Kitabı oku: «Les Chants de Maldoror», sayfa 5

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Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l'hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. La lune a dégagé son disque de la masse des nuages, et caresse avec ses pâles rayons cette douce figure d'adolescent. Ses traits expriment l'énergie la plus virile, en même temps que la grâce d'une vierge céleste. Rien ne paraît naturel en lui, pas même les muscles de son corps, qui se fraient un passage à travers les contours harmonieux de formes féminines. Il a le bras recourbé sur le front, l'autre main appuyée contre la poitrine, comme pour comprimer les battements d'un cœur fermé à toutes les confidences, et chargé du pesant fardeau d'un secret éternel. Fatigué de la vie, et honteux de marcher parmi des êtres qui ne lui ressemblent pas, le désespoir a gagné son âme, et il s'en va seul, comme le mendiant de la vallée. Comment se procure-t-il les moyens d'existence? Des âmes compatissantes veillent de près sur lui, sans qu'il se doute de cette surveillance, et ne l'abandonnent pas: il est si bon! il est si résigné! Volontiers il parle quelquefois avec ceux qui ont le caractère sensible, sans leur toucher la main, et se tient à distance, dans la crainte d'un danger imaginaire. Si on lui demande pourquoi il a pris la solitude pour compagne, ses yeux se lèvent vers le ciel, et retiennent avec peine une larme de reproche contre la Providence; mais, il ne répond pas à cette question imprudente, qui répand, dans la neige de ses paupières, la rougeur de la rose matinale. Si l'entretien se prolonge, il devient inquiet, tourne les yeux vers les quatre points de l'horizon, comme pour chercher à fuir la présence d'un ennemi invisible qui s'approche, fait de la main un adieu brusque, s'éloigne sur les ailes de sa pudeur en éveil, et disparaît dans la forêt. On le prend généralement pour un fou. Un jour, quatre hommes masqués, qui avaient reçu des ordres, se jetèrent sur lui et le garrottèrent solidement, de manière qu'il ne put remuer que les jambes. Le fouet abattit ses rudes lanières sur son dos, et ils lui dirent qu'il se dirigeât sans délai vers la route qui mène à Bicêtre. Il se mit à sourire en recevant les coups, et leur parla avec tant de sentiment, d'intelligence sur beaucoup de sciences humaines qu'il avait étudiées et qui montraient une grande instruction dans celui qui n'avait pas encore franchi le seuil de la jeunesse, et sur les destinées de l'humanité où il dévoila entière la noblesse poétique de son âme, que ses gardiens, épouvantés jusqu'au sang de l'action qu'ils avaient commise, délièrent ses membres brisés, se traînèrent à ses genoux, en demandant un pardon qui fut accordé, et s'éloignèrent, avec les marques d'une vénération qui ne s'accorde pas ordinairement aux hommes. Depuis cet événement, dont on parla beaucoup, son secret fut deviné par chacun, mais on paraît l'ignorer, pour ne pas augmenter ses souffrances; et le gouvernement lui accorde une pension honorable, pour lui faire oublier qu'un instant on voulut l'introduire par force, sans vérification préalable, dans un hospice d'aliénés. Lui, il emploie la moitié de son argent; le reste, il le donne aux pauvres. Quand il voit un homme et une femme qui se promènent dans quelque allée de platanes, il sent son corps se fendre en deux de bas en haut, et chaque partie nouvelle aller étreindre un des promeneurs; mais, ce n'est qu'une hallucination, et la raison ne tarde pas à reprendre son empire. C'est pourquoi il ne mêle sa présence, ni parmi les hommes, ni parmi les femmes; car sa pudeur excessive, qui a pris jour dans cette idée qu'il n'est qu'un monstre, l'empêche d'accorder sa sympathie brûlante à qui que ce soit. Il croirait se profaner, et il croirait profaner les autres. Son orgueil lui répète cet axiome: «Que chacun reste dans sa nature.» Son orgueil, ai-je dit, parce qu'il craint qu'en joignant sa vie à un homme ou à une femme, on ne lui reproche tôt ou tard, comme une faute énorme, la conformation de son organisation. Alors, il se retranche dans son amour-propre, offensé par cette supposition impie qui ne vient que de lui, et il persévère à rester seul, au milieu des tourments, et sans consolation. Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l'hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. Les oiseaux, éveillés, contemplent avec ravissement cette figure mélancolique, à travers les branches des arbres, et le rossignol ne veut pas faire entendre ses cavatines de cristal. Le bois est devenu auguste comme une tombe, par la présence nocturne de l'hermaphrodite infortuné. O voyageur égaré, par ton esprit d'aventure qui t'a fait quitter ton père et ta mère, dès l'âge le plus tendre: par les souffrances que la soif t'a causées, dans le désert: par ta patrie que tu cherches peut-être, après avoir longtemps erré, proscrit, dans des contrées étrangères; par ton coursier, ton fidèle ami, qui a supporté, avec toi, l'exil et l'intempérie des climats que te faisait parcourir ton humeur vagabonde; par la dignité que donnent à l'homme les voyages sur les terres lointaines et les mers inexplorées, au milieu des glaçons polaires, ou sous l'influence d'un soleil torride, ne touche pas avec ta main, comme avec un frémissement de la brise, ces boucles de cheveux, répandues sur le sol, et qui se mêlent à l'herbe verte. Ecarte-toi de plusieurs pas, et tu agiras mieux ainsi. Cette chevelure est sacrée; c'est l'hermaphrodite lui-même qui l'a voulu. Il ne veut pas que des lèvres humaines embrassent religieusement ses cheveux, parfumés par le souffle de la montagne, pas plus que son front, qui resplendit, en cet instant, comme les étoiles du firmament. Mais, il vaut mieux croire que c'est une étoile elle-même qui est descendue de son orbite, en traversant l'espace, sur ce front majestueux, qu'elle entoure avec sa clarté de diamant, comme d'une auréole. La nuit, écartant du doigt sa tristesse, se revêt de tous ses charmes pour fêter le sommeil de cette incarnation de la pudeur, de cette image parfaite de l'innocence des anges: le bruissement des insectes est moins perceptible. Les branches penchent sur lui leur élévation touffue, afin de le préserver de la rosée, et la brise, faisant résonner les cordes de sa harpe mélodieuse, envoie ses accords joyeux, à travers le silence universel, vers ces paupières baissées, qui croient assister, immobiles, au concert cadencé des mondes suspendus. Il rêve qu'il est heureux; que sa nature corporelle a changé: ou que, du moins, il s'est envolé sur un nuage pourpre, vers une autre sphère, habitée par des êtres de même nature que lui. Hélas! que son illusion se prolonge jusqu'au réveil de l'aurore! Il rêve que les fleurs dansent autour de lui en rond, comme d'immenses guirlandes folles, et l'imprègnent de leurs parfums suaves, pendant qu'il chante un hymne d'amour, entre les bras d'un être humain d'une beauté magique. Mais, ce n'est qu'une vapeur crépusculaire que ses bras entrelacent; et, quand il se réveillera, ses bras ne l'entrelaceront plus. Ne te réveille pas, hermaphrodite; ne te réveille pas encore, je t'en supplie. Pourquoi ne veux-tu pas me croire? Dors … dors toujours. Que ta poitrine se soulève, en poursuivant l'espoir chimérique du bonheur, je te le permets; mais, n'ouvre pas tes yeux. Ah! n'ouvre pas tes yeux! Je veux te quitter ainsi, pour ne pas être témoin de ton réveil. Peut-être un jour, à l'aide d'un livre volumineux, dans des pages émues, raconterai-je ton histoire, épouvanté de ce qu'elle contient, et des enseignements qui s'en dégagent. Jusqu'ici, je ne l'ai pas pu; car, chaque fois que je l'ai voulu, d'abondantes larmes tombaient sur le papier, et mes doigts tremblaient, sans que ce fût de vieillesse. Mais, je veux avoir à la fin ce courage. Je suis indigné de n'avoir pas plus de nerfs qu'une femme, et de m'évanouir, comme une petite fille, chaque fois que je réfléchis à ta grande misère. Dors … dors toujours; mais n'ouvre pas tes yeux! Adieu, hermaphrodite! Chaque jour, je ne manquerai pas de prier le ciel pour toi (si c'était pour moi, je ne le prierais point). Que la paix soit dans ton sein!

Quand une femme, à la voix de soprano, émet ses notes vibrantes et mélodieuses, à l'audition de cette harmonie humaine, mes yeux se remplissent d'une flamme latente et lancent des étincelles douloureuses, tandis que dans mes oreilles semble retentir le tocsin de la canonnade. D'où peut venir cette répugnance profonde pour tout ce qui tient à l'homme? Si les accords s'envolent des fibres d'un instrument, j'écoute avec volupté ces notes perlées qui s'échappent en cadence à travers les ondes élastiques de l'atmosphère. La perception ne transmet à mon ouïe qu'une impression d'une douceur à fondre les nerfs et la pensée; un assoupissement ineffable enveloppe de ses pavots magiques, comme d'un voile qui tamise la lumière du jour, la puissance active de mes sens et les forces vivaces de mon imagination. On raconte que je naquis entre les bras de la surdité! Aux premières époques de mon enfance, je n'entendais pas ce qu'on me disait. Quand, avec les plus grandes difficultés, on parvint à m'apprendre à parler, c'était seulement, après avoir lu sur une feuille ce que quelqu'un écrivait, que je pouvais communiquer, à mon tour, le fil de mes raisonnements. Un jour, jour néfaste, je grandissais en beauté et en innocence; et chacun admirait l'intelligence et la bonté du divin adolescent. Beaucoup de consciences rougissaient quand elles contemplaient ces traits limpides où son âme avait placé son trône. On ne s'approchait de lui qu'avec vénération, parce qu'on remarquait dans ses yeux le regard d'un ange. Mais non, je savais de reste que les roses heureuses de l'adolescence ne devaient pas fleurir perpétuellement, tressées en guirlandes capricieuses, sur son front modeste et noble, qu'embrassaient avec frénésie toutes les mères. Il commençait à me sembler que l'univers, avec sa voûte étoilée de globes impassibles et agaçants, n'était peut-être pas ce que j'avais rêvé de plus grandiose. Un jour, donc, fatigué de talonner du pied le sentier abrupte du voyage terrestre, et de m'en aller, en chancelant comme un homme ivre, à travers les catacombes obscures de la vie, je soulevai avec lenteur mes yeux spleenétiques, cernés d'un grand cercle bleuâtre, vers la concavité du firmament, et j'osai pénétrer, moi, si jeune, les mystères du ciel! Ne trouvant pas ce que je cherchais, je soulevai la paupière effarée plus haut, plus haut encore, jusqu'à ce que j'aperçusse un trône, formé d'excréments humains et d'or, sur lequel trônait, avec un orgueil idiot, le corps recouvert d'un linceul fait avec des draps non lavés d'hôpital, celui qui s'intitule lui-même le Créateur! Il tenait à la main le trône pourri d'un homme mort, et le portait, alternativement, des yeux au nez et du nez à la bouche; une fois à la bouche, on devine ce qu'il en faisait. Ses pieds plongeaient dans une vaste mare de sang en ébullition, à la surface duquel s'élevaient tout à coup, comme des ténias à travers le contenu d'un pot de chambre, deux ou trois têtes prudentes, et qui s'abaissaient aussitôt, avec la rapidité de la flèche: un coup de pied, bien appliqué sur l'os du nez, était la récompense connue de la révolte au règlement, occasionnée par le besoin de respirer un autre milieu; car, enfin, ces hommes n'étaient pas des poissons! Amphibies tout au plus, ils nageaient entre deux eaux dans ce liquide immonde!… jusqu'à ce que, n'ayant plus rien dans la main, le Créateur, avec les deux premières griffes du pied, saisit un autre plongeur par le cou, comme dans une tenaille, et le soulevât en l'air, en dehors de la vase rougeâtre, sauce exquise! Pour celui-là, il faisait comme pour l'autre. Il lui dévorait d'abord la tête, les jambes et les bras, et en dernier lieu le tronc, jusqu'à ce qu'il ne restât plus rien; car, il croquait les os. Ainsi de suite, durant les autres heures de son éternité. Quelquefois il s'écriait: «Je vous ai créés; donc j'ai le droit de faire de vous ce que je veux. Vous ne m'avez rien fait, je ne dis pas le contraire. Je vous fais souffrir, et c'est pour mon plaisir.» Et il reprenait son repas cruel, en remuant sa mâchoire inférieure, laquelle remuait sa barbe pleine de cervelle. O lecteur, ce dernier détail ne te fait-il pas venir l'eau à la bouche? N'en mange pas qui vont d'une pareille cervelle, si bonne, toute fraîche et qui vient d'être pêchée il n'y a qu'un quart d'heure dans le lac aux poissons. Les membres paralysés, et la gorge muette, je contemplai quelque temps ce spectacle. Trois fois, je faillis tomber à la renverse, comme un homme qui subit une émotion trop forte; trois fois, je parvins à me remettre sur les pieds. Pas une fibre de mon corps ne restait immobile; et je tremblais, comme tremble la lave intérieure d'un volcan. A la fin, ma poitrine oppressée, ne pouvant chasser avec assez de vitesse l'air qui donne la vie, les lèvres de ma bouche s'entr'ouvrirent, et je poussai un cri … un cri si déchirant … que je l'entendis! Les entraves de mon oreille se délièrent d'une manière brusque, le tympan craqua sous le choc de cette masse d'air sonore repoussée loin de moi avec énergie, et il se passa un phénomène nouveau dans l'organe condamné par la nature. Je venais d'entendre un son! Un cinquième sens se révélait en moi! Mais, quel plaisir eusse-je pu trouver d'une pareille découverte? Désormais, le son humain n'arriva à mon oreille qu'avec le sentiment de la douleur qu'engendre la pitié pour une grande injustice. Quand quelqu'un me parlait, je me rappelais ce que j'avais vu, un jour, au-dessus des sphères visibles, et la traduction de mes sentiments étouffés en un hurlement impétueux, dont le timbre était identique à celui de mes semblables! Je ne pouvais pas lui répondre; car, les supplices exercés sur la faiblesse de l'homme, dans cette mer hideuse de pourpre, passaient devant mon front en rugissant comme des éléphants écorchés, et rasaient de leurs ailes de feu mes cheveux calcinés. Plus tard, quand je connus davantage l'humanité, à ce sentiment de pitié se joignit une fureur intense contre cette tigresse marâtre, dont les enfants endurcis ne savent que maudire et faire le mal. Audace du mensonge! ils disent que le mal n'est chez eux qu'à l'état d'exception!… Maintenant, c'est fini depuis longtemps; depuis longtemps, je n'adresse la parole à personne. O vous, qui que vous soyez, quand vous serez à côté de moi, que les cordes de votre glotte ne laissent échapper aucune intonation; que votre larynx immobile n'aille pas s'efforcer de surpasser le rossignol; et vous-même n'essayez nullement de me faire connaître votre âme à l'aide du langage. Gardez un silence religieux, que rien n'interrompe; croisez humblement vos mains sur la poitrine, et dirigez vos paupières sur le bas. Je vous l'ai dit, depuis la vision qui me fit connaître la vérité suprême, assez de cauchemars ont sucé avidement ma gorge, pendant les nuits et les jours, pour avoir encore le courage de renouveler, même par la pensée, les souffrances que j'éprouvai dans cette heure infernale, qui me poursuit sans relâche de son souvenir. Oh! quand vous entendez l'avalanche de neige tomber du haut de la froide montagne; la lionne se plaindre, au désert aride, de la disparition de ses petits; la tempête accomplir sa destinée; le condamné mugir, dans la prison, la veille de la guillotine; et le poulpe féroce raconter, aux vagues de la mer, ses victoires sur les nageurs et les naufragés, dites-le, ces voix majestueuses ne sont-elle pas plus belles que le ricanement de l'homme!

Il existe un insecte que les hommes nourrissent à leurs frais. Ils ne lui doivent rien; mais, ils le craignent. Celui-ci, qui n'aime pas le vin, mais qui préfère le sang, si on ne satisfaisait pas à ses besoins légitimes, serait capable par un pouvoir occulte, de devenir aussi gros qu'un éléphant, d'écraser les hommes comme des épis. Aussi faut-il voir comme on le respecte, comme on l'entoure d'une vénération canine, comme on le place en haute estime au-dessus des animaux de la création. On lui donne la tête pour trône, et lui, accroche ses griffes à la racine des cheveux, avec dignité. Plus tard, lorsqu'il est gras et qu'il entre dans un âge avancé, en imitant la coutume d'un peuple ancien, on le tue, afin de ne pas lui faire sentir les atteintes de la vieillesse. On lui fait des funérailles grandioses, comme à un héros, et la bière, qui le conduit directement vers le couvercle de la tombe, est portée, sur les épaules, par les principaux citoyens. Sur la terre humide que le fossoyeur remue avec sa pelle sagace, on combine des phrases multicolores sur l'immortalité de l'âme, sur le néant de la vie, sur la volonté inexplicable de la Providence, et le marbre se referme, à jamais, sur cette existence, laborieusement remplie, qui n'est plus qu'un cadavre. La foule se disperse, et la nuit ne tarde pas à couvrir de ses ombres les murailles du cimetière.

Mais, consolez-vous, humains, de sa perte douloureuse. Voici sa famille innombrable, qui s'avance, et dont il vous a libéralement gratifié, afin que votre désespoir fût moins amer, et comme adouci par la présence agréable de ces avortons hargneux, qui deviendront plus tard de magnifiques poux, ornés d'une beauté remarquable, monstres à allure de sage. Il a couvé plusieurs douzaines d'œufs chéris, avec son aile maternelle, sur vos cheveux, desséchés par la succion acharnée de ces étrangers redoutables. La période est promptement venue, où les œufs ont éclaté. Ne craignez rien, ils ne tarderont pas à grandir, ces adolescents philosophes, à travers cette vie éphémère. Ils grandiront tellement, qu'ils vous le feront sentir, avec leurs griffes et leurs suçoirs.

Vous ne savez pas, vous autres, pourquoi ils ne dévorent pas les os de votre tête, et qu'ils se contentent d'extraire avec leur pompe, la quintessence de votre sang. Attendez un instant, je vais vous le dire: c'est parce qu'ils n'en ont pas la force. Soyez certains que, si leur mâchoire était conforme à la mesure de leurs vœux infinis, la cervelle, la rétine des yeux, la colonne vertébrale, tout votre corps y passerait. Comme une goutte d'eau. Sur la tête d'un jeune mendiant des rues, observez, avec un microscope, un pou qui travaille; vous m'en donnerez des nouvelles. Malheureusement ils sont petits, ces brigands de la longue chevelure. Ils ne seraient pas bons pour être conscrits; car, ils n'ont pas la taille nécessaire exigée par la loi. Ils appartiennent au monde lilliputien de ceux de la courte cuisse, et les aveugles n'hésitent pas à les ranger parmi les infiniment petits. Malheur au cachalot qui se battrait contre un pou. Il serait dévoré en un clin d'œil, malgré sa taille. Il ne resterait pas la queue pour aller annoncer la nouvelle. L'éléphant se laisse caresser. Le pou, non. Je ne vous conseille pas de tenter cet essai périlleux. Gare à vous, si votre main est poilue, ou que seulement elle soit composée d'os et de chair. C'en est fait de vos doigts. Ils craqueront comme s'ils étaient à la torture. La peau disparaît par un étrange enchantement. Les poux sont incapables de commettre autant de mal que leur imagination en médite. Si vous trouvez un pou dans votre route, passez votre chemin, et ne lui léchez pas les papilles de la langue. Il vous arriverait quelque accident. Cela s'est vu. N'importe, je suis déjà content de la quantité de mal qu'il te fait, ô race humaine; seulement, je voudrais qu'il t'en fît davantage.

Jusqu'à quand garderas-tu le culte vermoulu de ce dieu, insensible à tes prières et aux offrandes généreuses que tu lui offres en holocauste expiatoire? Vois, il n'est pas reconnaissant, ce manitou horrible, des larges coupes de sang et de cervelle que tu répands sur ses autels, pieusement décorés de guirlandes de fleurs. Il n'est pas reconnaissant … car, les tremblements de terre et les tempêtes continuent de sévir depuis le commencement des choses. Et, cependant, spectacle digne d'observation, plus il se montre indifférent, plus tu l'admires. On voit que tu te méfies de ses attributs, qu'il cache; et ton raisonnement s'appuie sur cette considération, qu'une divinité d'une puissance extrême peut seule montrer tant de mépris envers les fidèles qui obéissent à sa religion. C'est pour cela que, dans chaque pays, existent des dieux divers, ici, le crocodile; là, la vendeuse d'amour; mais, quand il s'agit du pou, à ce nom sacré, baisant universellement les chaînes de leur esclavage, tous les peuples s'agenouillent ensemble sur le parvis auguste, devant le piédestal de l'idole informe et sanguinaire. Le peuple qui n'obéirait pas à ses propres instincts de rampement, et ferait mine de révolte, disparaîtrait tôt ou tard de la terre, comme la feuille d'automne, anéanti par la vengeance du dieu inexorable.

O pou, à la prunelle recroquevillée; tant que les fleuves répandront la pente de leurs eaux dans les abîmes de la mer; tant que les astres graviteront sur le sentier de leur orbite; tant que le vide muet n'aura pas d'horizon; tant que l'humanité déchirera ses propres flancs par des guerres funestes; tant que la justice divine précipitera ses foudres vengeresses sur ce globe égoïste; tant que l'homme méconnaîtra son créateur, et se narguera de lui, non sans raison, en y mêlant du mépris, ton règne sera assuré sur l'univers, et ta dynastie étendra ses anneaux de siècle en siècle. Je te salue, soleil levant, libérateur céleste, toi, l'ennemi invisible de l'homme. Continue de dire à la saleté de s'unir avec lui dans des embrassements impurs, et de lui jurer, par des serments, non écrits dans la poudre, qu'elle restera son amante fidèle jusqu'à l'éternité. Baise de temps en temps la robe de cette grande impudique, en mémoire des services importants qu'elle ne manque pas de te rendre. Si elle ne séduisait pas l'homme, avec ses mamelles lascives, il est probable que tu ne pourrais pas exister, toi, le produit de cet accouplement raisonnable et conséquent. O fils de la saleté! dis à ta mère que si elle délaisse la couche de l'homme, marchant à travers des routes solitaires, seule et sans appui, elle verra son existence compromise. Que ses entrailles, qui t'ont porté neuf mois dans leurs parois parfumées, s'émeuvent un instant à la pensée des dangers que courrait, par suite, leur tendre fruit, si gentil et si tranquille, mais déjà froid et féroce. Saleté, reine des empires, conserve aux yeux de ma haine le spectacle de l'accroissement insensible des muscles de ta progéniture affamée. Pour atteindre ce but, tu sais que tu n'as qu'à te coller plus étroitement contre les flancs de l'homme. Tu peux le faire, sans inconvénient pour la pudeur, puisque, tous les deux, vous êtes mariés depuis longtemps.

Pour moi, s'il m'est permis d'ajouter quelques mots à cet hymne de glorification, je dirai que j'ai fait construire une fosse, de quarante lieues carrées, et d'une profondeur relative. C'est là que gît, dans sa virginité immonde, une mine vivante de poux. Elle remplit les bas-fonds de la fosse, et serpente ensuite, en larges veines denses, dans toutes les directions. Voici comment j'ai construit cette mine artificielle. J'arrachai un pou femelle aux cheveux de l'humanité. On m'a vu se coucher avec lui pendant trois nuits consécutives, et je le jetai dans la fosse. La fécondation humaine, qui aurait été nulle dans d'autres cas pareils, fut acceptée, cette fois, par la fatalité; et, au bout de quelques jours, des milliers de monstres, grouillant dans un nœud compacte de matière, naquirent à la lumière. Ce nœud hideux devint, par le temps, de plus en plus immense, tout en acquérant la propriété liquide du mercure, et se ramifia en plusieurs branches, qui se nourrissent, actuellement, en se dévorant elles-mêmes (la naissance est plus grande que la mortalité), toutes les fois que je ne leur jette pas en pâture un bâtard qui vient de naître, et dont la mère désirait la mort, ou un bras que je vais couper à quelque jeune fille, pendant la nuit, grâce au chloroforme. Tous les quinze ans, les générations de poux, qui se nourrissent de l'homme, diminuent d'une manière notable, et prédisent elles-mêmes, infailliblement, l'époque prochaine de leur complète destruction. Car, l'homme, plus intelligent que son ennemi, parvient à le vaincre. Alors, avec une pelle infernale qui accroît mes forces, j'extrais de cette mine inépuisable des blocs de poux, grands comme des montagnes, je les brise à coups de hache, et je les transporte, pendant les nuits profondes, dans les artères des cités. Là, au contact de la température humaine, ils se dissolvent comme aux premiers jours de leur formation dans les galeries tortueuses de la mine souterraine, se creusent un lit dans le gravier, et se répandent en ruisseaux dans les habitations, comme des esprits nuisibles. Le gardien de la maison aboie sourdement, car il lui semble qu'une légion d'êtres inconnus perce les pores des murs, et apporte la terreur au chevet du sommeil. Peut-être n'êtes-vous pas, sans avoir entendu, au moins, une fois dans votre vie, ces sortes d'aboiements douloureux et prolongés. Avec ses yeux impuissants, il tâche de percer l'obscurité de la nuit; car, son cerveau de chien ne comprend pas cela. Ce bourdonnement l'irrite, et il sent qu'il est trahi. Des millions d'ennemis s'abattent ainsi, sur chaque cité, comme des nuages de sauterelles. En voilà pour quinze ans. Ils combattront l'homme, en lui faisant des blessures cuisantes. Après ce laps de temps, j'en enverrai d'autres. Quand je concasse les blocs de matière animée, il peut arriver qu'un fragment soit plus dense qu'un autre. Ses atomes s'efforcent avec rage de séparer leur agglomération pour aller tourmenter l'humanité; mais, la cohésion résiste dans sa dureté. Par une suprême convulsion, ils engendrent un tel effort, que la pierre, ne pouvant pas disperser ses principes vivants, s'élance elle-même jusqu'au haut des airs comme par un effet de la poudre, et retombe, en s'enfonçant solidement sous le sol. Parfois, le paysan rêveur aperçoit un aérolithe fendre verticalement l'espace, en se dirigeant, du côté du bas, vers un champ de maïs. Il ne sait d'où vient la pierre. Vous avez maintenant, claire et succinte, l'explication du phénomène.

Si la terre était couverte de poux, comme de grains de sable le rivage de la mer, la race humaine serait anéantie, en proie à des douleurs terribles. Quel spectacle! Moi, avec des ailes d'ange, immobile dans les airs, pour le contempler!

O mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées, depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon cœur, comme une onde rafraîchissante. J'aspirais instinctivement, dès le berceau, à boire à votre source, plus ancienne que le soleil, et je continue encore de fouler le parvis sacré de votre temple solennel, moi, le plus fidèle de vos initiés. Il y avait du vague dans mon esprit, un je ne sais quoi épais comme de la fumée; mais, je sus franchir religieusement les degrés qui mènent à votre autel, et vous avez chassé ce voile obscur, comme le vent chasse le damier. Vous avez mis, à la place, une froideur excessive, une prudence consommée et une logique implacable. A l'aide de votre lait fortifiant, mon intelligence s'est rapidement développée, et a pris des proportions immenses, au milieu de cette clarté ravissante dont vous faites présent, avec prodigalité, à ceux qui vous aiment d'un sincère amour. Arithmétique! algèbre! géométrie! trinité grandiose! triangle lumineux! Celui qui ne vous a pas connues est un insensé! Il mériterait l'épreuve des plus grands supplices; car, il y a du mépris aveugle dans son insouciance ignorante; mais, celui qui vous connaît et vous apprécie ne veut plus rien des biens de la terre; se contente de vos jouissances magiques; et, porté sur vos ailes sombres, ne désire plus que de s'élever, d'un vol léger, en construisant une hélice ascendante, vers la voûte sphérique des cieux. La terre ne lui montre que des illusions et des fantasmagories morales: mais vous, ô mathématiques concises, par l'enchaînement rigoureux de vos propositions tenaces et la constance de vos lois de fer, vous faites luire, aux yeux éblouis, un reflet puissant de cette vérité suprême dont on remarque l'empreinte dans l'ordre de l'univers. Mais, l'ordre qui vous entoure, représenté surtout par la régularité parfaite du carré, l'ami de Pythagore, est encore plus grand; car, le Tout-Puissant s'est révélé complètement, lui et ses attributs, dans ce travail mémorable qui consista à faire sortir, des entrailles du chaos, vos trésors de théorèmes et vos magnifiques splendeurs. Aux époques antiques et dans les temps modernes, plus d'une grande imagination humaine vit son génie, épouvanté, à la contemplation de vos figures symboliques tracées sur le papier brûlant, comme autant de signes mystérieux, vivants d'une haleine latente, que ne comprend pas le vulgaire profane et qui n'étaient que la révélation éclatante d'axiomes et d'hiéroglyphes éternels, qui ont existé avant l'univers et qui se maintiendront après lui. Elle se demande, penchée vers le précipice d'un point d'interrogation fatal, comment se fait-il que les mathématiques contiennent tant d'imposante grandeur et tant de vérité incontestable, tandis que, si elle les compare à l'homme, elle ne trouve en ce dernier que faux orgueil et mensonge. Alors, cet esprit supérieur, attristé, auquel la familiarité noble de vos conseils fait sentir davantage la petitesse de l'humanité et son incomparable folie, plonge sa tête, blanchie, sur une main décharnée et reste absorbé dans des méditations surnaturelles. Il incline ses genoux devant vous, et sa vénération rend hommage à votre visage divin, comme à la propre image du Tout-Puissant. Pendant mon enfance, vous m'apparûtes, une nuit de mai, aux rayons de la lune, sur une prairie verdoyante, aux bords d'un ruisseau limpide, tout les trois égales en grâce et en pudeur, toutes les trois pleines de majesté comme des reines. Vous fîtes quelques pas vers moi, avec votre longue robe, flottante comme une vapeur, et vous m'attirâtes vers vos frères mamelles, comme un fils béni. Alors, j'accourus avec empressement, mes mains crispées sur votre blanche gorge. Je me suis nourri, avec reconnaissance, de votre manne féconde, et j'ai senti que l'humanité grandissait en moi et devenait meilleure. Depuis ce temps, ô déesses rivales, je ne vous ai pas abandonnées. Depuis ce temps, que de projets énergiques, que de sympathies, que je croyais avoir gravées sur les pages de mon cœur, comme sur du marbre, n'ont-elles pas effacé lentement, de ma raison désabusée, leurs lignes configuratives, comme l'aube naissante efface les ombres de la nuit! Depuis ce temps, j'ai vu la mort, dans l'intention, visible à l'œil nu, de peupler les tombeaux, ravager les champs de bataille, engraissés par le sang humain et faire pousser des fleurs matinales par-dessus les funèbres ossements. Depuis ce temps, j'ai assisté aux révolutions de notre globe; les tremblements de terre, les volcans, avec leur lave embrasée, le simoun du désert et les naufrages de la tempête ont eu ma présence pour spectateur impassible. Depuis ce temps, j'ai vu plusieurs générations humaines élever, le matin, ses ailes et ses yeux, vers l'espace, avec la joie inexpériente de la chrysalide qui salue sa dernière métamorphose, et mourir, le soir, avant le coucher du soleil, la tête courbée, comme des fleurs fanées que balance le sifflement plaintif du vent. Mais, vous, vous restez toujours les mêmes. Aucun changement, aucun air empesté n'effleure les rocs escarpés et les vallées immenses de votre identité. Vos pyramides modestes dureront davantage que les pyramides d'Egypte, fourmilières élevées par la stupidité et l'esclavage. La fin des siècles verra encore, debout sur les ruines du temps, vos chiffres cabalistiques, vos équations laconiques et vos lignes sculpturales siéger à la droite vengeresse du Tout-Puissant, tandis que les étoiles s'enfonceront, avec désespoir, comme des trombes, dans l'éternité d'une nuit horrible et universelle, et que l'humanité, grimaçante, songera à faire ses comptes avec le jugement dernier. Merci, pour les services innombrables que vous m'avez rendus. Merci, pour les qualités étrangères dont vous avez enrichi mon intelligence. Sans vous, dans ma lutte contre l'homme, j'aurai peut-être été vaincu. Sans vous, il m'aurait fait rouler dans le sable et embrasser la poussière de ses pieds. Sans vous, avec une griffe perfide, il aurait labouré ma chair et mes os. Mais, je me suis tenu sur mes gardes, comme un athlète expérimenté. Vous me donnâtes la froideur qui surgit de vos conceptions sublimes, exemptes de passion. Je m'en servis pour rejeter avec dédain les jouissances éphémères de mon court voyage et pour renvoyer de ma porte les offres sympathiques, mais trompeuses, de mes semblables. Vous me donnâtes la prudence opiniâtre qu'on déchiffre à chaque pas dans vos méthodes admirables de l'analyse, de la synthèse et de la déduction. Je m'en servis pour dérouter les ruses pernicieuses de mon ennemi mortel, pour l'attaquer, à mon tour, avec adresse, et plonger, dans les viscères de l'homme, un poignard aigu qui restera à jamais enfoncé dans son corps; car, c'est une blessure dont il ne se relèvera pas. Vous me donnâtes la logique, qui est comme l'âme elle-même de vos enseignements, pleine de sagesse; avec ses syllogismes, dont le labyrinthe compliqué n'en est que plus compréhensible, mon intelligence sentit s'accroître du double ses forces audacieuses. A l'aide de cet auxiliaire terrible, je découvris, dans l'humanité, en nageant vers les bas-fonds, en face de l'écueil de la haine, la méchanceté noire et hideuse, qui croupissait au milieu de miasmes délétères, en s'admirant le nombril. Le premier, je découvris, dans les ténèbres de ses entrailles, ce vice néfaste, le mal! supérieur en lui au bien. Avec cette arme empoisonnée que vous me prêtâtes, je fis descendre, de son piédestal, construit par la lâcheté de l'homme, le Créateur lui-même! Il grinça des dents et subit cette injure ignominieuse; car, il avait pour adversaire quelqu'un de plus fort que lui. Mais, je le laisserai de côté, comme un paquet de ficelles, afin d'abaisser mon vol … Le penseur Descartes faisait, une fois, cette réflexion que rien de solide n'avait été bâti sur vous. C'était une manière ingénieuse de faire comprendre que le premier venu ne pouvait pas sur le coup découvrir votre valeur inestimable. En effet, quoi de plus solide que les trois qualités principales déjà nommées qui s'élèvent, entrelacées comme une couronne unique, sur le sommet auguste de votre architecture colossale? Monument qui grandit sans cesse de découvertes quotidiennes, dans vos mines de diamant, et d'explorations scientifiques, dans vos superbes domaines. O mathématiques saintes, puissiez-vous, par votre commerce perpétuel, consoler le reste de mes jours de la méchanceté de l'homme et de l'injustice du Grand-Tout!

Yaş sınırı:
0+
Litres'teki yayın tarihi:
01 aralık 2018
Hacim:
300 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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