Sadece LitRes`te okuyun

Kitap dosya olarak indirilemez ancak uygulamamız üzerinden veya online olarak web sitemizden okunabilir.

Kitabı oku: «Nord-Sud: Amérique; Angleterre; Corse; Spitzberg», sayfa 13

Yazı tipi:

VII
RETOUR DU SPITZBERG

– Voulez-vous la recette, pour faire un Spitzberg ressemblant?

– Oui.

– Très simple. Vous prenez du chocolat en poudre, – une bonne quantité, – vous le disposez en cônes bien aigus et reliés par la base, dont vous avez soin d'inciser assez fortement les pentes, avec le manche d'une cuiller. Battez alors des blancs d'œufs en neige, et versez dans les creux: vous avez le Spitzberg.

Cette boutade, celui qui l'a dite ne s'en souvient déjà plus. Quatre jours ont passé. Nous sommes loin des terres inhabitées, loin de l'Océan glacial aux fortes lames courtes, et le vert a reparu, le vert d'une tige d'orge et d'un brin de gazon où il y a la vie. Avec quelle joie nos yeux l'ont bue, cette première tache d'herbe, large comme une aire à battre, au sommet d'un écueil dont l'assise était noire! Elle avait triomphé. Elle était l'annonciatrice. Elle rendait silencieux tous ceux qui la voyaient. Des sourires allaient à elle, comme à une fleur précoce qui ouvre une saison. La première cabane prit un air d'idylle. Tromsœ, ville des fourrures, nous parut un grand port, et parmi ses bouleaux cagneux plantés dans la pierraille, nous nous baissions, pour passer sous des branches.

Tout cela est loin. Cette nuit, nous avons retrouvé l'ombre, pour quelques heures; le soleil est descendu au dessous de l'horizon; plusieurs s'en sont réjouis, ayant dormi plus facilement; moi pas: j'aimais cette lumière continue, mais non égale, qui ne nous a pas quittés pendant quatorze fois vingt-quatre heures. Quand je m'éveillais, dans la couchette du bateau, et que j'ouvrais mon hublot, j'avais l'image et presque la sensation de ce qui est vraiment, d'une Intelligence qui veille sans défaillance. Nous sommes sortis de ce monde polaire. Depuis notre départ de Tromsœ, nous avons fait beaucoup de chemin vers le sud, et il me semble que nous naviguons assez loin du continent norvégien, à la limite de la poussière d'îles qui suit, en écharpe souple, le mouvement de la côte. S'il y avait des navires dans le ciel d'été, au bord de la voie lactée, les passagers auraient comme nous, et toujours à tribord, de soudaines échappées sur l'espace désert et bleu.

Je ne me trompe pas. Ce soir, 31 juillet, on nous annonce que nous allons toucher à Henningsvœr, à la pointe sud-ouest d'une des plus éloignées parmi les Lofoten. Nous nous engageons dans un détroit. Les terres montagneuses se pressent autour de nous, comme d'autres, si souvent, l'ont fait pendant la traversée, puis elles s'abaissent, et nous découvrons, droit en face, des écueils plats, nombreux, formant grappe à la surface de la mer, et qui ressemblent, de loin, à ces roches goémoneuses qui s'étendent au pied des falaises de France, et où les enfants pêchent des crevettes naines. Mais ici, la falaise est le promontoire d'Œst-Vagœ, qui monte à droite, à huit cents mètres de hauteur, et dont l'ombre, le matin, doit être lourde sur les premiers îlots. Ce soir, tout est lumière, transparence, enchantement. Bien qu'il soit plus de sept heures, le soleil, très élevé encore au-dessus de l'horizon, couvre tout l'archipel et les pentes des montagnes d'une dorure de fruit mûr ou de moisson.

Nous approchons; le relief des écueils se dessine; des maisons apparaissent, peintes en rouge, en blanc, en jaune, en bleu; puis des ponts qui relient les îlots; puis d'autres maisons que cachait une pointe: toute une ville, avec son église, ses postes de télégraphe, ses entrepôts aux pignons munis de grues, ses petits chalands aux formes de gondole, ses canaux tortueux, ramifiés, bordés de pieux pourris que bat la mer vivante. Venise très pauvre et toute pêcheuse. Le moindre bout de récif inhabitable, des dos de roches rondes, des espaces réservés entre les maisons, au bord de l'eau, sont couverts de charpentes, où pendent, par milliers, des moitiés de morues qui sèchent. Jamais, sans doute, un navire d'aussi fort tonnage que le nôtre n'est venu à Henningsvœr. Par-dessus le chenal, extrêmement étroit, qui permet d'arriver devant la ville, on avait établi un fil téléphonique à soixante pieds peut-être en l'air. Mais la mâture de l'Ile-de-France est plus haute encore, et le fil, heurté par elle en son milieu, tendu, criant comme une corde de violon, se rompt tout à coup et tombe le long de la coque.

Lorsque nous débarquons, nous constatons que tous les entrepôts et beaucoup de maisons sont fermés. Nous ne rencontrons que des femmes et des enfants, autour des séchoirs et le long de l'unique ruelle taillée dans le rocher. Où sont les hommes? A la pêche. Henningsvœr est une hôtellerie et un rendez-vous. Village pendant neuf mois, elle est une ville pendant trois. Le mois de mars amène dans les Lofoten d'immenses bancs de morues. Alors quinze mille pêcheurs, de tous les points de la Norvège, se précipitent vers les roches plates, à la pointe d'Œst-Vagœ; les maisons rouges, les maisons bleues s'emplissent jusqu'au toit; les cabarets regorgent de clients, – qui ne boivent plus d'absinthe ou d'eau-de-vie, paraît-il, – et, dans la brume des soirs interminables, l'odeur des pipes et du sang frais de morue dénonce au loin, sur la mer, la résurrection d'Henningsvœr.

Je passe une heure couché sur un bloc de roche grise, à regarder l'archipel minuscule, et la ville dispersée, proprette et close, et la lueur des eaux sous les rayons très penchés du soleil, – car il est près de dix heures du soir. Au-dessous de mon observatoire, s'étend la seule prairie de l'îlot, où trois vaches paissent une herbe très courte et d'un vert éclatant. La mer et la montagne inhabitée pressent et menacent de toutes parts, et font un cadre tragique à toutes ces maisons peintes en clair et posées sur l'écueil misérable. Comment des peintres ne viennent-ils pas ici? Une petite fille, douze ans peut-être, aux cheveux d'un blond d'avoine, aux yeux gris, et qui a ce calme et cette clarté nivéenne du visage, si fréquents chez les Scandinaves, est interrogée par un de mes compagnons: «Veux-tu venir en France, petite? – Oui. – Pour y rester? – Non. – Tu serais mieux logée qu'à Henningsvœr, à Paris, mieux nourrie, et tu verrais de belles choses? – Je veux bien voir Paris, mais je reviendrai en Norvège: il n'y a pas d'aussi beau pays.» Je modifierai un peu sa réponse pour me l'approprier, je dirai: «Il n'y a pas de plus beaux paysages côtiers, plus grands, ni plus variés, et la lumière chaude n'est pas l'égale, en richesse, de la lumière froide.»

2 août.– En quittant Henningsvœr, j'avais aperçu, avant-hier, à l'extrême horizon, l'ennemi redoutable, la brume. Sur toute la longueur d'une chaîne de montagnes, elle n'avait encore trouvé qu'une issue, un col étroit et très élevé, et elle coulait par là vers la mer où nous étions ancrés. Elle formait une nappe moutonneuse dont l'extrême bord, mobile et nerveux comme l'antenne d'une bête, tâtait l'herbe et la roche de la haute vallée, et sursautait, et reprenait contact avec la terre un peu plus bas.

Quelle rapidité le vent lui a-t-il donnée, le vent que nous n'avons pas senti, mais qui l'a refoulée? Elle nous a rattrapés. Depuis hier, nous sommes immobiles, bloqués par elle, séparés de tout, réduits à ne plus voir que notre propre navire et les mines déconfites des passagers, qui n'ont pas la patience des marins. «Combien de temps cela dure-t-il? – Quelquefois trois jours et plus.» Il n'y a encore que vingt-trois heures que la sirène crie aux autres aventuriers de la mer et des îles: «Attention; tâchez de nous découvrir à temps; ne nous heurtons pas!» C'est bien toujours la nappe blanche qui passe, avec ses noyaux de vapeurs arrondis comme des bulles et séparés par des clairs; elle plane, à présent, elle est accrochée au passage par toutes les pointes qui la retiennent et la retardent. Et les îles, les îlots, les roches sont innombrables autour de nous.

Tout à l'heure, dans une maille éclatée du nuage, j'ai vu le danger, partout: des courbes brunes, qu'un souffle de fumée pâle a aussitôt recouvertes, une balise, une silhouette incomplète et sans base, qui a sombré subitement. Le soleil n'est nulle part et il est partout. Il a l'air de se lever là où l'ombre diminue. Nous sommes trompés à chaque instant par ses rayons emprisonnés dans la brume, et qui tombent quand elle s'entr'ouvre, comme tomberait le pollen d'une fleur blanche et confuse. On s'ennuie.

A cinq heures du soir, au-dessus des mâts, on devine du bleu à travers un voile. Nous partons, nous faisons un kilomètre, à toute petite vitesse, et la brume se referme, au-dessus de nous, en avant, en arrière, et il faut continuer d'avancer, parce que, désormais, les fonds sont de plusieurs centaines de mètres, et qu'on ne peut plus jeter l'ancre.

Je me suis établi sur le gaillard d'avant, et je guette, moi aussi, comme le vieux pilote à visage de phoque qui se tient sur la passerelle. J'admire cet homme, qui n'a, pour conduire le navire, en ce moment difficile, que ses souvenirs de vieux marin et ses yeux, qui se font tout petits, entre ses cils tout blancs. D'un geste de la main, qu'il tient tendue en arrière, il indique au timonier: à bâbord, à tribord.

Il n'y a qu'une chose qu'il ne voie pas: c'est la double ride que fait la proue de l'Ile-de-France, et qui va s'élargissant, pli frissonnant, d'un mauve tendre, sur l'eau nacrée par la brume. Une sirène répond à la nôtre; un caboteur tout noir sort tout à coup du brouillard et se range dans notre sillage; un gros vapeur allemand glisse à bâbord et nous dépasse; nous le dépassons à notre tour; quelquefois, à des nuances, à un souffle, on sent qu'il y a des terres toutes proches et on ne les voit pas; plus loin, dans la nuit qui tombe, on entend l'aboiement d'un chien; plus loin encore, on aperçoit, une seconde, sur deux grosses pierres, deux hommes debout qui regardent passer le grand fantôme que nous devons être; puis ce sont des bouts de grèves dans une éclaircie, une maison, un arbre, un commencement de lumière et de paysage qui s'éteint.

Pendant six heures, le vieux pilote immobile cherche et trouve son chemin, dans le nuage tout plein d'écueils. J'ai le regret des terres qui ont fui, et que je ne connaîtrai pas. Je songe à un autre voyage, qui se fait dans la brume aussi, parmi tant de choses qu'elle nous cache et tant d'âmes voisines et ignorées. A minuit, tout est fini: un dernier bas-fond arrondit sa plage en dos de baleine; un feu de phare s'allume au ras de l'eau, porté par quatre pieux comme une chapelle votive; la dangereuse guenille blanche est restée en arrière, et nous allons vers le large.

FIN
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
25 haziran 2017
Hacim:
220 s. 1 illüstrasyon
ISBN:
http://www.gutenberg.org/ebooks/34708
Telif hakkı:
Public Domain
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre
Metin
Ortalama puan 0, 0 oylamaya göre