Kitabı oku: «Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2», sayfa 21
«Je vous avoue que j'ai mille fois plus de torts que vous, parce que ma représaille a été plus forte que l'offense que vous m'aviez faite, et que je ne devais pas m'emporter si fort contre une jolie femme comme vous, ma proche parente, et que j'avais toujours bien aimée: pardonnez-moi donc, ma cousine, et oublions le passé au point de ne nous en souvenir jamais. Quand je serai persuadé de votre bonne foi dans votre retour pour moi, je vous aimerai mille fois plus que je n'ai jamais fait; car, après avoir ce qu'on appelle tourné et viré, je vous trouve la plus agréable femme de France.»
Madame de Sévigné n'ignorait pas que pour mieux convaincre il faut quelquefois ne pas montrer trop d'empressement à le faire, et qu'on a plus de facilité à détruire une opinion quand la chaleur de l'esprit est refroidie et laisse au jugement toute sa liberté. Au lieu donc de répondre à son cousin sur ce que renfermait sa dernière lettre, elle se contenta de lui en accuser réception, promettant d'y faire de longues apostilles quand elle en aura le loisir. Pour le moment elle lui demande les copies des titres de la maison de Rabutin, pour M. de Caumartin, qui s'occupe de mettre en ordre les preuves de noblesse relatives aux familles de la province: «Ne manquez pas à cela, lui dit-elle: il y va de l'honneur de notre maison; on ne peut être plus vive sur cela que je le suis. Adieu, faites réponse à ceci; je vous écrirai plus à loisir634.»
Bussy transmet à sa cousine les pièces qu'elle réclame635, et en même temps il montre une grande impatience de recevoir son commentaire à la dernière lettre qu'il lui a écrite.
Enfin arrive la réponse de madame de Sévigné à cette lettre de son cousin636, cette duplique à la réplique, comme elle l'appelle plaisamment. Elle insiste cette fois, plus fortement que la première, pour prouver qu'elle n'a pas eu les premiers torts, et elle entre à cet égard dans de grandes explications; peut-être parce que c'était là le point le plus difficile de la cause. Il lui était impossible de trouver l'argent que lui avait demandé Bussy, «à moins, dit-elle, de l'aller prendre dans la bourse du surintendant, où je n'ai rien voulu chercher ni trouver. Ensuite elle remet dans tout son jour, mais avec gaieté, et dans un style tout différent de celui de sa première lettre, toute la cruauté, tout l'odieux des procédés de Bussy à son égard, qui après un raccommodement, après qu'elle s'était remise avec lui de bonne foi, l'avait livrée sans pitié aux brigands, «c'est-à-dire, dit-elle, à madame de La Baume. Ne me dites point que c'est la faute d'un autre, cela n'est point vrai; c'est la vôtre purement: c'est sur cela que je vous donnerais un beau soufflet, si j'avais l'honneur d'être près de vous, et que vous me vinssiez conter ces lanternes.» Afin d'adoucir tout le mordant de ses arguments, elle termine en disant: «Adieu, comte; je suis lasse d'écrire, et non pas de lire tous les endroits tendres et obligeants que vous avez semés dans votre lettre637.»
Bussy voulut ne pas avoir l'air de se montrer assez peu galant, de continuer une discussion où sa cousine voulait avoir le dernier: il commence sa réponse par déclarer que, sans même demander à capituler, il se rend à discrétion. «On ne peut pas être moins capable de triplique que je le suis, ma belle cousine: pourquoi m'y voulez-vous obliger? Je me suis rendu dans la réplique que je vous ai faite; je vous ai demandé la vie. Vous me voulez tuer à terre, et cela est un peu inhumain. Je ne pensais pas que vous vous mêlassiez, vous autres belles, d'avoir de la cruauté sur d'autres chapitres que celui de l'amour. Cessez donc, petite brutale, de vouloir souffleter un homme qui se jette à vos pieds et qui vous avoue sa faute, et qui vous prie de la lui pardonner. Si vous n'êtes pas encore contente des termes dont je me sers en cette rencontre, envoyez-moi un modèle de la satisfaction que vous souhaitez, et je vous la renverrai écrite et signée de ma main, contre-signée d'un secrétaire, et scellée du sceau de mes armes. Que vous faut-il davantage638?»
«Levez-vous, comte, dit madame de Sévigné dans sa réponse à cette dernière lettre de Bussy, je ne veux point vous tuer à terre; ou reprenez votre épée, pour recommencer le combat. Mais il vaut mieux que je vous donne la vie et que nous vivions en paix639.»
Ainsi finit cette explication; les résultats en furent heureux. Par là madame de Sévigné et Bussy se purgèrent de toutes ces humeurs rancuneuses, de toutes ces réticences qui sont mortelles en amitié. En même temps, le désir qu'ils avaient de se plaire et de renouer leur correspondance les porta à adoucir les reproches qu'ils s'adressaient, par des éloges si flatteurs et des protestations si affectueuses, qu'ils restèrent pleinement rassurés sur les dispositions où ils se trouvaient l'un envers l'autre. Les restes d'animosité et de défiance qu'ils avaient conservés se dissipèrent. Si l'intimité de leur commerce fut quelquefois troublée par de légers nuages, du moins elle n'éprouva plus d'interruption; leur correspondance redevint fréquente et active; et les liens de parenté, le voisinage de leurs terres, l'admiration qu'ils avaient l'un pour l'autre, tout leur fit un besoin de se communiquer leurs pensées: ce besoin devint une habitude que la mort seule eut le pouvoir de rompre.
Nous finissons ici cette seconde partie des Mémoires sur madame de Sévigné. Celles qui suivent resteront peut-être encore longtemps entre les mains de leur auteur, si nous nous déterminons à les mettre au jour. Il y a plus de dix ans que nous avons composé et achevé cet ouvrage. Un motif qui paraîtrait bien léger, mais qui est pour nous d'un grand poids, nous a engagé à donner nos soins à la publication de ces deux volumes, lorsque tout concourait à nous écarter d'un tel travail, et que nous éprouvions une extrême répugnance à soumettre au jugement du public une production étrangère aux travaux qui nous occupent exclusivement. Ce qui doit nous servir d'excuse, c'est que ces deux parties forment un tout distinct, et ont une utilité spéciale. En effet:
Dans la première partie prenant madame de Sévigné au berceau, nous l'avons montrée recevant la plus heureuse éducation, sans qu'il en coûtât aucun sacrifice aux moindres joies de son enfance; puis au sein des richesses goûtant d'abord tout le bonheur et éprouvant ensuite toutes les peines de l'état conjugal; veuve, enfin, et encore jeune et belle, sachant, au milieu de la plus effroyable licence, se conserver pure, quoique sans cesse assiégée par les plus dangereuses séductions.
Dans la seconde partie on a vu madame de Sévigné, femme aimable et mère héroïque, se consacrer à l'éducation de ses enfants sans rompre avec le monde, sans fuir les hommages que ses charmes et les grâces de son esprit lui attiraient. L'histoire de son siècle, celle des personnages qui lui furent attachés par les liens du sang ou de l'amitié, ou que subjugua une plus forte passion; la description des mœurs et des habitudes des temps qu'elle a traversés, nous ont occupé autant qu'elle-même; de sorte que ces deux parties forment, nous le croyons, une introduction complète à ce recueil des lettres que nous devons aux besoins de son cœur maternel, en proie aux tourments de l'absence. Lorsque ce recueil parut, on ne le considéra que comme une œuvre littéraire, que comme une longue et charmante causerie, qui offrait un parfait modèle du style épistolaire; mais un des hommes les plus spirituels de cette époque, qui avait vu finir le grand siècle, écrivait, après en avoir achevé la lecture:
«Je n'ai jamais eu l'imagination aussi frappée: il m'a semblé que d'un coup de baguette, comme par magie, elle avait fait sortir cet ancien monde, que nous avons vu si différent de celui-ci, pour le faire passer en revue devant moi640.»
Cet ancien monde est encore bien plus différent du nôtre que celui du milieu du dix-huitième siècle, dont il est fait mention dans la lettre du duc de Villars-Brancas, que nous venons de citer; mais les vives peintures que madame de Sévigné en a tracées, obscurcies par le temps, ont besoin, pour reprendre tout leur éclat, qu'une main réparatrice en fasse ressortir les curieux détails et les principales figures, et nous montre combien les tableaux dont ils font partie sont féconds en instructions historiques.
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE I
Page 3, ligne 25: Le pain des pauvres.
Il faut remarquer que ce ne fut que longtemps après la mort de madame de Sévigné que Fremyot de Chantal fut déclarée sainte. Elle fut d'abord béatifiée par les filles entre les bras desquelles elle mourut. Cette béatification fut confirmée par le pape en 1751; mais sainte Chantal ne fut canonisée qu'en 1767, le 16 juillet.
Page 7, ligne 7: Ce fut le célèbre Cromwell.
Tout ce que nous savons du fameux Cromwell à l'époque du combat de l'île de Ré semble réfuter la supposition qu'il s'y soit trouvé. Le nom de Cromwell n'est pas rare en Angleterre; peut-être le guerrier qui blessa mortellement le baron de Chantal portait-il ce nom, et cela aura occasionné une méprise. Les Anglais furent ensuite repoussés de l'île de Ré par Toiras. Cotin a célébré ce succès dans un cantique. Voyez Poésies chrétiennes de l'abbé Cotin, 1668, in-12, pages 112 à 118.
CHAPITRE II
Page 10, ligne 5: Le joli village de Sucy.
Ce nom est écrit Sussy sur la plupart des cartes, et on l'avait converti en Sully dans plusieurs éditions des lettres de madame de Sévigné, ce qui a causé beaucoup du méprises de la part des éditeurs.
Page 10, ligne 7: Emmanuel y était né.
Pour preuve du lieu de naissance de Coulanges, on peut conférer à l'endroit cité les vers qu'il adresse à un vieux lit de famille retrouvé à Sucy, et qui commencent ainsi:
Enfin je vous revois, vieux lit de damas vert;
Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères,
Où jadis toutes mes grand'mères,
Lorsque Dieu leur donnait d'heureux accouchements,
De leur fécondité recevaient compliments.
Coulanges était né en 1631.
Page 14, ligne 11-16.
Nous avons plusieurs portraits gravés de madame de Sévigné; un des moins ressemblants, ou plutôt un des plus certainement faux est celui qui est dans la meilleure édition de ses lettres, 1re et 2e édit. de M. Monmerqué, 1818 et 1820, in-8o. Un des meilleurs est celui qui est dans l'édition de Simart, 1734; il est gravé par Jacques Chereau, et pour un âge plus avancé que celui qui a été gravé par Edelinck, d'après un pastel de Nanteuil. Conférez la notice qui est à la fin de ce volume sur les différents portraits de madame de Sévigné.
CHAPITRE IV
Page 31, ligne 27: Polie sans affectation.
Huet s'exprime sur madame de Rambouillet exactement comme Fléchier: Maxima erat hoc tempore Rambullietanæ domus celebritas, quam magnopere exornaverat Catharina Vivonnæa, marchione Rambullieto pridem viduata, primaria femina natalibus, ita animis et moribus vere Romana.—Huetii Commentarius de rebus ad eum pertinentibus, p. 212.
Page 35, ligne 14: Durant le temps de leur règne.
Balzac écrivait à Conrart: «Votre mauvaise santé vous permet-elle de fréquenter souvent le temple des Muses, de l'Honneur et de la Vertu? (C'est le nom que je donne d'ordinaire à l'hôtel Rambouillet.) La déesse qui y préside est-elle toujours favorable à vos vœux?» Lettre de Balzac à Conrart, p. 26. Et encore: «Je n'écris pas à madame la marquise de Rambouillet, mais je ne laisse pas d'être toujours un de ses dévots, et d'avoir la vénération que les hommes doivent aux choses divines.» Ibid., p. 215. La Mesnardière, dans son Hymne sur les plus belles connaissances de la nature, Poésies, Paris, 1656, in-folio, p. 89, compare la marquise de Rambouillet aux astres, et il la nomme l'arbitre du destin; il ne croit pas, après tant de louanges, lui en donner une plus grande que de lui dire qu'elle a enfanté Julie:
Sang des héros de France et des dieux d'Italie,
Et, pour comble d'honneur, la mère de Julie.
Voyez encore à ce sujet la dédicace du troisième acte de la traduction du Berger fidèle, 1665, in-12, et la troisième partie de ces Mémoires, p. 455.
CHAPITRE V
Page 38, ligne 3 du texte: Les rideaux de soie bleue.
Sauval a décrit très en détail l'hôtel que madame de Rambouillet fit construire avec une si parfaite intelligence des distributions intérieures, avec tant de goût et d'élégance dans l'architecture, que cet hôtel devint un modèle pour les constructions de même nature. Sauval mourut en 1670. Son ouvrage n'a été imprimé que cinquante-quatre ans après, en 1724. L'emphase qu'il met dans quelques-uns de ses écrits lui attira un sarcasme de Boileau. Voyez satire VII, t. I, p. 175, édit. de Saint-Surin. Si ce défaut existait dans ses Recherches sur Paris, ses éditeurs l'ont fait disparaître. L'ouvrage de Sauval a aussi été lu et revu en manuscrit non-seulement par Colbert, mais aussi par Costar, Pellisson et le père Le Long.
C'est dans la chambre bleue de l'hôtel de Rambouillet que Voiture demandait, dans sa lettre à mademoiselle de Bourbon, qu'il lui fût dressé un pavillon de gaze, où il serait servi et traité magnifiquement par deux demoiselles, en réparation du tort qu'on lui avait fait.
Dans tout le cours de la description que donne Sauval de l'hôtel de Rambouillet, il se conforme à l'usage galant et respectueux de son temps: il n'a désigné madame de Rambouillet que par le nom d'Arthénice, anagramme de celui de Catherine, qui était le sien. Segrais, secrétaire de Mademoiselle, fille de Gaston d'Orléans, habitué au Luxembourg, où il logeait, s'étonnait de ne pouvoir parvenir auprès de madame de Rambouillet que par «une enfilade de pièces, d'antichambres, de chambres et de cabinets.» Voyez Segrais, Œuvres, 1755, t. I, p. 20.
La position précise de l'hôtel de Rambouillet dans la rue Saint-Thomas du Louvre n'a été indiquée par aucun des auteurs qui ont écrit sur Paris. Le plan de Berey dressé en 1654 nous jetterait à cet égard dans l'erreur, parce qu'il fait par son dessin une confusion de l'hôtel de Rambouillet et de celui de Chevreuse, et que le nom du premier hôtel est placé après celui de Chevreuse, et plus près de la rue du Doyenné. Mais ce plan est bien inférieur à celui de Gomboust, levé et dressé géométriquement, sous l'inspection de Petit, directeur des fortifications de Paris. Sur ce plan, l'on trouve que l'hôtel de Rambouillet touche à l'hôtel de Chevreuse, mais est plus rapproché de la place du Palais-Royal; cet hôtel touche aux Quinze-Vingts, hospice qui bordait la place du Palais-Royal. Le Jardin de Rambouillet avait pour mur mitoyen, sur le derrière, le petit enclos qui formait le cimetière des Quinze-Vingts. Sur le plan de Paris de Buillet, dressé en 1676, toute la partie de l'enclos des Quinze-Vingts sur la rue Saint-Thomas du Louvre est pointillé comme consistant en maisons jusqu'à l'hôtel de Longueville, le seul hôtel qui y soit marqué. L'hôtel de Rambouillet, qui alors portait le titre d'hôtel de Montausier, n'y est point marqué. On n'y trouve nommé que l'hôtel de Longueville, qui allait de la rue Saint-Thomas du Louvre à la rue Saint-Nicaise; mais c'est une omission qu'on a réparée dans une nouvelle édition de ce plan, corrigé par Jaillot en 1707. On trouve sur ce plan rectifié l'hôtel de Rambouillet parfaitement bien dessiné, à côté de l'hôtel Longueville, avec l'élévation des bâtiments, la cour, le parterre. Dans le plan en détail de Lacaille, 1714, in folio (quartier du Palais-Royal, pl. XI), on lit la description de l'hôtel de Rambouillet, imprimée derrière la planche. Sur le plan dit de Turgot, en perspective, et terminé en 1739, on voit cet hôtel dessiné; mais le jardin semble déjà occupé par d'autres constructions, et ce plan, comme celui de Lacaille, donne des constructions particulières, faites sur la rue, et dépendant de l'enclos des Quinze-Vingts. L'entrée de cet hospice se trouvait rue Saint-Honoré, vis-à-vis la rue de Richelieu, et les rues de Rohan et de Valois en occupent actuellement l'emplacement. Le plan de Turgot nous montre rue Saint-Nicaise, entre cette rue et la rue Matignon, près de l'hôtel de Créquy et plus près du quai, un assez grand hôtel, nommé l'hôtel de Crussol. L'éditeur de la dernière édition de Germain Brice, de 1752, t. I, p. 190, s'est trompé; il dit: «que l'hôtel Montausier, autrefois l'hôtel de Rambouillet, appartient à présent à Jean-Charles de Crussol d'Uzès, et qu'il se nomme hôtel d'Uzès.» Il est certain que l'hôtel de Rambouillet porte le nom d'hôtel d'Uzès sur le plan de Buillet, revu par Jaillot en 1707; sur celui de Regnard, revu par Jaillot en 1717, et sur un plan mauvais de de Fer, de 1692. En 1739, les ducs d'Uzès ont dû demeurer à l'hôtel Crussol. Depuis, ils ont encore changé de demeure, et ont fait construire, sur les dessins de Le Doux, ce magnifique hôtel rue Montmartre, où on avait placé l'administration des douanes.
Il y a eu à Paris au moins trois hôtels ou habitations dites de Rambouillet; ce qui a causé des confusions et des erreurs dont les historiens les plus exacts et les plus savants de la ville de Paris n'ont pas toujours su se garantir. On compte d'abord sous ce nom: 1o l'hôtel de Rambouillet qu'a occupé le marquis de Rambouillet et ses ancêtres, qui fut acheté en 1602 par le duc de Mercœur, pour agrandir le sien. C'est en partie sur l'emplacement de cet hôtel qu'a été construit le palais Cardinal, nommé depuis Palais-Royal; 2o le marquis de Rambouillet a occupé depuis l'hôtel de Pisani ou de son beau-père, qui ainsi que nous l'avons expliqué ailleurs, devint le fameux hôtel de Rambouillet; 3o Enfin, il y avait la maison des quatre pavillons, avec le vaste endos de Reuilly, dans le hameau de ce nom, englobé depuis dans le faubourg Saint-Antoine, qui, à cause du financier Rambouillet de la Sablière, fut quelquefois nommé aussi hôtel Rambouillet. Jaillot, trompé par un vice de rédaction qui se trouve dans cet endroit de l'ouvrage de Sauval, a confondu les deux premiers hôtels; d'autres auteurs ont confondu les deux derniers, et le marquis avec le financier. Dans la Description nouvelle de la ville de Paris, par M. B*** (Germain Brice), imprimée en 1685, l'hôtel de Rambouillet porte le nom d'hôtel de Montausier, parce qu'après la mort de la marquise de Rambouillet il appartenait au duc de Montausier, qui avait épousé Julie d'Angennes, unique héritière des biens de la maison de Rambouillet, ses deux frères étant morts, ainsi que sa sœur madame de Grignan, et les deux sœurs qui lui restaient s'étant faites religieuses.
L'ouvrage de Colletet, intitulé Ville de Paris, que j'ai cité, quoique portant sur le frontispice de mon exemplaire la date de 1689, doit être de l'année 1671, puisque le privilége est du mois de juillet 1671; et même il ne paraît être qu'un livre plus ancien, antérieur à 1665, plusieurs fois réimprimé. Ce qui semble prouver qu'on a seulement changé le titre, c'est que l'auteur, p. 108, s'exprime ainsi: «L'hostel de Rambouillet, rue Saint-Thomas du Louvre, où loge aussi Mgr le duc de Montausier, mon illustre maître et Mécène.» Ceci paraît écrit antérieurement à la mort de madame de Rambouillet, lorsque son gendre et sa fille demeurèrent avec elle. Quoi qu'il en soit, immédiatement après cet article, François Colletet ajoute: «Autre hôtel de Rambouillet, au bout du faubourg Saint-Antoine, qui est la maison des quatre pavillons.»
Selon Sauval, l'hôtel de Montausier ou de Rambouillet, avant de porter le nom de Pisani, avait porté les noms d'O et de Noirmoutier. Outre les erreurs commises par ceux qui ont étudié l'ancienne topographie de Paris, il y a celles de ceux qui ne la connaissent pas du tout, dont je ne parlerai pas. Je remarquerai seulement que M. Taschereau, écrivain consciencieux et exact, dans sa Vie de Molière (p. 350), introduit encore un nouveau sujet de confusion dont personne ne s'était avisé, en affirmant que le célèbre hôtel de Rambouillet était situé rue des Fossés-Montmartre, sur l'emplacement des maisons 1 et 3; et il cite pour garant la Gazette des Tribunaux, du 27 mai 1827. C'est assurément là une des erreurs les plus fortes et les plus manifestes que l'on ait commises sur cette matière. J'ignore ce qui l'a causée, n'ayant point la Gazette que l'on cite; mais je remarquerai qu'il a peut-être encore existé à Paris un quatrième hôtel de Rambouillet, indépendamment des trois que j'ai mentionnés; car Rambouillet de la Sablière et sa femme n'ont jamais habité la maison des quatre pavillons, qui était pour Rambouillet le père une maison de plaisance, et non de ville. Il se pourrait donc que la maison dont a parlé la Gazette des Tribunaux eût pris le nom d'hôtel de Rambouillet d'après Rambouillet de la Sablière, surtout dans les derniers temps du siècle de Louis XIV, et lorsque le fameux hôtel de Rambouillet avait pris le nom d'hôtel de Montausier. Alors ce nom de Rambouillet ne se trouva plus attaché dans Paris et dans ses faubourgs qu'à des propriétés appartenant à la famille du financier Rambouillet, qui n'avait rien de commun avec celle des d'Angennes ou du marquis de Rambouillet. L'emplacement de l'hôtel où demeurait madame de la Sablière serait d'autant plus intéressant à découvrir que La Fontaine y a passé vingt ans de sa vie.
On lit dans les Mémoires de Retz, de Motteville, de la Rochefoucauld et autres, que le prince de Condé, retiré à Saint-Maur, et le duc d'Orléans, qui se trouvait à Paris, se rendirent à Rambouillet pour conférer ensemble. Comme ce nom de Rambouillet sans autre explication doit s'entendre de la ville qui est à treize lieues de Paris, on cherche le motif qui a pu engager ces princes à se transporter si loin. Mais les Mémoires de Talon nous expliquent que ce Rambouillet était «la maison du jardin de Rambouillet, qui est dans Reuilly, hors de la porte Saint-Antoine.» Ce lieu se trouvait effectivement entre Saint-Maur et le palais du Luxembourg. (Talon, Mém., collection de Petitot, t. LXII, p. 227 et 235.) Dans le portefeuille XXV de la collection intitulée l'Histoire de France par estampes, Bibliothèque du Roi, il y a un plan du combat du faubourg Saint-Antoine, entre Condé et Turenne, le 2 juillet 1652, où l'on voit ce qu'était ce faubourg de Paris à cette époque; on y trouve Reuilly et le clos de Rambouillet, avec le plan du jardin. La gravure de ce plan est moderne; mais il a été probablement copié sur un plan ancien, dressé pour les campagnes de Condé ou de Turenne. Dans l'édition de Germain Brice que nous avons citée, il est dit qu'assez proche de l'hôtel d'Uzès on a établi depuis fort peu de temps une nouvelle manufacture de fer fondu, dont on fait des ouvrages de serrurerie d'une beauté qui n'avait point encore paru dans ce genre, sous la conduite de M. de Réaumur, de l'Académie des Sciences. Piganiol de la Force, Description historique de Paris, 1765, t. II, p. 350, dit aussi que l'hôtel de Rambouillet prit le nom d'hôtel Montausier, qu'il a porté jusqu'à la mort du duc de Montausier, arrivée en 1690, et qu'après il fut appelé hôtel d'Uzès, parce que Marie-Julie de Saint-Maur épousa Emmanuel de Crussol, duc d'Uzès. Piganiol dit encore, p. 348, qu'en sortant du Palais-Royal, et en entrant dans la rue des Filles-Saint-Thomas, on voit l'hôtel d'Uzès. Mais Saint-Foix, dans ses Essais historiques sur Paris, t. I, p. 325, dit, en parlant de la rue Saint-Thomas du Louvre: «Vers le milieu de cette rue, cette maison bâtie de pierres et de briques, qui appartient aujourd'hui à M. Artaud, était, il y a cent ans, l'hôtel de Rambouillet, tant célébré par mademoiselle de Scudéry et les autres beaux esprits de ce temps-là.»
N'oublions pas de rappeler que l'hôtel de Rambouillet porte le nom d'hôtel d'Uzès sur le beau plan de Paris de Buillet, architecte du roi et de la ville, en 12 feuilles, augmenté par Jaillot en 1707, et pareillement sur un autre plan de Bernard Jaillot, en 4 feuilles, dédié à Bignon, prévôt des marchands. Cependant, en 1714, Lacaille, dans sa description du plan du quartier du Palais-Royal, ne lui donne pas d'autre nom que celui d'hôtel de Rambouillet; ce qui prouve que les noms d'hôtel de Montausier, d'hôtel d'Uzès, qui avaient succédé, n'avaient pas fait dans l'usage disparaître l'ancien nom. Je remarquerai aussi qu'autrefois le côté occidental de la rue Saint-Thomas du Louvre s'avançait jusqu'à l'alignement de la rue Saint-Honoré, et resserrait, avec le côté oriental de la rue Froidmanteau, qui a gardé son prolongement, la place qui est devant le Palais-Royal: cela est encore ainsi dans le grand plan de 1739. L'hôtel Rambouillet, situé au no 15, où était l'hôtel de Belgique lorsque j'écrivis cette note il y a douze ans, occupait donc à peu près le milieu de la rue, comme le disent les descriptions, tandis que son emplacement actuel se trouve au commencement, parce qu'on a abattu les maisons qui de ce côté prolongeaient la rue jusqu'à l'alignement transversal de la rue Saint-Honoré. Le plan manuscrit qui fut fait pour l'agrandissement de la place du Palais-Royal, en 1719, par le régent, et qui contient toute la rue Saint-Thomas du Louvre, existe à la Bibliothèque du Roi, portefeuille III des Détails topographiques sur Paris. On y voit qu'entre le bout de la rue Saint-Thomas du Louvre, du côté de la rue Saint-Honoré et de l'hôtel de Montausier, il y avait six maisons, et que cet hôtel resserrait plus l'hôtel de Longueville de ce côté que du côté de la rue Saint-Nicaise, et faisait un angle droit enfoncé avec le terrain de l'hôtel de Longueville, qui était sur cette rue. Les plans anciens prouvent que l'hôtel de Longueville n'avait pas une aussi longue façade sur la rue Saint-Thomas du Louvre, et que dans les agrandissements qu'il a subis de ce côté il a englobé une partie de l'hôtel de Rambouillet.
Il existe un plan gravé de la paroisse royale de Saint-Germain l'Auxerrois, fait par les soins du curé de ladite paroisse, en 1698; l'hôtel d'Uzès et l'hôtel de Longueville s'y trouvent dessinés, mais leur cour intérieure et leur principale entrée sont tracées de sorte que ces deux hôtels semblent séparés par des maisons, quoique primitivement ils se touchassent. Il y a un autre plan de la même paroisse, plus beau et mieux gravé, intitulé Plan de la paroisse de Saint-Germain l'Auxerrois divisé en neuf quartiers, fait par l'ordre de M. Labrue, curé de ladite paroisse, en octobre 1730, levé géométriquement par M. Faure. Dans toute la rue des Filles-Saint-Thomas, on ne voit sur ce plan, qui est très-grand, qu'un seul hôtel: c'est celui de Longueville. Mais, comme sur le plan de Turgot, on voit l'hôtel Crussol, dans la rue Saint-Nicaise et sur le Carrousel, attenant à l'hôtel de Longueville, du côté du quai. Comme l'hôtel de Montausier est encore entier sur le plan manuscrit de 1719, c'est entre cette année et 1739 qu'est l'époque où l'hôtel de Rambouillet a disparu, et fut converti en maisons particulières; et que les Crussol, ducs d'Uzès, ont été occuper leur nouvel hôtel, rue Saint-Nicaise. C'est donc en copiant les anciennes éditions que les éditeurs de Germain Brice, en 1752, ont encore placé l'hôtel d'Uzès rue Saint-Thomas du Louvre: il n'y était plus. Il y a un plan gravé, de Lenoir, des bâtiments construits sur les terrains des Quinze-Vingts, qui éclaircit les changements faits dans ce quartier. Il existe aussi des vues de l'hôtel de Longueville, gravées par Jean Marot, qui nous le montrent tel qu'il était primitivement; mais je n'en connais pas de l'hôtel de Rambouillet.
38, ligne 13 et 14: A travers les colonnes dorées de cette alcôve.
Je ne trouve le mot alcôve dans aucun de nos dictionnaires antérieurs à celui de Richelet, en 1680. Il n'est point dans le Thresor de la Langue Françoise, par Jean Nicot (sic), 1606, in-folio, ni dans le Grand Dictionnaire François-Latin, recueilli de plusieurs hommes doctes, entre autres de M. Nicod (sic), 1625, in-4o; il n'est point dans le Dictionnaire François et Anglois de Cotgrave, en 1632. La Fontaine, dans son roman de Psyché, en 1669, fait mention des alcôves comme d'une nouveauté, et pour le mot et pour la chose. (Voyez Œuvres de La Fontaine, édition 1827, in-8o, t. V, p. 57.) Furetière avait employé le mot alcôve avant La Fontaine, dans son Roman comique, qui parut en 1666. Dans la nouvelle de l'Amour égaré on lit: «Elle avait certains jours destinés à recevoir le monde dans son alcôve.» (Roman comique, édit. 1724, Amsterdam, in-12, p. 208.) Le Lutrin, qui fut publié en 1674, contient, comme tout le monde sait, un vers où se trouve le mot alcôve, ch. I, vers 57. Ce sont là, selon ce que j'ai pu découvrir, les premiers auteurs où ce mot se voit employé; mais une preuve qu'il était nouveau, c'est qu'on ne savait de quel genre il devait être. Scarron, madame de Villedieu, un puriste nommé Milon, souvent cité comme autorité par les auteurs de ce temps, tenaient pour le masculin; d'Ablancourt, Boileau, Ménage, le voulaient féminin. Richelet en 1680, et l'Académie en 1694, dans leurs dictionnaires, ne se décidèrent pour aucun de ces deux genres, et laissèrent la chose indécise (voyez Alamand, Nouvelles Observations, ou guerre civile des François sur la Langue, 1688, in-12, p. 89 ). L'usage a fait prévaloir le féminin. Félibien des Avaux, dans le livre intitulé Plans et description des deux plus belles maisons de Pline le consul, ne traduit jamais le cubiculum dormitorium, ou le zoteca, par alcôve, quoique ce fût le mot propre. M. Mazois, au contraire, n'a pas hésité à rendre ces mots par celui d'alcôve; il a raison. (Voyez Palais de Scaurus, deuxième édition, 1622, in-8o, p. 96.) Le mot français alcôve vient de l'espagnol alcoba, qui signifie une chambre à coucher; et le mot espagnol vient du mot arabe al-cobba, qui signifie un dôme, une voûte.
Ces alcôves étaient très-vastes, et formaient une petite chambre renfermée dans une plus grande. Le lit était placé au milieu, sur une estrade, souvent entouré d'un balustre, et laissant de chaque côté une vaste ruelle. Aussi la conclusion de la requête de Ribercour, dans le Procès des Précieuses, de Somaize, est que, pour leur châtiment,
Le lit desdites femelles
Soit les deux côtés sans ruelles,
Et qu'il soit mesmement placé
Sans être du tout exaucé.
Cette conclusion hostile y est répétée trois fois.