, c'est précisément ce dont je m'honore. Oui, j'ai voté avec la droite contre la gauche, quand il s'est agi de résister au débordement des fausses idées populaires. Oui, j'ai voté avec la gauche contre la droite, quand les légitimes griefs de la classe pauvre et souffrante ont été méconnus.
Il se peut que, par là, je me sois aliéné les deux partis, et que je reste écrasé au milieu. N'importe. J'ai la conscience d'avoir été fidèle à mes engagements, logique, impartial, juste, prudent, maître de moi-même. Ceux qui m'accusent se sentent, sans doute, la force de mieux faire. S'il en est ainsi, que le pays les nomme à ma place. Je m'efforcerai d'oublier que j'ai perdu sa confiance, en me rappelant que je l'ai obtenue une fois; et ce n'est pas un léger froissement d'amour-propre qui effacera la profonde reconnaissance que je lui dois.
Je suis, mes chers Compatriotes, votre dévoué.