Kitabı oku: «Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I», sayfa 7
Après le déluge de Noh ou de Xisuthrus, le partage de la terre entre 3 personnages puissants et brillants, dont Titan est un, ressemble beaucoup à ce que les Grecs nous disent des 3 frères, Jupiter, Pluton et Neptune100. La construction de la tour de Babylone semblerait prendre un caractère plus historique; et lorsqu'on se rappelle que pour bâtir cette ville et la pyramide de Bel aux sept étages (comme les sept sphères), Sémiramis employa deux millions d'hommes tirés de tous les peuples de son empire, par conséquent parlant une multitude de dialectes divers, on serait tenté de croire que cette confusion de langage a donné lieu à une tradition ensuite altérée. Mais Sémiramis était trop récente pour être oubliée et méconnue; l'événement porte un caractère mythologique beaucoup plus ancien: et comme en langage astrologique, le zodiaque s'appelait la grande Tour Burg, en grec, pyrg-os, la partie de cette tour, composée de six signes ou six étages, qui, depuis le solstice d'hiver jusqu'à celui d'été, s'élevait vers le nord où était le mont Olympe (Ararat et Merou), était censée élevée ou bâtie par les géants, c'est-à-dire par les constellations ascendantes de l'horizon au zénith. Il faudrait connaître tous les détails de ces mystères chaldéens, pour expliquer tous ceux du récit..... Il est du moins évident que le repeuplement de la terre en 5 ou 6 générations, est une rêverie au physique comme au moral. Par suite de cette impossibilité, l'on ne peut admettre, à la onzième génération, l'apparition d'Abraham comme homme et comme personnage historique; et les soupçons s'accroissent lorsqu'on lit ce qu'en rapportent Bérose, Alexandre Polyhistor et Nicolas de Damas.
CHAPITRE XIV.
Du personnage appelé Abraham
«BÉROSE, dit Josèphe101, en supprimant le nom d'Abraham, notre ancêtre, l'a cependant indiqué par ces mots:
«A la dixième génération après le déluge, exista chez les Chaldéens, un homme juste et grand, qui fut très-versé dans la connaissance des choses célestes.»
Effectivement, dans la généalogie juive, Abraham se trouve à la dixième génération depuis le déluge, et cela prouve l'identité continue et l'origine commune des deux récits.
Josèphe ajoute: «Hécatée a écrit sur Abraham un volume entier. Nicolas de Damas, au quatrième livre de son recueil d'histoire, dit: Abraham régna à Damas; c'était un étranger venu du pays des Chaldéens; au-dessus de Babylone, à la tête d'une armée102. Peu de temps après, il quitta le pays avec tout son monde, et il émigra dans la contrée appelée alors Kanaan, aujourd'hui Judée».
D'autre part, Alexandre Polyhisrot, citant Eupolème, dit103: «Qu'Abraham naquit à Camarine, ville de la Babylonie, appelée Ouria, ou ville des Devins; cet homme surpassait tous les autres en naissance et en habileté. Il inventa l'astrologie et la chaldaïque104; par sa piété il fut agréable à Dieu… Les Arméniens ayant attaqué les Phéniciens, Abraham les chassa (comme le dit la Genèse). Il eut en Égypte de longs entretiens avec les prêtres sur l'astrologie.»
Artapan, écrivain persan, cité par Eusèbe (l. 9, chap. 18), parlait également de ce séjour d'Abraham en Egypte, où «il enseigna pendant 20 ans l'astrologie; il ajoutait qu'Abraham se rendit ensuite à Babylone chez les géants, qui furent exterminés par les dieux, à cause de leur impiété.»
Enfin Josèphe parle, comme tous ces auteurs, «de la grande connaissance qu'Abraham avait des changements qui arrivent dans le ciel, et de ceux que subissent le soleil et la lune (les éclipses), etc.;»105 ce qui signifie, en mots décents, qu'Abraham était versé en astrologie.
En examinant ces récits, l'on s'aperçoit que, semblables à ceux sur le déluge, ils viennent d'une source antique où la Genèse a puisé; mais parce qu'ils ont mieux conservé le caractère mythologique qu'ils avaient originairement, ils suscitent plus de doutes et de soupçons sur l'existence d'Abraham, comme individu humain. En effet, dès lors que le déluge chaldéen n'est qu'une fiction astrologique, que peuvent être les personnages et les générations mis à la suite d'un événement qui n'a pas existé? Si un déluge détruisait aujourd'hui la race humaine, à l'exception d'une famille de 8 personnes, cette famille, isolée et faible, accablée de tous ses besoins, ne vaquerait qu'aux soins pressants de sa conservation; et avant 3 générations, sa race serait retombée dans un état sauvage, qui ne permettrait ni écriture, ni conservation de souvenirs anciens. Chez les peuples policés eux-mêmes, personne, sans l'écriture, n'a idée de la 6e génération antérieure; comment donc la prétendue généalogie d'Abraham eût-elle pu se conserver, surtout chez les Juifs, qui n'ont pu conserver aucun monument régulier et suivi, ni de la période des juges, ni du séjour de leurs ancêtres en Egypte? cette généalogie ne leur appartient point; ils l'ont empruntée des Chaldéens; elle est toute chaldéenne. Or, chez les Chaldéens elle est du temps mythologique, comme le déluge et comme les géants avec qui Abraham eut des relations; c'est pour cette raison que tous les détails ont tant de précision. Dans l'habitude où nous sommes de regarder Abraham comme un homme, il est choquant, au premier aspect, de dire que ce personnage est fictif et allégorique, et qu'il n'est que le génie personnifié d'une planète; cependant tel est le cas d'une foule de prétendus rois, princes et patriarches des anciennes traditions de l'Orient. Qui ne croirait qu'Hermès a été un sage, un philosophe, un astronome éminent chez les Égyptiens? et néanmoins Hermès analysé, n'est que le génie personnifié, tantôt de l'astre Sirius, tantôt de la planète Mercure. Qui ne croirait que chez les Indiens, les 7 richis ou patriarches ont été de saints pénitents qui ont enseigné aux hommes des pratiques dévotes encore subsistantes? et cependant les 7 richis ne sont que les génies des 7 étoiles de la constellation de l'ourse, réglant la marche des navigateurs et des laboureurs qui la contemplent. Du moment que par la métaphore naturelle de leurs langues, les anciens Orientaux eurent personnifié les corps célestes, l'équivoque introduisit un désordre d'idées, qui s'accrut de jour en jour, et par l'ignorance d'un peuple crédule, superstitieux, et par l'usage mystérieux, énigmatique, qu'en firent les initiés à la science, et par la tournure poétique que lui donnèrent des écrivains à imagination. Il ne faudrait donc pas s'étonner si Abraham, roi, patriarche et astrologue chaldéen, analysé dans ses actions et son caractère, ne fût que le génie d'un astre ou d'une planète.
D'abord tout génie d'astre est roi: il gouverne une portion du ciel et de la terre soumise à son influence; ses images ou idoles portent toujours une couronne, emblème de son pouvoir suprême:106 «Abraham, nous dit-on, avait régné à Damas; son nom y était resté.» S'il n'eût été qu'un chef d'armée passager, il n'eût pas laissé une impression si durable. Il était allé en Egypte et y avait enseigné l'astrologie; il l'avait même inventée, dit Eupolème, ainsi que la chaldaïque.
Un étranger enseigner l'astrologie aux Égyptiens, et cela 16 ou 17 siècles avant notre ère, quand les Égyptiens étaient, depuis tant d'autres siècles, les maîtres et les inventeurs de cette science! cela est inadmissible et décèle la fable: Abraham a ici les caractères de Thaut ou Hermès, qui inventa l'astrologie et les lettres de l'écriture;107 qui surpassa tous les hommes dans la connaissance des choses célestes et naturelles; qui fut un sage et un roi, mais qui, dans son type originel, n'est que le génie de l'astre Sothis ou Sirius, qui annonçait l'inondation du Nil, etc.
Abraham, dans le sacrifice homicide de son fils unique, retrace une autre divinité également célèbre par sa science.
Écoutons Sanchoniaton, qui écrivit environ 1300 ans avant notre ère.
«Saturne, que les Phéniciens nomment Israël, eut d'une nymphe du pays, un enfant mâle qu'il appela Iêoud, c'est-à-dire un et unique. Une guerre survenue, ayant jeté le pays dans un grand danger, Saturne dressa un autel, y conduisit son fils paré d'habits royaux, et l'immola:»
Or Saturne avait été roi en Phénicie, ayant pour secrétaire Thaut ou Hermès, et après sa mort on lui avait consacré l'astre de son nom.
Dira-t-on que Sanchoniaton, qui consulta un prêtre hébreu nommé Iérombal, à défiguré le récit de la Genèse? Nous disons, au contraire, que les récits de cet écrivain tendent à prouver qu'elle n'existait pas de son temps, vu leur différence absolue. La vérité est que les Phéniciens, peuple bien plus ancien que les Hébreux, ont eu leur mythologie propre et particulière, à laquelle ce trait appartient, et qu'ils ne l'ont pas emprunté des Juifs, qu'ils haïssaient: pourquoi donc cette ressemblance? Parce qu'une tradition semblable existait chez les Chaldéens, peuple d'origine arabique, comme les Kananéens; mais l'écrivain juif, auteur de la Genèse, a pris à tâche d'effacer tout ce qui retraçait l'idolâtrie, pour donner à son récit le caractère historique et moral convenable à son but.
L'analogie ou plutôt l'identité d'Abraham et de Saturne ne se borne pas à ce trait. «Les plus savants auteurs persans, dit le docteur Hyde,108 assurent que dans les anciens livres chaldéens, Abraham porte le nom de Zerouan et Zerban, qui signifie riche en or, gardien de l'or (il est remarquable que la Genèse appelle Abraham, très-riche en or et en argent;109 elle l'appelle aussi prince très-puissant,110 ce qui se retrouve dans les anciens livres où il est appelé roi); ces mêmes livres l'appellent encore Zarhoun et Zarman,111 c'est-à-dire vieillard décrépit. Les Perses lui appliquent l'épithète spéciale de grand, et il est de tradition antique que l'on voyait son tombeau à Cutha en Chaldée. Sa réputation ne se bornait pas à la Judée, elle était dans tout l'Orient.»
Maintenant rappelons-nous que le nom de Zerouan se trouve dans la Sibylle bérosienne, et dans le fragment de Mar I Bas, cités au 5e siècle de notre ère, par Moïse de Chorène, et copiés par le livre chaldéen traduit par ordre d'Alexandre. Déja la bonne information des auteurs persans est prouvée: ajoutons qu'une autre sibylle, dans la même circonstance, au lieu de Zerouan, nomme Saturne; qu'Abydène associe Saturne au lieu de Zerouan à Titan;112 l'identité de Saturne, de Zerouan et d'Abraham devient palpable. Les accessoires cités complètent la démonstration: Abraham est nommé Zerouan, Zerban, riche en or; Saturne fut le roi de l'âge d'or: Abraham est nommé Zarhoun et Zarman, vieillard décrépit; Saturne, dans les légendes grecques, est un vieillard, emblème du temps que sa planète mesure par la marche la plus lente et la carrière la plus longue de toutes les planètes. L'on a donné à ce vieillard le caractère habituel de son âge; on l'a peint avare, aimant l'or et entassant l'or: on lui a aussi donné la faux, parce qu'il moissonne tous les êtres, et qu'il fait mourir tout ce qu'il fait naître; c'est sous ce rapport que, de temps immémorial, les Arabes et les Perses l'ont appelé l'ange de la mort, Ezrail: or Israël, chez les Phéniciens, était le nom de Saturne, dit Sanchoniaton: l'une des épithètes d'Abraham, en Bérose, est Mégas113, grand; son épithète spéciale chez les Perses, est Buzoug, qui signifie aussi grand. Sa femme Sarah portait primitivement le nom d'Ishkah, signifiant belle et beauté: la Genèse en fait la remarque spéciale (chap. 12, v. 14); et dans le fragment de Sanchoniaton114, Saturne épouse la beauté que son père avait envoyée pour le séduire. Enfin le nom primitif d'Abram115 désigne Saturne; car il est composé de deux mots, Ab-ram, signifiant père de l'élévation; et dans l'hébreu, comme dans l'arabe, c'est la manière d'exprimer le superlatif très-élevé, très-haut, tel qu'est Saturne, la plus élevée, la plus distante des planètes.
Tout s'accorde donc à démontrer qu'Abraham n'a point été un individu historique, mais un être mythologique, célèbre sous divers noms chez les anciens Arabes que nous nommons Phéniciens et Chaldéens, et chez leurs successeurs, les Mèdes et les Perses. Si l'auteur juif de la Genèse en a fait un personnage purement historique, c'est parce que voulant faire remonter l'origine de sa nation jusqu'aux temps les plus reculés, il a, sciemment ou par ignorance, commis une méprise qui se retrouve à d'autres égards chez la plupart des historiens de l'antiquité.
Mais, nous dira-t-on, si l'histoire d'Abram-Zérouan n'est réellement qu'une légende astrologique, comme celle d'Osiris, d'Hermès, de Mênou, de Krishna, etc., l'histoire de son fils Isaak, de son petit-fils Jacob, et même des 12 fils de celui-ci, tombera dans la même catégorie; alors où s'arrêtera la mythologie des Hébreux? à quelle époque commencera leur histoire véritable, et comment expliquerez-vous la tradition immémoriale d'après laquelle ils se sont appelés enfants de Jacob, d'Israël et d'Abram?
Ces difficultés puisent leur solution dans la nature même des choses.
D'abord il est dans le génie des langues arabiques, dont l'hébreu est un dialecte, que les habitants d'un pays, les partisans d'un chef, les sectateurs d'une opinion, soient appelés enfants de ce pays, de cette opinion, de ce chef: c'est le style habituel de tous leurs récits, de toutes leurs histoires.
2° Chez les anciens, comme chez les modernes, un usage presque général fut que chaque peuple, chaque tribu, chaque individu eussent un patron; et ce patron fut le génie d'un astre, d'une constellation ou d'une puissance physique quelconque. Tous les cliens ou sectateurs de cette divinité tutélaire étaient appelés et se disaient ses enfants; la Grèce, dans ses origines soi-disant historiques, offre de nombreux exemples de ce cas.
En troisième lieu, l'origine des anciens peuples est généralement obscure, comme celle de tous les êtres physiques, parce que ce n'est qu'avec le temps que ces êtres, d'abord petits et faibles, font des progrès et acquièrent un volume ou une action qui les font remarquer. D'après ces principes, combinant les récits divers sur les Hébreux avec les faits avérés, nous pensons que ce peuple dérive d'une secte ou tribu chaldéenne qui, pour des opinions politiques ou religieuses, émigra de gré ou de force de la Chaldée, et vint, à la manière des Arabes, camper sur la frontière de Syrie, puis sur celle de l'Égypte, où elle trouvait à subsister. Ces étrangers durent être appelés par les Phéniciens, Eberim, c'est-à-dire gens d'au delà, parce qu'ils venaient d'au delà du grand fleuve (l'Euphrate), et encore béni Abram, béni Israël, enfants d'Abram et d'Israël, parce qu'Abram et Israël étaient leurs divinités patronales. Ce que l'Exode raconte de leur servitude sous le roi d'Héliopolis, et de l'oppression des Égyptiens, leurs hôtes, est très-vraisemblable: là commence l'histoire; tout ce qui précède, c'est-à-dire le livre entier de la Genèse, n'est que mythologie et cosmogonie. Les chances de la fortune voulurent qu'un individu de cette race fût élevé par les prêtres égyptiens, fût instruit de leurs sciences, alors si secrètes, et que cet individu fût doué des qualités qui font les hommes supérieurs. Moïse, ou plutôt Moushah, selon la vraie prononciation, conçut le projet d'être roi et législateur, en affranchissant ses compatriotes; et il l'exécuta avec des moyens appropriés aux circonstances et une force d'esprit vraiment remarquable. Son peuple, ignorant et superstitieux, comme l'ont toujours été et le sont les Arabes errants, croyait à la magie dont est encore infatué tout l'Orient; Moïse exécuta des prodiges, c'est-à-dire qu'il produisit des phénomènes naturels, dont les prêtres astronomes et physiciens avaient, par de longues études et par d'heureux hasards, découvert les moyens d'exécution.... Quand on lit comment des feux lancés du tabernacle s'attachèrent aux séditieux qui le voulaient lapider au retour des espions, et comment ces feux les dévorèrent, on touche au doigt et à l'œil ce feu grégeois, composé de naphte et de pétrole, qui d'époque en époque s'est remontré dans l'Orient. On pourrait ramener à un état naturel tous les miracles dont Moïse sut grossir les apparences; mais il faudrait écarter de leur récit les circonstances exagérées et fausses dont lui-même ou les écrivains posthumes ont entouré les faits réels. Ainsi l'on verrait le passage de la mer Rouge fait par les Hébreux à gué et à basse marée, comme il se fait encore; tandis que les Égyptiens voulant passer au moment du flux, en furent surpris, comme ils le seraient encore, car à peine le connaissent-ils. On verrait le passage du Jourdain, projeté par Moïse, exécuté par Josué, en dérivant cette petite rivière, comme Krœsus dériva l'Halys; les murailles de Jéricho renversées par une mine pratiquée, et par le feu mis aux étançons dont on les avait étayées; on verrait Coré, Dathan et Abiron engloutis dans une fosse recouverte, où des combustibles cachés prirent feu par leur chute; et enfin l'on verrait que cette voix qui parlait dans le propitiatoire,116 et que l'on croyait être la voix de Dieu causant avec le prophète, n'était que la voix du jeune Josué, fils de Noun, qui117 ne sortait point du tabernacle où il servait Moïse, et qui fut son successeur plus habile et plus heureux que ne fut Ali, le Josué de Mahomet. Mais ce sujet curieux nous écarterait trop de notre sphère; qu'il nous suffise de dire que Moïse a dû être le véritable créateur du peuple hébreu, l'organisateur d'une multitude confuse et poltronne,118 en un corps régulier de guerriers et de conquérants. Le séjour dans le désert fut employé à cette œuvre difficile. La division en douze corps ou tribus fut très-probablement son ouvrage; mais lors même qu'elle eût existé auparavant, elle ne prouverait point encore la réalité de l'histoire de Jacob et de ses enfants; d'abord, parce que nous n'avons qu'un seul témoin déposant, l'auteur juif, qui, après toutes les déceptions que nous avons vues sur d'autres articles, ne peut mériter notre confiance; et ensuite parce que la légende de Jacob porte des détails du genre fabuleux, tels que sa vision des anges montant au ciel avec des échelles, ses conversations avec Dieu, sa lutte contre l'homme divin qui lui paralysa la cuisse, et lui donna le nom d'Israël, tout-à-fait suspect en cette occasion. Si l'on nous eût transmis sur Jacob des détails vraiment chaldéens, comme sur Abraham, nous y trouverions sûrement la preuve de son caractère mythologique déguisé par le rédacteur juif. Mais revenons aux analogies de la Genèse avec la cosmogonie chaldéenne.
CHAPITRE XV.
Des personnages antédiluviens
CES analogies que nous avons vues se suivre depuis le déluge, se continuent au delà, et remontent jusqu'à l'origine première, dite la création. Les anciens auteurs chrétiens en ont tous fait la remarque, en se plaignant d'ailleurs de l'altération, c'est-à-dire de la différence des noms et des âges que les livres chaldéens donnent aux personnages antédiluviens appelés par nous patriarches, et rois par les Chaldéens. Le Syncelle119 nous a rendu le service d'en conserver la liste, copiée d'Alexandre Polyhistor ou d'Abydène, copistes eux-mêmes de Bérose.
Voilà les prétendus rois que les Chaldéens disaient avoir régi le monde pendant 120 sares, équivalant à 432,000 ans. Ce calcul seul nous montre qu'il s'agit ici d'êtres astronomiques ou astrologiques, et le Syncelle lui-même nous en avertit, lorsque, page 17, il dit que «les Égyptiens, les Chaldéens et les Phéniciens se donnent une antiquité extravagante, au moyen de certaines supputations astrologiques.» L'Arménien Moïse de Chorène, environ 300 ans avant le Syncelle, avait fait les mêmes remarques. «L'origine du monde, dit-il (chap. 3), n'est pas exposée par nos saints livres, de la même manière que par les historiens; j'entends le très-savant Bérose et Abydène; dans Abydène, les chefs de famille diffèrent quant au temps et aux noms (mais non quant au nombre qui est également de 10). Ces auteurs présentent même le chef du genre humain, Adam, sous un autre caractère que la Genèse, car ils disent: Dieu très-prévoyant fit Alorus pasteur et directeur du peuple, et il régna 10 sares, qui sont 36,000 ans. De même, ils donnent à Noi (Nohé), un autre'nom (Xisuthrus) et un temps immense, d'accord d'ailleurs, sur la corruption des hommes, et la violence du déluge. Ils établissent dix chefs (ou rois) avec Xisuthrus; et leurs années diffèrent non seulement de nos années qui ont quatre saisons, et des années divines, mais encore ils ne comptent point les levers de lune comme les Égyptiens, ni les levers dont le nom se tire des dieux (les constellations personnifiées). Néanmoins les auteurs qui les prennent pour des années (ordinaires), les adaptent aux calculs grecs, etc.»
On voit que les Chaldéens nous ont donné une sorte de logogriphé à résoudre; il ne faut pas s'étonner s'il a été mal compris de beaucoup d'auteurs anciens et même modernes, puisque sa solution exige la connaissance d'une doctrine astrologique assez compliquée, et qui, long-temps tenue secrète, a été trop négligée depuis qu'elle a perdu son empire. Pour donner, quelques idées claires sur cette énigme, il faut les reprendre à leur origine.
Lorsque l'expérience eut fait connaître aux anciens peuples agricoles, les rapports intimes qui se trouvent entre la production des substances terrestres et la marche du soleil dans le cercle céleste, un premier système astronomique et physique fut organisé, conforme aux besoins de l'agriculture et aux phénomènes des corps célestes les plus remarquables. Ce système, inculqué dans tous les esprits, par l'éducation civile et religieuse, et par l'habitude, devint la base de tous les raisonnements, le type de toutes les hypothèses qui firent naître ensuite des idées plus étendues. Le grand cercle céleste avait été divisé en douze maisons (les douze signes du zodiaque), d'après les lunes qui se montraient tandis que le soleil le parcourait; chacune de ces maisons était subdivisée en 30 parties (ou degrés), d'après les jours de chaque lune. Les étoiles, individuellement et en groupes, avaient reçu des noms tirés des opérations de l'homme ou de la nature pendant la révolution solaire; et le ciel astronomique était devenu comme un miroir de réflexion de ce qui se passait sur la terre. Cet ordre de choses, si intéressant pour le peuple, en fut d'abord bien compris; mais par le laps du temps plusieurs causes introduisirent dans les idées une confusion qui eut des suites à la fois ridicules et graves. Une classe d'hommes, livrés spécialement à l'observation des astres, était parvenue à découvrir le mécanisme des éclipses, à en prédire les retours. Le peuple, frappé d'étonnement de cette faculté de prédire, imagina qu'elle était un don divin qui pouvait s'étendre à tout: d'une part, la curiosité crédule et inquiète, qui sans cesse veut connaître l'avenir; d'autre part, la cupidité astucieuse, qui sans cesse veut augmenter ses jouissances et ses possessions, agissant de concert, il en résulta un art méthodique de tromperie et de charlatanisme que l'on a appelé astrologie, c'est-à-dire, l'art de prédire tous les événements de la vie par l'inspection des astres et par la connaissance de leurs influences et de leurs aspects. La véritable astronomie étant la base de cet art, ses difficultés le restreignirent à un petit nombre d'initiés, qui, sous les divers noms de voyans, de devins, de prophètes, de magiciens, devinrent une corporation sacerdotale très-puissante chez tous les peuples de l'antiquité. Quant aux influences des corps célestes, leur préjugé dut sa naissance aux premiers observateurs, qui, remarquant un rapport habituel entre le lever et le coucher de tel astre, avec l'apparition de tel phénomène ou de telle substance terrestre, supposèrent une action secrète de cet astre, par un fluide subtil, tel que l'air, la lumière ou l'éther. Ce préjugé devint le grand lévier de toute l'astrologie; les astres étant censés les moteurs et régulateurs de tout ce qui arrive dans le monde, le mortel qui connut leurs lois, put tout connaître, et par conséquent tout prédire.
Ces lois semblèrent d'abord assez simples, parce que l'on crut que le ciel avait un état fixe, comme il semble au premier aspect. Mais lorsque des observations séculaires eurent montré des changements considérables dans le premier ordre arrangé, il fallut inventer de nouvelles théories, que les progrès des sciences mathématiques rendirent plus savantes et plus compliquées.
Une première école d'astronomie avait divisé le grand cercle céleste (le zodiaque) en douze parties, subdivisées chacune en 30 degrés, faisant au total 360, et ce nombre avait été regardé comme suffisant aux horoscopes du calendrier. Une seconde école d'astronomes plus raffinés, le trouva insuffisant aux horoscopes bien plus nombreux de la vie humaine: elle divisa chaque signe zodiacal en douze sections, dites dodécatémories; puis chacune de ces sections en soixante particules ou minutes, partagées elles-mêmes en soixante secondes, etc. Cette division avait l'inconvénient de couper les 30 degrés de chaque signe par une première fraction de 2 ½. Une troisième école voulut y remédier, en y appliquant le calcul décimal; et elle partagea chaque signe en trois sections ou décatémories, comprenant chacune 10 degrés; puis chaque section en soixante minutes, et chaque minute en soixante secondes, etc. Ptolomée, qui nous apprend ce fait, ajoute que cette dernière méthode est chaldaïque, c'est-à-dire qu'elle fut inventée par les Chaldéens; de là ne semble-t-il pas résulter que les Arabes de Chaldée sont les inventeurs des chiffres qui la constituent, et qui portent le nom d'Arabes, tandis que la méthode duodécimale appartiendrait aux astronomes égyptiens. Quoi qu'il en soit, la méthode chaldaïque, en donnant dix sections à chaque signe, divise le cercle zodiacal en 120 parties; et parce que chaque section se subdivise en soixante multiplié par soixante, il en résulte une subdivision de 3,600 parties pour chacune, et une somme de 432,000 pour la totalité du cercle. Maintenant il est remarquable que ce nombre 432,000 est précisément l'expression de la période antédiluvienne, c'est-à-dire du temps écoulé entre le commencement du monde et sa destruction par le déluge; et que les parties élémentaires de ce nombre sont exactement les sares, les sosses et les nères mentionnés par le chaldéen Bérose. En effet, selon lui, le sare vaut 3,600 ans; et nous voyons que la section décatémorie vaut 3,600 secondes: le nère valait 600 ans, et nous trouvons que chaque signe contient 600 minutes, savoir, 10 sares de 60 minutes chaque: selon Bérose, le sosse, qui est la moindre période, vaut 60 ans; et nous trouvons que 60 secondes sont la dernière sous-division du sare. L'on voit que le logogriphe commence à se dévoiler; mais d'où vient cette conversion du zodiaque mathématique en valeurs chronologiques? Pour expliquer ceci, il faut savoir ou se rappeler que chez les anciens, le mot année qui signifie un cercle, un anneau120, une orbite, ne fut point restreint à l'année solaire, mais qu'il fut étendu à tout cercle dans lequel un astre, une planète quelconque exécute, une révolution; bien plus, il devint chez les astronomes l'expression des révolutions simultanées de plusieurs astres partis d'un même point du ciel, et s'y retrouyant après une longue série de leurs mouvements inégaux: ainsi ayant appelé année de Mars, la révolution de cette planète, qui dure deux ans solaires; année de Jupiter, celle qui dure 12 ans; année de Saturne, celle qui dure 31 ans; ils appelèrent encore année de restitution, et grande année, l'espace de temps que le soleil, les planètes et les étoiles fixes employaient ou étaient censés employer à revenir et à se trouver tous ensemble à un point donné du ciel; par exemple, au premier degré d'Aries, d'où ils étaient partis. Cette dernière idée ne put avoir lieu que lorsque le phénomène de la précession des équinoxes eut été connu, et que l'on eut vu l'ordre du premier planisphère dérangé de plusieurs degrés, par l'anticipation que fait le soleil dans le cercle zodiacal à chacune de ses révolutions. Cette grande année fut d'abord estimée 25,000 ans, puis 36,000, puis enfin 432,000. Et voilà ces années divines dont nous venons de voir l'indication dans Moïse de Chorène, et dont les livres indous nous ont conservé une mention clairement détaillée, en disant: «qu'une année de Brahma est composée de plusieurs années des nôtres, et qu'un jour des dieux est précisément une année des hommes, etc.121».
Ce premier équivoque n'a pu manquer d'occasioner beaucoup de confusions d'idées; un second vint compléter le désordre. Dans la langue des premiers observateurs, le grand cercle s'appelait mundus et orbis, le monde. Par conséquent, pour décrire l'année solaire, ils disaient que le monde commençait, que le monde naissait dans le signe du Taureau ou du Belier; que le monde finissait, était détruit dans un tel autre signe; que le monde était composé de 4 âges (les 4 saisons); et parce que leur année commençait, selon l'ordre rural, au printemps où tout naît, et finissait en hiver où tout dépérit, ils disaient que ces âges allaient en se détériorant; que le monde allait de mal en pis. Ces idées naturelles et vraies, au sens physique, s'imprimèrent dans tous les esprits. Lorsqu'ensuite par le laps de temps, par les progrès ou l'altération du langage, les mots année et monde prirent un sens plus précis, les idées attachées à l'un ne se détachèrent pas de l'autre, et les astrologues et les moralistes profitèrent de l'équivoque pour dire «que le monde subissait des naissances et des destructions successives; que la méchanceté des hommes était la cause de ces destructions; que dans les premiers âges, les hommes étaient bons, mais qu'ensuite ils se pervertirent;» et ils ajoutèrent que le monde périssait tantôt par des incendies, tantôt par des déluges; parce que, selon que nous l'apprend Aristote, la saison brûlante de l'été avait été appelée incendie, et que la saison pluvieuse de l'hiver avait été appelée déluge122; or le monde, c'est-à-dire, l'année ayant eu son commencement tantôt au solstice d'été, comme chez les Égyptiens, tantôt au solstice d'hiver, on avait dû dire que sa fin arrivait dans ces saisons.
Cette quantité ne peut pas être évaluée moins de trois têtes pour chaque homme armé; ainsi ce serait une masse de 2,400,000 âmes, sans les troupeaux. Pour qui connaît l'Égypte et le désert, cela est une pure absurdité, et cette absurdité est décelée par plusieurs circonstances. 1° Dieu est censé dire (Exode, chap. 24): «Je n'exterminerai point les Kananéens devant votre face en une seule année, de peur que le pays ne soit réduit en un désert, et que les bêtes féroces ne se multiplient contre vous.» Nous remarquons que le pays de Kanaan n'a pas plus de 30 lieues de long sur autant de large, faisant 900 lieues carrées environ, dont beaucoup en terres rocailleuses et désertes; ce serait près de 3,000 âmes par lieue carrée, ce qui ne se voit en aucun pays. 8 à 900 âmes par lieue carrée sont une forte population: toute la Syrie, toute l'Égypte, qui ont plus de 3,000 lieues carrées chacune, ne contiennent pas plus de 2,000,000 d'âmes chaque. 2° Au Deutéronome, chap. 7, v. 1, il est dit «que la terre de Kanaan contenait 7 peuples, plus forts et plus nombreux chacun que le peuple hébreu.» Ce petit pays de 900 lieues carrées aurait donc contenu 16,800,000 âmes! On voit l'extravagance. Mais quel peut être le nombre vrai? Nous croyons qu'il y a erreur décimale, et qu'au lieu de 600,000 il faut lire 60,000: le calcul décimal paraît avoir été très-usité chez les Chaldéens, les Perses et les Mèdes; l'on trouve répétées dans le Zend Avesta les progressions décuples: «Ormusd, y est-il dit, donne-moi 100 chevaux, 1,000 bœufs, 10,000 lièvres, 9 bénédictions, 90 bénédictions, 900 bénédictions, etc.» Dans le cas dont nous traitons, le signe décuple se serait introduit mal à propos. 60,000 hommes armés supposeraient 240,000 âmes en tout, ce qui est déjà trop de monde à nourrir dans le désert: ce nombre eût donné 266 têtes par lieue carrée au pays de Kanaan, qui en aurait eu déjà plus de 1,700. (C'est trop). Un passage du livre de Josué indique un nombre plus modéré, et ce témoignage à d'autant plus de poids, que ce livre, étranger au Pentateuque, a été hors de l'influence de Helqiah. Il est dit chap. 7 et 8, «que Josué voulant attaquer la ville de Haï, ses éclaireurs lui rapportèrent que le nombre d'hommes qu'elle contenait ne méritait pas la peine de faire marcher toute l'armée, et que 2 ou 3,000 hommes suffiraient.» Josué envoya 3,000 hommes qui furent battus avec perte de 36 hommes. Cet échec, tout léger qu'il était, effraya beaucoup les Hébrèux. Pour les rassurer Josué imagina l'expiation dont Achan fut victime; puis, il dressa, pendant la nuit, une embûche de 30,000 hommes en un ravin près la ville, avec l'instruction que le lendemain, lorsqu'il aurait attiré au dehors le roi et ses gens armés par une fuite simulée, ils eussent à y entrer et à la saccager. Cela fut fait; la ville fut prise: tout fut égorgé, et le nombre total, y compris vieillards, femmes et enfants, fut de douze mille. Ces 12,000 ames supposent au plus trois mille hommes en état de combattre. Les premiers 3,000 que Josué envoya supposent encore moins, puisqu'ils furent regardés comme plus forts. L'embuscade de trente mille est improbable; ce dut être aussi trois mille. Il est encore dit que Josué embusqua 5,000 hommes entre Haï et Bethel, et qu'il se présenta avec tout le reste: il ne dut pas présenter un nombre beaucoup plus fort que la veille, de peur d'effrayer trop le roi et son monde: supposons encore 3 ou 4,000 hommes, cela ne produit pas plus de 12,000 hommes. Josué n'a pas dû avoir une réserve plus considérable, et tout ce récit n'indique pas 30,000 combattants. Il est étonnant que la perte de trente-six hommes ait pu effrayer cette armée; c'était encore moins pour soixante mille. Si toute l'armée de Josué né fut que de 25 à 30,000 hommes, sa population totale ne dut être que de 120 à 130,000 têtes. Les 7 peuples plus nombreux donneraient alors 1,050,000 ames, c'est-à-dire, plus de 1,000 ames par lieue carrée. Au lieu de 600,000 hommes armés, ne serait-ce pas plutôt 60,000 ames qui seraient sorties de l'Égypte, et qui ensuite se seraient recrutées dans le désert arabe? Les exemples de ces exagérations décimales se reproduisent dans les 1,000 livres d'argent qu'Albimelek donne à Sara (au lieu de 10), les 1,000 Philistins que tue Samson, les 3,000 qu'il précipite de la terrasse d'un temple; les 50,000 Betsamites qui périssent pour avoir regardé dans l'arche (peut-être 50); les 300,000 guerriers que Saül mena contre Nahas, roi des Ammonites (sans doute 30,000), et voilà comme s'écrit l'histoire! et l'on y croit!