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Kitabı oku: «Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I», sayfa 27

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Les boutiquiers de la ville, quoiqu'ils n'eussent qu'une idée fort indistincte de la nature de l'offense, ne pouvaient s'empêcher d'être tout à fait édifiés et réjouis par ce spectacle. Ils reconnaissaient le bras infatigable de la loi, qui était descendu, avec la force de vingt presses hydrauliques, sur deux coupables de la métropole elle-même. Cette puissante machine, mise en mouvement par leur propre magistrat, et dirigée par leurs propres officiers, avait comprimé les deux malfaiteurs dans l'étroite enceinte d'une chaise à porteurs. Nombreuses furent les expressions d'admiration qui saluèrent M. Grummer pendant qu'il conduisait le cortège, son bâton de commandement à la main; bruyantes et prolongées étaient les acclamations des malpeignés; et parmi ces témoignages unanimes de l'approbation publique, la procession s'avançait lentement et majestueusement.

Sam Weller, vêtu de sa jaquette du matin et avec ses manches de calicot noir, s'en revenait d'assez mauvaise humeur, car il avait inutilement examiné la mystérieuse maison à la porte verte, lorsqu'il aperçut, en levant les yeux, un flot de populaire qui s'avançait autour d'un objet ressemblant fort à une chaise à porteur. Charmé de trouver une distraction à son désappointement, il se rangea pour laisser passer les malpeignés, et voyant qu'ils applaudissaient en chemin, à leur grande satisfaction apparente, il commença immédiatement (par pur désœuvrement) à applaudir aussi de toutes ses forces et de tous ses poumons.

M. Grummer passa, et M. Dubbley passa, et la chaise à porteurs passa, et les gardes du corps spéciaux passèrent, et Sam répondait toujours aux acclamations enthousiastes de la populace, en agitant son chapeau au-dessus de sa tête, comme s'il eût été entraîné par la joie la plus vive, quoique, bien entendu, il n'eût pas la plus légère idée de ce qu'il applaudissait. Tout à coup il resta immobile, en voyant inopinément apparaître MM. Winkle et Snodgrass.

«Qu'est-ce qu'est arrivé, gentlemen? demanda Sam. Qu'est-ce qu'ils ont pincé dans cette guérite en deuil?»

Les deux amis répondirent ensemble: mais leurs paroles étaient dominées par le tumulte.

«Qu'est-ce qu'est dedans?» cria Sam de nouveau.

Une seconde réplique lui fut donnée en commun, et quoiqu'il n'en pût distinguer les paroles, il vit par le mouvement des deux paires de lèvres qu'elles avaient prononcé le mot magique: Pickwick.

C'en est assez; en une minute l'héroïque valet s'ouvre un chemin à travers la foule, arrête les porteurs, et vient affronter le majestueux Grummer.

«Ohé! vieux gentleman, lui dit-il; qu'est-ce que vous avez coffré dans cette boîte ici?

– Gare de delà! s'écria avec emphase M. Grummer, dont l'importance, comme celle de beaucoup d'autres grands hommes, était singulièrement enflée par le vent de la popularité.

– Faites-y prendre un billet de parterre, cria M. Dubbley.

– Je vous suis fort obligé pour votre politesse, vieux gentleman, reprit Sam; et je suis encore plus obligé à l'autre gentleman qui a l'air échappé d'une caravane de géants, pour son agréable avis; mais j'aimerais mieux que vous répondissiez à ma question, si ça vous est égal. – Comment vous portez-vous, monsieur?» Cette dernière phrase était adressée, d'un air protecteur, à M. Pickwick, dont les lunettes étaient perceptibles entre les stores et le châssis inférieur de la portière de la chaise.

M. Grummer, que l'indignation avait rendu muet, agita devant les yeux de Sam son gros bâton, orné d'une couronne de cuivre.

«Ah! dit celui-ci, c'est fort gentil; spécialement la couronne, qui est hermétiquement pareille à la véritable.

– Gare de delà!» vociféra de nouveau le fonctionnaire offensé; et comme pour donner plus de force à cet ordre, il saisit Sam d'une main, tandis que de l'autre il introduisait dans sa cravate le métallique emblème de la royauté. Notre héros répondit à ce compliment en jetant par terre son auteur, après avoir charitablement renversé le premier porteur, pour lui servir de tapis.

M. Winkle fut-il alors saisi d'une attaque temporaire de cette espèce d'insanité produite par le sentiment d'une injure, ou fut-il mis en train par le spectacle de la valeur de Sam? C'est ce qui est incertain. Mais il est certain qu'à peine avait-il vu tomber Grummer, qu'il fit une terrible invasion sur un petit gamin qui se trouvait près de lui. Échauffé par cet exemple, M. Snodgrass, dans un esprit véritablement chrétien, et afin de ne prendre personne en traître, annonça hautement qu'il allait commencer; aussi fut-il entouré et empoigné pendant qu'il ôtait son habit avec le plus grand soin. Au reste, pour lui rendre justice, ainsi qu'à M. Winkle, nous devons déclarer qu'ils ne firent pas la plus légère tentative pour se défendre, ni pour délivrer Sam; car celui-ci, après la plus vigoureuse résistance, avait enfin été accablé par le nombre et était demeuré prisonnier. La procession se reforma donc, les porteurs firent leur office, et la marche recommença.

Pendant toute la durée de ces opérations, l'indignation de M. Pickwick n'avait pas connu de bornes. Il distinguait confusément que Sam renversait les constables et distribuait des horions autour de lui; mais c'était tout ce qu'il pouvait voir, car la portière de la chaise refusait de s'ouvrir, et les stores ne voulaient pas se relever. A la fin, avec l'assistance de son compagnon de captivité, M. Pickwick parvint à soulever l'impériale, monta sur la banquette, se haussa le plus qu'il put en appuyant ses deux mains sur les épaules de M. Tupman, et commença à haranguer la multitude. Il la prit à témoin que son domestique avait été assailli le premier. Il s'étendit éloquemment sur la brutalité inexcusable avec laquelle lui-même avait été traité, et ce fut de cette manière que la caravane atteignit la maison du magistrat; les porteurs trottant, les prisonniers suivant, M. Pickwick haranguant, et la populace vociférant.

CHAPITRE XXV.
Montrant combien M. Nupkins était majestueux et impartial, et comment Sam Weller prit sa revanche de M. Job Trotter; avec d'autres événements qu'on trouvera à leur place

M. Snodgrass et M. Winkle écoutaient avec un sombre respect le torrent d'éloquence qui découlait des lèvres de leur mentor, et que ne pouvaient arrêter ni le mouvement rapide de la chaise à porteurs, ni les supplications instantes de M. Tupman pour abaisser le couvercle de la voiture. Mais l'indignation de Sam, tandis qu'on l'emportait, avait un caractère plus bruyant. Il faisait de nombreuses allusions à la tournure de M. Grummer et de ses compagnons, et il exhalait son mécontentement par de courageux défis qu'il lançait indistinctement à six des plus valeureux spectateurs. Cependant sa colère fit promptement place à la curiosité, lorsque la procession entra précisément dans la cour où il avait rencontré le fuyard Job Trotter; et la curiosité fut remplacée par le sentiment du plus joyeux étonnement, lorsque l'important M. Grummer s'avança, d'un pas noble, justement vers la porte verte d'où Job Trotter était sorti. Au bruit de la sonnette, qu'il fit retentir fortement, accourut une jeune servante très-jolie et très-pimpante qui, après avoir levé ses mains vers le ciel, à l'apparence rebelle des prisonniers et au langage passionné de M. Pickwick, appela M. Muzzle. M. Muzzle ouvrit à moitié la porte cochère pour admettre la chaise à porteurs, les captifs et les spéciaux; puis la referma violemment au nez de la populace. Justement indignée d'une telle exclusion et vivement désireuse de voir ce qui arriverait ensuite, la dite populace soulagea son ennui en frappant à la porte et en tirant la sonnette pendant une heure ou deux, amusement auquel prirent part, tour à tour, tous les mal peignés, excepté trois ou quatre qui eurent le bonheur de découvrir dans la porte un vasistas grillé, à travers lequel on n'apercevait rien. Ceux-ci restèrent pendus à cette ouverture, avec la persévérance infatigable qui fait que certaines gens s'aplatissent le nez contre les carreaux d'un apothicaire, quand un homme saoul, renversé par un dog-cart, subit une opération chirurgicale dans l'arrière-parloir.

La chaise à porteurs s'arrêta devant un escalier de pierre conduisant à la porte de la maison, et gardé, de chaque côté, par un aloès américain, debout dans une caisse verte. Déposés là, M. Pickwick et ses amis furent ensuite amenés dans la grande salle, et, ayant été annoncés par Muzzle, furent admis en la présence du vigilant M. Nupkins.

La scène était pleine de grandeur et bien calculée pour frapper de terreur le cœur des coupables, et pour leur inculquer une haute idée de la sévère majesté des lois. Devant un énorme cartonnier, dans un énorme fauteuil, derrière une énorme table, et appuyé sur un énorme volume, était assis M. Nupkins, qui paraissait encore plus énorme que tous ces objets réunis. La table était ornée de piles de papiers, de l'autre côté desquels apparaissaient la tête et les épaules de M. Jinks, activement occupé à avoir l'air aussi occupé que possible. La caravane étant entrée, Muzzle ferma soigneusement la porte et se plaça derrière le fauteuil de son maître, pour attendre ses ordres, tandis que M. Nupkins, se penchant en arrière avec une solennité importante, scrutait la figure de ses hôtes forcés.

M. Pickwick, interprète ordinaire de ses amis, se tenait debout, son chapeau à la main, et saluait avec la plus respectueuse politesse. «Quel est cet individu? dit M. Nupkins, en le montrant du doigt à l'homme d'un âge mûr.

– Cti-ci, c'est Pickwick, Votre Vin-à-ration, répondit Grummer.

– Allons, allons, en voilà assez, vieux gobe-mouche, interrompit Sam, en s'ouvrant, avec les coudes, un passage jusqu'au premier rang. Je vous demande pardon, monsieur, mais cet officier-ci, avec ses bottes à revers nankin, il ne gagnera jamais sa vie nulle part comme maître des cérémonies. Voilà ici, continua Sam, en mettant de côté M. Grummer et en s'adressant au magistrat avec une agréable familiarité, voilà ici Samuel Pickwick, esquire; voilà ici M. Tupman; voilà ici M. Snodgrass; et plus loin, à côté de lui, de l'autre côté, M. Winkle, tous des gentlemen bien gentils, monsieur, et dont vous auriez du plaisir à faire la connaissance. Aussi, plus tôt vous aurez coffré tous ces bedeaux-là, pour un mois ou deux, au Tread-mill28, et plus tôt nous serons bons amis. Les affaires d'abord, tes plaisirs après, comme dit le roi Richard quand il poignarda l'autre dans la tour, avant d'étouffer les moutards.»

Après avoir débité cette adresse, Sam s'occupa à polir son chapeau avec son coude droit, et fit d'un air bénin un signe de tête à M. Jinks, qui l'avait entendu d'un bout à l'autre avec une indicible terreur.

«Quel est cet homme, Grummer? balbutia le magistrat.

– Un malfaiteur très-dangereux, Votre Vin-à-ration. Il a voulu délivrer les prisonniers et il a attaqué les agents de l'autorité. Com'ça nous l'avons empoigné.

– Vous avez bien fait, Grummer. C'est évidemment un bandit audacieux.

– C'est mon domestique, monsieur, dit M. Peckwick, avec un peu d'irritation.

– Ah! c'est votre domestique? – Conspiration pour arrêter le cours de la justice et pour assassiner ses officiers. Domestique de Pickwick. Écrivez cela, monsieur Jinks.»

M. Jinks écrivit.

«Comment vous appelez-vous, drôle? poursuivit le magistrat.

– Weller, répondit Sam.

– Un excellent nom pour le calendrier de Newgate,» observa M. Nupkins.

C'était une plaisanterie; aussi Grummer, Dubbley, tous les spéciaux, et Muzzle éclatèrent-ils de rire, avec des convulsions qui durèrent pendant cinq minutes.

«Écrivez son nom, monsieur Jinks, reprit le magistrat – Mettez deux l, vieux pigeon, dit Sam.» Ici, un malheureux spécial se mit à rire encore et le magistrat le menaça de le faire empoigner sur-le-champ. Il est dangereux, quelquefois, de rire mal à propos.

«Où vivez-vous? demanda le magistrat.

– Où je me trouve, répondit Sam.

– Notez cela, monsieur Jinks! cria le magistrat, dont la colère s'augmentait rapidement.

– Et n'oubliez pas de souligner, poursuivit Sam.

– C'est un vagabond, monsieur Jinks! c'est un vagabond d'après son propre aveu. N'est-ce pas vrai, monsieur Jinks, que c'est un vagabond?

– Certainement, monsieur.

– Hé bien! s'écria M. Nupkins en frappant la table de son poing; écrivez sur-le-champ son mandat de dépôt. Il faut lui apprendra à vivre!

– Bien obligé, mon magistrat, répliqua Sam. Mais vous devriez bien aller à c'te école-là pendant quelques mois.»

A cette saillie un autre spécial éclata de rire, et ensuite prit un air de gravité tellement surnaturelle que M. Nupkins le découvrit immédiatement.

«Grummer! s'écria-t-il en rougissant de courroux, comment osez-vous choisir pour constable spécial un être aussi nul et aussi inconvenant que cet homme! Répondez, monsieur!

– J'en suis bien infligé, Votre Vin-à-ration, balbutia Grummer.

– Bien affligé! répéta le magistrat furieux. Vous avez raison de l'être! je vous apprendrai à négliger ainsi votre devoir, M. Grummer! je ferai un exemple sur vous. Otez le bâton de ce drôle. Il est ivre. Vous êtes ivre, drôle!

– Non Fotre Fénération, répondit l'homme; je ne suis pas ifre.

– Vous êtes ivre! répliqua le magistrat. Comment osez-vous dire que nous n'êtes pas ivre, monsieur, quand je vous dis que vous êtes ivre. Est-ce qu'il ne sent pas l'eau-de-vie, Grummer?

– Horriblement, Votre Vin-à-ration, répondit M. Grummer, dont les nerfs olfactifs éprouvaient effectivement une vague impression de rhum.

– J'en étais sûr, reprit M. Nupkins. Quand il est entré dans la chambre, j'ai vu à son œil enflammé qu'il était ivre. Avez-vous remarqué son œil enflammé, M. Jinks?

– Certainement, monsieur.

– Che n'ai pas touché une koutte d'eau-te-fie t'aujourd'hui, déclara l'homme, qui était peut-être le plus sobre de toute la bande.

– Monsieur Jinks, poursuivit le magistrat, je l'enverrai en prison pour avoir insulté la cour. Écrivez son mandat de dépôt, M. Jinks.»

Cependant M. Jinks, qui était le conseiller de M. Nupkins, et qui avait eu une éducation légale, car il avait passé trois années dans l'étude d'un procureur de province; M. Jinks, disons-nous, fit observer tout bas au magistrat que cela ne pourrait pas aller ainsi. Le magistrat improvisa donc un discours, dans lequel il déclara que par considération pour la famille du spécial il se contentait de le réprimander et de le casser. En conséquence, le malheureux coupable fut violemment injurié pendant un quart d'heure, puis renvoyé à ses affaires; et Grummer, Dubbley, Muzzle et tous les autres spéciaux murmurèrent, pendant un autre quart d'heure, leur admiration de la conduite magnanime du magistrat.

«Maintenant, monsieur Jinks, reprit celui-ci, faites prêter serment à Grummer.»

Grummer prêta serment immédiatement, mais comme il s'égarait dans sa déposition, et comme le dîner de M. Nupkins était prêt, le magistrat, pour couper court, se mit à faire des questions à M. Grummer, et M. Grummer lui répondait affirmativement autant qu'il le pouvait, si bien que l'instruction marcha très-rapidement et très-confortablement. Sam Weller fut convaincu de voies de fait, M. Winkle de menaces, M. Snodgrass de résistance; et quand tout ceci fut fait à la satisfaction du magistrat, le magistrat et M. Jinks se consultèrent à voix basse.

La consultation ayant duré environ dix minutes, M. Jinks se retira à son bout de la table, et le magistrat, après une toux préparatoire, se redressa dans son fauteuil et allait prononcer un discours lorsque M. Pickwick prit la parole.

«Monsieur, dit-il, je vous demande pardon de vous interrompre; mais avant que vous exprimiez l'opinion que vous pouvez avoir formée, et avant que vous agissiez en conséquence, je dois réclamer mon droit d'être entendu, pour ce qui me regarde personnellement, du moins.

– Taisez-vous, monsieur? s'écria le magistrat d'un ton péremptoire.

– Il faut bien que je me soumette à votre autorité, monsieur, répondit M. Pickwick.

– Taisez-vous, monsieur! reprit le magistrat, ou je vous ferai emmener par un de mes officiers.

– Vous pouvez ordonner à vos officiers de faire tout ce qu'il vous plaira, monsieur; et d'après ce que j'ai vu de leur subordination je n'ai pas le plus petit doute qu'ils n'exécutent tout ce qu'il vous plaira de leur ordonner; mais je prendrai la liberté de réclamer le droit que j'ai d'être entendu, et je le réclamerai jusqu'à ce qu'on m'éloigne d'ici par la violence.

– Pickwick et les principes! s'écria Sam d'une voix sonore.

– Sam, tenez-vous tranquille, lui dit son maître.

– Muet comme un tambour troué,» répliqua le personnage.

M. Nupkins, frappé d'étonnement par une témérité si extraordinaire! lança à M. Pickwick un regard courroucé, et allait apparemment lui répondre très-sévèrement, lorsque M. Jinks le tira par la manche et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Le magistrat fit une réponse a demi haut; puis le chuchotement fut renouvelé. Il était évident que M. Jinks lui adressait des remontrances.

A la fin, le magistrat, avalant de fort mauvaise grâce le dépit qu'il éprouvait d'en entendre plus long, se retourna vers M. Pickwick et lui dit brusquement: «Qu'est-ce que vous avez à dire?

– D'abord, répondit le philosophe, en lançant à travers ses lunettes un regard qui intimida M. Nupkins sur son siége; d'abord je désire connaître pourquoi mon ami et moi nous avons été amenés ici?

– Suis-je tenu de le lui dire? chuchota le magistrat à M. Jinks.

– Je pense que oui, monsieur, chuchota M. Jinks au magistrat.

– On a déposé devant moi, sous la foi du serment, qu'il y avait lieu de craindre que vous ne voulussiez vous battre en duel; et que cet autre homme, Tupman, devait être votre fauteur et votre complice dans le dit duel; c'est pourquoi… eh! monsieur Jinks?

– Certainement, monsieur.

– C'est pourquoi, je vous condamne tous les deux à… Je pense que voilà l'affaire, monsieur Jinks.

– Certainement, monsieur.

– Je vous condamne à… à… à quoi, monsieur Jinks? demanda le magistrat avec dépit.

– A fournir caution, monsieur.

– Oui. C'est pourquoi je vous condamne tous les deux, comme j'allais dire lorsque j'ai été interrompu par mon clerc, à fournir caution.

– Bonne caution, chuchota L. Jinks.

– J'exigerai deux bonnes cautions, reprit le magistrat.

– Bourgeois de la ville, chuchota M. Jinks.

– Qui doivent être des bourgeois de la ville, poursuivit le magistrat.

– Cinquante guinées chacune et des propriétaires, comme il va sans dire.

– J'exigerai deux cautions de cinquante guinées chacune, continua le magistrat à voit haute et avec grande dignité; et je n'accepterai que des propriétaires, comme il va sans dire.

– Mais, monsieur, fit observer M. Pickwick, qui, ainsi que M. Tupman, était rempli d'étonnement et d'indignation, mais monsieur, nous sommes parfaitement étrangers à la ville et j'y connais autant de propriétaires que j'ai envie d'y avoir un duel.

– Oui, oui, on connaît ça, dit le magistrat. N'est-ce pas, monsieur Jinks?

– Certainement, monsieur.

– Avez-vous quelque chose a ajouter?» reprit le magistrat.

M. Pickwick avait bien des choses à ajouter, et il les aurait ajoutées sans aucun doute, avec aussi peu de profit pour lui-même que de satisfaction pour le magistrat, s'il n'avait pas été engagé alors avec Sam, dans une conversation tellement intéressante qu'il n'entendit point la question qui lui était adressée. M. Nupkins n'était point homme à demander deux fois une chose de cette nature. Il toussa donc de nouveau, d'une manière préparatoire, et prononça sa décision au milieu du silence admirateur et respectueux des constables.

Il condamnait Weller à deux guinées d'amende pour les premières voies de fait, et à trois guinées pour les secondes; il condamnait Winkle à deux guinées; Snodgrass à une guinée; et les requérait, en outre, de jurer qu'ils ne commettraient de violences sur aucun sujet de Sa Majesté, et notamment sur ses hommes liges, Daniel et Grummer: il avait déjà requis Pickwick et Tupman de fournir des cautions.

Aussitôt que le magistrat eut cessé de parler, M. Pickwick, dont la physionomie était de nouveau animée par un sourire de bonne humeur, fit un pas en avant, et dit:

«Je prie le magistrat de vouloir bien m'accorder quelques minutes de conversation en particulier. Il s'agit d'une affaire qui est d'une grave importance pour lui-même.

– Quoi!» s'écria M. Nupkins.

M. Pickwick répéta sa requête.

«Voilà une demande bien extraordinaire! dit le magistrat. Une conversation en particulier!

– Une conversation en particulier, répéta M. Pickwick avec fermeté. Seulement, comme c'est par mon domestique que j'ai appris une partie de ce que j'ai à vous communiquer, je désirerais qu'il fût présent.»

Le magistrat regarda M. Jinks. M. Jinks regarda le magistrat, et les officiers se regardèrent l'un l'autre avec étonnement. Tout à coup M. Nupkins devint pâle. Peut-être ce Weller, dans un moment de remords, avait-il confessé quelque complot formé pour assassiner le magistrat. C'était une horrible pensée! En effet, M. Nupkins était un homme politique; et il devint encore plus pâle en songeant à Jules César et à M. Perceval.

Il regarda de nouveau M. Pickwick et fit un signe à M. Jinks.

«Que pensez-vous de cette demande, monsieur Jinks,» murmura-t-il à son oreille.

M. Jinks, qui ne savait pas exactement qu'en penser, et qui avait peur d'offenser son patron, sourit faiblement, d'une manière douteuse; puis, serrant les coins de sa bouche, secoua lentement sa tête.

«Monsieur Jinks, dit le magistrat gravement, vous êtes un âne, monsieur.»

En entendant cette petite expression familière, M. Jinks sourit encore, peut-être plus faiblement que la première fois, et se retira par degrés dans son coin.

Pendant quelques secondes M. Nupkins débattit la question en lui-même. Ensuite, se levant d'un air résolu, il invita M. Pickwick et Sam à le suivre, et les conduisit dans une petite chambre qui s'ouvrait sur la salle de justice. Là, il leur fit signe d'aller jusqu'au fond, et lui-même resta à l'entrée, tenant sa main sur la porte à demi fermée, afin de pouvoir facilement battre en retraite s'il découvrait chez ses justiciables la plus légère manifestation d'intentions hostiles. Enfin il déclara qu'il était prêt à entendre leurs communications, quelles qu'elles pussent être.

«Monsieur, dit M. Pickwick, j'arriverai au fait tout d'un coup, car il s'agit d'une chose qui affecte notablement votre personne et votre honneur. J'ai tout lieu de croire, monsieur, que vous recevez dans votre maison un vil imposteur.

– Deux! interrompit Sam; le valet en livrée violette enfonce tout le monde, en fait de larmes et de la scélératesse!

– Sam, dit M. Pickwick, je vous prie de vous modérer, afin que je puisse me rendre intelligible à ce gentleman.

– Très-fâché, monsieur, répliqua Sam; mais quand je pensa à ce Job ici. Je ne peux pas m'empêcher d'ouvrir un peu la soupape de sûreté, autrement j'éclaterais.

– En un mot, monsieur, reprit M. Pickwick, mon domestique a-t-il raison de supposer qu'un certain capitaine Fitz-Marshall est dans l'habitude de vous faire des visites. Je vous demande cela, ajouta M. Pickwick en voyant que M. Nupkins était sur le point de l'interrompre avec indignation; je vous demande cela parce que je sais que cet individu est un…

– Chut! chut! dit M, Nupkins en fermant la porte. Vous savez qu'il est quoi, monsieur?

– Un vagabond sans principes, un misérable aventurier, qui vit aux dépens de la société; qui prend les gens faciles à tromper pour ses dupes, monsieur; pour ses absurdes, ses malheureuses, ses ridicules dupes, monsieur, s'écria M. Pickwick surexcité.

– Dieu nous assiste! dit M. Nupkins en rougissant jusqu'aux oreilles, et en changeant sur-le-champ toutes ses manières. Dieu nous assiste, monsieur…

– Pickwick, souffla Sam.

– Pickwick, répéta le magistrat. Dieu nous assiste, monsieur Pickwick. Asseyez-vous, je vous en prie. Que me dites-vous là! Le capitaine Fitz-Marshall!

– Ne l'appelez pas capitaine, interrompit Sam; ni Fitz-Marshall non plus. Il n'est ni l'un ni l'autre. C'est un cabotin qui s'appelle Jingle; et si jamais il y a eu un loup en habit violet, c'est ce Job Trotter ici.

– Cela est très-vrai, monsieur, dit M. Pickwick en réponse au regard d'étonnement du magistrat; et ma seule affaire dans cette ville, était de démasquer l'individu dont nous parlons.»

Alors M. Pickwick répandit dans l'oreille épouvantée du magistrat, un récit abrégé de toutes les atrocités de M. Jingle. Il rapporta comment leur connaissance s'était faite; comment Jingle s'était échappé avec miss Wardle; comment il avait joyeusement renoncé à cette demoiselle pour une somme d'argent; comment il avait attiré M. Pickwick, à minuit, dans une pension de jeunes demoiselles; et comment lui, M. Pickwick, regardait comme un devoir de dévoiler sa présente usurpation de nom et de qualité.

A mesure que cette narration s'avançait, tout le sang qui circulait habituellement dans le corps de M. Nupkins, se rassemblait dans les veines de son visage et jusqu'aux extrémités de ses oreilles. Il avait ramassé le capitaine à une course de chevaux du voisinage, et l'avait présenté à mistress Nupkins et à miss Nupkins. Celles-ci, charmées par la longue liste des connaissances aristocratiques du capitaine Fitz-Marshall, par ses lointains voyages, par sa tournure fashionable, avaient exhibé le capitaine Fitz-Marshall, cité le capitaine Fitz-Marshall, jeté le capitaine Fitz-Marshall au nez de toutes leurs connaissances; tellement que leurs amis de cœur, madame Porkenham, et les misses Porkenham, et M. Sidney Porkenham étaient près d'en crever de jalousie et de désespoir; et maintenant, après tout cela, il se trouvait que c'était un pauvre aventurier, un acteur ambulant, et sinon un escroc, du moins quelque chose qui y ressemblait tellement qu'il était bien difficile d'en faire la différence! Juste ciel! que diraient les Porkenham! quel serait le triomphe de M. Sidney Porkenham quand il connaîtrait le rival à qui ses galanteries avaient été sacrifiées! Comment M. Nupkins oserait-il soutenir les regards du vieux Porkenham aux prochaines assises? Et si l'histoire se répandait, quel texte pour l'opposition magistrale!

Il y eut un long silence.

«Mais après tout, s'écria M. Nupkins, en redevenant radieux pour un instant; après tout, ceci n'est qu'une simple allégation. Le capitaine Fitz-Marshall a des manières fort engageantes, et j'ose dire qu'il s'est fait plus d'un ennemi. Quelles preuves avez-vous de la vérité de cette accusation?

– Confrontez-moi avec lui, voilà tout ce que je vous demande, tout ce que j'exige. Confrontez-le avec moi et avec mes amis. Aurez-vous besoin d'autres preuves?

– Vraiment, cela serait très-facile, car il vient ici ce soir, et alors il n'y aurait pas besoin de rendre l'affaire publique, dans l'intérêt… dans l'intérêt du jeune homme seulement; vous voyez… cependant, je… je voudrais d'abord consulter Mme Nupkins, sur la convenance de cette démarche. Mais à tous événements, monsieur Pickwick, il faut expédier cette affaire légale avant de nous occuper d'autre chose. Revenez, je vous prie, dans la salle.

Lorsqu'on y fut réinstallé: «Grummer! dit le magistrat, d'une voix majestueuse:

– Votre Vin-à-ration, répondit Grummer avec le sourire d'un favori.

– Allons, allons, monsieur, reprit le magistrat sévèrement; pas de légèreté ici: c'est fort inconvenant, et je vous assure que vous avez peu de raison de sourire. Le récit que vous m'avez fait tout à l'heure était-il exactement vrai? Faites attention à vos réponses, monsieur.

– Votre Vin-à-ration balbutia Grummer, je…

– Ah! vous vous troublez, monsieur! Monsieur Jinks, remarquez-vous qu'il se trouble?

– Certainement, monsieur.

– Hé bien! voyons, répétez votre déposition, Grummer; et je vous avertis encore de prendre garde à vous. Monsieur Jinks, écrivez sa déposition.»

L'infortuné Grummer commença donc à redire sa plainte. Mais grâce à ce que M. Jinks recueillait ses paroles, tandis que le magistrat les relevait, grâce aussi à sa diffusion naturelle et à sa confusion présente, en moins de trois minutes il parvint à s'embarrasser dans un tel gâchis de contradictions, que M. Nupkins déclara positivement qu'il ne le croyait pas. Les amendes furent donc annulées; M. Jinks trouva en moins de rien une couple de cautions, et toutes ces opérations solennelles ayant été terminées d'une manière satisfaisante, M. Grummer fut ignominieusement renvoyé: exemple terrible de l'instabilité des grandeurs humaines, et du peu de confiance qu'on doit avoir dans la faveur des grands.

Mme Nupkins était une femme dédaigneuse et sévère, en turban de gaze bleue et en perruque brune. Miss Nupkins possédait toute la hauteur de sa mère, moins le turban, et toute sa mauvaise humeur, moins la perruque. Or, chaque fois que l'exercice de ces deux aimables qualités embarrassait la mère et la fille dans quelque dilemme désagréable, ce qui arrivait assez fréquemment, elles se réunissaient pour jeter tout le blâme sur les épaules de M. Nupkins. Ainsi, lorsque celui-ci alla trouver son épouse, et lui communiqua les détails qui lui avaient été donnés par M. Pickwick, madame Nupkins se rappela tout à coup qu'elle avait toujours soupçonné quelque chose de la sorte; qu'elle avait toujours dit que cela devait arriver; qu'on n'avait jamais voulu écouter ses avis; que réellement elle ne savait pas pour qui M. Nupkins la prenait, etc., etc.

«Est-il possible, s'écria miss Nupkins en fabriquant, dans le coin de chaque œil, une larme d'une très-maigre dimension, est-il possible que j'aie été ainsi tournée en ridicule!

– Ah! ma chère, dit Mme Nupkins, vous pouvez en remercier votre papa. Combien je l'ai supplié de s'informer de la famille du capitaine! combien je l'ai pressé de prendre un parti décisif. Je suis sûre que personne ne voudrait le croire à présent.

– Mais ma chère… fit observer M. Nupkins.

– Ne me parlez pas, être insupportable!

– Mon amour, vous aimiez tant le capitaine Fitz-Marshall; vous l'invitiez constamment ici, et vous ne perdiez aucune occasion de l'introduire chez nos amis.

– Ne le disais-je pas, Henriette! s'écria Mme Nupkins en s'adressant à sa fille avec l'air d'une femme injuriée; ne vous le disais-je pas, que votre papa se retournerait et mettrait tout cela sur mon dos. Ne le disais-je pas!..» Ici Mme Nupkins fondit en larmes.

28
  Moulin que les condamnés font mouvoir en marchant sur un cylindre.
(Note du traducteur.)

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Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
01 kasım 2017
Hacim:
590 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
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