Kitabı oku: «Avant Qu’il Ne Traque », sayfa 3

Yazı tipi:

CHAPITRE CINQ

Il était 22h10 quand elle entra dans le commissariat. L’endroit était complètement désert et les seuls signes de vie émanaient d’une femme qui avait l’air de s’ennuyer assise derrière un bureau – qui faisait probablement office de dispatch pour le département de police de Kingsville – et de deux policiers qui avaient une conversation animée sur la politique dans le couloir derrière le bureau où était assise la femme.

En dépit de son aspect plutôt terne, le commissariat avait l’air d’être très bien organisé. La femme assise derrière le bureau avait déjà fait des copies de tous les dossiers dont le shérif Tate lui avait parlé et les avait rangés dans un classeur pour les donner à Mackenzie dès son arrivée. Mackenzie la remercia et lui demanda si elle pouvait lui recommander un hôtel dans la région. Il s’avéra que Kingsville n’avait qu’un seul motel et qu’il se trouvait à moins de trois kilomètres du commissariat de police.

Dix minutes plus tard, Mackenzie ouvrait la porte de sa chambre au Motel 6. Elle était très certainement restée dans des hôtels bien pires au cours de sa carrière au FBI, mais ce n’était clairement pas le genre d’endroit à recevoir des éloges sur Yelp ou Google. Elle n’accorda que très peu d’attention à l’aspect rudimentaire de la chambre, elle posa les dossiers sur la petite table près du lit et se mit à les éplucher.

Elle prenait des notes tout en parcourant les dossiers. La première chose qu’elle découvrit, et probablement la plus inquiétante, c’était que des quatorze suicides qui avaient eu lieu durant les trois dernières années, onze avaient été commis du Miller Moon Bridge. Les trois autres consistaient en une pendaison dans un grenier et deux suicides par arme à feu.

Mackenzie en savait assez sur les petites villes pour comprendre l’attrait que pouvait exercer un monument aussi rustique que le Miller Moon Bridge. Son histoire et son aspect négligé séduisaient, et particulièrement les adolescents. Et de fait, comme le confirmaient les dossiers étalés devant elle, six des quatorze suicides avaient été commis par des jeunes de moins de vingt et un ans.

Elle se mit à étudier les dossiers et bien qu’ils ne soient pas aussi détaillés qu’elle l’eut souhaité, ils étaient tout de même plus qu’honnêtes en comparaison de ce qu’elle avait pu voir dans la plupart des commissariats de police de petites villes. Elle continua à prendre des notes et finit avec une liste exhaustive de détails qui lui permirent de mieux comprendre les multiples suicides liés au Miller Moon Bridge. Après environ une heure, elle avait assez d’informations pour se faire une petite idée.

Tout d’abord, des quatorze personnes qui s’étaient suicidées, exactement la moitié d’entre elles avaient laissé une note. Ces notes indiquaient clairement qu’ils avaient pris la décision de mettre fin à leurs jours. Chaque dossier incluait une copie de la lettre en question et chacune d’entre elles exprimait une forme de regret. Ils disaient à leurs proches qu’ils les aimaient mais qu’ils ressentaient une douleur qu’ils ne parvenaient pas à surmonter.

Les sept autres suicides auraient presque pu être considérés comme de potentielles affaires de meurtres : des corps surgis de nulle part et en mauvais état. Il avait été prouvé que l’une des personnes qui s’étaient suicidées, une jeune fille de dix-sept ans, avait récemment eu des relations sexuelles. Quand ils purent identifier son partenaire grâce à l’ADN laissé sur son corps, il avait pu prouver par des messages qu’elle était venue chez lui, qu’ils avaient eu des relations sexuelles, puis qu’elle était partie. Et il semblerait qu’elle se soit jetée du Miller Moon Bridge trois heures plus tard.

Dans ces quatorze dossiers, le seul cas qui lui semblait avoir valu la peine d’y regarder de plus près, était le triste et regrettable suicide d’un jeune garçon de seize ans. Quand son corps avait été retrouvé sur les roches ensanglantées en-dessous du pont, il montrait des bleus sur la poitrine et sur les bras qui n’avaient aucun lien avec les blessures causées par sa chute. Après quelques jours, la police avait découvert que le garçon souffrait régulièrement de mauvais traitements de la part de son père alcoolique qui tenta d’ailleurs de se suicider trois jours après la découverte du cadavre de son fils.

Mackenzie finit sa séance de recherche avec le dossier plus récent concernant Malory Thomas. Son cas était un peu différent des autres car elle avait été retrouvée nue. Le dossier révélait que ses vêtements avaient été retrouvés soigneusement empilés sur le pont. Il n’y avait aucun signe d’abus, ni d’activité sexuelle récente et aucune trace de crime. Pour une raison ou une autre, il semblerait tout simplement que Malory Thomas ait décidé de se jeter du pont dans son plus simple apparat.

Mais ça paraît quand même bizarre, pensa Mackenzie. Même un peu déplacé. Si tu es sur le point de mettre fin à tes jours, pourquoi chercher à exposer ton corps de cette manière ?

Elle y réfléchit pendant un instant, puis se rappela la psychiatre dont le shérif Tate lui avait parlé. Mais maintenant qu’il était presque minuit, il était trop tard pour l’appeler.

Minuit, pensa-t-elle. Elle regarda son téléphone, surprise qu’Ellington n’ait pas encore essayé de la joindre. Elle se dit qu’il essayait sûrement de la jouer cool – ne voulant pas la déranger jusqu’à ce qu’elle soit dans de meilleures dispositions. Et franchement, elle ne savait pas vraiment dans quel état d’esprit elle se trouvait pour l’instant. Bon, il avait commis une erreur dans sa vie bien avant de la connaître… alors, pourquoi est-ce que ça la dérangeait autant ?

Elle ne savait pas vraiment pourquoi. Mais ce dont elle était sûre, c’était que ça la dérangeait… et pour l’instant, c’était vraiment tout ce qui comptait.

Avant de se mettre au lit, elle regarda la carte de visite que la femme du commissariat avait mise dans le dossier. C’était le nom, le numéro de téléphone et l’adresse email de la psychiatre du coin, le Dr. Jan Haggerty. Afin de préparer au mieux le terrain, Mackenzie lui envoya un email afin de l’informer qu’elle était en ville, de la raison de sa visite et en lui demandant s’il était possible de se rencontrer le plus tôt possible. Mackenzie se dit que si elle n’avait pas reçu de réponse du Dr. Haggerty demain matin vers neuf heures, elle l’appellerait.

Avant d’éteindre les lumières, elle pensa à appeler Ellington pour voir comment il allait. Elle était certaine qu’il était probablement occupé à se morfondre et à boire des bières, affalé sur le divan en envisageant d'y passer la nuit.

L'imaginer dans cet état lui facilita la tâche. Elle éteignit les lumières et, dans l'obscurité, elle commença à avoir l'impression de se trouver dans une ville plus sinistre que d'habitude. Le genre de ville qui dissimulait d'horribles cicatrices, toujours dans l'obscurité non pas en raison de son cadre rural mais plutôt à cause des marques laissées sur une route en graviers à environ dix kilomètres de l'endroit où elle se trouvait actuellement. Et bien qu'elle fit de son mieux pour chasser cette pensée de son esprit, elle s'endormit avec des images de jeunes adolescents se jetant dans le vide depuis le Miller Moon Bridge.

CHAPITRE SIX

Elle fut réveillée en sursaut par la sonnerie de son téléphone. L'horloge sur la table de chevet indiquait 6h40 au moment elle tendit la main pour l'attraper. Elle vit le nom de McGrath qui s'affichait à l'écran et avant de décrocher, elle eut juste le temps de se dire qu'elle aurait préféré que ce soit Ellington.

« Agent White. »

« White, où en est-on avec cette enquête concernant le neveu du directeur Wilmoth ? »

« Et bien, pour l'instant, ça ressemble clairement à un suicide. Si les choses se déroulent comme je le pense, je devrais être de retour à Washington cet après-midi. »

« Aucun signe de crime ? »

« Pas que je sache. Et si je peux me permettre de vous poser cette question... est-ce que le directeur Wilmoth préférerait que ce soit un crime ? »

« Non. Mais pour être tout à fait honnête... un suicide dans la famille d'un homme occupant sa position, ça ne fait pas bonne figure. Il voudrait juste avoir tous les détails avant que ça ne devienne public. »

« OK, compris. »

« White, est-ce que je vous ai réveillée ? » demanda-t-il, sur un ton bourru.

« Bien sûr que non, monsieur. »

« Maintenez-moi informé des progrès de l'enquête, » dit-il avant de raccrocher.

Pas la manière la plus agréable de se réveiller, pensa Mackenzie en sortant du lit. Elle alla se doucher et quand elle eut terminé, elle enroula une serviette autour d’elle et sortit de la salle de bain en entendant à nouveau la sonnerie de son téléphone.

Elle ne reconnut pas le numéro et décrocha immédiatement. Avec ses cheveux encore mouillés, elle répondit : « Agent White. »

« Agent White, c'est Jan Haggerty, » dit une voix sombre. « Je viens juste de terminer de lire votre email. »

« Merci de m'avoir appelée aussi vite, » dit Mackenzie. « Je sais que c'est beaucoup demander à quelqu'un dans votre profession, mais est-ce qu'on pourrait se rencontrer aujourd'hui pour discuter ? »

« Il n'y a aucun problème, » dit Haggerty. « Je travaille de chez moi et mon premier rendez-vous n'est pas avant neuf heures trente. Si vous me laissez une demi-heure pour me préparer, on peut se voir ce matin. Je préparerai du café. »

« OK, super, » dit Mackenzie.

Haggerty donna son adresse à Mackenzie et elles raccrochèrent. Vu qu’elle avait une demi-heure devant elle, Mackenzie décida de se comporter en adulte et d'appeler Ellington. Ça ne leur servirait à rien d'essayer d'éviter le sujet ou d'espérer que l'autre en ferait tout simplement abstraction en optant pour la politique de l'autruche.

Quand il décrocha, il avait l'air fatigué. Mackenzie supposa qu'elle venait de le réveiller, ce qui n'était pas vraiment surprenant vu qu'il avait tendance à dormir les jours où il ne travaillait pas. Mais elle entendit également une pointe d'optimisme dans sa voix.

« Salut, » dit-il.

« Bonjour, » dit-elle. « Comment vas-tu ? »

« Je ne sais pas vraiment, » répondit-il, presque immédiatement. « Un peu déboussolé serait la meilleure manière de le décrire. Mais je survivrai. Plus j'y pense, plus je suis certain que ça va passer. Ce sera un accroc dans ma carrière professionnelle mais tant que je peux retourner travailler, je pense que ça ira. Et toi ? Comment va ton enquête super top secrète ? »

« Presque terminée, je pense, » dit-elle. Quand elle l'avait appelé hier soir, en chemin vers Kingsville, elle n'avait pas partagé trop de détails concernant l'affaire. Elle s'était contentée de lui dire que ce n'était pas une enquête qui allait la mettre en danger. Elle veilla également de ne pas lui en dire beaucoup plus maintenant non plus. C'était quelque chose qui arrivait parfois entre agents quand une affaire était clôturée ou sur le point de l'être.

« Tant mieux » dit-il. « Car je n'aime pas la manière dont la conversation s'est terminée entre nous hier. Je ne sais pas... eh bien, je ne sais pas de quoi il faut que je m'excuse. Mais j'ai tout de même l'impression que je t'ai fait du tort dans tout ça. »

« On ne peut rien y faire, » dit Mackenzie, en détestant entendre sortir une telle phrase clichée de sa bouche. « Je devrais rentrer ce soir. On en parlera à ce moment-là. »

« OK, super. Fais attention à toi. »

« Toi aussi, » dit-elle, avec un petit rire forcé.

Ils raccrochèrent et bien qu'elle se sente un peu mieux de lui avoir parlé, elle ne pouvait ignorer la tension qu'elle continuait de ressentir. Mais elle ne se laissa pas le temps d'y penser. Elle sortit dans Kingsville pour aller petit-déjeuner et faire passer le temps avant de se rendre chez le Dr. Haggerty.

***

Le Dr. Haggerty vivait seule dans une maison à un étage de style colonial, érigée au milieu d'un magnifique jardin. Plusieurs ormes et chênes se dressaient à l'arrière et formaient une ombre qui planait au-dessus de la maison. Le Dr. Haggerty accueillit Mackenzie à la porte d'entrée avec un sourire et une odeur de café frais derrière elle. Elle devait avoir près de la soixantaine et elle avait des cheveux gris qui parvenaient encore à conserver une bonne partie de sa couleur brune. Elle observa Mackenzie à travers une petite paire de lunettes. Quand elle invita Mackenzie à entrer, elle fit un geste de ses bras maigres et lui parla d'une voix qui ressemblait plus à un murmure.

« Je vous remercie encore d'avoir accepté de me rencontrer, » dit Mackenzie. « Surtout dans un délai aussi court. »

« Ce n'est vraiment pas un problème, » dit-elle. « Entre nous, j'espère qu'on arrivera à rassembler assez d'éléments pour que le shérif Tate suggère au comté de faire enfin démolir ce fichu pont. »

Haggerty versa une tasse de café à Mackenzie et les deux femmes s'assirent à la petite table qui se trouvait dans un charmant coin petit-déjeuner, juste à côté de la cuisine. À côté de la table, une fenêtre s'ouvrait sur les ormes et les chênes qui se dressaient dans le jardin arrière.

« J'imagine que vous avez été informée des événements d'hier après-midi ? » demanda Mackenzie.

« Oui, » dit Haggerty. « Kenny Skinner. Vingt-deux ans, c'est bien ça ? »

Mackenzie hocha la tête, tout en buvant une gorgée de son café. « Et Malory Thomas, il y a quelques jours. Maintenant... pouvez-vous me dire pourquoi vous insistez autant auprès du shérif concernant ce pont ? »

« Eh bien, Kingsville n'a pas grand-chose à offrir. Et bien que les gens vivant dans une petite ville ne veuillent pas l'admettre, un coin perdu comme ici n'a jamais rien eu à offrir aux adolescents et aux jeunes adultes. Et quand ce genre de choses arrivent, des points de repère morbides comme le Miller Moon Bridge deviennent emblématiques. En consultant les archives de la ville, les habitants mettaient déjà fin à leurs jours depuis ce pont dès 1956, quand il était encore en service. À notre époque, les jeunes gens sont exposés à tellement de négativité et de problèmes de confiance en eux qu'une construction aussi emblématique que ce pont peut prendre beaucoup plus d'importance. Les jeunes qui cherchent à sortir d'une manière ou d'une autre de cette ville en arrivent à des extrêmes et il ne s'agit plus seulement de sortir d'ici... mais d'en finir avec la vie en général. »

« Alors vous pensez que ce pont offre aux jeunes gens suicidaires un moyen facile de mettre fin à leurs jours ? »

« Pas vraiment un moyen facile en soi, » dit Haggerty. « C'est plutôt comme un point de repère pour eux. Et ceux qui ont sauté de ce pont avant eux n'ont fait que leur montrer la voie. Ce pont n'est même plus vraiment un pont. C'est une plate-forme à suicides. »

« Hier soir, le shérif Tate m'a également dit que vous aviez du mal à croire que tous ces suicides puissent vraiment n'être que des suicides. Est-ce que vous pourriez m'en dire plus à ce sujet ? »

« Oui, bien sûr... et on peut commencer en prenant Kenny Skinner comme exemple. Kenny était un type populaire. Entre nous, je ne pense pas qu'il allait faire quoi que ce soit d'extraordinaire dans sa vie. Il aurait probablement continué à vivre ici le reste de sa vie, en travaillant au magasin de pneus et de tracteurs de Kingsville. Mais il avait une vie plutôt agréable ici, vous savez ? D'après ce que je sais, les filles l'aimaient plutôt bien et dans une ville comme celle-ci – enfin, dans un comté comme celui-ci – c'est le genre de choses qui vous garantit de passer de bons week-ends. J'ai personnellement parlé à Kenny au cours de ce dernier mois, quand j'ai crevé un pneu après avoir roulé sur un clou. C'est lui qui me l'a réparé. C'était un garçon poli, rieur, avec de bonnes manières. J'ai vraiment du mal à croire qu'il ait pu se suicider de cette manière. Et si vous faites des recherches concernant les personnes qui se sont jetées de ce pont au cours des trois dernières années, il y a au moins une ou deux autres personnes pour lesquelles j'ai vraiment des doutes... des personnes que je n'aurais jamais imaginé pouvoir se suicider. »

« Alors vous pensez qu'il pourrait s'agir de crimes ? » demanda Mackenzie.

Haggerty réfléchit un instant avant de répondre. « C'est l'impression que j'ai, mais je ne peux pas non plus l'affirmer en toute certitude. »

« Et j'imagine que cette impression se base sur votre opinion professionnelle et non pas uniquement sur le fait qu'autant de suicides dans votre ville vous attriste ? » demanda Mackenzie.

« Tout à fait, » dit Haggerty, tout en ayant l’air un peu offusquée par la nature de la question.

« Est-ce que vous avez eu Kenny Skinner ou Malory Thomas en tant que clients ? »

« Non. Et aucune des autres victimes depuis 1996. »

« Donc vous avez rencontré au moins l'une des personnes qui s'est suicidée de ce pont ? »

« Oui, une seule. Et avec elle, je l'ai vu venir. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour convaincre sa famille qu'elle avait besoin d'aide. Mais j'étais à peine parvenue à leur faire comprendre la situation, qu'elle se jetait de ce pont. Vous voyez... dans cette ville, le Miller Moon Bridge est synonyme de suicide. Et c'est pour ça que je voudrais vraiment que le comté prenne la décision de le détruire. »

« Car vous pensez qu'il attire trop facilement toute personne ayant des tendances suicidaires ? »

« Exactement. »

Mackenzie sentit que la conversation arrivait à sa fin. Elle avait appris tout ce qu'elle avait à savoir. Elle était convaincue que le Dr. Haggerty n'était pas le genre de personnes à exagérer les faits juste pour se rendre intéressante. Bien qu'elle ait essayé de minimiser ce qu'elle pensait de peur de se tromper, Mackenzie sentait qu'Haggerty était fermement convaincue que quelques-uns de ces suicides n'en étaient pas.

Et cette petite pointe de scepticisme était tout ce dont Mackenzie avait besoin. S'il y avait la moindre chance que l'un des deux derniers cadavres soit un meurtre et non un suicide, elle voulait en être tout à fait certaine avant de rentrer à Washington.

Elle finit son café, remercia le Dr. Haggerty pour le temps qu'elle lui avait consacré, et quitta la maison. En chemin vers sa voiture, elle regarda la forêt qui entourait Kingsville. Elle regarda en direction de l'Ouest, vers l'endroit où se dressait le Miller Moon Bridge, accessible uniquement à travers une série de routes de campagne et un chemin en graviers qui semblait indiquer aux voyageurs qu'ils arrivaient en bout de parcours.

En revoyant l'image des roches ensanglantées en-dessous du pont, Mackenzie fut parcourue d'un frisson.

Elle écarta cette pensée, démarra le moteur et sortit son téléphone. Si elle voulait en avoir le cœur net concernant cette affaire, il allait falloir qu'elle l'aborde comme s'il s'agissait d'une enquête pour meurtre. Il fallait donc qu'elle commence par parler avec les membres de la famille de la victime la plus récente.

CHAPITRE SEPT

Avant de rendre visite à la famille de Kenny Skinner, Mackenzie appela McGrath pour avoir son accord explicite. Sa réponse fut claire, nette et précise : Je m'en fous s'il faut que vous parliez avec toute l'équipe de baseball du coin, tant que vous me solutionnez cette affaire !

Après avoir reçu cette confirmation, elle n'eut plus aucun problème à se rendre chez Pam et Vincent Skinner. D'après ce que McGrath lui avait expliqué, Pam Skinner était autrefois Pam Wilmoth. Sœur ainée du directeur adjoint Wilmoth, elle travaillait de chez elle en tant qu'experte en soumission de projets pour une agence environnementale. Quant à Vincent Skinner, c'était le propriétaire du magasin de pneus et de tracteurs de Kingsville, où son fils travaillait depuis ses quinze ans.

Quand Mackenzie frappa à leur porte, elle ne fut reçue par aucun des Skinner, mais par le pasteur de l'église presbytérienne de Kingsville. Quand Mackenzie lui montra son badge et lui expliqua la raison de sa visite, il la fit entrer et lui demanda d'attendre dans le vestibule. La famille Skinner vivait dans une jolie maison à un coin de rue, dans le quartier qui devait vraisemblablement correspondre au centre-ville de Kingsville. Elle sentit l'odeur agréable de quelque chose qui cuisait au four, venant probablement de la cuisine, au bout d'un long couloir. Quelque part dans la maison, elle entendit le bruit de la sonnerie d'un téléphone. Elle entendit également la voix étouffée du pasteur, qui informait Pam et Vincent Skinner qu'une femme du FBI était là et souhaitait leur poser quelques questions concernant Kenny.

Cela prit quelques minutes mais Pam Skinner finit par venir à sa rencontre. La femme avait le visage rougi par les larmes et avait l'air de ne pas avoir dormi de la nuit.

« Vous êtes l'agent White ? » demanda-t-elle.

« Oui, c'est moi. »

« Merci d'être venue, » dit Pam. « Mon frère m'avait informée que vous viendriez à un moment ou à un autre. »

« Si c'est trop tôt, je peux... »

« Non, non, je préfère en finir le plus tôt possible, » dit-elle.

« Est-ce que votre mari est à la maison ? »

« Il a choisi de rester dans le salon avec notre pasteur. Vincent a vraiment beaucoup de mal avec ce qui s’est passé. Il s'est évanoui à deux reprises hier soir et il passe par des phases où il refuse tout simplement de croire que ça ait vraiment eu lieu et... »

Et semblant surgir de nulle part, un énorme sanglot sortit de la gorge de Pam. Elle s'appuya contre le mur, prit une profonde inspiration et ravala ce qui semblait être un énorme chagrin qui avait besoin de sortir.

« Madame Skinner... Je peux revenir plus tard. »

« Non, il vaut mieux que ce soit maintenant. Il a fallu que je sois forte et que je tienne le coup toute la nuit pour Vincent. Je pense que je pourrai encore tenir quelques minutes de plus pour vous. Venez... allons dans la cuisine. »

Mackenzie suivit Pam Skinner le long du couloir, en direction de la cuisine où elle commença à reconnaître l'odeur qu'elle avait remarquée en arrivant. Apparemment, Pam préparait des brioches a la cannelle, en cherchant peut-être par là à oublier sa peine et à adopter une certaine forme de normalité. Pam vérifia la cuisson de manière peu enthousiaste pendant que Mackenzie s'installait sur un tabouret au comptoir de la cuisine.

« J'ai parlé avec le Dr. Haggerty ce matin, » dit Mackenzie. « Elle essaie depuis des années de faire détruire le Miller Moon Bridge. A un moment, elle a mentionné le nom de votre fils. Elle a du mal à croire que Kenny ait pu se suicider. »

Pam hocha catégoriquement la tête. « Elle a absolument raison. Il est impossible que Kenny se soit suicidé. Rien que l'idée est complètement ridicule. »

« Est-ce que vous avez des raisons de penser que quelqu'un pourrait vouloir faire du mal à votre fils ? »

Pam secoua la tête, de manière aussi catégorique qu'elle avait acquiescé quelques instants plus tôt. « J'y ai pensé toute la nuit. Et bien sûr, ça a fait ressurgir quelques vérités un peu dérangeantes concernant Kenny. Il y avait bien l'un ou l'autre gars qui ne l'aimait pas spécialement car il avait tendance à piquer les petites copines des autres. Mais rien de vraiment sérieux en soi. »

« Et au cours des dernières semaines, est-ce que vous avez entendu Kenny dire quoi que ce soit ou agir d'une certaine façon qui aurait pu indiquer qu'il envisageait de mettre fin à ses jours ? »

« Non. Rien de tel. Même quand Kenny était de mauvaise humeur, il parvenait à illuminer une pièce. Il était rarement fâché pour quoi que ce soit. Ce n'était pas un enfant parfait mais mon dieu, je ne pense pas qu'il ait eu la moindre colère ou haine en lui. C'est absolument incompréhensible qu'il puisse s'être suicidé. »

Un autre sanglot lui échappa entre les mots s'être et suicidé.

« Est-ce que vous savez s'il se sentait lié d'une manière ou d'une autre à ce pont ? » demanda Mackenzie.

« Pas plus que les autres adolescents et jeunes adultes en ville. J'imagine qu'il a probablement été y boire de l'alcool à l'occasion ou éventuellement y amener une fille, mais rien qui ne sorte de l'ordinaire. »

Mackenzie sentit que Pam Skinner était sur le point de craquer. Encore une minute ou deux et elle allait s'effondrer en sanglots.

« J'ai une dernière question à vous poser et sachez qu'il est vraiment nécessaire que je vous la pose. Êtes-vous certaine que vous connaissiez bien votre fils ? Est-ce que vous pensez qu'il soit possible qu'il ait une sorte de double vie ou des secrets qu'il vous ait cachés, à vous et à votre mari ? »

Elle y réfléchit un instant et ses yeux se remplirent de larmes. Lentement, elle dit, « J'imagine que tout est possible. Mais si Kenny nous dissimulait vraiment des choses, il le faisait avec brio. Et bien qu'il ait beaucoup de qualités, il n'était pas vraiment du genre déterminé. Alors, pour qu'il parvienne à nous cacher une double vie... »

« Je vois ce que vous voulez dire, » dit Mackenzie. « Maintenant, je vais vous laisser tranquille. Mais si vous repensez à quoi que ce soit d'important dans les prochains jours, n'hésitez pas à m'appeler. »

Sur ces mots, Mackenzie se leva et posa sa carte de visite sur le plan de travail. « Je vous présente encore toutes mes condoléances, madame Skinner. »

Mackenzie partit rapidement mais de manière polie. Elle ressentit tout le poids du chagrin de la famille jusqu'à ce qu'elle soit finalement dehors, avec la porte refermée derrière elle. Et même alors, en se dirigeant vers sa voiture, elle pouvait entendre les sanglots de Pam Skinner qui avait fini par craquer. Au son obsédant de cette douleur, Mackenzie sentit son cœur se briser un petit peu.

Même lorsqu'elle fut sur la route, le bruit des sanglots de Pam Skinner continua à résonner dans sa tête comme une brise d'automne faisant voler des feuilles mortes dans une rue déserte.

Ücretsiz ön izlemeyi tamamladınız.

Yaş sınırı:
16+
Litres'teki yayın tarihi:
10 ekim 2019
Hacim:
252 s. 4 illüstrasyon
ISBN:
9781640294950
İndirme biçimi:
epub, fb2, fb3, ios.epub, mobi, pdf, txt, zip