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Kitabı oku: «Leçons d'histoire», sayfa 11

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§ X

Brouillerie et rupture de Samuel avec Saül.—Ses motifs probables

A cette époque Saül devait être un homme âgé, pour le moins, de quarante ans; car dans la guerre des Philistins qui va éclater tout à l'heure, son fils Jonathas se montre un guerrier déja capable de faits d'armes hardis et brillants. Comment se fait-il donc que le texte hébreu et toutes ses versions nous disent que Saül était âgé d'un an quand il régna? Les interprètes ont voulu corriger cela par diverses subtilités; il n'est à cette erreur qu'une bonne solution. Le texte hébreu ne porte point le mot un, il dit sèchement: Saül était âgé de… an; il est clair que dans le manuscrit premier, source des autres, le nombre est resté en blanc, parce que l'auteur (présumé Esdras) oublia ou ne put établir le nombre, et la preuve ou l'indice de ce fait est que la version grecque présumée faite sur ce manuscrit a totalement supprimé l'article. Je reviens à Saül.

Il fut naturel à ce nouveau roi d'être enflé de son premier et brillant succès, de sa subite et haute fortune: aussi le voit-on très-peu de temps après cette assemblée, déclarer la guerre aux Philistins; divers incidents mentionnés donnent lieu de soupçonner que ce fut contre l'avis de Samuel, et que de là, naquit entre eux cette mésintelligence que nous allons voir éclater. Samuel put, avec raison, représenter à Saül «que les Philistins étaient puissants, aguerris, redoutables; que leur commerce maritime, rival de celui des Sidoniens et des Tyriens58, leur donnait des moyens d'industrie supérieurs à ceux des Hébreux; que ceux-ci, quoique laissés en paix sous sa judicature, n'étaient cependant pas en état complet d'indépendance ni de résistance puisqu'ils n'avaient pas même la liberté d'avoir des forgerons (chap. XIII, v. 19) pour fabriquer leurs faux, leurs socs de char et à plus forte raison des lances59, que le mieux était de temporiser.»

Tout cela était vrai et sage: Saül passa outre; il était plein de confiance dans l'ardeur du peuple; il put répondre aussi que Dieu bienveillant y pourvoirait comme au temps de Gédéon et de Jephté.—Il choisit trois mille hommes pour rester sur pied avec lui, il renvoie le reste: sur cette élite, il donne mille hommes à son fils Jonathas; bientôt ce jeune homme attaque un poste de Philistins qui crient aux armes, et se rassemblent; Saül les voyant nombreux appelle tous les Hébreux. Selon l'historien, les Philistins déploient trente mille chars de guerre, six mille cavaliers et une multitude de piétons pareille au sable de la mer; nous demandons qui a compté ces chars et ces cavaliers; en outre il y a ici une invraisemblance choquante, car tout le territoire des Philistins n'était pas de plus de cent lieues carrées, qui ne comportent pas plus de deux cent mille têtes d'habitans: l'on nous supposerait ici plus de cent mille guerriers; c'est une chose tout-à-fait remarquable que les nombres soient généralement enflés dans les livrés juifs à un degré hors de croyance et presque toujours en nombres ronds par décimales.

La peur saisit les Hébreux; ces paysans (à la mode des Druzes) se dispersèrent et furent se cacher dans les montagnes et les cavernes: Saül se trouva dans un très-grand embarras; il invoqua Samuel: celui-ci lui répondit d'attendre sept jours (il voulait voir comment cela tournerait); pendant ce temps le peuple continue de déserter. Saül, croyant que le succès dépendait surtout du sacrifice propitiatoire, en ordonna les préparatifs; et parce qu'il vit l'ennemi prêt à l'attaquer sans que Samuel fût arrivé, il se décida à faire lui-même le sacrifice qui était l'attribut du prêtre. Enfin Samuel arrive: «Qu'avez-vous fait!» dit-il à Saül. Ce roi lui explique ses motifs. Samuel lui répond: «Vous avez agi comme un insensé; vous n'avez point observé les ordres que vous a donnés Dieu; il avait établi votre règne pour toujours: maintenant votre règne ne s'affermira point; Dieu a cherché un homme selon son cœur; il l'a établi chef sur son peuple,» et Samuel s'en alla.

Une telle conduite, un changement si brusque, n'ont pu avoir lieu sans de graves motifs; il faut nécessairement supposer qu'il s'était passé entre eux quelque dissentiment, quelque contestation grave du genre que j'ai indiqué, et cependant cela ne suffirait pas encore pour expliquer un parti si décidé, pour justifier tant d'orgueil et tant d'insolence: j'aperçois un autre motif: la suite des actions publiques et privées de Saül mettra en évidence qu'il fut attaqué d'une maladie nerveuse, dont les symptômes sont ceux de l'épilepsie: ne serait-ce pas que ce genre de maladie si fâcheux en lui-même, étant ordinairement tenu caché, Samuel n'en eut point connaissance quand il choisit Saül, mais que l'ayant ensuite connu, il se sentit pris en défaut devant l'opinion publique, devant ses propres ennemis, et qu'alors il chercha l'occasion et le moyen de se dédire pour se redresser? Il n'en est pas moins vrai qu'ici sa conduite est méchante et blâmable en ce qu'elle détruit la confiance du peuple en son chef et l'encourage à le déserter pour ouvrïr le pays à l'ennemi.

Ce prêtre a cru toute victoire impossible, et en immolant son protégé vaincu, il a voulu se ménager des capitulations personnelles avec ses ennemis intérieurs et étrangers.

Le sort trompa ses calculs: «Saül resté seul avec six cents hommes déterminés comme lui, ne perd point courage; il prend poste devant le camp ennemi en prohibant toute attaque. Quelques jours se passent: son fils Jonathas se dérobe à son insu (probablement de nuit) suivi d'un seul écuyer60; il se présente à un poste philistin, situé sur un roc escarpé; il est pris pour un transfuge hébreu tel qu'il en était arrivé un grand nombre depuis deux jours; il grimpe avec son écuyer; ils sont accueillis, et à l'instant tous deux frappent avec tant d'audace et de bonheur qu'ils étendent morts vingt guerriers sur un demi-arpent de terre: la confusion et la peur se répandent dans le camp, les Philistins se croient trahis, soit les uns par les autres, soit par les transfuges hébreux: on se bat d'homme à homme; Saül averti par le bruit, accourt avec son monde, la déroute devient complète: emporté par son bouillant courage, ce roi proclame l'imprudente défense de rien manger avant d'avoir fini le jour à tuer et à poursuivre. Son fils, qui l'ignore, rafraîchit sa soif d'un peu de miel; le père veut l'immoler à son serment (comme Jephté), mais le peuple s'y oppose et sauve Jonathas.»

Voilà une seconde victoire du nouveau roi; mais celle-ci arrivée contre toute attente, dut déconcerter Samuel; aussi ne le voit-on point se montrer sur la scène; les Philistins vaincus rentrèrent chez eux. Il paraît qu'une trève fut admise, puisque l'historien ne parle plus de guerre de ce côté; il spécifie au contraire que Saül tourna ses armes contre d'autres peuples: «qu'il attaqua, l'un après l'autre, les Moabites, les Ammonites, les Iduméens, les rois syriens de Sobah (au Nord et par delà Damas), et que ce ne fut qu'ensuite qu'il revint contre les Philistins et les Amalekites:» partout il fut heureux et vainqueur.

On sent que ces diverses guerres prirent plusieurs années, et pour le moins, chacune d'elles une campagne: aussi, le narrateur semble-t-il terminer là son histoire en dénombrant et nommant les femmes qu'épousa Saül, les enfants qu'il eut de chacune d'elles, les hommes qu'il établit commandants de sa garde et généraux de ses troupes.

A la manière dont est terminé ce chapitre, un lecteur, habitué au style de ces livres, croirait que l'histoire de Saül est réellement finie, car leur formule ordinaire pour clore l'histoire des autres rois est également de recenser leurs femmes, leurs enfants et les personnages marquants de leur règne; et cependant le chapitre 15 qui est le suivant, semble commencer une autre portion du règne de Saül contenant spécialement les détails de la consécration et substitution de David à dater d'une scène de rupture finale qui eut lieu entre le roi et Samuel.

Ne serait-ce pas que le rédacteur final présumé Esdras, en compilant les mémoires originaux écrits par Samuel, Nathan et Gad selon le témoignage des Paralipomènes, chapitre 29, aurait cousu leurs récits l'un à l'autre sans beaucoup de soins, comme ont fait, en général, les anciens? Nous verrons la preuve de cette idée se reproduire dans la présentation de David à Saül.

§ XI

Destitution du roi Saül par le prêtre Samuel

Quoi qu'il en soit, plusieurs années, peut-être huit ou dix se passent pendant les guerres de Saül, sans qu'il soit question de Samuel. Sans doute les succès et la popularité du roi en imposèrent au prophète. Enfin, il reparaît sur la scène; il a cherché une occasion favorable à ses vues: il vient trouver Saül; il débute par lui rappeler qu'il l'a sacré roi: c'est déja lui intimer l'obéissance à ce qu'il va lui dire, ne fût-ce que par un sentiment de gratitude: Puis voici, lui dit-il, ce qu'ordonne aujourd'hui Dieu qui m'ordonna autrefois de vous sacrer.

«Je me suis rappelé ce qu'a fait le peuple d'Amalek contre mon peuple à sa sortie d'Égypte.» (Il y avait de cela quatre cents ans; Amalek s'était opposé au passage des Hébreux et en avait tué plusieurs.) «Allez maintenant, frappez Amalek; détruisez tout ce qui lui appartient; n'épargnez rien, vous tuerez hommes, femmes, enfants, bœufs, agneaux, chameaux, ânes.»

Qui ne frissonne à un tel récit? faire parler Dieu pour exterminer une nation à cause d'une querelle de quatre cents ans de date, dans laquelle les Hébreux étaient agresseurs, car ils voulaient forcer le passage sur le territoire d'Amaleck.

Mais ici quel est le but de Samuel? Il a un dessein en vue; il lui faut une occasion pour l'exécuter: quelque rapine récente des Bedouins amalekites aura aigri le peuple juif: Samuel y a vu un motif de guerre populaire, il le saisit.

Saül forme une armée; le texte hébreu y compte dix mille hommes de Juda, deux cent mille piétons, sans doute des autres tribus, le texte grec dit quatre cent mille hommes de l'un et trente mille de l'autre61. Pourquoi ces contradictions? pourquoi ces absurdités? car c'en est une que deux cent mille hommes pour faire un coup de main de surprise contre une petite tribu de Bedouins. «Saül part, il surprend les Amalekites dans le désert; il tue tout ce qui lui tombe sous la main, saisit leur roi vivant, le garde avec une élite de bestiaux et de butin; revient triomphant au Mont-Carmel, descend à Galgala, où est un autel, et se prépare à faire un sacrifice pour offrir à Dieu, dit le texte, ce qu'il y a de meilleur eh son butin; c'est-à-dire les dépouilles opimes selon les rites grec et romain. Samuel arrive; or, nous dit l'historien, Dieu avait parlé à Samuel (pendant la nuit) et lui avait dit: Je me repens d'avoir fait Saül roi, car il s'est détourné de moi et n'a pas suivi mes ordres; et Samuel, effrayé, avait crié à Dieu toute la nuit.»

Encore une apparition, un colloque, un repentir de Dieu! Pensez-vous que nos nègres et nos sauvages pussent entendre de tels contes sans rire? Les Juifs digèrent tout; ils ne demandent à Samuel aucune preuve; lui seul pourtant est témoin; lui seul peut avoir écrit de tels détails; il est ici auteur, acteur, juge et partie; reste à savoir qui veut être juif pour le croire sur sa parole.

Il arrive, et s'avance vers Saül: «Quel est, lui dit-il, ce bruit de troupeaux que j'entends ici? Saül répond: Le peuple a épargné ce qu'il y a de meilleur dans les biens d'Amalek pour l'offrir au Seigneur votre Dieu; nous avons détruit le reste. Permettez, reprit Samuel, que je vous récite ce que m'a dit Dieu cette nuit: Parlez, dit Saül.—Quand vous étiez petit à vos yeux, dit le Seigneur, ne vous ai-je pas fait roi d'Israël, et maintenant ne vous ai-je pas envoyé contre Amalek, en vous spécifiant de l'exterminer? pourquoi n'avez-vous pas rempli mon commandement? pourquoi avez-vous péché et mis des dépouilles à part?—J'ai obéi, j'ai marché, j'ai détruit Amalek, j'amène son roi vivant, mais le peuple a gardé des dépouilles et des victimes de bestiaux pour les immoler à l'autel de Dieu à Galgala. Samuel répond: Sont-ce des offrandes et des victimes que Dieu demande, plutôt que l'obéissance à ses ordres? Ici l'on cherche à connaître la bonne aventure par la victime, en inspectant la graisse des beliers;62 mais sachez que le péché de la divination est une révolté, une chimère, une idolâtrie; puisque vous avez rejeté l'ordre de Dieu, il rejette votre royauté.»

Saül, faible et superstitieux, s'avoue coupable, il supplie l'ambassadeur de Dieu, de prier pour effacer son péché; le prêtre repousse sa prière, lui réitère sa destitution et s'écarte de lui pour partir: Saül saisit le pan de son manteau pour le retenir: le prêtre implacable fait un effort par lequel le pan se déchire: «Dieu, répète-t-il, a déchiré votre royauté sur Israël, et l'a livré à un autre meilleur; il l'a ainsi décrété: est-il un homme pour se repentir? Saül insiste; j'ai péché, ne me déshonorez pas devant mon peuple et devant ses chefs; revenez vers moi, je me courberai devant votre Dieu63; et Samuel revint, et Saül se courba devant Iehouh; et Samuel dit: Faites approcher de moi Agag, roi d'Amalek; et Agag étant venu, Samuel lui dit: Comme tu as fait aux enfants de nos mères, il va être fait au fils de la tienne;» et Samuel le coupa en morceaux64 (il semble, avec une hache); et Samuel s'en retourna à Ramatah, et plus de son vivant ne revit Saül.

Quelle scène barbare! elle est horrible, j'en conviens; mais j'en connais de plus horribles encore qui de nos jours se passent sous nos yeux. Supposons que Samuel eût emmené Agag à Ramatah, que là il l'eût enfermé dans un cachot, au fond d'une citerne; que chaque jour il fût venu avec quelques acolytes lui faire subir des tortures variées; lui griller les pieds, les mains, l'étendre sur un chevalet pour le disloquer, etc., tout cela avec des formules mielleuses, en lui disant que c'était pour son bien; est-ce que le sort de la victime n'eût pas été mille fois plus affreux? Ah! vive la franche cruauté du prêtre hébreu comparée à la charité des prêtres et moines que consacre Rome! Et des gouvernements européens souffrent, autorisent de telles abominations!

Mais Samuel se porta-t-il à un tel acte sans motif, sans but médité? Cela ne serait pas conforme à son caractère profond et calculateur: il me semble ici apercevoir des motifs plausibles.

Depuis dix à douze ans, Saül, par ses victoires, ne cessait d'accroître, d'affermir son crédit royal, sur l'esprit de toute la nation: Samuel se trouvait éclipsé; ce prêtre prit une occasion de flatter la passion vindicative des Hébreux contre les Amalekites. La victoire de Saül lui fournit un moyen de prendre ce roi en faute, en désobéissance à l'ordre de Dieu donné par Moïse même, qui avait recommandé l'extermination d'Amaleck: c'était le moment où Samuel méditait le coup audacieux de nommer, d'oindre le substitut, le rival de Saül; il regarda comme utile, comme nécessaire de frapper les esprits de terreur par un coup préliminaire plus audacieux, plus imposant, qui pût faire craindre à Saül même de voir tomber sur lui quelque nouvel anathème céleste: ce qu'il y a de certain, c'est que ce but de Samuel paraît avoir été rempli, puisque Saül n'osa jamais se porter contre lui par la suite à aucun acte de violence.

En considérant l'action de Samuel sous un point de vue général, politique et moral, elle présente dans son auteur une réunion étonnante de cruauté et d'orgueil, d'audace et d'hypocrisie: un petit orphelin parvenu, décréter, pour sa fantaisie, l'extermination d'un peuple entier jusqu'au dernier être vivant! Insulter, avilir un roi couvert de lauriers, devenu légitime par ses victoires, par l'assentiment de la nation reconnaissante de la paix et du respect qu'il lui procure! Un prêtre troubler toute cette nation par un changement de prince, par l'intrusion d'un nouvel élu de son choix unique, par le schisme qui en doit résulter, et qui en effet en résulta, au point que l'on peut dire que là s'est trouvé le premier germe de cette division politique des Hébreux qui, comprimée sous David et sous Salomon, éclata sous l'imprudent Roboam et prépara la perte de la nation en la déchirant en deux petits royaumes, celui d'Israël et celui de Juda.

Et voilà les fruits de ce pouvoir divin ou visionnaire, imprudemment consenti par un peuple abruti de superstition, par un roi, d'ailleurs digne d'estime, mais faible d'esprit, au profit d'un imposteur qui ose se dire l'envoyé de Dieu, le représentant de Dieu, enfin Dieu lui-même; (car telle est la transition d'idées qui ne manque jamais d'arriver quand on tolère la première.)

Le naïf historien achève, sans le savoir, de nous tracer le portrait du caractère de Samuel, en nous disant:

«Samuel ne revit plus Saül; mais il pleura son malheur de ce que Dieu l'avait rejeté:»

Et quelque temps après, Dieu apparut au saint prophète, et lui dit: «Pourquoi continues-tu de pleurer sur Saül? Cesse de t'affliger; il faut en sacrer un autre.»

Ainsi Samuel, par ses cris nocturnes, se donnait la réputation de pleurer sur le roi qu'il assassinait; l'Espagne et l'Italie, dans la science de leurs saints offices, ont-elles produit quelque inquisiteur plus tendre ou plus scélérat?

§ XII

Samuël, de sa seule autorité, et sans aucune participation du peuple, oint le berger David et le sacre roi en exclusion de Saül.

Par réflexion, Samuel répondit à son Dieu: «Si Saül connaît que j'ai sacré un autre, il me fera mourir.» Alors le Dieu Jehowh lui explique comment il faut feindre un sacrifice chez le nommé Isaï, au village de Betléhem, et comment, sur les huit enfants mâles de cet homme, il lui fera connaître celui qu'il a choisi pour nouveau roi. Samuel donc remplit d'huile une petite corne65, et il se rendit au village de Betlèhem: les vieillards surpris et inquiets sortirent au-devant de lui et lui dirent: La paix avec vous66; et il répondit: la paix (sheloûm). «Je suis venu immoler; sanctifiez-vous, vous viendrez avec moi manger la victime; et il sanctifia Isaï et ses enfants, et les appela au repas de la victime; et à mesure qu'ils entrèrent, voyant Eliâb l'aîné, un bel homme, il se dit: Voilà sûrement l'oint de Dieu; mais Dieu lui dit (tout bas): Non, ce n'est pas lui. L'homme juge par l'œil, je juge par le cœur.»

Samuel fit ainsi passer les sept fils d'Isaï et lui dit: «Dieu ne fait pas de choix; est-ce que tu n'as pas d'autres enfants? Isaï répondit: Il y a encore le plus jeune qui veille aux troupeaux. Fais-le venir, dit Samuel, car nous ne nous assiérons pas à table sans lui: on alla donc le chercher; c'était un jeune homme roux, d'une bonne et belle physionomie; et Dieu dit à Samuel: «Oins-le, c'est lui»; et Samuel prit la corne d'huile et l'oignit à côté de ses frères; et de ce moment l'esprit de Dieu prospéra sur David; et Samuel retourna à Ramah (chez lui). L'esprit de Dieu se retira de Saül et un esprit méchant envoyé par Dieu agita ce roi, et ses serviteurs lui proposèrent de lui amener un homme sachant jouer de la lyre: il accepta, et l'un d'eux ajouta: J'ai vu un fils d'Isaï de Betléhem qui en sait jouer; c'est un jeune homme fort, un homme de guerre, prudent en ses discours, d'une belle mine; Dieu est avec lui: et Saül envoya vers Isaï demander David, et Isaï prit des pains, une outre de vin et un jeune chevreau qu'il mit sur un âne, et il envoya David (avec ce présent) à Saül. Saül l'ayant vu, le prit en affection et lui donna l'emploi de porter ses armes; et lorsque l'esprit de Dieu saisissait Saül, David prenait sa lyre et Saül respirait, se trouvait mieux, et le méchant esprit se retirait de lui.»

Ce récit ne laisse pas de susciter plusieurs difficultés à résoudre. D'abord je ne concilie pas cette présentation de David à Saül avec celle du chap. 17, qui, à l'occasion du combat de Goliath, postérieur à ceci, nous dit que lorsque le berger David s'offrit pour combattre le géant, et qu'il fut à ce titre présenté à Saül, ce prince lui fit demander qui il était, de qui il était fils: il ne le connaissait donc pas, il ne l'avait donc pas encore vu; la première version est donc fausse67.

Pour expliquer cette contradiction, je ne vois que le moyen dont j'ai déja parlé, savoir: d'admettre que primitivement il y a eu deux ou trois mémoires d'auteurs contemporains; que ces auteurs ont rapporté certains faits d'une manière différente; et que le compilateur final, embarrassé de faire un choix, a consu ces divers récits à la suite l'un de l'autre, soit par négligence et défaut de critique, soit parce qu'il n'a osé faire un choix entre des autorités qui lui en imposaient également. Cette solution conviendrait à beaucoup d'autres quiproquo.

En second lieu, comment Samuel, qui a semblé craindre la vengeance du roi, s'est-il déterminé à l'encourir, à la braver? Il est clair qu'un homme de sa trempe ne s'est point aventuré sans avoir connu son terrain, sans avoir préparé ses voies, ses issues: voyez comment d'abord il a rempli son voisinage du bruit de ses pleurs nocturnes, de ses cris à Dieu sur le malheur de Saül, sur la disgrace céleste de son pupille chéri. Cette rumeur n'a pu manquer d'arriver aux oreilles de Saül, vivant paisible à quelques lieues de là, dans sa métairie de Gebaa: il a appris que Dieu persécute le prophète pour lui faire oindre son successeur; il connaît le caractère implacable de ce Dieu, qui ne veut jamais en vain, et qui peut-être menace Samuel de le tuer. Le saint homme, entre deux dangers, se trouve dans un grand embarras; cependant il calcule que si Saül est violent, il est généreux et bon, que surtout il est très-religieux, c'est-à-dire très-persuadé de la mission divine de lui, Samuel; très-persuadé que si le Dieu Jehowh a résolu sa destitution, rien ne pourra l'empêcher. Les devins ont beaucoup de ressources; un homme comme Samuel a dû avoir quelque dévoué secret dans la maison et autour de Saül68; il aura connu ses dispositions; il aura su que n'osant frapper le représentant de Dieu, le roi adresse plutôt ses menaces à son futur rival. Dans cette position, Samuel aura calculé que, le cas arrivant, ses devoirs seront remplis; qu'il sera encore temps pour lui de se retirer, en disant que Dieu a eu ses raisons pour élever et abaisser qui lui a plu, et que lui n'a plus qu'à se taire.

Il faut encore remarquer que depuis le sacrifice de Maspha et la scène de rupture, il s'est écoulé un laps de temps suffisant à tous ces préliminaires. Ainsi la démarche de Samuel, en sacrant David, n'est pas aussi imprudente qu'on le croirait d'abord. Néanmoins on a droit de penser qu'elle a dû se faire sans scandale; qu'elle a dû exiger le secret: et comment a-t-il pu être gardé ce secret, si l'onction a eu beaucoup de témoins? L'objection est juste, mais le texte n'est pas précis sur ce point: il dit bien que les vieillards furent invités au repas; mais il ne fait aucune mention d'eux à l'onction; il n'est parlé que des frères; et notez bien qu'il n'est pas dit en présence des frères, selon l'expression ordinaire et propre; il est dit: à côté, au voisinage de ses frères (be karb). Ce mot oblique est remarquable: ne serait-ce pas que l'onction n'a réellement eu pour témoin qu'Isaï (celle de Saül n'en avait eu aucun, Samuel avait écarté le valet); et qu'ici le narrateur (qui doit être Samuel même), n'osant insérer le mot en présence, a mis l'équivoque à côté, au voisinage? Mais supposons que les sept frères fussent présents, ils ont encore pu, malgré leur jalousie, garder le secret; d'abord, parce que la dissimulation, la discrétion en choses domestiques, sont un trait fondamental des mœurs arabes; ensuite, parce qu'il y a eu intérêt de crainte pour tous: car le roi, selon un usage asiatique que nous retrouvons en tout temps, pouvait prendre le parti d'exterminer toute la famille (très peu de temps après, le cas arriva à celle du grand-prêtre Achimelek, que Saül fit massacrer tout entière, par cela seul que le chef avait donné du pain à David). En résultat, il faut bien croire que le secret a été gardé, puisque, soit dans l'un, soit dans l'autre récit de présentation, l'on ne voit Saül commencer ses persécutions qu'un certain temps après l'onction.

Mais quelle raison Samuel a-t-il pu avoir de faire le choix, si singulier en apparence, d'un simple berger pour le convertir en roi? Sans doute ceci est bizarre dans nos mœurs modernes, dans notre état de civilisation, qui a produit tant de classes d'hommes instruits et cultivés au sein de chaque nation, en Europe et en Amérique; mais dans les mœurs asiatiques, en général, dans les mœurs arabes même actuelles, un tel choix n'a rien d'étrange ni de déraisonnable: ne voit-on pas encore tous les jours chose semblable en Turkie, ou des boulangers, des chaudronniers deviennent pachas, même vizirs? Il faut se rappeler que la nation hébraïque n'était composée que de cultivateurs paysans, de quelques marchands peu riches, peu considérés, et d'une classe de prêtres très-peu cultivés. La condition du pasteur, d'administrateur de gros et menu bétail, qui forme une branche importante de la richesse et de la propriété d'une famille, cette condition n'était inférieure à aucune autre gestion rurale, et peut-être exige-t-elle plus de talents et d'habileté que la culture routinière des oliviers, des vignes et des blés; du moins laissait-elle bien plus de temps pour la culture des facultés intellectuelles.

Ce soin de conduire et de gouverner des êtres animés, qui ont leur sphère d'intelligence, leurs passions, leurs volontés, est plus propre qu'on ne croit à exercer le raisonnement d'une tête humaine, et à le préparer à des fonctions semblables vis-à-vis d'êtres d'un ordre plus élevé, mais d'une nature peu dissemblable. Le hasard voulut ici que d'heureuses facultés se trouvassent réunies dans un simple berger; combien n'a-t-il pas existé d'autres paysans non moins bien organisés, à qui il n'a manqué que l'occasion de les développer, que les circonstances d'en faire usage? David, né sur une frontière ennemie, celle des Philistins, fut de bonne heure à l'école des alarmes, des vexations, des dangers de tout genre; il eut à lutter contre des voleurs hardis, contre des filous subtils, tels que le pays en nourrit encore: il y prit des leçons de ce courage et de cet esprit rusé qu'il montra dans la suite.

Les combats de lions et d'ours, dont il se glorifia devant Saül, n'ont point dû être une chimère en ce temps-là, puisqu'il est prouvé par divers passages qu'alors il existait, jusque sur la frontière du désert, des forêts et des bois qui, là comme partout ailleurs, ont disparu par l'effet de la population et le ravage des guerres. Un tel jeune homme put être remarquable dans tout le voisinage, surtout lorsqu'à ces moyens il joignit un talent d'agrément, celui de jouer d'un instrument de musique: ce goût fut toujours l'apanage des bergers, par la raison bien simple des longs loisirs dont il jouissent: leurs yeux seuls sont occupés à la surveillance du troupeau; toutes leurs autres facultés restent libres pour la méditation et la pensée. Nos savants de cabinet donnent une grande et lourde harpe à David, sans faire attention qu'il portait la sienne aux champs, et qu'avec elle il dansa légèrement devant l'arche: il est clair que ce fut la lyre ou le luth qu'à la même époque on retrouve usité ou cité en Grèce.

L'age de David, au temps dont nous parlons, ne dut pas être de moins de vingt ans, quoi qu'en disent les traducteurs, puisque les serviteurs de Saül le peignent comme un jeune homme vigoureux et propre à la guerre. Si sa réputation put parvenir jusqu'au séjour du roi, où l'on avait peu d'intérêt à y songer, combien n'a-t-elle pas dû parvenir à celui de Samuel, qui mettait tant d'intérêt à trouver un sujet capable de remplir ses vues? Ce devin, si répandu par ses relations de tout genre, aura ouï parler d'un tel jeune homme si beau, si brave, si prudent en tous ses discours; il l'aura suivi de l'œil et de la pensée pendant un temps suffisant à le bien connaître, à le bien apprécier; il n'arriva point chez Isaï sans bien savoir ce qu'il avait à faire; et quand lui ou son copiste nous conte les perpétuels colloques à voix basse du Dieu Jehowh, il suppose avoir toujours affaire à des lecteurs juifs.

58.L'historien Justin remarque qu'à une époque qui dut être 11 ou 1,200 ans avant notre ère, les Philistins s'étaient emparés de Sidon, et que ce fut à cette occasion que des émigrés de cette ville bâtirent la ville de Tyr.
59.Lorsque Saül retourne de la maison de Samuel chez son père, il est dit qu'il doit trouver sur sa route un corps-de-garde philistin, et la ligne de cette route est tout-à-fait dans l'intérieur du pays.
60.Mot impropre: on ne fait jamais ici mention de cavaliers, tout est piéton.
61.Le manuscrit alexandrin porte seulement dix mille de l'un, dix mille de l'autre, ce qui est le seul raisonnable.
62.Voyez la note 4, à la fin de cette histoire.
63.Ce mot est remarquable: votre Dieu! il y avait donc chez les Hébreux d'autres dieux accrédités et vivant au pair du dieu Jehowh.
64.Tous les textes et anciens interprètes sont d'accord sur ce point: la Vulgate latine dit: In frusta concidit; le grec dit: Jugulavit; le syriaque et l'arabe portent: Coupa en morceaux. Le seul anglais Walton, auteur de la Polyglotte, a pris sur lui de traduire par fit couper, le mot hébreu qui ne pourrait avoir ce sens que par une forme arabe qui n'a pas lieu en hébreu: Samuel coupa de ses propres mains.
65.Meuble du pays, encore à ce jour où le verre est si commun: il était très-rare alors.
66.Shalam bouâk.... la paix sur votre arrivée.
67.Voyez la note nº 5, à la fin de cette histoire.
68.Voyez la note nº 3, à la fin de cette histoire.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
332 s. 4 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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