Kitabı oku: «Le mensonge d’un voisin», sayfa 2

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CHAPITRE DEUX

Chloé ne savait pas trop à quoi s'attendre quand elle entra au QG du FBI le lendemain matin. Mais ce à quoi elle ne s'attendait absolument pas du tout, c'était d'être accueillie par un agent plus âgé dans le hall d’entrée. Elle remarqua qu’il l’avait aperçue et elle se demanda comment réagir quand elle le vit marcher droit sur elle. Pendant un instant, elle pensa qu'il s'agissait de l'agent Greene, l'homme qui lui avait fait office d'instructeur et de partenaire dans l'affaire qui lui avait permis de découvrir la vérité à propos de son père.

Mais après l’avoir mieux regardé, elle se rendit compte que cet agent était une toute autre personne. Il paraissait taillé dans la roche, sa bouche dessinant une ligne étroite à travers sa mâchoire.

« Chloé Fine ? » demanda l'agent.

« Oui ? »

« Le directeur Johnson aimerait vous parler avant la séance d'orientation. »

Elle se sentit à la fois excitée et terrorisée. Le directeur Johnson avait fait une exception avec elle quand elle avait fait équipe avec Greene. Avait-il changé d'avis ? Ses actions dans cette dernière affaire lui avaient-elles porté préjudice ? Était-elle arrivée aussi loin pour voir, dès le premier jour, ses rêves s'écrouler ?

« Pour quelle raison ? »

L'agent haussa les épaules, comme s'il s'en moquait royalement. « Par ici, s'il vous plaît, » dit-il.

Il l'accompagna jusqu’aux ascenseurs et, pendant un moment, Chloé eut l’impression de faire un retour dans le passé. Elle se revit marchant vers ces mêmes ascenseurs, un peu plus de deux mois auparavant, avec cette même boule d'inquiétude au ventre, en sachant qu'elle allait rencontrer le directeur Johnson. Et tout comme la dernière fois, cette boule d'inquiétude commença à envahir tout son corps au moment où l’ascenseur se mit à monter.

L'agent au visage impassible l’accompagna en dehors de l'ascenseur quand celui-ci s'arrêta au deuxième étage. Ils traversèrent plusieurs salles et bureaux avant que l'agent ne s'arrête devant le bureau de Johnson. La secrétaire hocha poliment la tête pour les saluer, avant de dire : « Vous pouvez entrer. Il vous attend. »

L'agent au visage impassible lui fit également un léger hochement de tête - mais pas de manière aussi polie - et il fit un signe vers la porte du bureau. Il était clair qu'il n'allait pas entrer.

S'efforçant de rester calme et détendue, Chloé se dirigea vers la porte du bureau du directeur Johnson. Qu'est-ce qui me rend aussi nerveuse ? se demanda-t-elle. La dernière fois qu’il m’a convoquée dans son bureau, il m’a assigné des responsabilités et des tâches que beaucoup de nouveaux agents n’ont pas la chance d’avoir. C'était vrai, mais cela ne l'aidait en rien à se calmer.

Quand elle entra, le directeur Johnson était assis à son bureau, occupé à lire quelque chose sur son laptop. Quand il leva la tête, il fixa toute son attention sur elle ; il referma même son ordinateur.

« Agent Fine, » dit-il. « Merci d’être venue. Cela ne prendra qu'une seconde. Je ne veux pas que vous ratiez une partie de la séance d'orientation – qui, je vous le dirai franchement – est assez rapide. »

Être appelée Agent Fine la combla de joie, mais elle essaya qu'il n'en paraisse rien. Elle prit une chaise en face de son bureau et lui adressa un sourire aussi détaché que possible. « Aucun problème, » lui dit-elle. « Suis-je... enfin, il y a quelque chose qui ne va pas ? »

« Non, non, pas du tout, » dit-il. « Je voulais juste vous parler d’une autre option en ce qui concerne votre affectation. J’ai cru comprendre que vous dirigiez votre carrière vers l’équipe scientifique. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez toujours voulu faire ? »

« Oui, monsieur. J'ai toujours eu un bon œil pour les détails. »

« Oui, c'est ce que j'ai entendu dire. L'agent Greene a parlé de vous en termes élogieux. Et mis à part quelques contretemps dans les événements d'il y a deux mois, je dois l'admettre – j'étais moi-même très impressionné. Vous vous comportez avec une confiance en vous inébranlable, ce qui est rare chez les nouveaux agents. Et c'est pour cette raison, et au vu des éloges que j'ai reçus de l'Agent Greene et de certains de vos instructeurs à l'académie, que je voudrais vous demander de reconsidérer le choix de votre département. »

« Est-ce que vous pensez à un département en particulier ? » demanda Chloé.

« Avez-vous déjà entendu parler du programme ViCAP ? »

« Le Programme de Détention de Criminels Violents ? Oui, j'en ai entendu parler. »

« Le nom s'explique de lui-même, mais je pense que c'est compatible avec vos capacités d’attention aux détails. De plus, pour être tout à fait sincère avec vous, l'Équipe Scientifique se compose déjà d’un groupe plutôt conséquent d'agents de première année. Plutôt que de venir simplement grossir les rangs, je vous verrais plus au sein du ViCAP. Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait vous intéresser ? »

« Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas. Je n'y ai jamais pensé. »

Johnson acquiesça mais Chloé était presque sûre qu'intérieurement, il avait déjà pris sa décision. « Si cela vous tente, j'aimerais que vous fassiez un essai. Si dans quelques jours, vous trouvez que cela ne vous convient pas, je m'engage personnellement à ce que vous retrouviez votre place actuelle avec l'Équipe Scientifique. »

Franchement, elle ne savait pas quoi répondre. Mais en revanche, ce qu'elle savait avec certitude, c'était que le fait que son directeur pense à elle pour un poste en particulier, uniquement sur base de ses capacités et du feedback positif de ses pairs, la remplissait de fierté.

« Oui, je veux bien essayer, » répondit-elle finalement.

« Fantastique. J'ai déjà pensé à vous mettre sur une affaire. Vous commenceriez demain matin. C’était la police du Maryland qui s’en occupait, mais nous avons reçu ce matin-même un appel nous demandant de les aider. Je vous l'assigne, et vous serez accompagnée d'une autre agent qui se retrouve aujourd’hui sans partenaire. Celui que nous lui avions attribué s'est effondré sous la pression et nous a appelés hier pour donner sa démission. »

« Puis-je en demander la raison ? »

« Avec le Programme de Détention de Criminels Violents, les crimes ont tendance à être plutôt abjects. C’est quelque chose qui arrive parfois avec les nouvelles recrues... Ils finissent la formation, en analysant des cas concrets, et même des enquêtes réelles. Mais pour finir, quand ils se rendent compte qu'ils vont vivre ces affaires de près... Certains craquent. »

Chloé resta silencieuse. Elle devait prendre une décision importante et ça la dépassait un peu. Elle avait toujours voulu un poste tel que celui-là, d'aussi loin qu’elle s’en rappelle – depuis le moment même où elle avait compris la différence entre le bien et le mal.

« Vais-je avoir besoin d'une formation supplémentaire ? »

« Je vous conseillerais des entraînements supplémentaires au stand de tir, » répondit Johnson. « Je m'assurerai que tout soit arrangé pour vous. Lorsque vous avez été recrutée par l'Équipe Scientifique, vos résultats en maniement d’armes à feu étaient plutôt bons. Il vous sera néanmoins utile de développer des aptitudes supplémentaires dans ce domaine, une fois que vous aurez intégré le ViCAP – si vous décidez d’y rester. »

« Je comprends. »

« Alors, à moins que vous n'ayez d’autres questions, je pense que vous pouvez aller assister à la séance d'orientation à l'étage d’en bas. Il vous reste trois minutes avant que ça ne commence. »

« Plus de questions pour l’instant. Et merci pour l’opportunité offerte. Et pour votre confiance en moi. »

« Je vous en prie. Je vais m'occuper de la paperasse et quelqu'un vous appellera pour votre affectation avant la fin de la journée. Et agent Fine... Ça va bien se passer. Je pense que vous serez un atout remarquable pour le ViCAP. »

C'est à ce moment-là, quand elle se leva pour quitter le bureau, qu'elle se rendit compte qu’elle n’avait jamais été très douée pour accepter les compliments. Peut-être parce qu'elle n'en avait pas reçu beaucoup dans son enfance. Elle lui adressa simplement un sourire gêné et sortit du bureau. La boule de nervosité qui avait grossi dans son ventre avait maintenant disparu, remplacée par une sensation de légèreté et l’impression de flotter littéralement dans les airs.

***

La séance d'orientation était telle qu'elle se l'était imaginé. Elle consistait en une liste de choses à faire et à ne pas faire, énumérée par toute une panoplie d'agents expérimentés. Il y avait des exemples d'affaires qui avaient mal tourné, à un tel point que plusieurs agents avaient démissionné après coup, ou en étaient même arrivés au suicide. Les instructeurs racontèrent des histoires tristes d'enfants assassinés et de violeurs en série qui, à ce jour, n'avaient toujours pas été élucidées.

Alors qu'elle écoutait ces histoires, Chloé entendit tout bas les bribes d'une conversation dans l'assistance. À deux sièges à sa gauche, elle entendit une femme murmurer quelque chose à un homme assis à côté d’elle.

« Apparemment, mon partenaire a entendu ce genre d’histoires avant nous. C'est peut-être pour ça qu'il a démissionné. » dit-elle d'un ton malveillant qui dérangea tout de suite Chloé.

Avec ma chance, c'est elle la nouvelle partenaire dont Johnson m’a parlé, pensa Chloé.

La séance d’orientation se termina finalement pour le déjeuner. Mais avant ça, les instructeurs regroupèrent les assistants en fonction de leurs différentes affectations. Lorsque Chloé entendit appeler l’équipe scientifique, elle ressentit une pointe d'amertume. Elle regarda la vingtaine de recrues descendre vers l’estrade et se rassembler sur la droite. Le fait qu’elle pensait encore il y a moins de trois heures qu’elle allait faire partie de ce groupe la fit se sentir un peu seule, plus encore lorsqu'elle remarqua que certains agents de l’équipe s’étaient déjà liés d’amitié.

Lorsqu'ils appelèrent les agents pour le Programme de Détention des Criminels Violents, elle se leva et se dirigea à son tour vers l’estrade. Le nombre d'agents était inférieur à celui de l'équipe scientifique. Avec elle compris, elle compta neuf personnes. Et l'une d'entre elles était cette femme qui avait fait ce commentaire désobligeant à propos de son partenaire qui avait démissionné.

Elle était tellement obnubilée par cette femme qu'elle ne prêta pas attention à l'homme qui se trouvait derrière elle.

« Je ne sais pas toi, » commença-t-il, « mais moi, je me sens un peu intimidé. Faire partie d'un programme dont le nom contient le mot violent... me donne l'impression d'être jugé par les gens. »

« Je ne l’avais jamais envisagé sous cet angle, » répondit Chloé.

« Est-ce que tu as une tendance à la violence ? »

Il posa la question avec un petit sourire en coin et Chloé remarqua qu’il était extrêmement séduisant.

« Pas que je sache, » répondit-elle d’un air gêné, alors qu'ils atteignaient l'endroit où était réuni leur groupe.

« OK, » commença l'instructeur, un homme d'un certain âge vêtu d'un jean et d'un t-shirt noir. « Nous allons d’abord aller manger, puis nous nous réunirons dans la salle de conférence numéro trois pour continuer la séance d’information et de questions/réponses. Mais d’abord... » Il s'interrompit et regarda une feuille de papier, en cherchant quelque chose du doigt. « Y-a-t-il parmi vous une Chloé Fine ? »

« C'est moi, » dit Chloé, en transpirant de nervosité à l'idée d'être appelée individuellement devant un groupe qu'elle ne connaissait pas.

« J’aimerais vous parler un moment, s'il vous plaît. »

Chloé se dirigea vers l'instructeur, en voyant qu’il faisait signe à un autre agent.

« Agent Fine, je vois ici que vous allez intégrer le ViCAP, directement recommandée par le directeur Johnson. »

« En effet. »

« Content de vous compter parmi nous. À présent, laissez-moi vous présenter votre partenaire, l’agent Nikki Rhodes. »

Il fit un signe de la tête à l'autre agent qu'il avait invité à les rejoindre. Évidemment, c'était la garce de tout à l'heure. Nikki Rhodes sourit à Chloé d'une manière qui indiquait clairement qu'elle avait bien conscience de sa beauté. Même Chloé devait l'admettre. Elle était grande, bronzée, avec des yeux bleus pétillants et de magnifiques cheveux blonds.

« Enchantée, » dit Rhodes.

« De même, » répondit Chloé

« Vous pouvez aller manger maintenant, » dit l'instructeur. « D'après les informations qu’on m’a données, vous commencerez dès demain à travailler sur une affaire. Vous étiez les meilleures dans vos classes respectives, donc j'attends de grandes choses de vous. »

Rhodes lui adressa un sourire qui avait l’air forcé. Chloé détestait avoir des préjugés sur les gens, mais son instinct ne l'avait jamais trompée. L'instructeur avait tourné les talons pour rejoindre le reste du groupe, en laissant les deux femmes seules. Une fois que le regard d'un supérieur n'était plus posé sur elle, Rhodes tourna également les talons sans rien ajouter de plus.

Chloé se tint à l'écart du groupe pendant un moment, en essayant de garder la tête froide. Elle s'était réveillée ce matin, excitée à l'idée de commencer sa carrière en tant que membre de l'équipe scientifique. Son avenir était tout tracé. Et la voilà maintenant, replacée dans un département qu’elle ne connaissait pas, et associée à une équipière détestable.

« Elle n'a pas l'air très sociable, on dirait, » lâcha quelqu'un derrière elle.

Elle se retourna et vit l'homme qui était descendu avec elle vers l’estrade – l’homme séduisant qui lui avait demandé si elle avait une tendance à la violence.

« Non, en effet. »

« Imagine-toi l'avoir dans la plupart de tes cours à l'académie, » dit-il. « C'était horrible. Ce qui me fait penser à... Je ne me rappelle pas t'avoir vue dans aucun de mes cours ou modules. »

« Oui... Je suis nouvelle, en quelque sorte. J'ai été placée dans ce département ce matin. »

Il eut une expression un peu surprise. « Ah, OK. Eh bien, bienvenue au ViCAP. Mon nom est Kyle Moulton et si ta partenaire ne souhaite pas déjeuner en ta compagnie, je prendrai volontiers sa place. »

« Comme tu veux, » dit Chloé, en se rapprochant du reste du groupe. « Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est la suite logique de ma journée. »

« Comment ça ? »

« Parce que rien ne s'est passé comme prévu. »

Moulton se contenta de hocher la tête alors qu'ils sortaient de la salle où avait eu lieu la séance d’orientation. Malgré le fait que Moulton soit un inconnu (un bel inconnu, il est vrai), elle était contente qu'il l'accompagne jusqu'au déjeuner, qui les attendait quelque part dans le bâtiment. Elle était anxieuse qu'en avançant seule vers cet avenir incertain, elle finisse par changer d'avis.

« Planifier, c'est surfait de toute façon, » dit Moulton.

« Pas pour moi. Planifier signifie structurer. Planifier signifie prévoir. »

« Je ne crois pas que prévoir fait partie du descriptif de nos postes, » dit Moulton, en plaisantant.

Chloé sourit en hochant la tête, mais elle ne voyait pas ça de la même manière. À vrai dire, elle était un peu inquiète. Ce qui n'avait pas de sens. Sa vie avait toujours ressemblé à une suite d’imprévus, alors pourquoi sa carrière serait-elle différente ?

Heureusement, elle avait appris à encaisser les coups. Et si une garce prétentieuse comme Nikki Rhodes venait à se mettre en travers de son chemin, le problème serait vite réglé.

CHAPITRE TROIS

Le lendemain matin, Chloé eut un réveil difficile, qui lui donnait déjà une idée de ce à quoi ressemblerait le reste de sa carrière. Son téléphone sonna à 5h45, l'appel provenait d'un directeur adjoint au directeur Johnson. Elle eut à peine le temps de formuler un « Allô ? » enroué, avant que la personne à l'autre bout du fil ne commence à parler.

« Je suis le directeur adjoint Garcia. Pourrais-je parler à l'agent Chloé Fine ? »

« C'est moi. » Elle s'assit sur son lit, le cœur battant la chamade pendant qu'une montée d'adrénaline s'emparait d'elle et finit par complètement la réveiller.

« Vous devez rejoindre l'agent Rhodes à Bethesda à 7h00. Vous travaillerez ensemble sur ce que nous pensons être une affaire de violence de gangs, le MS-13 étant certainement impliqué. Je serai votre personne de contact si vous avez des questions. Vous pouvez m’appeler à ce même numéro. Nous fournirons les mêmes informations à l'agent Rhodes. Après avoir raccroché, vous recevrez l'adresse par message. Avez-vous des questions, agent Fine ? »

Chloé était sûre d’en avoir, mais elle ne put en formuler aucune, à la pensée qu'on venait de lui assigner sa première vraie enquête.

« Non, monsieur. »

« Bien. Soyez prudente, agent Fine. »

Et ce fut tout. On venait de lui assigner sa première affaire. Elle savait qu’à l'avenir, cela se passerait différemment ; ils en avaient assez parlé la veille, au cours de la séance d'orientation. C’était néanmoins une entrée en matière assez directe pour son premier jour de travail.

Elle s'était douchée et avait déjà préparé ses habits la veille, afin de ne pas arriver en retard à sa première assignation. Elle s'habilla, s'empara d'un bagel au fromage, et remplit un thermos de café qu'elle avait mis couler pour 5h00 du matin la nuit précédente. Pendant ce temps-là, elle reçut le message du directeur adjoint Garcia, lui donnant l'adresse à Bethesda où elle devait se rendre. Quand Chloé entra dans sa voiture, pas plus de quinze minutes s'étaient écoulées depuis l'appel de Garcia.

Elle était déjà allée plusieurs fois à Bethesda, dans le Maryland, donc elle savait que le trajet serait rapide – un peu moins d'une demi-heure, surtout à cette heure matinale, compte tenu du peu de trafic. Après avoir laissé l'enchevêtrement des rues de Washington derrière elle, elle rejoignit de plus grandes avenues, introduisit l'adresse dans son GPS et vit qu'elle n'était qu'à vingt-deux minutes de route.

Elle se surprit à penser à appeler Danielle. Elle se dirigeait vers l'un des moments les plus importants de sa vie et elle voulait le partager avec quelqu'un. Mais elle savait que Danielle dormirait encore et qu'elle ne comprendrait certainement pas son excitation. Elles avaient des passions et des centres d’intérêt différents, et aucune des deux n'était particulièrement bonne pour simuler l'enthousiasme.

Elle arriva à destination deux minutes avant l'heure marquée par le GPS. Il s'agissait d'un immeuble à un étage en mauvais état, le genre de bâtiment qui devait souvent recevoir la visite de la police pour violences, drogues, agressions sexuelles, ou toute autre raison.

Elle s'attendait à arriver avant Rhodes mais fut déçue de constater que, non seulement l'autre agent était déjà là, mais qu'elle était déjà occupée à monter les marches menant au porche de la scène de crime.

Contrariée, elle se gara le long du trottoir, et se dépêcha de la rejoindre. Elle arriva sur le porche au moment où Rhodes ouvrait la porte pour jeter un coup d'œil à l’intérieur.

« Bonjour, » dit Rhodes, d’un air totalement absent.

« Bonjour. Comment as-tu fait... T'es venue en volant ? »

Rhodes haussa les épaules. « Je ne suis pas longue à me préparer le matin. C'est bon, agent Fine. Ce n'est pas une course, non plus. »

Au moment de passer la porte, elles virent qu'un homme se tenait au milieu du salon qui était sens dessus dessous. Il se retourna et son regard sembla s'attarder un moment sur l'agent Rhodes. Elle portait un simple pantalon noir et un t-shirt blanc. Elle s'était lissé les cheveux, et bien qu'elle dise ne pas prendre beaucoup de temps à se préparer le matin, il était clair qu'elle s'était maquillée.

« Vous êtes du FBI ? » demanda l'homme.

« Oui, » répondit Chloé, comme pour lui indiquer qu’elles étaient toutes les deux des agents, et pas seulement la jolie grande blonde.

« Agent Rhodes et agent Fine, » précisa Rhodes. « Et vous êtes ? »

« Inspecteur Ralph Palace, du département des homicides du Maryland. Je prends juste quelques dernières notes vu que c'est maintenant votre enquête, si j’ai bien compris. »

« Que pouvez-vous nous dire, pour commencer ? » demanda Chloé.

« Pas grand-chose. Un meurtre lié aux gangs. Le MS-13 est un gang important dans ce quartier, donc nous avons plutôt l'habitude. Les corps d'un homme, sa femme, et leur fils de treize ans ont été retirés hier après-midi, environ sept heures après avoir reçu un appel pour nous signaler des coups de feu. Ce qui explique pourquoi cet endroit ressemble à ça. » Il désigna l'ensemble de la pièce et le désordre qui régnait dans l'appartement. « Une enquête de police superficielle a révélé que le père avait déjà eu affaire à un gang rival, les Binzos. »

« Si le MS-13 est impliqué, pourquoi ne pas faire appel aux services d’immigration ? » demanda Chloé.

« Parce que ça n'a pas encore été prouvé, » répondit Palace. « S’il s’agit d’un crime de gangs liés à l'immigration, nous devons d’abord en avoir la certitude. Sinon, nous pouvons être poursuivis et jugés pour discrimination de groupe ethnique. » Il fit un mouvement de tête, et soupira. « Donc, si vous, vous êtes en mesure de le prouver d'une façon ou d'une autre, ce serait vraiment l’idéal. »

Il sortit une carte de visite de son portefeuille, tout en se dirigeant vers la porte d'entrée. Cela ne surprit pas Chloé de voir qu’il la donna directement à Rhodes. « Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit. »

Rhodes ne prit pas la peine de répondre et mit la carte en poche. Chloé se dit que c'était sûrement le genre de fille qui, au lycée et à l'université, devait avoir l'habitude d'être tout le temps reluquée par les garçons. Sans aucun doute, cette rencontre avec l'inspecteur Palace n'était qu'un de ces moments dont elle n’avait que trop l’habitude.

Chloé regarda autour d’elle. La table basse devant le canapé était retournée. Quelque chose – à priori du soda – avait été renversé dans la mêlée. Le liquide sombre s'était mélangé à ce qui ressemblait beaucoup à du sang séché, sur la moquette pâle qui recouvrait le sol du salon jusqu'à la cuisine voisine. Il y avait également des taches de sang sur les murs et sur le linoleum de la cuisine.

« Comment est-ce que tu veux procéder ? » demanda Rhodes.

« Je ne sais pas. Si des coups de feu ont été tirés, il est possible qu'une balle ait fini par se loger dans un mur ou sur le sol. Et d'après le désordre ambiant, il ne s'agit pas que d'une simple fusillade. Une bagarre a éclaté. Ce qui m'amène à penser qu'il doit y avoir aussi des empreintes. »

Rhodes acquiesça. « Nous devons également savoir comment le tueur est entré. T'as regardé la porte d'entrée ? Pas de signe d'effraction. Ce qui signifie qu'un membre de la famille lui aura probablement ouvert la porte – peut-être que c’était quelqu'un qu'ils connaissaient bien et en qui ils avaient confiance. »

Chloé était d'accord et elle fut impressionnée par Rhodes et la manière dont elle avait déjà examiné la porte avant même d’entrer.

« Est-ce que tu peux aller vérifier dehors s’il y a des signes d’effraction ? » suggéra Rhodes. « De mon côté, je vais voir si je peux trouver des indices sur le type d'arme utilisée... s’il y a des fragments de balles ou n'importe quoi qui y ressemble. »

Chloé acquiesça mais elle sentit que Rhodes se comportait déjà comme si c’était elle qui dirigeait l'enquête. Mais Chloé s'exécuta sans broncher. En se basant sur ce que Palace leur avait dit – et sur le fait qu'ils avaient assigné l'affaire à deux nouveaux agents sous la tutelle d'un directeur adjoint – elle se dit qu'il s'agissait d'une enquête plutôt simple en comparaison d’autres affaires qu’elle pourrait être amenée à traiter. Donc si Rhodes se prenait déjà au jeu du pouvoir, elle n'allait pas se prendre la tête. Du moins, pas encore.

Chloé sortit, en essayant d’imaginer la scène. Si le tueur était un ami de la famille, pourquoi y avait-il des signes de lutte ? Il a utilisé une arme à feu et il a tiré trois balles les unes après les autres, ce qui ne laissait pas assez de temps pour une bagarre. Mais la porte ne montrait aucun signe d'effraction. Pourtant, il était plus probable que le tueur soit entré sans y être invité. Mais si ce n'était pas par la porte d'entrée, alors par où ?

Elle fit tranquillement le tour de l'immeuble, en réalisant qu'appeler ça un immeuble était un peu exagéré. Elle le voyait plus comme une espèce de logement urbain, le genre d’habitation concédée par l'état. Il se trouvait à la périphérie d'un ensemble de quatre immeubles identiques, séparés par une bande de gazon sec.

Sur la gauche, il n'y avait rien, à l'exception d'une petite citerne à gaz et un vieux robinet auquel était connecté un tuyau d'arrosage. Mais quand elle fit le tour, elle vit plusieurs entrées possibles. Tout d'abord, elle vit trois fenêtres, une donnant sur la cuisine et les deux autres sur les chambres. Elle vit également un petit escalier menant à une porte arrière. Elle essaya de l’ouvrir et elle n'était pas fermée à clé. Elle donnait sur une pièce minuscule, qui servait, semble-t-il, de vestiaire pour le jardinage. Quelques paires de chaussures sales étaient éparpillées au sol et un manteau en lambeaux pendait à un crochet au mur. Elle examina la porte et l'encadrement et les trouva en parfait état. De son point de vue, ils ne présentaient aucun signe récent d'effraction.

Elle s’approcha de chaque fenêtre, à la recherche d’indices, et elle ne fut pas déçue. Au cadre de la troisième fenêtre, qui donnait sur la chambre principale, il manquait deux petits morceaux de bois. Ils avaient été enlevés grossièrement, comme arrachés. Elle en trouva un sur le rebord, à l’endroit où la vitre touchait l'encadrement. L'autre se trouvait sur le bas du châssis. La vitre était également ébréchée, mais pas assez pour se briser.

Elle fit attention à ne rien toucher, de peur d'effacer des empreintes, mais en se mettant sur la pointe des pieds, elle remarqua que, sans ces petit morceaux de bois, il était très facile de forcer le loquet de la fenêtre depuis l'extérieur.

Elle retourna à l'intérieur par la porte arrière et alla dans la chambre principale. Rien ne semblait indiquer que quelqu'un s'était introduit par la fenêtre. Mais elle savait également qu’un relevé d’empreintes pourrait prouver le contraire.

« Qu'est-ce-que tu fais ? »

Elle se retourna. Rhodes se tenait dans l'encadrement de la porte de la chambre et regardait Chloé d’un air sceptique.

« Quelqu’un a essayé de forcer cette fenêtre depuis l'extérieur, » rétorqua Chloé. « Il faudrait faire un relevé d’empreintes. »

« Tu as des gants ? » demanda Rhodes.

« Non, » répondit Chloé, en constatant l'ironie de la situation. Si elle avait rejoint l'équipe scientifique comme prévu, elle en aurait sur elle. Mais comme Johnson l'avait changée de département la veille, elle n'avait pas pensé à prendre son matériel de relevés d’empreintes.

« J'en ai dans la voiture, » lui dit-t-elle. Elle lança ses clés à Chloé d'un air contrarié. « Dans la boîte à gants. Et referme bien la portière en sortant. »

Chloé bafouilla un timide « merci » en passant à côté de Rhodes et en se dirigeant vers la porte d’entrée. Elle se demanda pourquoi Rhodes gardait des gants dans sa voiture. D’après ce que Chloé avait compris, le FBI fournissait à chaque agent l'équipement et le matériel nécessaires selon l'affaire qui lui était assignée. Rhodes avait-elle reçu le matériel nécessaire ? Est-ce que son arrivée tardive au programme ViCAP jouait déjà en sa défaveur ?

Elle sortit et trouva des gants en latex dans la voiture de Rhodes. Elle trouva également une trousse médico-légale, qu'elle emporta également. C'était une petite trousse de secours, mais c'était mieux que rien. Cela prouvait que Rhodes était bien préparée, mais qu'elle ne ferait également aucun effort pour aider Chloé. Quel était le but de lui cacher qu'elle avait des gants et une trousse médico-légale dans sa voiture, si ce n'est pour se les garder pour elle-même ?

Décidée à ne pas se laisser abattre par des détails, Chloé enfila les gants tout en revenant vers la maison. En repassant à côté de Rhodes, Chloé lui tendit la trousse médico-légale. « J'ai pensé que ça pourrait nous être utile. »

Rhodes lui jeta un regard désagréable pendant que Chloé se dirigeait vers la fenêtre. Elle inspecta la zone où les bouts de bois avaient été arrachés, ce qui confirma ce qu’elle pensait. En y mettant la force nécessaire, cela aurait permis à quelqu’un d'ouvrir le loquet depuis l'extérieur.

« Agent Fine ? » dit Rhodes

« Oui ? »

« Je sais que nous ne nous connaissons pas, donc j'essaierai de rester polie. Est-ce que tu pourrais faire gaffe à ce que tu fais ? »

Chloé se retourna vers Rhodes et lui lança un regard défiant. « Excuse-moi ? »

« Fais attention au tapis sous tes pieds, pour l'amour de dieu ! »

Chloé baissa les yeux et son cœur s'arrêta de battre. Il y avait une empreinte de pas, partielle mais clairement visible, un mélange de poussière et de boue.

Et elle avait marché dessus.

Merde...

Elle recula rapidement. Rhodes prit sa place à côté de la fenêtre, en s'agenouillant pour mieux voir l'empreinte. « J'espère que tu ne l'as pas rendue inutilisable » lui dit Rhodes, sur un ton déplaisant.

Chloé ravala les mots qu’elle avait sur le bout de la langue. Après tout, Rhodes avait raison. Elle était parvenue à ne pas voir une chose aussi évidente qu'une empreinte de pas. C'est parce que je suis chamboulée, pensa-t-elle. Peut-être que le fait que Johnson me change de département, m'affecte plus que ce que je ne pensais.

Mais elle savait que ce n’était pas une bonne excuse. Après tout, jusqu'à présent, cette scène de crime s’était résumée à une collecte d'indices – ce qu'elle avait toujours rêvé de faire.

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