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Kitabı oku: «De l'origine des espèces», sayfa 47

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Il devient aisé de comprendre pourquoi une espèce ou un groupe d'espèces, bien que s'écartant des formes alliées par quelques traits caractéristiques importants, doit cependant être classé avec elles; ce qui peut se faire et se fait souvent, lorsqu'un nombre suffisant de caractères, si insignifiants qu'ils soient, subsiste pour trahir le lien caché dû à la communauté d'origine. Lorsque deux formes extrêmes n'offrent pas un seul caractère en commun, il suffit de l'existence d'une série continue de groupes intermédiaires, les reliant l'une à l'autre, pour nous autoriser à conclure à leur communauté d'origine et à les réunir dans une même classe. Comme les organes ayant une grande importance physiologique, ceux par exemple qui servent à maintenir la vie dans les conditions d'existence les plus diverses, sont généralement les plus constants, nous leur accordons une valeur spéciale; mais si, dans un autre groupe ou dans une section de groupe, nous voyons ces mêmes organes différer beaucoup, nous leur attribuons immédiatement moins d'importance pour la classification. Nous verrons tout à l'heure pourquoi, à ce point de vue, les caractères embryologiques ont une si haute valeur. La distribution géographique peut parfois être employée utilement dans le classement des grands genres, parce que toutes les espèces d'un même genre, habitant une région isolée et distincte, descendent, selon toute probabilité, des mêmes parents.

RESSEMBLANCES ANALOGUES

Les remarques précédentes nous permettent de comprendre la distinction très essentielle qu'il importe d'établir entre les affinités réelles et les ressemblances d'adaptation ou ressemblances analogues. Lamarck a le premier attiré l'attention sur cette distinction, admise ensuite par Macleay et d'autres. La ressemblance générale du corps et celle des membres antérieurs en forme de nageoires qu'on remarque entre le Dugong, animal pachyderme, et la baleine ainsi que la ressemblance entre ces deux mammifères et les poissons, sont des ressemblances analogues. Il en est de même de la ressemblance entre la souris et la musaraigne (Sorex), appartenant à des ordres différents, et de celle, encore beaucoup plus grande, selon les observations de M. Mivart, existant entre la souris et un petit marsupial (Antechinus) d'Australie. On peut, à ce qu'il me semble, expliquer ces dernières ressemblances par une adaptation à des mouvements également actifs au milieu de buissons et d'herbages, permettant plus facilement à l'animal d'échapper à ses ennemis.

On compte d'innombrables cas de ressemblance chez les insectes; ainsi Linné, trompé par l'apparence extérieure, classa un insecte homoptère parmi les phalènes. Nous remarquons des faits analogues même chez nos variétés domestiques, la similitude frappante, par exemple, des formes des races améliorées du porc commun et du porc chinois, descendues d'espèces différentes; tout comme dans les tiges semblablement épaissies du navet commun et du navet de Suède. La ressemblance entre le lévrier et le cheval de course à peine plus imaginaire que certaines analogies que beaucoup de savants ont signalées entre des animaux très différents.

En partant de ce principe, que les caractères n'ont d'importance réelle pour la classification qu'autant qu'ils révèlent les affinités généalogiques, on peut aisément comprendre pourquoi des caractères analogues ou d'adaptation, bien que d'une haute importance pour la prospérité de l'individu, peuvent n'avoir presque aucune valeur pour les systématistes. Des animaux appartenant à deux lignées d'ancêtres très distinctes peuvent, en effet, s'être adaptés à des conditions semblables, et avoir ainsi acquis une grande ressemblance extérieure; mais ces ressemblances, loin de révéler leurs relations de parenté, tendent plutôt à les dissimuler. Ainsi s'explique encore ce principe, paradoxal en apparence, que les mêmes caractères sont analogues lorsqu'on compare un groupe à un autre groupe, mais qu'ils révèlent de véritables affinités chez les membres d'un même groupe, comparés les uns aux autres. Ainsi, la forme du corps et les membres en forme de nageoires sont des caractères purement analogues lorsqu'on compare la baleine aux poissons, parce qu'ils constituent dans les deux classes une adaptation spéciale en vue d'un mode de locomotion aquatique; mais la forme du corps et les membres en forme de nageoires prouvent de véritables affinités entre les divers membres de la famille des baleines, car ces divers caractères sont si exactement semblables dans toute la famille, qu'on ne saurait douter qu'ils ne proviennent par hérédité d'un ancêtre commun. Il en est de même pour les poissons.

On pourrait citer, chez des êtres absolument distincts, de nombreux cas de ressemblance extraordinaire entre des organes isolés, adaptés aux mêmes fonctions. L'étroite ressemblance de la mâchoire du chien avec celle du loup tasmanien (Thylacinus), animaux très éloignés l'un de l'autre dans le système naturel, en offre un excellent exemple. Cette ressemblance, toutefois, se borne à un aspect général, tel que la saillie des canines et la forme incisive des molaires. Mais les dents diffèrent réellement beaucoup: ainsi le chien porte, de chaque côte de la mâchoire supérieure, quatre prémolaires et seulement deux molaires, tandis que le thylacinus a trois prémolaires et quatre molaires. La conformation et la grandeur relative des molaires diffèrent aussi beaucoup chez les deux animaux. La dentition adulte est précédente d'une dentition de lactation tout à fait différente. On peut donc nier que, dans les deux cas, ce soit la sélection naturelle de variations successives qui a adapté les dents à déchirer la chair; mais il m'est impossible de comprendre qu'on puisse l'admettre dans un cas et le nier dans l'autre. Je suis heureux de voir que le professeur Flower, dont l'opinion a un si grand poids, en est arrivé à la même conclusion.

Les cas extraordinaires, cités dans un chapitre antérieur, relatifs à des poissons très différents pourvus d'appareils électriques, à des insectes très divers possédant des organes lumineux, et à des orchidées et à des asclépiades à masses de pollen avec disques visqueux, doivent rentrer aussi sous la rubrique des ressemblances analogues. Mais ces cas sont si étonnants, qu'on les a présentés comme des difficultés ou des objections contre ma théorie. Dans tous les cas, on peut observer quelque différence fondamentale dans la croissance ou le développement des organes, et généralement dans la conformation adulte. Le but obtenu est le même, mais les moyens sont essentiellement différents, bien que paraissant superficiellement les mêmes. Le principe auquel nous avons fait allusion précédemment sous le nom de variation analogue a probablement joué souvent un rôle dans les cas de ce genre. Les membres de la même classe, quoique alliés de très loin, ont hérité de tant de caractères constitutionnels communs, qu'ils sont aptes à varier d'une façon semblable sous l'influence de causes de même nature, ce qui aiderait évidemment l'acquisition par la sélection naturelle d'organes ou de parties se ressemblant étonnamment, en dehors de ce qu'a pu produire l'hérédité directe d'un ancêtre commun.

Comme des espèces appartenant à des classes distinctes se sont souvent adaptées par suite de légères modifications successives à vivre dans des conditions presque semblables – par exemple, à habiter la terre, l'air ou l'eau – il n'est peut-être pas impossible d'expliquer comment il se fait qu'on ait observe quelquefois un parallélisme numérique entre les sous-groupes de classes distinctes. Frappé d'un parallélisme de ce genre, un naturaliste, en élevant ou en rabaissant arbitrairement la valeur des groupes de plusieurs classes, valeur jusqu'ici complètement arbitraire, ainsi que l'expérience l'a toujours prouvé, pourrait aisément donner à ce parallélisme une grande extension; c'est ainsi que, très probablement, on a imaginé les classifications septénaires, quinaires, quaternaires et ternaires.

Il est une autre classe de faits curieux dans lesquels la ressemblance extérieure ne résulte pas d'une adaptation à des conditions d'existence semblables, mais provient d'un besoin de protection. Je fais allusion aux faits observés pour la première fois par M. Bates, relativement à certains papillons qui copient de la manière la plus étonnante d'autres espèces complètement distinctes. Cet excellent observateur a démontré que, dans certaines régions de l'Amérique du Sud, où, par exemple, pullulent les essaims brillants d'Ithomia, un autre papillon, le Leptalis, se faufile souvent parmi les ithomia, auxquels il ressemble si étrangement par la forme, la nuance et les taches de ses ailes, que M. Bates, quoique exercé par onze ans de recherches, et toujours sur ses gardes, était cependant trompé sans cesse. Lorsqu'on examine le modèle et la copie et qu'on les compare l'un à l'autre, on trouve que leur conformation essentielle diffère entièrement, et qu'ils appartiennent non seulement à des genres différents, mais souvent à des familles distinctes. Une pareille ressemblance aurait pu être considérée comme une bizarre coïncidence, si elle ne s'était rencontrée qu'une ou deux fois. Mais, dans les régions où les Leptalis copient les Ithomia, on trouve d'autres espèces appartenant aux mêmes genres, s'imitant les unes des autres avec le même degré de ressemblance. On a énuméré jusqu'à dix genres contenant des espèces qui copient d'autres papillons. Les espèces copiées et les espèces copistes habitent toujours les mêmes localités, et on ne trouve jamais les copistes sur des points éloignés de ceux qu'occupent les espèces qu'ils imitent. Les copistes ne comptent habituellement que peu d'individus, les espèces copiées fourmillent presque toujours par essaims. Dans les régions où une espèce de Leptalis copie une Ithomia, il y a quelquefois d'autres lépidoptères qui copient aussi la même ithomia; de sorte que, dans un même lieu, on peut rencontrer des espèces appartenant à trois genres de papillons, et même une phalène qui toutes ressemblent à un papillon appartenant à un quatrième genre. Il faut noter spécialement, comme le démontrent les séries graduées qu'on peut établir entre plusieurs formes de leptalis copistes et les formes copiées, qu'il en est un grand nombre qui ne sont que de simples variétés de la même espèce, tandis que d'autres appartiennent, sans aucun doute, à des espèces distinctes. Mais pourquoi, peut-on se demander, certaines formes sont-elles toujours copiées, tandis que d'autres jouent toujours le rôle de copistes? M. Bates répond d'une manière satisfaisante à cette question en démontrant que la forme copiée conserve les caractères habituels du groupe auquel elle appartient, et que ce sont les copistes qui ont changé d'apparence extérieure et cessé de ressembler à leurs plus proches alliés.

Nous sommes ensuite conduits à rechercher pour quelle raison certains papillons ou certaines phalènes revêtent si fréquemment l'apparence extérieure d'une autre forme tout à fait distincte, et pourquoi, à la grande perplexité des naturalistes, la nature s'est livrée à de semblables déguisements. M. Bates, à mon avis, en a fourni la véritable explication. Les formes copiées, qui abondent toujours en individus, doivent habituellement échapper largement à la destruction, car autrement elles n'existeraient pas en quantités si considérables; or, on a aujourd'hui la preuve qu'elles ne servent jamais de proie aux oiseaux ni aux autres animaux qui se nourrissent d'insectes, à cause, sans doute, de leur goût désagréable. Les copistes, d'une part, qui habitent la même localité, sont comparativement fort rares, et appartiennent à des groupes qui le sont également; ces espèces doivent donc être exposées à quelque danger habituel, car autrement, vu le nombre des oeufs que pondent tous les papillons, elles fourmilleraient dans tout le pays au bout de trois ou quatre générations. Or, si un membre d'un de ces groupes rares et persécutés vient à emprunter la parure d'une espèce mieux protégée, et cela de façon assez parfaite pour tromper l'oeil d'un entomologiste exercé, il est probable qu'il pourrait tromper aussi les oiseaux de proie et les insectes carnassiers, et par conséquent échappé à la destruction. On pourrait presque dire que M. Bates a assisté aux diverses phases par lesquelles ces formes copistes en sont venues à ressembler de si près aux formes copiées; il a remarqué, en effet, que quelques-unes des formes de leptalis qui copient tant d'autres papillons sont variables au plus haut degré. Il en a rencontré dans un district plusieurs variétés, dont une seule ressemble jusqu'à un certain point à l'ithomia commune de la localité. Dans un autre endroit se trouvaient deux ou trois variétés, dont l'une, plus commune que les autres, imitait à s'y méprendre une autre forme d'ithomia. M. Bates, se basant sur des faits de ce genre, conclut que le leptalis varie d'abord; puis, quand une variété arrive à ressembler quelque peu à un papillon abondant dans la même localité, cette variété, grâce à sa similitude avec une forme prospère et peu inquiétée, étant moins exposée à être la proie des oiseaux et des insectes, est par conséquent plus souvent conservée; – «les degrés de ressemblance moins parfaite étant successivement éliminés dans chaque génération, les autres finissent par rester seuls pour propager leur type.» Nous avons là un exemple excellent de sélection naturelle.

MM. Wallace et Trimen ont aussi décrit plusieurs cas d'imitation également frappants, observés chez les lépidoptères, dans l'archipel malais; et, en Afrique, chez des insectes appartenant à d'autres ordres. M. Wallace a observé aussi un cas de ce genre chez les oiseaux, mais nous n'en connaissons aucun chez les mammifères. La fréquence plus grande de ces imitations chez les insectes que chez les autres animaux est probablement une conséquence de leur petite taille; les insectes ne peuvent se défendre, sauf toutefois ceux qui sont armés d'un aiguillon, et je ne crois pas que ces derniers copient jamais d'autres insectes, bien qu'ils soient eux-mêmes copiés très souvent par d'autres. Les insectes ne peuvent échapper par le vol aux plus grands animaux qui les poursuivent; ils se trouvent donc réduits, comme tous les êtres faibles, à recourir à la ruse et à la dissimulation.

Il est utile de faire observer que ces imitations n'ont jamais dû commencer entre des formes complètement dissemblables au point de vue de la couleur. Mais si l'on suppose que deux espèces se ressemblent déjà quelque peu, les raisons que nous venons d'indiquer expliquent aisément une ressemblance absolue entre ces deux espèces à condition que cette ressemblance soit avantageuse à l'une d'elles. Si, pour une cause quelconque, la forme copiée s'est ensuite graduellement modifiée, la forme copiste a dû entrer dans la même voie et se modifier aussi dans des proportions telles, qu'elle a dû revêtir un aspect et une coloration absolument différents de ceux des autres membres de la famille à laquelle elle appartient. Il y a, cependant, de ce chef une certaine difficulté, car il est nécessaire de supposer, dans quelques cas, que des individus appartenant à plusieurs groupes distincts ressemblaient, avant de s'être modifiés autant qu'ils le sont aujourd'hui, à des individus d'un autre groupe mieux protégé; cette ressemblance accidentelle ayant servi de base à l'acquisition ultérieure d'une ressemblance parfaite.

SUR LA NATURE DES AFFINITÉS RELIANT LES ÊTRES ORGANISÉS

Comme les descendants modifiés d'espèces dominantes appartenant aux plus grands genres tendent à hériter des avantages auxquels les groupes dont ils font partie doivent leur extension et leur prépondérance, ils sont plus aptes à se répandre au loin et à occuper des places nouvelles dans l'économie de la nature. Les groupes les plus grands et les plus dominants dans chaque classe tendent ainsi à s'agrandir davantage, et, par conséquent, à supplanter beaucoup d'autres groupes plus petits et plus faibles. On s'explique ainsi pourquoi tous les organismes, éteints et vivants, sont compris dans un petit nombre d'ordres et dans un nombre de classes plus restreint encore. Un fait assez frappant prouve le petit nombre des groupes supérieurs et leur vaste extension sur le globe, c'est que la découverte de l'Australie n'a pas ajouté un seul insecte appartenant à une classe nouvelle; c'est ainsi que, dans le règne végétal, cette découverte n'a ajouté, selon le docteur Hooker, que deux ou trois petites familles à celles que nous connaissions déjà.

J'ai cherché à établir, dans le chapitre sur la succession géologique, en vertu du principe que chaque groupe a généralement divergé beaucoup en caractères pendant la marche longue et continue de ses modifications, comment il se fait que les formes les plus anciennes présentent souvent des caractères jusqu'à un certain point intermédiaires entre des groupes existants. Un petit nombre de ces formes anciennes et intermédiaires a transmis jusqu'à ce jour des descendants peu modifiés, qui constituent ce qu'on appelle les espèces aberrantes. Plus une forme est aberrante, plus le nombre des formes exterminées et totalement disparues qui la rattachaient à d'autres formes doit être considérable. Nous avons la preuve que les groupes aberrants ont dû subir de nombreuses extinctions, car ils ne sont ordinairement représentés que par un très petit nombre d'espèces; ces espèces, en outre, sont le plus souvent très distinctes les unes des autres, ce qui implique encore de nombreuses extinctions. Les genres Ornithorynchus et Lepidosiren, par exemple, n'auraient pas été moins aberrants s'ils eussent été représentés chacun par une douzaine d'espèces au lieu de l'être aujourd'hui par une seule, par deux ou par trois. Nous ne pouvons, je crois, expliquer ce fait qu'en considérant les groupes aberrants comme des formes vaincues par des concurrents plus heureux, et qu'un petit nombre de membres qui se sont conservés sur quelques points, grâce à des conditions particulièrement favorables, représentent seuls aujourd'hui.

M. Waterhouse a remarqué que, lorsqu'un animal appartenant à un groupe présente quelque affinité avec un autre groupe tout à fait distinct, cette affinité est, dans la plupart des cas, générale et non spéciale. Ainsi, d'après M. Waterhouse, la viscache est, de tous les rongeurs, celui qui se rapproche le plus des marsupiaux; mais ses rapports avec cet ordre portent sur des points généraux, c'est-à-dire qu'elle ne se rapproche pas plus d'une espèce particulière de marsupial que d'une autre. Or, comme on admet que ces affinités sont réelles et non pas simplement le résultat d'adaptations, elles doivent, selon ma théorie, provenir par hérédité d'un ancêtre commun. Nous devons donc supposer, soit que tous les rongeurs, y compris la viscache, descendent de quelque espèce très ancienne de l'ordre des marsupiaux qui aurait naturellement présenté des caractères plus ou moins intermédiaires entre les formes existantes de cet ordre; soit que les rongeurs et les marsupiaux descendent d'un ancêtre commun et que les deux groupes ont depuis subi de profondes modifications dans des directions divergentes. Dans les deux cas, nous devons admettre que la viscache a conservé, par hérédité, un plus grand nombre de caractères de son ancêtre primitif que ne l'ont fait les autres rongeurs; par conséquent, elle ne doit se rattacher spécialement à aucun marsupial existant, mais indirectement à tous, ou à presque tous, parce qu'ils ont conservé en partie le caractère de leur commun ancêtre ou de quelque membre très ancien du groupe. D'autre part, ainsi que le fait remarquer M. Waterhouse, de tous les marsupiaux, c'est le Phascolomys qui ressemble le plus, non à une espèce particulière de rongeurs, mais en général à tous les membres de cet ordre. On peut toutefois, dans ce cas, soupçonner que la ressemblance est purement analogue, le phascolomys ayant pu s'adapter à des habitudes semblables à celles des rongeurs. A. – P. de Candolle a fait des observations à peu près analogues sur la nature générale des affinités de familles distinctes de plantes.

En partant du principe que les espèces descendues d'un commun parent se multiplient en divergeant graduellement en caractères, tout en conservant par héritage quelques caractères communs, on peut expliquer les affinités complexes et divergentes qui rattachent les uns aux autres tous les membres d'une même famille ou même d'un groupe plus élevé. En effet, l'ancêtre commun de toute une famille, actuellement fractionnée par l'extinction en groupes et en sous-groupes distincts, a dû transmettre à toutes les espèces quelques-uns de ses caractères modifiés de diverses manières et à divers degrés; ces diverses espèces doivent, par conséquent, être alliées les unes aux autres par des lignes d'affinités tortueuses et de longueurs inégales, remontant dans le passé par un grand nombre d'ancêtres, comme on peut le voir dans la figure à laquelle j'ai déjà si souvent renvoyé le lecteur. De même qu'il est fort difficile de saisir les rapports de parenté entre les nombreux descendants d'une noble et ancienne famille, ce qui est même presque impossible sans le secours d'un arbre généalogique, on peut comprendre combien a dû être grande, pour le naturaliste, la difficulté de décrire, sans l'aide d'une figure, les diverses affinités qu'il remarque entre les nombreux membres vivants et éteints d'une même grande classe naturelle.

L'extinction, ainsi que nous l'avons vu au quatrième chapitre, a joué un rôle important en déterminant et en augmentant toujours les intervalles existant entre les divers groupes de chaque classe. Nous pouvons ainsi nous expliquer pourquoi les diverses classes sont si distinctes les unes des autres, la classe des oiseaux, par exemple, comparée aux autres vertébrés. Il suffit d'admettre qu'un grand nombre de formes anciennes, qui reliaient autrefois les ancêtres reculés des oiseaux à ceux des autres classes de vertébrés, alors moins différenciées, se sont depuis tout à fait perdues. L'extinction des formes qui reliaient autrefois les poissons aux batraciens a été moins complète; il y a encore eu moins d'extinction dans d'autres classes, celle des crustacés par exemple, car les formes les plus étonnamment diverses y sont encore reliées par une longue chaîne d'affinités qui n'est que partiellement interrompue. L'extinction n'a fait que séparer les groupes; elle n'a contribué en rien à les former; car, si toutes les formes qui ont vécu sur la terre venaient à reparaître, il serait sans doute impossible de trouver des définitions de nature à distinguer chaque groupe, mais leur classification naturelle ou plutôt leur arrangement naturel serait possible. C'est ce qu'il est facile de comprendre en reprenant notre figure. Les lettres A à L peuvent représenter onze genres de l'époque silurienne, dont quelques-uns ont produit des groupes importants de descendants modifiés; on peut supposer que chaque forme intermédiaire, dans chaque branche, est encore vivante et que ces formes intermédiaires ne sont pas plus écartées les unes des autres que le sont les variétés actuelles. En pareil cas, il serait absolument impossible de donner des définitions qui permissent de distinguer les membres des divers groupes de leurs parents et de leurs descendants immédiats. Néanmoins, l'arrangement naturel que représente la figure n'en serait pas moins exact; car, en vertu du principe de l'hérédité, toutes les formes descendant de A, par exemple, posséderaient quelques caractères communs. Nous pouvons, dans un arbre, distinguer telle ou telle branche, bien qu'à leur point de bifurcation elles s'unissent et se confondent. Nous ne pourrions pas comme je l'ai dit, définir les divers groupes; mais nous pourrions choisir des types ou des formes comportant la plupart des caractères de chaque groupe petit ou grand, et donner ainsi une idée générale de la valeur des différences qui les séparent. C'est ce que nous serions obligés de faire, si nous parvenions jamais à recueillir toutes les formes d'une classe qui ont vécu dans le temps et dans l'espace. Il est certain que nous n'arriverons jamais à parfaire une collection aussi complète; néanmoins, pour certaines classes, nous tendons à ce résultat; et Milne-Edwards a récemment insisté, dans un excellent mémoire, sur l'importance qu'il y a à s'attacher aux types, que nous puissions ou non séparer et définir les groupes auxquels ces types appartiennent.

En résume, nous avons vu que la sélection naturelle, qui résulte de la lutte pour l'existence et qui implique presque inévitablement l'extinction des espèces et la divergence des caractères chez les descendants d'une même espèce parente, explique les grands traits généraux des affinités de tous les êtres organisés, c'est-à-dire leur classement en groupes subordonnés à d'autres groupes. C'est en raison des rapports généalogiques que nous classons les individus des deux sexes et de tous les âges dans une même espèce, bien qu'ils puissent n'avoir que peu de caractères en commun; la classification des variétés reconnues, quelque différentes qu'elles soient de leurs parents, repose sur le même principe, et je crois que cet élément généalogique est le lien caché que les naturalistes ont cherché sous le nom de système naturel. Dans l'hypothèse que le système naturel, au point où il en est arrivé, est généalogique en son arrangement, les termes genres, familles, ordres, etc., n'expriment que des degrés de différence et nous pouvons comprendre les règles auxquelles nous sommes forcés de nous conformer dans nos classifications. Nous pouvons comprendre pourquoi nous accordons à certaines ressemblances plus de valeur qu'à certaines autres; pourquoi nous utilisons les organes rudimentaires et inutiles, ou n'ayant que peu d'importance physiologique; pourquoi, en comparant un groupe avec un autre groupe distinct, nous repoussons sommairement les caractères analogues ou d'adaptation, tout en les employant dans les limites d'un même groupe. Nous voyons clairement comment il se fait que toutes les formes vivantes et éteintes peuvent être groupées dans quelques grandes classes, et comment il se fait que les divers membres de chacune d'elles sont réunis les uns aux autres par les lignes d'affinité les plus complexes et les plus divergentes. Nous ne parviendrons probablement jamais à démêler l'inextricable réseau des affinités qui unissent entre eux les membres de chaque classe; mais, si nous nous proposons un but distinct, sans chercher quelque plan de création inconnu, nous pouvons espérer faire des progrès lents, mais sûrs.

Le professeur Haeckel, dans sa Generelle Morphologie et dans d'autres ouvrages récents, s'est occupé avec sa science et son talent habituels de ce qu'il appelle la phylogénie, ou les lignes généalogiques de tous les êtres organisés. C'est surtout sur les caractères embryologiques qu'il s'appuie pour rétablir ses diverses séries, mais il s'aide aussi des organes rudimentaires et homologues, ainsi que des périodes successives auxquelles les diverses formes de la vie ont, suppose-t-on, paru pour la première fois dans nos formations géologiques. Il a ainsi commencé une oeuvre hardie et il nous a montré comment la classification doit être traitée à l'avenir.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
28 eylül 2017
Hacim:
870 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
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