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Kitabı oku: «Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. II», sayfa 12

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– Oh! ciel! que puis-je faire pour prévenir ces épouvantables querelles?

– C'est la supposition d'un attachement antérieur qui est la cause de tout, miss. Vous feriez mieux de le voir.

– Mais où? comment? s'écria Arabelle. Je ne puis quitter la maison toute seule, mon frère est si peu raisonnable, si injuste! Je sais combien il peut paraître étrange que je vous parle ainsi, M. Weller, mais je suis malheureuse, bien malheureuse!..»

Ici la pauvre Arabelle se mit à pleurer amèrement, et Sam devint chevaleresque.

«C'est possible que ça ait l'air étrange, reprit-il avec une grande véhémence, mais tout ce que je puis dire, c'est que je suis disposé à faire l'impossible pour arranger les affaires, et si ça peut être utile de jeter soit l'un soit l'autre des carabins par la fenêtre, je suis votre homme.» En disant ceci, et pour intimer son empressement de se mettre à l'ouvrage, Sam releva ses parements d'habit, au hasard imminent de tomber du haut en bas du mur, pendant cette manifestation.

Quelque flatteuse que fût cette profession de dévouement, Arabelle refusa obstinément d'y avoir recours, au grand étonnement de l'héroïque valet. Pendant quelque temps elle refusa, tout aussi courageusement, d'accorder à M. Winkle l'entrevue demandée par Sam d'une manière si pathétique; mais à la fin, et lorsque la conversation menaçait d'être interrompue par l'arrivée intempestive d'un tiers, elle lui donna rapidement à entendre, avec beaucoup d'expressions de gratitude, qu'il ne serait pas impossible qu'elle se trouvât dans le jardin le lendemain, une heure plus tard. Sam comprit parfaitement la chose; et Arabelle, lui ayant accordé un de ses plus doux sourires, s'éloigna d'un pas leste et gracieux, laissant M. Weller dans une vive admiration de ses charmes, tant spirituels que corporels.

Descendu sans encombre de sa muraille, Sam n'oublia pas de dévouer quelques minutes à ses propres affaires, dans le même département; puis il retourna directement à l'hôtel du Buisson, où son absence prolongée avait occasionné beaucoup de suppositions et quelques alarmes.

«Il faudra que nous soyons très-prudents, dit M. Pickwick après avoir écouté attentivement le récit de Sam: non dans notre propre intérêt, mais dans celui de la jeune lady. Il faudra que nous soyons très-prudents.

– Nous? s'écria M. Winkle avec une emphase marquée.»

Le ton de cette observation arracha à M. Pickwick un coup d'œil d'indignation momentanée, mais qui fut remplacé presque aussitôt par son expression de bienveillance accoutumée, lorsqu'il répondit: «Oui, nous, monsieur! Je vous accompagnerai.

– Vous? s'écria M. Winkle.

– Moi, reprit M. Pickwick d'un ton doux. En vous accordant cette entrevue, la jeune lady a fait une démarche naturelle, peut-être, mais très-imprudente. Si je m'y trouve présent, moi qui suis un ami commun, et assez vieux pour être le père de l'un et de l'autre, la voix de la calomnie ne pourra jamais s'élever contre elle, par la suite.»

En parlant ainsi, la contenance de M. Pickwick s'illumina d'une honnête satisfaction de sa propre prévoyance.

M. Winkle fut touché de cette preuve délicate de respect donnée par M. Pickwick à sa jeune protégée. Il saisit la main du philosophe avec un sentiment qui tenait de la vénération.

«Vous y viendrez? lui dit-il.

– Oui, répliqua M. Pickwick. Sam, vous préparerez mon paletot et mon châle, et vous aurez soin de faire venir une voiture à la porte, demain soir un peu avant l'heure nécessaire, afin que nous soyons sûrs d'arriver à temps.»

Sam toucha son chapeau en signe d'obéissance et se retira pour faire les préparatifs de l'expédition.

La voiture fut ponctuelle à l'heure désignée, et après avoir installé M. Pickwick et M. Winkle dans l'intérieur, Sam se plaça sur le siége à côté du cocher. Ils descendirent comme ils étaient convenus, à environ un quart de mille du lieu du rendez-vous, et, ordonnant au cocher d'attendre leur retour, firent le reste du chemin à pied.

C'est dans cette période de leur entreprise que M. Pickwick, avec plusieurs sourires et divers autres signes d'un grand contentement intérieur, tira d'une de ses poches une lanterne sourde dont il s'était pourvu spécialement pour cette occasion. Tout en marchant, il en expliquait à M. Winkle la grande beauté mécanique, à l'immense surprise du peu de passants qu'ils rencontraient.

«Je m'en serais mieux trouvé si j'avais eu quelque chose de la sorte dans ma dernière expédition nocturne, au jardin de la pension, eh! eh! Sam? dit-il en se tournant avec bonne humeur vers son domestique qui marchait derrière lui.

– Très-jolies choses quand on connaît la manière de s'en servir, monsieur. Mais si on ne veut pas être vu, je crois qu'elles sont plus utiles quand la chandelle est éteinte.»

M. Pickwick fut apparemment frappé de la remarque de Sam, car il mit la lanterne dans sa poche, et ils continuèrent à marcher en silence.

«Par ici, monsieur, murmura Sam. Laissez-moi vous conduire. Voici la ruelle, monsieur.»

Ils entrèrent dans la ruelle, et comme elle était passablement noire, M. Pickwick, pour voir le chemin, tira deux ou trois fois sa lanterne, et jeta devant eux une petite échappée de lumière fort brillante d'environ un pied de diamètre. C'était extrêmement joli à regarder; mais cela ne semblait avoir d'autre effet que de rendre plus obscures les ténèbres environnantes.

À la fin, ils arrivèrent à la grosse pierre, sur laquelle Sam fit asseoir son maître et M. Winkle, tandis qu'il allait faire une reconnaissance, et s'assurer que Mary les attendait.

Après une absence de huit ou dix minutes, Sam revint dire que la porte était ouverte et que tout paraissait tranquille. M. Pickwick et M. Winkle, le suivant d'un pas léger, se trouvèrent bientôt dans le jardin, et là tout le monde se prit à dire: Chut! chut! un assez grand nombre de fois; mais cela étant fait, personne ne sembla plus avoir une idée distincte de ce qu'il fallait faire ensuite.

«Miss Allen est-elle déjà dans le jardin, Mary? demanda M. Winkle fort agité.

– Je n'en sais rien, monsieur, répondit la jolie bonne. La meilleure chose à faire, c'est que M. Weller vous donne un coup d'épaule dans l'arbre, et peut-être que monsieur Pickwick aura la bonté de voir si personne ne vient dans la ruelle pendant que je monterai la garde à l'autre bout du jardin. Seigneur! qu'est-ce que cela?

– Cette satanée lanterne causera notre malheur à tous! s'écria Sam aigrement. Prenez garde à ce que vous faites, monsieur; vous envoyez un tremblement de lumière, droit dans la fenêtre du parloir.

– Pas possible!.. dit M. Pickwick, en détournant brusquement sa lanterne. Je ne l'ai pas fait exprès.

– Maintenant, vous illuminez la maison voisine, monsieur.

– Bonté divine!.. s'écria M. Pickwick en se détournant encore.

– Voilà que vous éclairez l'écurie, et l'on croira que le feu y est. Fermez la cloison, monsieur; est-ce que vous ne pouvez pas?

– C'est la lanterne la plus extraordinaire que j'aie jamais rencontrez dans toute ma vie! s'écria M. Pickwick, grandement abasourdi par les effets pyrotechniques qu'il avait produits sans le vouloir. Je n'ai jamais vu de réflecteur si puissant.

– Il sera trop puissant pour nous, si vous le tenez flambant de cette manière ici, monsieur, répliqua Sam, comme M. Pickwick, après d'autres efforts inutiles, parvenait à fermer la coulisse. J'entends les pas de la jeune lady, monsieur Winkle, monsieur, oup là!

– Arrêtez, arrêtez!.. dit M. Pickwick. Je veux lui parler d'abord; aidez-moi, Sam.

– Doucement, monsieur, répondit Sam en plantant sa tête contre le mur et faisant une plate-forme de son dos. Montez sur ce pot de fleur ici, monsieur. Allons maintenant, oup!

– J'ai peur de vous blesser, Sam.

– Ne vous inquiétez pas, monsieur. Aidez-le à monter, monsieur Winkle. Allons, monsieur, allons! voilà le moment.»

Sam parlait encore, et déjà M. Pickwick était parvenu à lui grimper sur le dos, par des efforts presque surnaturels chez un gentleman de son âge et de son poids. Ensuite Sam se redressa doucement, et M. Pickwick, s'accrochant au sommet du mur, tandis que M. Winkle le poussait par les jambes, ils parvinrent de cette façon à amener ses lunettes juste au niveau du chaperon.

«Ma chère, dit M. Pickwick, en regardant par-dessus le mur et en apercevant de l'autre côté Arabelle, n'ayez pas peur ma chère, c'est seulement moi.

– Oh! je vous en supplie, monsieur Pickwick, allez-vous-en! Dites-leur de s'en aller; je suis si effrayée! Cher monsieur Pickwick, ne restez pas là; vous allez tomber et vous tuer, j'en suis sûre.

– Allons, ma chère enfant, ne vous alarmez pas, reprit M. Pickwick d'un ton encourageant. Il n'y a pas le plus petit danger, je vous assure. Tenez-vous ferme, Sam, continua-t-il en regardant en bas.

– Tout va bien, monsieur, répliqua Sam. Cependant ne soyez pas plus long qu'il ne faut, si ça vous est égal; vous êtes un brin pesant, monsieur.

– Encore un seul instant, Sam. Je désirais seulement vous apprendre, ma chère, que je n'aurais pas permis à mon jeune ami de vous voir de cette manière clandestine, si la situation dans laquelle vous êtes placée lui avait laissé une autre alternative. Mais, de peur que l'inconvenance de cette démarche ne vous causât quelque déplaisir, j'ai voulu vous faire savoir que je suis présent. Voila tout, ma chère.

– En vérité, monsieur Pickwick, je vous suis très-obligée pour votre bonté et votre prévoyance, répondit Arabelle en essuyant ses larmes avec son mouchoir.»

Elle en aurait dit bien davantage, sans doute, si la tête de M. Pickwick n'avait pas soudainement disparu, en conséquence d'un faux pas qu'il avait fait sur l'épaule de Sam, et grâce auquel il se trouva tout à coup sur la terre. Cependant il fut remis sur ses pieds en un moment, et, disant à M. Winkle de se hâter de terminer son entrevue, il courut au bout de la ruelle pour monter la garde avec tout le courage et l'ardeur d'un jeune homme. M. Winkle, inspiré par l'occasion, fut sur le mur en un clin d'œil; il s'y arrêta néanmoins pour engager Sam à prendre soin de son maître.

«Soyez tranquille, monsieur, je m'en charge.

– Où est-il, que fait-il, Sam?

– Dieu bénisse ses vieilles guêtres! répliqua Sam en regardant vers la porte du jardin. Il monte la garde dans la ruelle avec sa lanterne sourde, comme un aimable Mandrin. Je n'ai jamais vu une si charmante créature de mes jours. Dieu me sauve! si je n'imagine pas que son cœur doit être venu au monde vingt-cinq ans après son corps, pour le moins.»

M. Winkle n'était pas resté pour entendre l'éloge de son ami; il s'était précipité à bas du mur, il s'était jeté aux pieds d'Arabelle, et plaidait la sincérité de sa passion avec une éloquence digne de M. Pickwick lui-même.

Pendant que ces choses se passaient en plein air, un gentleman d'un certain âge, et fort distingué dans les sciences, était assis dans sa bibliothèque, deux ou trois maisons plus loin et s'occupait à écrire un traité philosophique, adoucissant de temps en temps son gosier et son travail avec un verre de Bordeaux, qui résidait à côté de lui dans une bouteille vénérable. Pendant les agonies de la composition, le savant gentleman regardait quelquefois le tapis, quelquefois le plafond, quelquefois la muraille; et quand ni le tapis, ni le plafond, ni la muraille ne lui donnaient le degré nécessaire d'inspiration, il regardait par la fenêtre.

Dans une de ces défaillances de l'invention, notre savant observait avec abstraction les ténèbres extérieures, lorsqu'il fut étrangement surpris en remarquant une lumière très-brillante qui glissait dans les airs, à une petite distance du sol, et qui s'évanouit presque instantanément. Au bout de quelques secondes, le phénomène s'était répété, non pas une fois, ni deux, mais plusieurs.

À la fin, le savant déposa sa plume, et commença à chercher quelle pouvait être la cause naturelle de ces apparences.

Ce m'étaient point des météores, elles luisaient trop bas; ce n'étaient pas des vers luisants, elles brillaient trop haut. Ce n'étaient point des feux follets, ce n'étaient point des mouches phosphoriques, ce n'étaient point des feux d'artifice; que pouvait-ce donc être? Quelque jeu de la nature, étonnant, extraordinaire, qu'aucun philosophe n'avait jamais vu auparavant; quelque chose que lui seul était destiné à découvrir, et qui, recueilli par lui pour le bénéfice de la postérité, devait immortaliser son nom. Plein de ces idées, le savant saisit de nouveau sa plume, et confia au papier la description exacte et minutieuse de ces apparitions sans exemple, avec la date, le jour, l'heure, la minute, la seconde précise où elles avaient été visibles. C'étaient les premiers matériaux d'un volumineux traité, plein de grandes recherches et de science profonde, qui devait étonner toutes les sociétés météorologiques des contrées civilisées.

Enivré par la contemplation de sa future grandeur, le savant se renversa dans son fauteuil. La mystérieuse lumière reparut, plus brillante que jamais, dansant, en apparence, du haut en bas de la ruelle, passant d'un côté à l'autre, et se mouvant dans une orbite aussi excentrique que celle des comètes elles-mêmes.

Le savant était garçon: ne pouvant appeler sa femme pour l'étonner, il tira la sonnette et fit venir son domestique. «Pruffie, lui dit-il, il y a cette nuit dans l'air quelque chose de bien extraordinaire. Avez-vous vu cela? Et il montrait, par la fenêtre, les rayons lumineux qui venaient de reparaître.

– Oui, monsieur.

– Et qu'en pensez-vous, Pruffie?

– Ce que j'en pense, monsieur?

– Oui. Vous avez été élevé à la campagne; savez-vous quelle est la cause de ces lumières?»

La savant attendait en souriant une réponse négative.

«Monsieur, dit-il à la fin, j'imagine que ce sont des voleurs.

– Vous êtes un sot! Vous pouvez retourner en bas.

– Merci, monsieur, répondit Pruffie; et il s'en alla.»

Cependant le savant était cruellement tourmenté par l'idée que son profond traité serait infailliblement perdu pour le monde, si l'hypothèse de l'ingénieux M. Pruffie n'était pas étouffée dès sa naissance. Il mit donc son chapeau et descendit doucement dans son jardin, déterminé à étudier à fond le météore.

Or, quelque temps avant que le savant fût descendu dans son jardin, M. Pickwick, croyant entendre venir quelqu'un, avait couru jusqu'au fond de la ruelle, le plus vite qu'il avait pu, pour communiquer une fausse alerte, et, dans sa course rapide, avait de temps en temps tiré la coulisse de sa lanterne sourde pour éviter de tomber dans le fossé. Aussitôt que cette alerte eut été donnée, M. Winkle regrimpa sur son mur, Arabelle courut dans sa maison, la porte du jardin fut fermée, et nos trois aventuriers s'en revenaient, de leur mieux, le long de la ruelle, quand ils furent effrayés par le bruit que faisait le savant en ouvrant la porte de son jardin.

«Halte! murmura Sam, qui marchait en avant, bien entendu. Montrez la lumière juste une seconde, monsieur.»

M. Pickwick fit ce qui lui était demandé, et Sam voyant une tête d'homme qui s'avançait avec précaution, à environ deux pieds de la sienne, lui donna de son poing fermé une légère tape qui lui fit sonner le creux contre la grille; puis, ayant accompli cet exploit avec grande promptitude et dextérité, il prit M. Pickwick sur son dos et suivit M. Winkle le long de la ruelle, avec une rapidité véritablement étonnante, vu le poids dont il était chargé.

«Monsieur, demanda-t-il à son maître, quand il fut arrivé au bout, avez-vous repris votre respire?

– Tout à fait… tout à fait maintenant, répliqua M. Pickwick.

– Allons! pour lors, reprit Sam en remettant le philosophe sur ses pieds, venez entre nous, monsieur; pas plus d'un demi-mille à courir. Imaginez que vous gagnez un prix, et en route!»

Ainsi encouragé, M. Pickwick fit le meilleur usage possible de ses jambes, et l'on peut assurer avec confiance que jamais une paire de guêtres noires n'arpenta le terrain plus lestement que ne le firent les guêtres de M. Pickwick dans cette occasion mémorable.

La voiture attendait, les chevaux étaient frais, la route bonne et le cocher bien disposé. Toute la troupe arriva saine et sauve à l'hôtel avant que M. Pickwick eût eu le temps de reprendre haleine.

«Entrez tout de suite, monsieur, dit Sam en aidant son maître à descendre. Ne restez pas une seconde dans la rue après cet exercice ici. Je vous demande pardon, monsieur, continua-t-il, en touchant son chapeau, à M. Winkle qui descendait de la voiture. J'espère qui n'y a pas d'attachement antérieur?»

M. Winkle serra la main de son humble ami, et lui dit à l'oreille: «Tout va bien, Sam; parfaitement bien!»

À cette annonce, M. Weller, en signe d'intelligence, frappa trois coups distincts sur son nez, sourit, cligna de l'œil, et monta l'escalier, avec une physionomie qui exprimait la satisfaction la plus vive.

Quant au savant gentleman de la ruelle, il démontra, dans un admirable traité, que ces étonnantes lumières étaient des effets de l'électricité, et il le prouva clairement, en détaillant comment un éclair éblouissant avait dansé devant ses yeux, lorsqu'il avait mis la tête hors de sa porte, et comment il avait reçu un choc qui l'avait étourdi pendant un grand quart d'heure. Grâce à cette démonstration, qui charma toutes les sociétés savantes de l'univers, il fut toujours considéré, depuis lors, comme une des lumières de la science.

CHAPITRE XI

Où l'on voit M. Pickwick sur une nouvelle scène du grand drame de la vie

Le reste du temps que M. Pickwick avait destiné à son séjour à Bath s'écoula sans rien amener de remarquable. Le terme de la Trinité commençait, et avant que sa première semaine fût achevée, M. Pickwick, revenu à Londres, avec ses amis, était allé s'établir dans ses anciens quartiers, à l'hôtel de George-et-Vautour.

Trois jours après leur arrivée, juste au moment où les horloges de la cité sonnaient individuellement neuf heures du matin, et collectivement environ neuf cents heures, Sam était en train de prendre l'air dans la cour, lorsqu'il vit s'arrêter devant la porte de l'hôtel une étrange sorte de véhicule, fraîchement peint, hors duquel sauta légèrement une étrange sorte de gentleman, qui semblait fait pour le véhicule, comme le véhicule semblait fait pour lui, et qui donna les rênes à un gros homme assis auprès de lui.

Ce véhicule n'était pas exactement un tilbury, et n'était pas non plus un phaéton. Ce n'était pas ce qu'on appelle vulgairement un dog-cart, ni une carriole, ni un cabriolet; et cependant il participait du caractère de chacune de ces machines. La caisse était peinte en jaune clair, sur lequel se détachaient, en noir, les rayons et les jantes des roues. Le conducteur était assis, suivant le style classique, sur des coussins empilés environ deux pieds au-dessus du dossier. Le cheval était un animal bai, d'assez bonne tournure, mais ayant néanmoins un air de mauvais ton et de mauvais sujet à la fois, qui s'accordait admirablement avec le véhicule et avec son maître.

Le maître lui-même était un homme d'une quarantaine d'années, ayant des cheveux et des favoris noirs, soigneusement peignés. Il était vêtu d'une manière singulièrement recherchée, et couvert d'une quantité de bijoux, tous environ trois fois plus grands que ceux qui sont portés ordinairement par un gentleman. Pour couronner le tout, il était enveloppé d'une grosse redingote à long poils.

Aussitôt qu'il fut descendu, il fourra sa main gauche dans l'une des poches de sa redingote, tandis qu'avec sa main droite, il tirait d'une autre poche un foulard très-brillant, dont il se servit pour épousseter trois grains de poussière sur ses bottes, et qu'il garda ensuite, en le froissant dans sa main, pour traverser la cour d'un air fendant.

Pendant que ce personnage descendait de voiture, Sam remarqua qu'un autre homme, vêtu d'une vieille redingote brune, veuve de plusieurs boutons, et qui, jusque là, était resté à flâner de l'autre côté de la rue, la traversa et se tint immobile non loin de la porte. Ayant plus d'un soupçon sur le but de la visite du premier gentleman, Sam le précéda à l'entrée de l'hôtel, et, se retournant brusquement, se planta au centre de la porte.

«Allons! mon garçon,» dit le gentleman d'un ton impérieux, en essayant en même temps de pousser Sam.

«Allons! monsieur. Qu'est-ce que c'est?» répliqua Sam, en lui rendant sa bousculade avec les intérêts composés.

«Allons, allons! mon garçon, ça ne prend pas avec moi, rétorqua l'étranger, en élevant la voix et en devenant tout blanc. Ici, Smouch.

– Ben! quoi qui gnia,» grommela l'homme à la redingote brune, qui pendant ce court dialogue s'était graduellement avancé dans la cour.

«C'est ce jeune homme qui fait l'insolent,» dit le principal, en poussant Sam de nouveau.

«Ohé, pas de bêtises!» gronda Smouch, en bourrant Sam beaucoup plus fort.

Ce compliment eut le résultat qu'en attendait l'habile M. Smouch: car tandis que Sam, empressé d'y répondre, le froissait contre la porte, le principal se faufilait, et pénétrait jusqu'au bureau. Sam l'y suivit immédiatement, après avoir échangé avec M. Smouch quelques arguments, composés principalement d'épithètes.

«Bonjour, ma chère, dit le principal, en s'adressant à la jeune personne du bureau, avec une aisance de détenu libéré. Où est la chambre de M. Pickwick, ma chère?

– Conduisez-le,» dit la jeune lady au garçon, sans daigner jeter un second coup d'œil au fashionable.

Le garçon se mit en route, suivi du personnage; Sam venait derrière, et tant le long de l'escalier se soulageait par d'innombrables gestes de défi et de mépris suprême, à la grande satisfaction des domestiques et des autres spectateurs de cette scène. M. Smouch, qui était troublé par une grosse toux, resta en bas, et expectora dans le passage.

M. Pickwick était profondément endormi dans son lit, quand ce visiteur matinal entra dans sa chambre, toujours suivi par Sam. Le bruit de cette intrusion le réveilla.

«De l'eau pour ma barbe, Sam,» dit-il sans ouvrir les yeux.

«Oui, oui, nous allons vous faire la barbe, M. Pickwick, dit l'étranger, en tirant un des rideaux du lit. J'ai un mandat d'arrêt contre vous, à la requête de Bardell. Voici le warrant, lancé par la cour des common pleas; et voilà ma carte. Je suppose que vous viendrez chez moi?»

En parlant ainsi, l'officier du shériff, car tel était son titre, donna une tape amicale sur l'épaule de M. Pickwick, puis il jeta sa carte sur la courte-pointe, et tira de la poche de son gilet un cure-dents, en or.

«Namby est mon nom, poursuivit-il, pendant que M. Pickwick aveignait ses lunettes de dessous son traversin, et les mettait sur son nez pour lire la carte. Namby, Bell Aley, Coleman Street.»

En cet endroit, Sam qui avait eu jusque-là les yeux fixés sur le chapeau luisant de M. Namby, l'interrompit:

«Êtes-vous quaker12?» lui demanda-t-il.

«Je vous ferai connaître ce que je suis, avant de vous quitter, répondit l'officier indigné. Je vous apprendrai la politesse, mon garçon, un de ces beaux matins.

– Merci, répliqua Sam. J'en ferai autant pour vous, tout de suite. Ôtez vot' chapeau.» En parlant ainsi, Sam envoyait, d'un revers de main, le chapeau de M. Namby à l'autre bout de la chambre, et cela avec tant de violence, que peu s'en fallut qu'il n'y fit voler le cure-dents d'or par-dessus le marché.

«Observez cela, M. Pickwick, s'écria l'officier déconcerté, en reprenant haleine. J'ai été attaqué dans votre chambre, par votre domestique, dans l'exercice de mes fonctions. J'ai des craintes personnelles, je vous prends à témoin.

– Ne soyez témoin de rien, monsieur, interrompit Sam, fermez vos yeux solidement, monsieur! Je le jetterais volontiers par la fenêtre; seulement il ne tomberait pas assez loin, à cause du plomb.

– Sam! s'écria M. Pickwick d'une voix mécontente, pendant que son domestique faisait diverses démonstrations d'hostilités, si vous dites une autre parole, si vous causez le moindre trouble à cette personne, je vous renvoie sur-le-champ.

– Mais, monsieur…

– Taisez-vous et ramassez ce chapeau.»

Malgré la sévère réprimande de son maître, Sam refusa positivement de relever le chapeau; et comme l'officier du shérif était pressé, il condescendit à le ramasser lui-même. Ce ne fut pas, toutefois, sans lancer contre Sam un déluge de menaces, que celui-ci recevait avec la plus grande tranquillité, se contentant de faire observer que si M. Namby voulait avoir la bonté de remettre son chapeau sur sa tête, il le lui enverrait aux grandes Indes. M. Namby, pensant qu'une telle opération produirait peut-être quelques inconvénients pour lui-même, ne voulut pas exposer son adversaire à une trop forte tentation, et bientôt après appela Smouch. L'ayant informé que la capture était faite, et qu'il n'avait plus qu'à attendre jusqu'à ce que le prisonnier eût fini de s'habiller, Namby s'en fut en se pavanant et remonta dans son véhicule. Smouch ayant prié M. Pickwick de ne pas s'endormir, tira une chaise auprès de la porte et y resta assis jusqu'à ce que notre héros eût fini de s'habiller. Sam fut alors dépêché pour amener une voiture de place, dans laquelle le triumvirat se rendit à Coleman-Street. Le trajet n'était pas long, heureusement; car, outre que M. Smouch n'était pas doué d'une conversation fort enchanteresse, sa société était rendue décidément désagréable, dans un espace limité, par la faiblesse physique à laquelle nous avons fait allusion plus haut.

La voiture ayant tourné dans une rue très-sombre et très-étroite, s'arrêta devant une maison dont toutes les fenêtres étaient grillées. La muraille en était décorée du nom et du titre de Namby, officier des shérifs de Londres. La porte intérieure ayant été ouverte, au moyen d'une énorme clef, par un gentleman qui pouvait passer pour un frère jumeau négligé de M. Smouch, M. Pickwick fut introduit dans la salle du café.

Cette salle du café était principalement remarquable par du sable frais, qui jonchait le plancher, et par une odeur de tabac qui parfumait l'air. M. Pickwick salua en entrant, trois personnes qui s'y trouvaient, et ayant envoyé Sam pour chercher M. Perker, se retira dans un coin obscur, et de là regarda avec quelque curiosité ses nouveaux compagnons.

Un de ceux-ci était un jeune garçon de dix-neuf ou vingt ans, qui, quoiqu'il fût à peine dix heures du matin, buvait de l'eau et du genièvre, et fumait un cigare, amusements auxquels il devait avoir dévoué presque constamment les deux ou trois dernières années de sa vie, à en juger par sa contenance enflammée. En face de lui, et s'occupant à attiser le feu avec le bout de sa botte droite, se trouvait un jeune homme, d'environ trente ans, épais, vulgaire, au visage jaune, à la voix dure, et possédant évidemment cette connaissance du monde et cette séduisante liberté de manières qui s'acquiert dans les salles de billards et les estaminets de bas étage. Le troisième prisonnier était un homme d'un certain âge, vêtu d'un très-vieil habit noir. Son visage était pâle et hagard, et il parcourait incessamment la chambre, s'arrêtant de temps en temps pour regarder par la fenêtre avec beaucoup d'inquiétude, comme s'il eût attendu quelqu'un. Après quoi il recommençait à marcher.

«Vous feriez mieux d'accepter mon rasoir ce matin, M. Ayresleigh,» dit l'homme qui attisait le feu, en clignant de l'œil à son ami, le jeune garçon.

– Non, je vous remercie, je n'en aurai pas besoin. Je compte bien être dehors avant une heure ou deux,» répliqua l'autre avec précipitation; puis allant, une fois de plus, à la fenêtre, et revenant encore désappointé, il soupira profondément et quitta la chambre. Les deux autres poussèrent des éclats de rire bruyants.

«Eh bien, je n'ai jamais vu une farce comme cela! dit le gentleman qui avait offert le rasoir, et dont le nom paraissait être Price. Jamais!» Il confirma cette assertion par un juron, et recommença à rire; en quoi il fut imité par le jeune garçon qui le regardait évidemment comme un modèle accompli.

«Croiriez-vous, continua Price en se tournant vers M. Pickwick, que ce bonhomme-là, qui est ici depuis huit jours, ne s'est point encore rasé une fois? Il se croit si sûr de sortir avant une demi-heure, qu'il aime autant attendre qu'il soit rentré chez lui.

– Pauvre homme! dit M. Pickwick. A-t-il réellement quelques chances de se tirer d'affaire?

– Des chances? il n'en a pas la queue d'une. Je ne donnerais pas ça pour la chance qu'il a de marcher dans la rue d'ici à dix ans.» En parlant ainsi, M. Price secouait contemptueusement ses doigts. Un instant après il tira la sonnette.

«Apportez-moi une feuille de papier, Crookey, dit-il au domestique, qui, par sa mise et par sa tournure, avait l'air de tenir le milieu entre un nourrisseur banqueroutier et un bouvier en état d'insolvabilité. Un verre de grog avec, Crookey, entendez-vous? Je vais écrire à mon père, et il me faut du stimulant, autrement je ne serais pas capable d'entortiller le vieux.»

Il est inutile de dire que le jeune homme se pâma, en entendant ce discours facétieux.

«Voilà la chose, continua M. Price. Faut pas se laisser abattre; c'est amusant, hein?

– Fameux! dit le jeune gentleman.

– Vous avez de l'aplomb, reprit M. Price, approbativement. Vous avez vu le monde?

– Un peu!» répliqua le jeune homme. Il l'avait regardé à travers les vitres malpropres d'un estaminet.

M. Pickwick n'était pas médiocrement dégoûté par ce dialogue, aussi bien que par l'air et les manières des deux êtres qui l'échangeaient. Il allait demander s'il n'était pas possible d'avoir une chambre particulière, lorsqu'il vit entrer deux ou trois étrangers, d'une apparence assez respectable. En les apercevant, le jeune homme jeta son cigare dans le feu, et dit tout bas à M. Price qu'ils étaient venus pour le tirer d'affaire, puis il se retira avec eux, auprès d'une table, à l'autre bout de la chambre.

Il paraîtrait cependant qu'on ne tirait pas le jeune homme d'affaire aussi promptement qu'il l'avait imaginé; car il s'en suivit une très-longue conversation, dont M. Pickwick ne put s'empêcher d'entendre certains passages, concernant une conduite dissolue et des pardons répétés. À la fin, le plus vieux des trois étrangers fit des allusions fort distinctes à une certaine rue Whitecross13, au nom de laquelle le jeune gentleman, malgré son aplomb et sa connaissance du monde, appuya sa tête sur la table, et se mit à sangloter cruellement.

12.Les quakers gardent leur chapeau en certaines occasions où d'autres se croient tenus de l'ôter.
13.Rue où se trouve la prison pour dettes.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
27 eylül 2017
Hacim:
560 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
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