Kitabı oku: «Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. II», sayfa 7
– Non certainement: j'étais dans le corridor jusqu'à ce qu'ils m'ont appelé, et la vieille lady était partie alors.
– Maintenant faites attention, monsieur Weller, continua Me Buzfuz, en trempant une énorme plume dans son encrier, afin d'effrayer Sam, en lui faisant voir qu'il allait noter sa réponse. Vous étiez dans le corridor et vous n'avez rien vu de ce qui se passait. Avez-vous des yeux, monsieur Weller?
– Oui, j'en ai des yeux, et c'est justement pour ça. Si c'étaient des microscopes au gaz, brevetés pour grossir cent mille millions de fois, j'aurais peut-être pu voir à travers les escaliers et la porte de chêne; mais comme je n'ai que des yeux vous comprenez, ma vision est limitée.»
À cette réponse qui fut délivrée de la manière la plus simple et sans la plus légère apparence d'irritation, les spectateurs ricanèrent, le petit juge sourit, et Me Buzfuz eut l'air singulièrement déconfit. Après une courte consultation avec Dodson et Fogg, le savant avocat se tourna de nouveau vers Sam, et lui dit avec un pénible effort pour cacher sa vexation.
«Maintenant, monsieur Weller, je vous ferai encore une question sur un autre point, s'il vous plaît.
– Je suis à vos ordres, monsieur, répondit Sam avec une admirable bonne humeur.
– Vous rappelez-vous être allé chez Mme Bardell un soir de novembre?
– Oh! oui, très bien.
– Ah! ah! vous vous rappelez cela, monsieur Weller? dit l'avocat, en recouvrant son équanimité. Je pensais bien que nous arriverions à quelque chose à la fin.
– Je le pensais bien aussi, monsieur, répliqua Sam; et les spectateurs rirent encore.
– Bien. Je suppose que vous y êtes allé pour causer un peu du procès, eh! monsieur Weller? reprit l'avocat, en lançant un coup d'œil malin au jury.
– J'y suis allé pour payer le terme; mais nous avons causé un brin du procès.
– Ah! vous en avez causé? répéta Me Buzfuz dont le visage devint radieux, par l'anticipation de quelque importante découverte. Voulez-vous avoir la bonté de nous raconter ce qui s'est dit à ce propos, monsieur Weller?
– Avec le plus grand plaisir du monde, monsieur. Après quelques observations guère importantes des deux respectables dames qui ont déposé ici aujourd'hui, elles se sont quasi pâmées d'admiration sur la vertueuse conduite de MM. Dodson et Fogg, ces deux gentlemen qui sont assis à côté de vous maintenant.»
Ceci, bien entendu, attira l'attention générale sur Dodson et Fogg qui prirent un air aussi vertueux que possible.
«Ah! dit Me Buzfuz, ces dames parlèrent donc avec éloge de l'honorable conduite de MM. Dodson et Fogg, les avoués de la plaignante, hein?
– Oui, monsieur. Elles dirent que c'était une bien généreuse chose de leur part de prendre cette affaire-là par spéculation, et de ne rien demander pour les frais, s'ils ne les faisaient pas payer à M. Pickwick.»
À cette réplique inattendue, les spectateurs ricanèrent encore, et Dodson et Fogg, qui étaient devenus tout rouges, se penchèrent vers Me Buzfuz, et d'un air très-empressé lui chuchotèrent quelque chose dans l'oreille.
«Vous avez complètement raison, répondit tout haut l'avocat, avec une tranquillité affectée. Il est parfaitement impossible de tirer quelque éclaircissement de l'impénétrable stupidité du témoin. Je n'abuserai point des moments de la cour en lui adressant d'autres questions. Vous pouvez descendre, monsieur.
– Il n'y a pas quelque autre gentleman qui désire m'adresser une question? demanda Sam, en prenant son chapeau et en regardant autour de lui d'un air délibéré.
– Non pas moi, monsieur Weller. Je vous remercie, dit Me Snubbin, en riant.
– Vous pouvez descendre, monsieur,» répéta Me Buzfuz, en agitant la main d'un air impatient.
Sam descendit en conséquence, après avoir fait à la cause de MM. Dodson et Fogg, autant de mal qu'il le pouvait, sans inconvénient, et après avoir parlé le moins possible de l'affaire de M. Pickwick, ce qui était précisément le but qu'il s'était proposé.
«Milord, dit Me Snubbin, si cela peut épargner l'interrogatoire d'autres témoins, je n'ai pas d'objections à admettre que M. Pickwick s'est retiré des affaires et possède une fortune indépendante et considérable.
– Très-bien,» répliqua Me Buzfuz, en passant au clerc les deux lettres de M. Pickwick.
Me Snubbin s'adressa alors au jury en faveur du défendeur, et débita un très-long et très-emphatique discours, dans lequel il donna à la conduite et aux mœurs de M. Pickwick les plus magnifiques éloges. Mais comme nos lecteurs doivent s'être formé relativement au mérite de ce gentleman une opinion beaucoup plus nette que celle de Me Snubbin, nous ne croyons pas devoir rapporter longuement ses observations. Il s'efforça de démontrer que les lettres qui avaient été produites se rapportaient simplement au dîner de M. Pickwick et aux préparations à faire dans son appartement, pour le recevoir à son retour de quelque excursion. Enfin il parla le mieux qu'il put, en faveur de notre héros, et comme tout le monde le sait, sur la foi d'un vieil adage, il est impossible de faire plus.
M. le juge Starleigh fit son résumé, suivant les formes et de la manière la plus approuvée. Il lut au jury autant de ses notes qu'il lui fut possible d'en déchiffrer en si peu de temps, et fit en passant des commentaires sur chaque témoignage. Si mistress Bardell avait raison, il était parfaitement évident que M. Pickwick avait tort. Si les jurés pensaient que le témoignage de mistress Cluppins était digne de croyance, c'était leur devoir de le croire: mais sinon, non. S'ils étaient convaincus qu'il y avait eu violation de promesse de mariage, ils devaient attribuer à la plaignante les dommages-intérêts qu'ils jugeraient convenables; mais d'un autre côté s'il leur paraissait qu'il n'y eût jamais eu de promesse de mariage, alors ils devaient renvoyer le défenseur sans aucun dommage. Après cette harangue, les jurés se retirèrent dans leur salle pour délibérer, et le juge se retira dans son cabinet pour se rafraîchir avec une côtelette de mouton et un verre de xérès.
Un quart d'heure plein d'anxiété s'écoula. Le jury revint; on alla quérir le juge. M. Pickwick mit ses lunettes et contempla le chef du jury, avec un cœur palpitant et une contenance agitée.
«Gentlemen, dit l'individu en noir, êtes-vous tous d'accord sur votre verdict?
– Oui, nous sommes d'accord, répondit le chef du jury.
– Décidez-vous en faveur de la plaignante ou du défendeur, gentlemen?
– En faveur de la plaignante.
– Avec quels dommages, gentlemen?
– Sept cent cinquante livres sterling.»
M. Pickwick ôta ses lunettes, en essuya soigneusement les verres, les renferma dans leur étui, et les introduisit dans sa poche. Ensuite ayant mis ses gants avec exactitude, tout en continuant de considérer le chef du jury, il suivit machinalement hors de la salle M. Perker et le sac bleu.
M. Perker s'arrêta dans une salle voisine pour payer les honoraires de la cour. Là, M. Pickwick fut rejoint par ses amis, et là aussi il rencontra MM. Dodson et Fogg, se frottant les mains avec tous les signes extérieurs d'une vive satisfaction.
«Eh! bien? gentlemen, dit M. Pickwick.
– Eh! bien, monsieur, dit Dodson pour lui et son partenaire.
– Vous vous imaginez que vous allez empocher vos frais, n'est-ce pas, gentlemen?»
Fogg répondit qu'il regardait cela comme assez probable, et Dodson sourit en disant qu'ils essayeraient.
«Vous pouvez essayer, et essayer, et essayer encore, messieurs Dodson et Fogg, s'écria M. Pickwick avec véhémence, mais vous ne tirerez jamais de moi un penny de dommages, ni de frais, quand je devrais passer le reste de mon existence dans une prison pour dettes.
– Ah! ah! dit Dodson, vous y repenserez avant le prochain terme, monsieur Pickwick.
– Hi! hi! hi! nous verrons cela incessament, monsieur Pickwick, ricana M. Fogg.»
Muet d'indignation, M. Pickwick se laissa entraîner par son avoué et par ses amis qui le firent monter dans une voiture, amenée en un clin d'œil par l'attentif Sam Weller.
Sam avait relevé le marchepied, et se préparait à sauter sur le siége, quand il sentit toucher légèrement son épaule. Il se retourna et vit son père, debout devant lui. Le visage du vieux gentleman avait une expression lugubre. Il secoua gravement la tête, et dit d'un ton de remontrance:
«Je savais ce qu'arriverait de cette manière-là de conduire l'affaire. O Sammy, Sammy, pourquoi qu'i' ne se sont pas servis d'un alébi.»
CHAPITRE VI
Dans lequel M. Pickwick pense que ce qu'il a de mieux à faire est d'aller à Bath, et y va en conséquence
«Mais, mon cher monsieur, dit le petit Perker à M. Pickwick, qu'il était allé voir dans la matinée qui suivit le jugement, vous n'entendez pas, en réalité et sérieusement, et toute irritation à part, que vous ne payerez pas ces frais et ces dommages?
– Pas un demi-penny, répéta M. Pickwick avec fermeté, pas un demi-penny.
– Hourra! vivent les principes! comme disait l'usurier en refusant de renouveler le billet, s'écria Sam, qui enlevait le couvert du déjeuner.
– Sam, dit M. Pickwick, ayez la bonté de descendre en bas.
– Certainement, monsieur, répliqua Sam en obéissant à l'aimable insinuation de son maître.
– Non, Perker, reprit M. Pickwick d'un air très-sérieux. Mes amis ici présents se sont vainement efforcés de me dissuader de cette détermination. Je m'occuperai comme à l'ordinaire. Mes adversaires ont le pouvoir de poursuivre mon incarcération, et, s'ils sont assez vifs pour s'en servir et pour arrêter une personne, je me soumettrai aux lois avec une parfaite tranquillité. Quand peuvent-ils faire cela?
– Ils peuvent lancer une exécution pour le montant des dommages et des frais taxés, le terme prochain, juste dans deux mois d'ici, mon cher monsieur.
– Très-bien. D'ici là, mon ami, ne me reparlez plus de cette affaire. Et maintenant, continua M. Pickwick en regardant ses amis avec un sourire bénévole et un regard brillant que nulles lunettes ne pouvaient obscurcir, voici la seule question à résoudre: Où dirigerons-nous notre prochaine excursion?»
M. Tupman et M. Snodgrass étaient trop affectés par l'héroïsme de leur ami pour pouvoir faire une réponse. Quant à M. Winkle, il n'avait pas encore suffisamment perdu le souvenir de sa déposition en justice, pour oser élever la voix sur aucun sujet. C'est donc en vain que M. Pickwick attendit.
«Eh bien! reprit-il, si vous me permettez de choisir notre destination, je dirai Bath. Je pense que personne parmi vous n'y a jamais été?»
M. Perker, regardant comme très-probable que le changement de scène et la gaieté du séjour engageraient M. Pickwick à mieux apprécier sa détermination, et à moins estimer une prison pour dettes, appuya chaudement cette proposition. Elle fut adoptée à l'unanimité, et Sam immédiatement dépêché au Cheval-Blanc, pour retenir cinq places dans la voiture qui partait le lendemain matin, à sept heures et demie.
Il restait justement deux places à l'intérieur et trois places à l'extérieur. Sam les arrêta, échangea quelques compliments avec le commis, qui lui avait glissé mal à propos une demi-couronne en étain, en lui rendant sa monnaie, retourna au Georges et Vautour, et s'y occupa activement, jusqu'au moment de se mettre au lit, à comprimer des habits et du linge dans la plus petit espace possible, et à inventer d'ingénieux moyens mécaniques pour faire tenir des couvercles sur des boîtes qui n'avaient ni charnières ni serrure.
Le lendemain matin se leva fort déplaisant pour un voyage, sombre, humide et crotté. Les chevaux des diligences qui passaient fumaient si fort que les passagers de l'extérieur étaient invisibles. Les crieurs de journaux paraissaient noyés et sentaient le moisi; la pluie dégouttait des chapeaux des marchandes d'oranges; et, lorsqu'elles fourraient leur tête par la portière des voitures, elles en arrosaient l'intérieur d'une manière très rafraîchissante. Les juifs fermaient de désespoir leurs canifs à cinquante lames; les vendeurs d'agendas de poche en faisaient véritablement des agendas de poche; les chaînes de montres et les fourchettes à faire des rôties se livraient à porte; les porte-crayons et les éponges étaient pour rien sur le marché.
Laissant Sam Weller disputer les bagages à sept ou huit porteurs qui s'en étaient violemment emparés aussitôt que la voiture de place s'était arrêtée, et voyant qu'il y avait encore vingt minutes à attendre avant le départ de la diligence, M. Pickwick et ses amis allèrent chercher un abri dans la salle des voyageurs, dernière ressource de l'humaine misère.
La salle des voyageurs, au Cheval-Blanc, est comme on le pense bien, peu confortable; autrement ce ne serait pas une salle de voyageurs. C'est le parloir qui se trouve à main droite, et dans lequel une ambitieuse cheminée de cuisine semble s'être impatronisée, avec l'accompagnement d'un poker rebelle, d'une pelle et de pincettes réfractaires. Le pourtour de la salle est divisé en stalles pour la séquestration des voyageurs, et la salle elle-même est garnie d'une pendule, d'un miroir et d'un garçon vivant; ce dernier article étant habituellement renfermé dans une espèce de chenil où se lavent les verres, à l'un des coins de la chambre.
Le jour en question, une des stalles était occupée par un homme d'environ quarante-cinq ans, dont le crâne chauve et luisant sur le devant de la tête, était garni sur les côtés et par derrière d'épais cheveux noirs qui se mêlaient avec ses larges favoris. Son habit brun était boutonné jusqu'au menton; il avait une vaste casquette de veau marin et une redingote avec un manteau étaient étendus sur le siége, à côté de lui. Lorsque M. Pickwick entra, il leva les yeux de dessus son déjeûner avec un air fier et péremptoire tout à fait plein de dignité; puis, après avoir scruté notre philosophe et ses compagnons, il se mit à chantonner de manière à faire entendre que, s'il y avait des gens qui se flattaient de le mettre dedans, cela ne prendrait point.
«Garçon! dit le gentleman aux favoris noirs.
– Monsieur! répliqua, en sortant du chenil ci-dessus mentionné, un homme qui avait un teint malpropre et un torchon idem.
– Encore quelques rôties!
– Oui, monsieur.
– Faites attention qu'elles soient beurrées, ajouta le gentleman d'un ton dur.
– Tout de suite, monsieur,» repartit le garçon.
Le gentleman aux favoris noirs recommença à chantonner le même air; puis, en attendant l'arrivée des rôties, il vint se placer le dos au feu, releva sous ses bras les pans de son habit, et contempla ses bottes en ruminant.
«Vous ne savez pas où la voiture arrête à Bath? dit M. Pickwick d'un ton doux en s'adressant à M. Winkle.
– Hum! Eh! qu'est-ce! dit l'étranger.
– Je faisais une observation à mon ami, dit M. Pickwick, toujours prêt à entrer en conversation. Je demandais où la voiture arrête à Bath. Vous pouvez peut-être m'en informer, monsieur?
– Est-ce que vous allez à Bath?
– Oui, monsieur.
«Et ces autres gentlemen?
– Ils y vont aussi.
– Pas dans l'intérieur! Je veux être damné si vous allez dans l'intérieur!
– Non, pas tous.
– Non certes, pas tous, reprit l'étranger avec énergie. J'ai retenu deux places, et, s'ils veulent empiler six personnes dans une boîte infernale qui n'en peut tenir que quatre, je louerai une chaise de poste à leurs frais. Cela ne prendra pas. J'ai dit au commis, en payant mes places, que cela ne prendrait pas. Je sais que cela s'est fait; je sais que cela se fait tous les jours; mais on ne m'a jamais mis dedans, et on ne m'y mettra pas. Ceux qui me connaissent le savent, Dieu me damne!»
Ici le féroce gentleman tira la sonnette avec grande violence et déclara au garçon que si on ne lui apportait pas ses rôties avant cinq secondes, il irait lui-même en savoir la raison.
«Mon cher monsieur, dit M. Pickwick, permettez-moi de vous faire observer que vous vous agitez bien inutilement. Je n'ai retenu de places à l'intérieur que pour deux.
– Je suis charmé de le savoir, répondit l'homme féroce. Je retire mes expressions; acceptez mes excuses. Voici ma carte; faisons connaissance.
– Avec grand plaisir, répliqua M. Pickwick. Nous devons être compagnons de voyage, et j'espère que nous trouverons mutuellement notre société agréable.
– Je l'espère. J'en suis persuadé. J'aime votre air; il me plaît. Gentlemen, vos mains et vos noms. Faisons connaissance.»
Nécessairement un échange de salutations amicales suivit ce gracieux discours. Le fier gentleman informa alors nos amis avec le même système de phrases courtes, abruptes, sautillantes, que son nom était Dowler, qu'il allait à Bath pour son plaisir, qu'il était autrefois dans l'armée, que maintenant il s'était mis dans les affaires, comme un gentleman; qu'il vivait des profits qu'il en tirait, et que la personne pour qui la seconde place avait été retenue par lui, n'était pas une personne moins illustre que Mme Dowler, son épouse.
«C'est une jolie femme, poursuivit-il. J'en suis orgueilleux. J'ai raison de l'être.
– J'espère que nous aurons le plaisir d'en juger, dit M. Pickwick avec un sourire.
– Vous en jugerez. Elle vous connaîtra. Elle vous estimera. Je lui ai fait la cour d'une singulière manière. Je l'ai gagnée par un vœu téméraire. Voilà. Je la vis; je l'aimai; je la demandai; elle me refusa. «Vous en aimez un autre? – Épargnez ma pudeur. – Je le connais. – Vraiment? – Certes; s'il reste ici, je l'écorcherai vif.»
– Diable! s'écria M. Pickwick involontairement.
– Et… l'avez-vous écorché, monsieur? demanda M. Winkle en pâlissant.
– Je lui écrivis un mot. Je lui dis que c'était une chose pénible. C'était vrai.
– Certainement, murmura M. Winkle.
– Je dis que j'avais donné ma parole de l'écorcher vif, que mon honneur était engagé, et que, comme officier de Sa Majesté, je n'avais pas d'autre alternative. J'en regrettais la nécessité, mais il fallait que cela se fit. Il se laissa convaincre; il vit que les règles de service étaient impératives. Il s'enfuit. J'épousai la jeune personne. Voici la voiture. C'est sa tête que vous voyez à la portière.»
En achevant ces mots, M. Dowler montrait une voiture qui venait de s'arrêter. On voyait effectivement à la portière une figure assez jolie, coiffée d'un chapeau bleu, et qui, regardant parmi la foule, cherchait probablement l'homme violent lui-même. M. Dowler paya sa dépense et sortit promptement avec sa casquette, sa redingote et son manteau: M. Pickwick et ses amis le suivirent pour s'assurer de leurs places.
M. Tupman et M. Snodgrass s'étaient huchés derrière la voiture; M. Winkle était monté dans l'intérieur et M. Pickwick se préparait à le suivre, quand Sam Weller s'approcha d'un air de profond mystère, et, chuchotant dans l'oreille de son maître, lui demanda la permission de lui parler.
«Eh bien! Sam, dit M. Pickwick, qu'est-ce qu'il y a maintenant?
– En voilà une de sévère, monsieur!
– Une quoi?
– Une histoire, monsieur. J'ai bien peur que le propriétaire de cette voiture-ci ne nous fasse quelque impertinence.
– Comment cela, Sam? Est-ce que nos noms ne sont point sur la feuille de route?
– Certainement qu'ils y sont, monsieur; mais ce qui est plus fort, c'est qu'il y en a un qui est sur la porte de la voiture.»
En parlant ainsi, Sam montrait à son maître cette partie de la portière où se trouve ordinairement le nom du propriétaire; et là, en effet, se lisait en lettres dorées, d'une raisonnable grandeur, le nom magique de Pickwick.
«Voilà qui est curieux! s'écria M. Pickwick, tout à fait étourdi de cette coïncidence; quelle chose extraordinaire!
– Oui; mais ce n'est pas tout, reprit Sam en dirigeant de nouveau l'attention de son maître vers la portière. Non contents d'écrire Pickwick, ils mettent Moïse devant. Voilà ce que j'appelle ajouter l'injure à l'insulte, comme disait le perroquet quand on lui a appris à parler anglais, après l'avoir emporté de son pays natal.
– Cela est certainement assez singulier, Sam; mais si nous restons là, debout, nous perdrons nos places.
– Comment! est-ce qu'il n'y a rien à faire en conséquence, monsieur? s'écria Sam tout à fait démonté par la tranquillité avec laquelle M. Pickwick se préparait à s'enfoncer dans l'intérieur.
– À faire? dit le philosophe; qu'est-ce qu'on pourrait faire?
– Est-ce qu'il n'y aura personne de rossé pour avoir pris cette liberté, monsieur? demanda Sam, qui s'était attendu, pour le moins, à recevoir la commission de défier le cocher et le conducteur en combat singulier.
– Non, certainement, répliqua M. Pickwick avec vivacité. Sous aucun prétexte! Montez à votre place, sur-le-champ.
– Ah! murmura Sam en grimpant sur son banc, faut que le gouverneur ait quelque chose; autrement il n'aurait pas pris ça aussi tranquillement. J'espère que ce jugement-ici ne l'aura pas affecté; mais ça va mal, ça va très-mal,» continua-t-il en secouant gravement la tête.
Et, ce qui est digne de remarque, car cela fait voir combien il prit cette circonstance à cœur, il ne prononça plus une seule parole jusqu'au moment où la voiture atteignit le turnpike de Kensington. C'était pour lui un effort de taciturnité tellement extraordinaire, qu'il peut être considéré comme tout à fait sans précédent.
Il n'arriva rien durant le voyage qui mérite une mention spéciale. M. Dowler rapporta plusieurs anecdotes, toutes illustratives de ses prouesses personnelles; et, à chacune d'elles il en appelait au témoignage de Mme Dowler. Alors cette aimable dame racontait, sous la forme d'appendice, quelques circonstances remarquables que M. Dowler avait oubliées, ou peut-être que sa modestie avait omises; car ces additions tendaient toujours à montrer que M. Dowler était un homme encore plus étonnant qu'il ne le disait lui-même. M. Pickwick et M. Winkle l'écoutaient avec la plus grande admiration: par intervalles, cependant, ils conversaient avec Mme Dowler, qui était une personne tout à fait séduisante. Ainsi, grâces aux histoires de M. Dowler et aux charmes de son autre moitié, grâces à l'amabilité de M. Pickwick et à l'attention imperturbable de M. Winkle, les habitants de l'intérieur de la diligence exécutèrent leur voyage en bonne harmonie et en parfaite humeur.
Les voyageurs de l'extérieur se conduisirent comme leurs places le comportaient. Ils étaient gais et causeurs au commencement de tous les relais, tristes et endormis au milieu, et de nouveau brillants et éveillés vers la fin. Il y avait un jeune gentleman en manteau de caoutchouc, qui fumait des cigares tout le long du chemin; et il y avait un autre jeune gentleman dont la redingote avait l'air de la parodie d'un paletot, qui en allumait un grand nombre; mais, se sentant évidemment étourdi, après la seconde bouffée, il les jetait par terre, quand il croyait que personne ne pouvait s'en apercevoir. Il y avait sur le siége un troisième jeune homme qui désirait se connaître en chevaux, et par derrière, un vieillard qui semblait très-fort en agriculture. On rencontrait sur la route une constante succession de noms de baptême, en blouses ou en redingotes grises, qui étaient invités par le garde à monter un bout de chemin, et qui connaissaient chaque cheval et chaque aubergiste de la contrée. Enfin on fit un dîner, qui aurait été bon marché à une demi-couronne par tête, si on avait eu le temps d'en manger quelque chose. Quoi qu'il en soit, à sept heures du soir, M. Pickwick et ses amis, et M. Dowler ainsi que son épouse se retirèrent respectivement dans leur salon particulier à l'hôtel du Blanc-Cerf, en face de la grande salle des bains de Bath; hôtel illustre dans lequel les garçons, grâces à leur costume, pourraient être pris pour des étudiants de Westminster, s'ils ne détruisaient pas l'illusion par leur sagesse et leur bonne tenue.
Le lendemain matin, le déjeuner des pickwickiens avait à peine été enlevé, lorsqu'un garçon apporta la carte de M. Dowler, qui demandait la permission de présenter un de ses amis. M. Dowler lui-même suivit immédiatement sa carte, amenant aussi son ami.
L'ami était un charmant jeune homme d'une cinquantaine d'années tout au plus. Il avait un habit bleu très-clair, avec des boutons resplendissants; un pantalon noir et la paire de bottes la plus fine et la plus luisante qu'on puisse imaginer. Un lorgnon d'or était suspendu à son cou par un ruban noir, large et court. Une tabatière d'or tournait élégamment entre l'index et le pouce de sa main gauche; des bagues innombrables brillaient à ses doigts; un énorme solitaire, monté en or, étincelait sur son jabot. Il avait, en outre, une montre d'or et une chaîne d'or, avec de massifs cachets d'or. Sa légère canne d'ébène portait une lourde pomme d'or; son linge était le plus fin, le plus blanc, le plus roide possible; son faux toupet le mieux huilé, le plus noir, le plus bouclé des faux toupets. Son tabac était du tabac du régent, son parfum, bouquet du roi. Ses traits s'embellissaient d'un perpétuel sourire, et ses dents étaient si parfaitement rangées qu'à une petite distance il était difficile de distinguer les fausses des véritables.
«Monsieur Pickwick, dit Dowler, mon ami Angelo-Cyrus Bantam, esquire, magister ceremoniorum. – Bantam, monsieur Pickwick. Faites connaissance.
– Soyez le bienvenu à Ba-ath, monsieur. Voici en vérité une acquisition… Très-bien venu à Ba-ath, monsieur… Il y a longtemps, très-longtemps, monsieur Pickwick, que vous n'avez pris les eaux. Il y a un siècle, monsieur Pickwick. Re-marquable.»
En parlant ainsi, M. Angelo-Cyrus Bantam, esq., m.c. prit la main de M. Pickwick; et, tout en disloquant ses épaules par une constante succession de saluts, il garda la main du philosophe dans les siennes, comme s'il n'avait pas pu prendre sur lui de la lâcher.
– Il y a certainement très-longtemps que je n'ai bu les eaux, répondit M. Pickwick, car, à ma connaissance, je ne suis jamais venu ici jusqu'à présent.
– Jamais venu à Ba-ath, monsieur Pickwick! s'écria le grand maître en laissant tomber d'étonnement la main savante. Jamais venu à Ba-ath! ha! ha! ha! Monsieur Pickwick, vous aimez à plaisanter! Pas mauvais, pas mauvais! Joli, joli! Hi! hi! hi! re-marquable.
– Je dois dire, à ma honte, que je parle tout à fait sérieusement. Je ne suis jamais venu ici.
– Oh! je vois, s'écria le grand maître d'un air extrêmement satisfait. Oui, oui. Bon, bon. De mieux en mieux. Vous êtes le gentleman dont nous avons entendu parler. Nous vous connaissons, monsieur Pickwick, nous vous connaissons.»
Ils ont lu, dans ces maudits journaux, les détails de mon procès, pensa M. Pickwick. Ils savent toute mon histoire.
«Oui, reprit Bantam, vous êtes le gentleman résidant à Clapham-Green, qui a perdu l'usage de ses membres pour s'être imprudemment refroidi après avoir pris du vin de Porto; qui, à cause de ses souffrances aiguës, ne pouvait plus bouger de place, et qui fit prendre des bouteilles de la source des bains du roi à 103°, se les fit apporter par un chariot dans sa chambre à coucher à Londres, se baigna, éternua et fut rétabli le même jour. Très-remarquable.»
M. Pickwick reconnut le compliment que renfermait cette supposition, et cependant il eut l'abnégation de la repousser. Ensuite, prenant avantage d'un moment où le maître des cérémonies demeurait silencieux, il demanda la permission de présenter ses amis, M. Tupman, M. Winkle et M. Snodgrass; présentation qui, comme on se l'imagine, accabla le maître des cérémonies de délices et d'honneur.
«Bantam, dit M. Dowler, M. Pickwick et ses amis sont étrangers; il faut qu'ils inscrivent leurs noms. Où est le livre?
– La registre des visiteurs distingués de Ba-ath sera à la salle de la Pompe aujourd'hui à deux heures. Voulez-vous guider nos amis vers ce splendide bâtiment et me procurer l'avantage d'obtenir leurs autographes.
– Je le ferai, répliqua Dowler. Voilà une longue visite. Il est temps de partir. Je reviendrai dans une heure. Allons.
– Il y a bal ce soir, monsieur, dit le maître des cérémonies en prenant la main de M. Pickwick, au moment de s'en aller. Les nuits de bal, dans Ba-ath, sont des instants dérobés au paradis, des instants que rendent enchanteurs la musique, la beauté, l'élégance, la mode, l'étiquette, etc… et par-dessus tout, l'absence des boutiquiers, gens tout à fait incompatibles avec le paradis. Ces gens-là ont, entre eux, tous les quinze jours, au Guidhall, une espèce d'amalgame qui est, pour ne rien dire de plus, re-marquable. Adieu, adieu.»
Cela dit, et ayant protesté tout le long de l'escalier qu'il était fort satisfait, entièrement charmé, complètement enchanté, immensément flatté, on ne peut pas plus honoré, Angelo-Cyrus Bantam, esq., m.c. monta dans un équipage très-élégant qui l'attendait à la porte et disparut au grand trot.
À l'heure désignée, M. Pickwick et ses amis, escortés par Dowler, se rendirent aux salles d'assemblée et écrivirent leur nom sur le livre, preuve de condescendance dont Angélo Bantam se montra encore plus confus et plus charmé qu'auparavant. Des billets d'admission devaient être préparés pour les quatre amis; mais, comme ils ne se trouvaient pas prêts, M. Pickwick s'engagea, malgré toutes les protestations d'Angelo Bantam, à envoyer Sam les chercher, à quatre heures, chez le M.C., dans Queen-Square.
Après avoir fait une courte promenade dans la ville et être arrivés à la conclusion unanime que Park-Street ressemble beaucoup aux rues perpendiculaires qu'on voit dans les rêves, et qu'on ne peut pas venir à bout de gravir, les pickwickiens retournèrent au Blanc-Cerf et dépêchèrent Sam pour chercher les billets.
Sam Weller posa son chapeau sur sa tête d'une manière chalante et gracieuse, enfonça ses mains dans les poches de son gilet, et se dirigea, d'un pas délibéré, vers Queen-Square, en sifflant le long du chemin plusieurs airs populaires de l'époque, arrangés sur un mouvement entièrement nouveau pour les instruments à vent. Arrivé dans Queen-Square, au numéro qui lui avait été désigné, il cessa de siffler et frappa solidement à une porte, que vint ouvrir immédiatement un laquais à la tête poudrée, à la livrée magnifique, à la stature carrée.
«C'est-il ici M. Bantam, vieux? demanda Sam sans se laisser le moins du monde intimider par le rayon de splendeur qui lui donna dans l'œil à l'apparition du laquais poudré, à la livrée magnifique, etc.
– Pourquoi cela, jeune homme? répondit celui-ci d'un air hautain.
– Parce que, si c'est ici chez lui, portez-lui ça, et dites-lui que M. Weller attend la réponse. Voulez-vous m'obliger, six pieds?»