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Kitabı oku: «Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. II», sayfa 23

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Il y a une vieille histoire, qui n'en est pas moins bonne pour être vieille, concernant un jeune gentleman irlandais, à qui l'on demandait s'il jouait du violon: «Je n'en sais rien, répondit-il; car je n'ai jamais essayé.» Ceci pourrait fort bien s'appliquer à mon oncle et à son escrime. Il n'avait jamais tenu une épée dans sa main, si ce n'est une fois, en jouant Richard III sur un théâtre d'amateurs; et encore, dans cette occasion, il avait été convenu que Richmond le tuerait par derrière, sans faire le simulacre du combat; mais ici, voilà qu'il faisait assaut avec deux habiles tireurs, poussant de tierce et de quarte, parant, se fendant, et combattant enfin de la manière la plus courageuse et la plus adroite, quoique jusqu'à ce moment il ne se fût pas douté qu'il eût la plus légère notion de la science de l'escrime. Cela montra la vérité de ce vieux proverbe, qu'un homme ne sait pas ce qu'il peut faire tant qu'il ne l'a pas essayé.

Le bruit du combat était terrible. Les trois champions juraient comme des troupiers, et leurs épées faisaient un cliquetis plus bruyant que ne pourraient faire tous les couteaux et toutes les mécaniques à affiler du marché de Newport, s'entrechoquant en mesure. Au moment le plus animé, la jeune dame, sans doute pour encourager mon oncle, retira entièrement son chaperon, et lui fit voir une si éblouissante beauté qu'il aurait combattu contre cinquante démons pour obtenir d'elle un sourire, et mourir au même instant. Il avait fait des merveilles jusque-là, mais il commença alors à se détacher comme un géant enragé.

Le gentilhomme en habit bleu aperçut en se retournant que la jeune dame avait découvert son visage; il poussa une exclamation de rage et de jalousie, et, tournant son épée vers elle, il lui lança un coup de pointe, qui fit pousser à mon oncle un rugissement d'appréhension. Mais la jeune dame sauta légèrement de côté, et saisissant l'épée du jeune homme avant qu'il se fût redressé, la lui arracha, le poussa vers le mur, et lui passant l'épée en travers du corps, jusqu'à la garde, le cloua solidement dans la boiserie. C'était d'un magnifique exemple. Mon oncle, avec un cri de triomphe et une vigueur irrésistible, fit reculer son adversaire dans la même direction, et plongeant la vieille rapière juste au centre d'une des fleurs de son gilet, le cloua à côté de son ami. Ils étaient là tous les deux gentlemen, gigotant des bras et des jambes dans leur agonie, comme les pantins de carton que les enfants font mouvoir avec un fil. Mon oncle répétait souvent, dans la suite, que c'était là la manière la plus sûre de se débarrasser d'un ennemi, et qu'elle ne présentait qu'un seul inconvénient, c'était la dépense qu'elle entraînait, puisqu'il fallait perdre une épée pour chaque homme mis hors de combat.

«La malle! la malle! cria la jeune dame, en se précipitant vers mon oncle, et en lui jetant ses beaux bras autour du cou; nous pouvons encore nous sauver!

– Vraiment, ma chère, dit mon oncle, cala ne me paraît guère douteux. Il me semble qu'il n'y a plus personne à tuer.»

Mon oncle était un peu désappointé, gentlemen; car il pensait qu'un petit intermède d'amour eût été fort agréable après ce massacre, quand ce n'eût été qu'à cause du contraste.

«Nous n'avons pas un instant à perdre ici, reprit la jeune lady. Celui-ci (montrant le gentilhomme en habit bleu) est le fils du puissant marquis de Filleteville.

– Eh bien! ma chère, j'ai peur qu'il n'en porte jamais le titre, répondit mon oncle, en regardant froidement le jeune homme, qui était piqué contre le mur comme un papillon. Vous avez éteint le majorat, mon amour.

– J'ai été enlevée à ma famille, à mes amis, par ce scélérat, s'écria la jeune dame, dont le regard brillait d'indignation. Ce misérable m'aurait épousée de force avant une heure.

– L'impudent coquin! dit mon oncle en jetant un coup d'œil méprisant à l'héritier moribond des Filleteville.

– Comme vous pouvez en juger par ce que vous avez vu, leurs complices sont prêts à m'assassiner, si vous invoquez l'assistance de quelqu'un. S'ils nous trouvent ici, nous sommes perdus! Dans deux minutes il sera peut-être trop tard pour fuir. La malle! la malle!»

En prononçant ces mots, la jeune dame, épuisée par son émotion et par l'effort qu'elle avait fait en embrochant le marquis de Filleteville, se laissa tomber dans les bras de mon oncle, qui l'emporta aussitôt devant la porte de la maison. La malle était là, attelée de quatre chevaux noirs à tout crin, mais sans cocher, sans conducteur, et même sans palefrenier à la tête des chevaux.

Gentlemen, j'espère que ne je fais pas tort à la mémoire de mon oncle en disant que, quoique garçon, il avait tenu, avant ce moment-là, quelques dames dans ses bras. Je crois même qu'il avait l'habitude d'embrasser les filles d'auberge, et je sais que deux ou trois fois il a été vu par des témoins dignes de foi déposant un baiser sur le cou d'une maîtresse d'hôtel d'une manière très perceptible. Je mentionne ces circonstances afin que vous jugiez combien la beauté de cette jeune lady devait être incomparable pour affecter mon oncle comme elle le fit: il disait souvent qu'en voyant ses longs cheveux noirs flotter sur son bras et ses beaux yeux noirs se tourner vers lui, lorsqu'elle revint à elle, il s'était senti si agité, si drôle, que ses jambes en tremblaient sous lui. Mais qui peut regarder une paire de jolis yeux noirs sans se sentir tout drôle? Pour moi, je ne le puis, gentlemen, et je connais certains yeux que je n'oserais pas regarder, parole d'honneur!

«Vous ne me quitterez jamais, murmura la jeune dame.

– Jamais! répondit mon oncle. Et il le pensait comme il le disait.

– Mon brave libérateur, mon excellent, mon cher libérateur!

– Ne me dites donc pas de ces choses-là!

– Pourquoi pas?

– Parce que votre bouche est si séduisante quand vous parlez que j'ai peur d'être assez impertinent pour la baiser.»

La jeune femme leva sa main comme pour avertir mon oncle de n'en rien faire et dit… non, elle ne dit rien, elle sourit. Quand vous regardez une paire de lèvres les plus délicieuses du monde, et quand elles s'épanouissent doucement en un sourire fripon, si vous êtes assez près d'elles et sans témoin, vous ne pouvez mieux témoigner votre admiration de leur forme et de leur couleur charmante qu'en les baisant: c'est ce que fit mon oncle, et je l'honore pour cela.

«Écoutez, s'écria la jeune dame en tressaillant, entendez-vous le bruit des roues et des chevaux?

– C'est vrai,» dit mon oncle en se baissant.

Il avait l'oreille fine et était habitué à reconnaître le roulement des voitures; mais celles qui s'approchaient vers eux paraissaient si nombreuses et faisaient tant de fracas qu'il lui fut impossible d'en deviner le nombre. Il semblait qu'il y eût cinquante carrosses emportés chacun par six chevaux.

«Nous sommes poursuivis! s'écria la jeune dame en tordant ses mains. Nous sommes poursuivis! Je n'ai plus d'espoir qu'en vous seul!»

Il y avait une telle expression de terreur sur son charmant visage que mon oncle se décida tout d'un coup. Il la porta dans la voiture, lui dit de ne pas s'effrayer, pressa encore uns fois ses lèvres sur les siennes, et l'ayant engagée à lever les glaces pour sa préserver du froid, monta sur le siége.

«Attendez, mon sauveur, dit la jeune lady.

– Qu'est-ce qu'il y a? demanda mon oncle de son siége.

– Je voudrais vous parler. Un mot, un seul mot, mon chéri!

– Faut-il que je descende?» demanda mon oncle.

La jeune dame ne fit pas de réponse, mais elle sourit encore, et d'un si joli sourire, gentlemen, qu'il enfonçait l'autre complétement. Mon oncle fut par terre en un clin d'œil.

«Qu'est-ce qu'il y a ma chère?» dit-il en mettant la tête à la portière.

La dame s'y penchait en même temps par hasard, et elle lui parut plus belle que jamais. Il était fort près d'elle dans ce moment-là; ainsi il ne pouvait pas se tromper.

«Qu'est-ce qu'il y a, ma chère? demanda mon oncle.

– Vous n'aimerez jamais d'autre femme que moi? Vous n'en épouserez jamais d'autre?»

Mon oncle jura ses grands dieux qu'il n'épouserait jamais une autre femme, et la jeune lady retira sa tête et releva la glace. Mon oncle s'élança de nouveau sur le siége, équarrit ses coudes, ajusta les rênes, prit le fouet sur l'impériale, le fit claquer savamment, et en route! Les quatre chevaux noirs à tout crin s'élancèrent avec la vieille malle derrière eux, dévorant quinze bons milles en une heure. Brrr! brrrr! comme ils galopaient!

Pourtant le bruit des voitures devenait plus fort par derrière. Le vieux carrosse avait beau aller vite, ceux qui le poursuivaient allaient plus vite encore. Les hommes, les chevaux, les chiens, semblaient ligués pour l'atteindre; le fracas était épouvantable, mais par-dessus tout s'élevait la voix de la jeune dame, excitant mon oncle, et lui criant: «Plus vite! plus vite! plus vite!»

Ils volaient comme l'éclair. Les arbres sombres, les meules de foin, les maisons, les églises, tous les objets fuyaient à droite et à gauche, comme des brins de paille emportés par un ouragan. Leurs roues retentissaient comme un torrent qui déchire ses digues, et pourtant le bruit de la poursuite devenait plus fort, et mon oncle entendait encore la jeune lady crier d'une voix déchirante: «Plus vite! plus vite! plus vite!»

Mon oncle employait le fouet et les rênes, et les chevaux détalaient avec tant de rapidité, qu'ils étaient tout blancs d'écume, et cependant la jeune dame criait encore: «Plus vite! plus vite!» Dans l'excitation du moment, mon oncle donna un violent coup sur le marchepied avec le talon de sa botte… et il s'aperçut que l'aube blanchissait, et qu'il était assis sur le siége d'une vieille malle d'Édimbourg, dans l'enclos du carrossier, grelottant de froid et d'humidité, et frappant ses pieds pour les réchauffer. Il descendit avec empressement, et chercha la charmante jeune lady dans l'intérieur… Hélas! il n'y avait ni portière, ni coussin à la voiture, c'était une simple carcasse.

Mon oncle vit bien qu'il y avait là-dessous quelque mystère, et que tout s'était passé exactement comme il avait coutume de le raconter. Il resta fidèle au serment qu'il avait fait à la jeune dame, refusa, pour l'amour d'elle, plusieurs maîtresses d'auberge, fort désirables, et mourut garçon à la fin. Il faisait souvent remarquer quelle drôle de chose c'était qu'il eût découvert, en montant tout bonnement par-dessus cette palissade, que les ombres des malles, des chevaux, des gardes, des cochers et des voyageurs, eussent l'habitude de faire des voyages régulièrement chaque nuit. Il ajoutait qu'il croyait être le seul individu vivant qu'on eût jamais pris comme passager dans une de ces excursions. Je crois effectivement qu'il avait raison, gentlemen, ou du moins je n'ai jamais entendu parler d'aucun autre.

«Je ne comprends pas ce que ces ombres de malles-postes peuvent porter dans leurs sacs?.. dit l'hôte, qui avait écouté l'histoire avec une profonde attention.

– Parbleu, les lettres mortes.22

– Oh! ah! c'est juste. Je n'y avais pas pensé.»

CHAPITRE XXI

Comment M. Pickwick exécuta sa mission et comment il fut renforcé, dès le début, par un auxiliaire tout à fait imprévu

Les chevaux furent ponctuellement amenés le lendemain matin à neuf heures moins un quart, et M. Pickwick ayant occupa sa place, ainsi que Sam, l'un à l'intérieur, l'autre à l'extérieur, le postillon reçut ordre de se rendre à la maison de M. Sawyer, afin d'y prendre M. Benjamin Allen.

La voiture arriva bientôt devant la boutique où se lisait cette inscription: Sawyer, successeur de Nockemorf; et M. Pickwick, en mettant la tête à la portière, vit, avec une surprise extrême, le jeune garçon en livrée grise, activement occupé à fermer les volets. À cette heure de la matinée c'était une occupation hors du train ordinaire des affaires, et cela fit penser d'abord à notre philosophe que quelque ami ou patient de M. Sawyer était mort, ou bien peut-être que M. Bob Sawyer lui-même avait fait banqueroute.

«Qu'est-il donc arrivé? demanda-t-il au garçon.

– Rien du tout, monsieur, répondit celui-ci en fendant sa bouche jusqu'à ses oreilles.

– Tout va bien, tout va bien cria Bob en paraissant soudainement sur le pas de sa porte, avec un petit havresac de cuir, vieux et malpropre, dans une main, et dans l'autre une grosse redingote et un châle. Je m'embarque, vieux.

– Vous?

– Oui, et nous allons faire une véritable expédition. Hé! Sam, à vous! Ayant ainsi brièvement éveillé l'attention de Sam Welter, dont la physionomie exprimait beaucoup d'admiration pour ce procédé expéditif, Bob lui lança son havresac, qui fut immédiatement logé dans le siége. Cela fait, ledit Bob, avec l'assistance du gamin, s'introduisit de force dans la redingote, beaucoup trop petite pour lui, et, s'approchant de la portière du carrosse, y fourra sa tête, et se prit à rire bruyamment.

«Quelle bonne farce! dit-il en essuyant avec son parement les larmes qui tombaient de ses yeux.

– Mon cher monsieur, répliqua M. Pickwick, avec quelque embarras, je n'avais pas la moindre idée que vous nous accompagneriez.

– Justement; voilà le bon de la chose.

– Ah! voila le bon de la chose? répéta M. Pickwick, dubitativement.

– Sans doute: outre le plaisir de laisser la pharmacie se tirer d'affaire toute seule, puisqu'elle parait bien décidée à ne pas se tirer d'affaire avec moi.»

Ayant ainsi expliqué le phénomène des volets, M. Sawyer retomba dans une extase de joie.

«Quoi vous seriez assez fou pour laisser vos malades sans médecin? dit M. Pickwick d'un ton sérieux.

– Pourquoi pas? répliqua Bob. J'y gagnerai encore; il n'y en a pas un qui me paye. Et puis, ajoute-t-il en baissant la voix jusqu'à un chuchotement confidentiel, ils y gagneront, aussi; car, n'ayant presque plus de médicaments, et ne pouvant pas les remplacer dans ce moment-ci, j'aurais été obligé de leur donner à tous du calomel; ce qui aurait pu mal réussir à quelques-uns. Ainsi, tout est pour le mieux.»

Il y avait dans cette réponse une force de raisonnement et de philosophie à laquelle M. Pickwick ne s'attendait point. Il réfléchit pendant quelques instants, et dit ensuite, d'une manière moins ferme toutefois:

«Mais cette chaise, mon jeune ami, cette chaise ne peut contenir que deux personnes, et je l'ai promise à M. Allen.

– Ne vous occupez pas de moi un seul instant, j'ai arrangé tout cela, Sam me fera de la place sur le siége de derrière, à côté de lui. Regardez ceci; ce petit écriteau va être collé sur la porte: Sawyer, successeur de Nockemorf. S'adresser en face, chez Mme Cripps. Mme Cripps est la mère de mon groom. M. Sawyer est très fâché, dira Mme Cripps, il n'a pas pu faire autrement. On est venu le chercher ce matin pour une consultation, avec les premiers chirurgiens du pays. On ne pouvait pas se passer de lui; on voulait l'avoir à tout prix. Une opération terrible. Le fait est, ajouta Bob, pour conclure, que cela me fera, j'espère, plus de bien que de mal. Si on pouvait annoncer mon déport dans la journal de la localité, ma fortune est faite. Mais voila Ben… Allons, montez!»

Tout en proférant ces paroles précipitées, Bob poussait de coté le postillon, jetait son ami dans la voiture, fermait la portière, relevait le marchepied, collait l'écriteau sur sa porte, la fermait, mettait la clef dans sa poche, s'élançait à coté de Sam, ordonnait au postillon de partir, et tout cela avec une rapidité si extraordinaire, que la voiture roulait déjà, et que M. Bob Sawyer était complètement établi comme partie intégrante de l'équipage, avant que M. Pickwick eût eu le temps de peser en lui-même s'il devait l'emmener ou non.

Tant que la voiture se trouva dans les rues de Bristol, le facétieux Bob conserva ses lunettes vertes, et se comporta avec une gravité convenable, se contentant de chuchoter diverses plaisanteries pour l'amusement spécial de Samuel Weller; mais, une fois arrivé sur la grand'route, il se dépouilla à la fois de ses lunettes et de sa gravité professionnelle, et se régala de diverses charges qui pouvaient jusqu'à un certain point attirer l'attention des passante sur la voiture, et rendre ceux qu'elle contenait l'objet d'une curiosité plus qu'ordinaire. Le moins remarquable de ces exploits était l'imitation bruyante d'un cornet à piston et le déploiement ambitieux d'un mouchoir de soie rouge attaché au bout d'une canne, en guise de pavillon, et agité de temps en temps d'un air de suprématie et de provocation.

«Je ne comprends pas, dit M. Pickwick en s'arrêtant au milieu d'une grave conversation avec M. Ben Allen, sur les bonnes qualités de M. Winkle et de sa jeune épouse, je ne comprends pas ce que tons les passants trouvent en nous de si extraordinaire pour nous examiner ainsi.

– La bonne tournure de la voiture, répondit Béa avec un léger sentiment d'orgueil. Je parierais qu'ils n'en voient pas tous les jours de semblables.

– Cela n'est pas impossible… cela ne peut… cela doit être» reprit M. Pickwick, qui se savait sans doute persuadé que cela était si, regardant en ce moment par la portière, il n'avait pas remarqué que la contenance des passants n'indiquait aucunement un étonnement respectueux, et que diverses communications télégraphiques paraissaient s'échanger entre eux et les habitants extérieurs de la voiture. M. Pickwick, comprenant instinctivement que cela pouvait avoir quelques rapports éloignés avec l'humeur plaisante de M. Bob Sawyer: «J'espère, dit-il, que notre facétieux ami ne commet pas d'absurdités là derrière.

– Oh que non! répliqua Ben Allen; excepté quand il est un peu lancé, Bob est la plus paisible créature de la terre.»

Ici l'on entendit l'imitation prolongée d'un cornet à piston, immédiatement suivie par des cris, par des hourras, qui sortaient évidemment du gosier et des poumons de la plus paisible créature du monde, ou, en termes plus clairs, de M. Bob Sawyer lui-même.

M. Pickwick et M. Ben Allen échangèrent un regard expressif, et le premier de ces gentlemen, ôtant son chapeau et se penchant par la portière, de façon que presque tout son gilet était en dehors, parvint enfin à apercevoir le jovial pharmacien.

M. Bob Sawyer était assis, non pas sur le siége de derrière, mais sur le haut de la voiture, les jambes aussi écartées que possible; il portait sur le coin de l'oreille le chapeau de Sam, et tenait d'une main une énorme sandwich, tandis que, de l'autre, il soulevait un immense flacon. D'un air de suave jouissance, il caressait tour à tour l'un et l'antre, variant toutefois la monotonie de cette occupation en poussant de temps en temps quelques cris, ou en échangeant avec les passants quelques spirituels badinages. Le pavillon sanguinaire était soigneusement attaché au siége de la voiture, dans une position verticale, et M. Samuel Weller, décoré du chapeau de Bob, était en train d'expédier une double sandwich avec une contenance animée et satisfaite, qui annonçait son entière approbation de tous ces procédés.

Cela était bien suffisant pour irriter un gentleman ayant, autant que M. Pickwick, le sentiment des convenances; mais ce n'était pas encore là tout le mal, car la chaise de poste croisait, en ce moment-là même, une voiture publique, chargée à l'extérieur comme à l'intérieur de voyageurs, dont l'étonnement était exprimé d'une manière fort significative. Les congratulations d'une famille irlandaise qui courait à côté de la chaise en demandant l'aumône, étaient aussi passablement bruyantes, surtout celles du chef de la famille, car il paraissait croire que cet étalage faisait partie de quelque démonstration politique et triomphale.

«Monsieur Sawyer! cria M. Pickwick dans un état de grande excitation. Monsieur Sawyer, monsieur!

– Ohé! répondit l'aimable jeune homme en se penchant sur un côté de la voiture avec toute la tranquillité imaginable.

– Êtes-vous fou, monsieur?

– Pas le moins du monde! Je ne suis que gai.

– Gai! Otez-moi ce scandaleux mouchoir rouge, monsieur! J'exige que vous l'abattiez, monsieur! Sam, ôtez-le sur-le-champ!»

Avant que Sam eût pu intervenir, M. Bob Sawyer amena gracieusement son pavillon, le plaça dans sa poche, fit un signe de tête poli à M. Pickwick, essuya le goulot de la bouteille et l'appliqua à sa bouche, lui faisant comprendre par là, sans perte de paroles, qu'il lui souhaitait toutes sortes de bonheur et de prospérité. Ayant exécuté cette pantomime, Bob replaça soigneusement le bouchon, et, regardant M. Pickwick d'un air bénin, mordit une bonne bouchée dans sa sandwich, et sourit.

«Allons! dit M. Pickwick, dont la colère momentanée n'était pas à l'épreuve de l'aimable aplomb de Bob; allons, monsieur, ne faites plus de semblables absurdités, s'il vous plaît.

– Non, non, répliqua le disciple d'Esculape en changeant de chapeau avec Sam. Je ne l'ai pas fait exprès; le grand air m'avait si fort animé que je n'ai pas pu m'en empêcher.

– Pensez à l'effet que cela produit, reprit M Pickwick d'une voix persuasive. Ayez quelques égards pour les convenances.

– Oh! certainement, répliqua Bob. Cela n'était pas du tout convenable. C'est fini, gouverneur.»

Satisfait de cette assurance, M. Pickwick rentra la tête dans la voiture; mais à peine avait-il repris la conversation interrompue, qu'il fut étonné par l'apparition d'un petit corps opaque qui vint donner plusieurs tapes sur là glace, comme pour témoigner son impatience d'être admis dans l'intérieur.

«Qu'est-ce que cela? s'écria M. Pickwick.

– Ça ressemble à un flacon, répondit Ben Allen en regardant l'objet en question à travers ses lunettes et avec beaucoup d'intérêt. Je pense qu'il appartient à Bob.»

Cette opinion était parfaitement exacte. M. Bob Sawyer ayant attaché le flacon au bout de sa canne, le faisait battre contre la fenêtre, pour engager ses amis de l'intérieur à en partager le contenu, en bonne harmonie et en bonne intelligence.

«Que faut-il faire? demanda M. Pickwick en regardant le flacon. Cette idée-là est encore plus absurde que l'autre.

– Je pense qu'il vaudrait mieux le prendre et le garder opina Ben Allen. Il le mérite bien.

– Certainement. Le prendrai-je?

– Je crois que c'est ce que nous pouvons faire de mieux.»

Cet avis coïncidant complètement avec l'opinion de M. Pickwick, il abaissa doucement la glace et détacha la bouteille du bâton. Celui-ci fut alors retiré, et l'on entendit M. Bob Sawyer rire de tout son cœur.

«Quel joyeux gaillard! dit M. Pickwick, le flacon à la main.

– C'est vrai, répondit Ben.

– On ne saurait rester fâché contre lui.

– Tout à fait impossible.»

Pendant cette courte communication de sentiments, M. Pickwick avait machinalement débouché la bouteille. «Qu'est-ce que c'est? demanda nonchalamment M. Allen.

– Je n'en sais rien, répliqua M. Pickwick avec une égale nonchalance. Cela sent, je crois, le punch.

– Vraiment? dit Benjamin.

– Je le suppose du moins, reprit M. Pickwick, qui n'aurait pas voulu s'exposer à dire une fausseté. Je le suppose, car il me serait impossible d'en parler avec certitude sans y goûter.

– Vous ne feriez pas mal d'essayer. Autant vaut savoir ce que c'est.

– Est-ce votre avis? Eh bien! ci cela vous fait plaisir, je ne veux pas m'y refuser.»

Toujours disposé à sacrifier ses propres sentiments aux désirs de ses amis, M. Pickwick s'occupa assez longuement à déguster le contenu de la bouteille.

«Qu'est-ce que c'est? demanda M. Allen, en l'interrompant avec quelque impatience.

– C'est extraordinaire! répondit le philosophe en léchant ses lèvres; je n'en suis pas bien sur. Oh! oui, ajouta-t-il, après avoir goûté une seconde fois, c'est du punch.»

M. Ben Allen regarda M. Pickwick, et M. Pickwick regarda M. Ben Allen. M. Ben Allen sourit, mais M. Pickwick garda son sérieux.

«Il mériterait, dit ce dernier avec sévérité, il mériterait que nous buvions tout, jusqu'à la dernière goutte.

– C'est précisément ce que je pensais.

– En vérité! Eh bien alors, à sa santé!»

Ayant ainsi parlé, notre excellent ami donna un tendre et long baiser à la bouteille, et la passa à Benjamin. Celui-ci ne se fit pas prier pour suivre son exemple: les sourires devinrent réciproques, et le punch disparut graduellement et joyeusement.

«Après tout, dit M. Pickwick en savourant la dernière goutte, ses idées sont réellement très-plaisantes, très-amusantes en vérité!

– Sans aucun doute,» répliqua Ben. Et, pour prouver que M. Bob était un des plus joyeux compères existants, il raconta lentement et en détail, comment son ami avait tant bu une fois, qu'il y avait gagné une fièvre chaude, et qu'on avait été obligé de le raser. La relation de cet agréable incident durait encore, lorsque la chaise arrêta devant l'hôtel de la Cloche, à Berkeby-Heath, pour changer de chevaux.

«Nous allons dîner ici, n'est-ce pas? dit Bob en fourrant sa tête à la portière.

– Dîner! s'écria M. Pickwick. Nous n'avons encore fait que dix-neuf milles, et nous en avons quatre-vingt-sept et demi à faire.

– C'est précisément pour cela qu'il faut prendre quelque chose qui nous aide à supporter la fatigue, répliqua Bob.

– Oh! reprit M. Pickwick en regardant sa montre, il est tout à fait impossible de dîner à onze heures et demie du matin.

– C'est juste, c'est un déjeuner qu'il nous faut. – Ohé! monsieur! un déjeuner pour trois, sur-le-champ, et n'attelez les chevaux que dans un quart d'heure. Faites mettre sur la table tout ce que vous avez de froid, avec quelques bouteilles d'ale, et votre meilleur madère.» Ayant donné ces ordres avec un empressement et une importance prodigieuse, M. Bob Sawyer entra immédiatement dans la maison pour en surveiller l'exécution. Il revint, en moins de cinq minutes, déclarer que tout était prêt et excellent.

La qualité du déjeuner justifia complétement les assertions du pharmacien, et ses compagnons de voyage y firent autant d'honneur que lui. Grâce à leurs efforts réunis, les bouteilles d'ale et le vin de Madère disparurent promptement. Le flacon fut ensuite rempli du meilleur équivalent possible pour le punch, et quand nos amis eurent repris leurs places dans la voiture, le cornet sonna et le pavillon rouge flotta, sans la plus légère opposition de la part de M. Pickwick.

À Tewkesbury, on arrêta pour dîner, et on y expédia encore de l'ale, une bouteille de madère et du porto par-dessus le marché; enfin le flacon y fut rempli, pour la quatrième fois. Sous l'influence combinée de ces liquides, M. Pickwick et M. Allen restèrent endormis pendant trente milles, tandis que Bob et Sam Weller chantaient des duos sur leur siége.

Il faisait tout à fait sombre, quand M. Pickwick se secoua et s'éveilla suffisamment pour regarder par la portière. Des chaumières éparses sur le bord de la route, la teinte enfumée de tous les objets visibles, l'atmosphère nébuleuse, les chemins couverts de cendre et de poussière de brique, la lueur ardente des fournaises embrasées, à droite et à gauche, les nuages de fumée qui sortaient pesamment des hautes cheminées pyramidales et qui noircissaient tous les environs, l'éclat des lumières lointaines, les pesants chariots qui rampaient sur la route, chargés de barres de fer retentissantes ou d'autres lourdes marchandises, tout enfin indiquait qu'on approchait de la grande cité industrielle de Birmingham.

Le mouvement et le tapage d'un travail sérieux devenaient de plus en plus sensibles, à mesure que la voiture avançait dans les étroites rues qui conduisent au centre des affaires, une foule active circulait partout; des lumières brillaient, jusque sous les toits, aux longues files de fenêtres; le bourdonnement du travail sortait de chaque maison; le mouvement des roues et des balanciers faisait trembler les murailles. Les feux dont les reflets rougeâtres étaient visibles depuis plusieurs milles, flambaient furieusement dans les grands ateliers. Le bruit des outils, les coups mesurés des marteaux, le sifflement de la vapeur, le lourd cliquetis des machines, retentissaient de tous les côtés, comme une rude harmonie.

La voiture était arrivée dans les larges rues et devant les boutiques brillantes qui entourent le vieil hôtel Royal, avant que M. Pickwick eût commencé à considérer la nature délicate et difficile de la commission qui l'avait amené là.

La délicatesse de la commission et la difficulté de l'exécuter convenablement n'étaient nullement amoindries par la présence volontaire de M. Bob Sawyer. Pour dire la vérité, M. Pickwick n'était nullement enchanté de l'avantage qu'il avait de jouir de sa société, quelque agréable et quelque honorable qu'elle fût d'ailleurs. Il aurait même donné joyeusement une somme raisonnable, pour pouvoir le faire transporter, temporairement, à cinquante milles de distance.

M. Pickwick n'avait jamais eu de communications personnelles avec M. Winkle père, quoiqu'il eût deux ou trois fois correspondu par lettre avec lui, et lui eût fait des réponses satisfaisantes concernant la conduite et le caractère de M. Winkle junior. Il sentait donc, avec un frémissement nerveux, que ce n'était pas un moyen fort ingénieux de le prédisposer en sa faveur, que de lui faire sa première visite, accompagné de Ben Allen et de Bob Sawyer, tous deux légèrement gris.

«Quoi qu'il en soit, pensait M. Pickwick en cherchant à se rassurer lui-même, il faut que je fasse de mon mieux. Je suis obligé de le voir ce soir, car je l'ai positivement promis à son fils; et si les deux jeunes gens persistent à vouloir m'accompagner, il faudra que je rende l'entrevue aussi courte que possible, me contentant d'espérer que, pour leur propre honneur, ils ne feront pas d'extravagances.»

Comme M. Pickwick se consolait par ces réflexions, la chaise s'arrêta à la porte du vieil hôtel Royal. Ben Allen, à moitié réveillé, en fut tiré par Sam, et M. Pickwick put descendre à son tour. Ayant été introduit, avec ses compagnons, dans un appartement confortable, il interrogea immédiatement le garçon concernant la résidence de M. Winkle.

«Tout près d'ici, monsieur, répondit le garçon. M. Winkle a un entrepôt sur le quai, mais sa maison n'est pas à cinq cents pas d'ici, monsieur.»

Ici le garçon éteignit une chandelle et la ralluma le plus lentement possible, afin de laisser à M. Pickwick le temps de lui adresser d'autres questions, s'il y était disposé.

«Désirez-vous quelque chose, monsieur? dit-il, en désespoir de cause. Un dîner, monsieur? du thé ou du café?

22.En anglais, dead letters, lettres mises au rebut. (Note du traducteur.)
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
27 eylül 2017
Hacim:
560 s. 1 illüstrasyon
Tercüman:
Telif hakkı:
Public Domain
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