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Kitabı oku: «Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 1», sayfa 14

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§ IX.
Qualités de l'air

Je ne dois point oublier de parler des qualités de l'air et des eaux: ces éléments offrent en Syrie quelques phénomènes remarquables. Sur les montagnes, et dans toute la plaine élevée qui règne à leur orient, l'air est léger, pur et sec; sur la côte, au contraire, et surtout depuis Alexandrette jusqu'à Yâfa, il est humide et pesant: ainsi la Syrie est partagée dans toute sa longueur en deux régions différentes, dont la chaîne des montagnes est le terme de séparation, et même la cause; car en s'opposant par sa hauteur au libre passage des vents d'ouest, elle occasione dans la vallée l'entassement des vapeurs qu'ils apportent de la mer; et comme l'air n'est léger qu'autant qu'il est pur, ce n'est qu'après s'être déchargé de tout poids étranger, qu'il peut s'élever jusqu'au sommet de ce rempart, et le franchir. Les effets relatifs à la santé sont que l'air du désert et des montagnes, salubre pour les poitrines bien constituées, est dangereux pour les délicates, et l'on est obligé d'envoyer d'Alep à Lataqîé ou à Saïde les Européens menacés de la pulmonie. Cet avantage de l'air de la côte est compensé par de plus graves inconvénients, et l'on peut dire qu'en général il est malsain, qu'il fomente les fièvres intermittentes et putrides, et les fluxions des yeux dont j'ai parlé à l'occasion du Delta. Les rosées du soir et le sommeil sur les terrasses y sont suivis d'accidents qui ont d'autant moins lieu dans les montagnes et dans les terres, qu'on s'éloigne davantage de la mer; ce qui confirme ce que j'ai déja dit à cet égard.

§ X.
Qualités des eaux

Les eaux ont une autre différence: dans les montagnes, celles des sources sont légères et de très-bonne qualité; mais dans la plaine, soit à l'est, soit à l'ouest, si l'on n'a pas une communication naturelle ou factice avec les sources, l'on n'a que de l'eau saumâtre. Elle le devient d'autant plus, qu'on s'avance davantage dans le désert, où il n'y en a pas d'autre. Cet inconvénient rend les pluies si précieuses aux habitants de la frontière, qu'ils se sont de tout temps appliqués à les recueillir dans des puits et des souterrains hermétiquement fermés; aussi, dans tous les lieux ruinés, les citernes sont-elles toujours le premier objet qui se présente.

L'état du ciel en Syrie, principalement sur la côte et dans le désert, est en général plus constant et plus régulier que dans nos climats: rarement le soleil s'y voile deux jours de suite; pendant tout l'été, l'on voit peu de nuages et encore moins de pluies: elles ne commencent à paraître que vers la fin d'octobre, et alors elles ne sont ni longues ni abondantes; les laboureurs les désirent pour ensemencer ce qu'ils appellent la récolte d'hiver, c'est-à-dire, le froment et l'orge181; elles deviennent plus fréquentes et plus fortes en décembre et janvier, où elles prennent souvent la forme de neige dans le pays élevé; il en paraît encore quelques-unes en mars et en avril; l'on en profite pour les semences d'été, qui sont le sésame, le doura, le tabac, le coton, les fèves et les pastèques. Le reste de l'année est uniforme, et l'on se plaint plus de sécheresse que d'humidité.

§ XI.
Des vents

Ainsi qu'en Égypte, la marche des vents a quelque chose de périodique et d'approprié à chaque saison. Vers l'équinoxe de septembre, le nord-ouest commence à souffler plus souvent et plus fort; il rend l'air sec, clair, piquant; et il est remarquable que sur la côte il donne mal à la tête comme en Égypte le nord-est, et cela plus dans la partie du nord que dans celle du midi, nullement dans les montagnes. On doit encore remarquer qu'il dure le plus souvent trois jours de suite, comme le sud et le sud-est à l'autre équinoxe; il dure jusqu'en novembre, c'est-à-dire environ cinquante jours, alternant surtout avec le vent d'est. Ces vents sont remplacés par le nord-ouest, l'ouest et le sud-ouest, qui règnent de novembre en février. Ces deux derniers sont, pour me servir de l'expression des Arabes, les pères des pluies; en mars paraissent les pernicieux vents des parties du sud, avec les mêmes circonstances qu'en Égypte; mais ils s'affaiblissent en s'avançant dans le nord, et ils sont bien plus supportables dans les montagnes que dans le pays plat. Leur durée à chaque reprise est ordinairement de vingt-quatre heures ou de trois jours. Les vents d'est qui les relèvent, continuent jusqu'en juin, que s'établit un vent de nord qui permet d'aller et de revenir à la voile sur toute la côte; il arrive même en cette saison, que chaque jour le vent fait le tour de l'horizon, et passe avec le soleil de l'est au sud, et du sud à l'ouest, pour revenir par le nord recommencer le même cercle. Alors aussi règne pendant la nuit sur la côte un vent local, appelé vent de terre; il ne s'élève qu'après le coucher du soleil, il dure jusqu'à son lever, et ne s'étend qu'à deux ou trois lieues en mer.

Les raisons de tous ces phénomènes sont sans doute des problèmes intéressants pour la physique, et ils mériteraient qu'on s'occupât de leur solution. Nul pays n'est plus propre aux observations de ce genre que la Syrie. On dirait que la nature y a préparé tous les moyens d'étudier ses opérations. Nous autres, dans nos climats brumeux, enfoncés dans de vastes continents, nous pouvons rarement suivre les grands changements qui arrivent dans l'air; l'horizon étroit qui borne notre vue, borne aussi notre pensée; nous ne découvrons qu'une petite scène; et les effets qui s'y passent ne se montrent qu'altérés par mille circonstances. Là, au contraire, une scène immense est ouverte aux regards; les grands agens de la nature y sont rapprochés dans un espace qui rend faciles à saisir leurs jeux réciproques. C'est à l'ouest, la vaste plaine liquide de la Méditerranée; c'est à l'est, la plaine du désert, aussi vaste et absolument sèche: au milieu de ces deux plateaux s'élèvent des montagnes dont les pics sont autant d'observatoires d'où la vue porte à trente lieues. Quatre observateurs embrasseraient toute la longueur de la Syrie; et là, des sommets du Casius, du Liban et du Thabor, ils pourraient saisir tout ce qui se passe dans un horizon infini: ils pourraient observer comment, d'abord claire, la région de la mer se voile de vapeurs; comment ces vapeurs se coupent, se partagent, et, par un mécanisme constant, grimpent et s'élèvent sur les montagnes; comment, d'autre part, la région du désert, toujours transparente, n'engendre jamais de nuages, et ne porte que ceux qu'elle reçoit de la mer: ils répondraient à la question de Michaélis182, si le désert produit des rosées, que le désert n'ayant d'eau qu'en hiver après les pluies, il ne peut donner de vapeurs qu'à cette époque. En voyant d'un coup d'œil la vallée de Balbek brûlée de chaleur, pendant que la tête du Liban blanchit de glace et de neige, ils sentiraient la vérité des axiomes désormais établis: que la chaleur est plus grande, à mesure qu'on se rapproche du plan de la terre, et moindre, à mesure que l'on s'en éloigne; en sorte qu'elle semble n'être qu'un effet de l'action des rayons du soleil sur la terre. Enfin ils pourraient tenter avec succès la solution de la plupart des problèmes qui tiennent à la météorologie du globe.

CHAPITRE II.
Considérations sur les phénomènes des vents, des nuages, des pluies, des brouillards et du tonnerre

EN attendant que quelqu'un entreprenne ce travail avec les détails qu'il mérite, je vais exposer en peu de mots quelques idées générales que la vue des objets m'a fait naître. J'ai parlé des rapports que les vents ont avec les saisons; et j'ai indiqué que le soleil, par l'analogie de sa marche annuelle avec leurs accidents, s'annonçait pour en être l'agent principal: son action sur l'air qui enveloppe la terre, paraît être la cause première de tous les mouvements qui se passent sur notre tête. Pour en concevoir clairement le mécanisme, il faut reprendre la chaîne des idées à son origine, et se rappeler les propriétés de l'élément mis en action.

1º L'air, comme l'on sait, est un fluide dont toutes les parties, naturellement égales et mobiles, tendent sans cesse à se mettre de niveau, comme l'eau; en sorte que si l'on suppose une chambre de six pieds en tous sens, l'air qu'on y introduira la remplira partout également.

2º Une seconde propriété de l'air est de se dilater ou de se resserrer, c'est-à-dire, d'occuper un espace plus grand ou plus petit, avec une même quantité donnée. Ainsi, dans l'exemple de la chambre supposée, si l'on vide les deux tiers de l'air qu'elle contient, le tiers restant s'étendra à leur place, et remplira encore toute la capacité; si, au lieu de vider l'air, on y en ajoute le double, le triple, etc., la chambre le contiendra également; ce qui n'arrive point à l'eau.

Cette propriété de se dilater est surtout mise en action par la présence du feu; et alors l'air échauffé rassemble dans un espace égal moins de parties que l'air froid; il devient plus léger que lui, et il en est poussé en haut. Par exemple, si dans la chambre supposée l'on introduit un réchaud plein de feu, sur-le-champ l'air qui en sera touché s'élèvera au plancher; et l'air qui était voisin prendra la place. Si cet air est encore échauffé, il suivra le premier, et il s'établira un courant de bas en haut,183 par l'affluence de l'air latéral; en sorte que l'air plus chaud se répandra dans la partie supérieure, et le moins chaud dans l'inférieure, tous deux continuant de chercher à se mettre en équilibre par la première loi de la fluidité.184

Si maintenant on applique ce jeu à ce qui se passe en grand sur le globe, on trouvera qu'il explique la plupart des phénomènes des vents.

L'air qui enveloppe la terre, peut se considérer comme un océan très-fluide dont nous occupons le fond, et dont la surface est à une hauteur inconnue. Par la première loi, c'est-à-dire par sa fluidité, cet océan tend sans cesse à se mettre en équilibre et à rester stagnant; mais le soleil faisant agir la loi de la dilatation, y excite un trouble qui en tient toutes les parties dans une fluctuation perpétuelle. Ses rayons, appliqués à la surface de la terre, produisent précisément l'effet du réchaud supposé dans la chambre; ils y établissent une chaleur par laquelle l'air voisin se dilate et monte vers la région supérieure. Si cette chaleur était la même partout, le jeu général serait uniforme; mais elle se varie par une infinité de circonstances qui deviennent les raisons des agitations que nous remarquons.

D'abord, il est de fait que la terre s'échauffe d'autant plus qu'elle se rapproche davantage de la perpendiculaire du soleil: la chaleur est nulle au pôle; elle est extrême sous la ligne. C'est par cette raison que nos climats sont plus froids l'hiver, plus chauds l'été; et c'est encore par-là que dans un même lieu et sous une même latitude, la température peut être très-différente, selon que le terrain, incliné au nord ou au midi, présente sa surface plus ou moins obliquement aux rayons du soleil185.

En second lieu, il est encore de fait que la surface des eaux produit moins de chaleur que celle de la terre: ainsi, sur la mer, sur les lacs et sur les rivières, l'air sera moins échauffé à même latitude que sur le continent; partout même l'humidité est un principe de fraîcheur, et c'est par cette raison qu'un pays couvert de forêts et rempli de marécages, est plus froid que lorsque les marais sont desséchés et les forêts abattues186.

3º Enfin, une troisième considération également importante, est que la chaleur diminue à mesure que l'on s'élève au-dessus du plan général de la terre. Le fait en est démontré par l'observation des hautes montagnes, dont les pics, sous la ligne même, portent une neige éternelle, et attestent l'existence d'un froid permanent dans la région supérieure.

Si maintenant on se rend compte des effets combinés de ces diverses circonstances, on trouvera qu'ils remplissent les indications de la plupart des phénomènes que nous avons à expliquer.

Premièrement, l'air des régions polaires étant plus froid et plus pesant que celui de la zone équinoxiale, il en doit résulter, par la loi des équilibres, une pression qui tend sans cesse à faire courir l'air des deux pôles vers l'équateur. Et en ceci, le raisonnement est soutenu par les faits, puisque l'observation de tous les voyageurs constate que les vents les plus ordinaires dans les deux hémisphères, l'austral et le boréal, viennent du quart d'horizon dont le pôle occupe le milieu, c'est-à-dire, d'entre le nord-ouest et le nord-est. Ce qui se passe sur la Méditerranée en particulier est tout-à-fait analogue.

J'ai remarqué, en parlant de l'Égypte, que sur cette mer les rumbs de nord sont les plus habituels, en sorte que sur douze mois de l'année ils en règnent neuf. On explique ce phénomène d'une manière très-plausible, en disant: le rivage de la Barbarie, frappé des rayons du soleil, échauffe l'air qui le couvre; cet air dilaté s'élève, ou prend la route de l'intérieur des terres; alors l'air de la mer trouvant de ce côté une moindre résistance, s'y porte incontinent; mais comme il s'échauffe lui-même, il suit le premier, et de proche en proche la Méditerranée se vide; par ce mécanisme, l'air qui couvre l'Europe n'ayant plus d'appui de ce côté, s'y épanche, et bientôt le courant général s'établit. Il sera d'autant plus fort que l'air du nord sera plus froid; et de là cette impétuosité des vents plus grande l'hiver que l'été: il sera d'autant plus faible, qu'il y aura plus d'égalité entre l'air des diverses contrées; et de là cette marche des vents plus modérée dans la belle saison, et qui, même en juillet et août, finit par une espèce de calme général, parce qu'alors le soleil, plus voisin de nous, échauffe presque également tout l'hémisphère jusqu'au pôle. Ce cours uniforme et constant que le nord-ouest prend en juin, vient de ce que le soleil, rapproché jusqu'au parallèle d'Asouan et presque des Canaries, établit derrière l'Atlas une aspiration voisine et régulière. Ce retour périodique des vents d'est, à la suite de chaque équinoxe, a sans doute aussi une raison géographique; mais pour la trouver, il faudrait avoir un tableau général de ce qui se passe en d'autres lieux du continent; et j'avoue que par-là elle m'échappe. J'ignore également la raison de cette durée de trois jours, que les vents de sud et de nord affectent d'observer à chaque fois qu'ils paraissent dans le temps des équinoxes.

Il arrive quelquefois dans la marche générale d'un même vent, des différences qui viennent de la conformation des terrains; c'est-à-dire, que si un vent rencontre une vallée, il en prend la direction à la manière des courants de mer. De là sans doute vient que sur le golfe Adriatique l'on ne connaît presque que le nord-ouest et le sud-est, parce que telle est la direction de ce bras de mer: par une raison semblable, tous les vents deviennent sur la mer Rouge nord ou sud; et si dans la Provence le nord-ouest ou mistral est si fréquent, ce ne doit être que parce que les courants d'air qui tombent des Cévennes et des Alpes, sont forcés de suivre la direction de la vallée du Rhône.

Mais que devient la masse d'air pompée par la côte d'Afrique et la zone torride? C'est ce dont on peut rendre raison de deux manières:

1º L'air arrivé sous ces latitudes y forme un grand courant connu sous le nom de vent alizé d'est, lequel règne, comme l'on sait, des Canaries à l'Amérique187: parvenu là, il paraît qu'il y est rompu par les montagnes du continent, et que détourné de sa première direction, il revient dans un sens contraire former ce vent d'ouest qui règne sous le parallèle du Canada; en sorte que par ce retour, les pertes des régions polaires se trouvent réparées.

2º L'air qui afflue de la Méditerranée sur l'Afrique, s'y dilatant par la chaleur, s'élève dans la région supérieure; mais comme il se refroidit à une certaine hauteur, il arrive que son premier volume se réduit infiniment par la condensation. On pourrait dire qu'ayant alors repris son poids, il devrait retomber; mais outre qu'en se rapprochant de la terre, il se réchauffe et rentre en dilatation, il éprouve encore de la part de l'air inférieur un effort puissant et continu qui le soutient; ces deux couches de l'air supérieur refroidi et de l'air inférieur dilaté, sont dans un effort perpétuel l'une à l'égard de l'autre. Si l'équilibre se rompt, l'air supérieur obéissant à son poids, peut fondre dans la région inférieure jusqu'à terre: c'est à des accidents de ce genre que l'on doit ces torrents subits d'air glacé, connus sous le nom d'ouragans ou de grains qui semblent tomber du ciel, et qui apportent dans les saisons et les régions les plus chaudes, le froid des zones polaires. Si l'air environnant résiste, leur effet est borné à un court espace; mais s'ils rencontrent des courants déja établis, ils en accroissent leurs forces, et ils deviennent des tempêtes de plusieurs heures. Ces tempêtes sont sèches quand l'air est pur; mais s'il est chargé de nuages, elles s'accompagnent d'un déluge d'eau et de grêle que l'air froid condense en tombant. Il peut même arriver qu'il s'établisse à l'endroit de la rupture une chute d'eau continue, à laquelle viendront se résoudre les nuages environnants; et il en résultera ces colonnes d'eau, connues sous le nom de trombes et de typhons188; ces trombes ne sont pas rares sur la côte de Syrie, vers le cap Ouedjh et vers le Carmel; et l'on observe qu'elles ont lieu surtout au temps des équinoxes, et par un ciel orageux et couvert de nuages.

Les montagnes d'une certaine hauteur fournissent des exemples habituels de cette chute de l'air refroidi dans la région supérieure. Lorsqu'aux approches de l'hiver, leurs sommets se couvrent de nuages, il en émane des torrents impétueux que les marins appellent vents de neige. Ils disent alors que les montagnes se défendent, parce que ces vents en repoussent, de quelque côté que l'on veuille en approcher. Le golfe de Lyon et celui d'Alexandrette sont célèbres sur la Méditerranée par des circonstances de cette espèce.

On explique par les mêmes principes, les phénomènes de ces vents de côtes, vulgairement appelés vents de terre. L'observation des marins constate sur la Méditerranée, que pendant le jour ils viennent de la mer; pendant la nuit, de la terre; qu'ils sont plus forts près des côtes élevées, et plus faibles près des côtes basses. La raison en est que l'air, tantôt dilaté par la chaleur du jour, tantôt condensé par le froid de la nuit, monte et descend tour à tour de la terre sur la mer, et de la mer sur la terre. Ce que j'ai observé en Syrie rend cet effet palpable. La face du Liban qui regarde la mer, étant frappée du soleil pendant le cours de la journée, et surtout depuis midi, il s'y excite une chaleur qui dilate la couche d'air qui couvre la pente. Cet air devenant plus léger, cesse d'être en équilibre avec celui de la mer; il en est pressé, chassé en haut: mais le nouvel air qui le remplace s'échauffant à son tour, marche bientôt à sa suite; et de proche en proche il se forme un courant semblable à ce que l'on observe le long des tuyaux de poêle ou de cheminée189. Lorsque le soleil se couche, cette action cesse; la montagne se refroidit, l'air se condense; en se condensant, il devient plus lourd, il retombe, et dès lors forme un torrent qui coule le long de la pente à la mer: ce courant cesse le matin, parce que le soleil revenu sur l'horizon, recommence le jeu de la veille. Il ne s'avance en mer qu'à deux ou trois lieues, parce que l'impulsion de sa chute est détruite par la résistance de la masse d'air où il entre. C'est en raison de la hauteur et de la rapidité de cette chute, que le cours du vent de terre se prolonge; il est plus étendu au pied du Liban et de la chaîne du nord, parce que dans cette partie les montagnes sont plus élevées, plus rapides, plus voisines de la mer. Il a des rafales violentes et subites à l'embouchure de la Qâsmîé190; parce que la profonde vallée de Bèqâà rassemblant l'air dans son canal étroit, le lance comme par un tuyau. Il est moindre sur la côte de Palestine, parce que les montagnes y sont plus basses, et qu'entre elles et la mer il y a une plaine de quatre à cinq lieues. Il est nul à Gaze et sur le rivage d'Égypte, parce que ce terrain plat n'a point une pente assez marquée. Enfin, partout il est plus fort l'été, plus faible l'hiver, parce qu'en cette dernière saison, la chaleur et la dilatation sont bien moindres.

Cet état respectif de l'air de la mer et de l'air des continents, est la cause d'un phénomène observé dès long-temps: la propriété qu'ont les terres en général, et surtout les montagnes, d'attirer les nuages. Quiconque a vu diverses plages, a pu se convaincre que les nuages toujours créés sur la mer, s'élèvent ensuite par une marche constante vers les continents, et se dirigent de préférence vers les plus hautes montagnes qui s'y trouvent. Quelques physiciens ont voulu voir en ceci une vertu d'attraction; mais outre que cette cause occulte n'a rien de plus clair que l'ancienne horreur du vide, il est ici des agens matériels qui rendent une raison mécanique de ce phénomène; je veux dire les lois de l'équilibre des fluides, par lesquelles les masses de l'air lourd poussent en haut les masses de l'air léger. En effet, les continents étant toujours, à égalité de latitude et de niveau, plus échauffés que les mers, il en doit résulter un courant habituel qui porte l'air, et par conséquent les nuages, de la mer sur la terre. Ils s'y dirigeront d'autant plus que les montagnes seront plus échauffées, plus aspirantes: s'ils trouvent un pays plat et uni, ils glisseront dessus sans s'y arrêter, parce que ce terrain étant également échauffé, rien ne les y condense; c'est par cette raison qu'il ne pleut jamais, ou que très-rarement, pendant l'été, en Égypte et dans les déserts d'Arabie et d'Afrique. L'air de ces contrées échauffé et dilaté, repousse les nuages, parce qu'ils sont une vapeur, et que toute vapeur est constamment élevée par l'air chaud. Ils sont contraints de surnager dans la région moyenne, où le courant régnant les porte vers les parties élevées du continent, qui font en quelque sorte office de cheminée, ainsi que je l'ai déja dit. Là, plus éloignés du plan de la terre, qui est le grand foyer de la chaleur, ils sont refroidis, condensés, et, par un mécanisme semblable à celui des chapiteaux dans la dilatation, leurs particules se résolvent en pluies ou en neiges; en hiver, les effets changent avec les circonstances: alors que le soleil est éloigné des pays dont nous parlons, la terre n'étant plus si échauffée, l'air y prend un état rapproché de celui des hautes montagnes; il devient plus froid et plus dense; les vapeurs ne sont plus enlevées aussi haut; les nuages se forment plus bas; souvent même ils tombent jusqu'à terre, où nous les voyons sous le nom et la forme de brouillards. A cette époque, accumulés par les vents d'ouest, et par l'absence des courants qui les emportent pendant l'été, ils sont contraints de se résoudre sur la plaine; et de là l'explication de ce problème:191 Pourquoi l'évaporation étant plus forte en été qu'en hiver, il y a cependant plus de nuages, de brouillards et de pluies en hiver qu'en été? De là encore la raison de cet autre fait commun à l'Égypte et à la Palestine:192 Que s'il y a une pluie continue et douce, elle se fera plutôt de nuit que de jour. Dans ces pays, on observe en général que les nuages et les brouillards s'approchent de terre pendant la nuit, et s'en éloignent pendant le jour, parce que la présence du soleil excite encore une chaleur suffisante pour les repousser: j'en ai eu des preuves fréquentes au Kaire, dans les mois de juillet et d'août 1783. Souvent au lever du soleil nous avions du brouillard, le thermomètre étant à 17 degrés; 2 heures après, le thermomètre étant à 20, et montant jusqu'à 24 degrés, le ciel était couvert et parsemé de nuages qui couraient au sud. Revenant de Suez à la même époque, c'est-à-dire du 24 au 25 juillet, nous n'avions point eu de brouillard pendant les deux nuits que nous avions couché dans le désert; mais étant arrivé à l'aube du jour en vue de la vallée d'Égypte, je la vis couverte d'un lac de vapeurs qui me parurent stagnantes: à mesure que le jour parut, elles prirent du mouvement et de l'élévation; et il n'était pas 8 heures du matin, que la terre était découverte, et l'air n'avait plus que des nuages épars qui remontaient la vallée. L'année suivante, étant chez les Druzes, j'observai des phénomènes presque semblables. D'abord, sur la fin de juin il régna une suite de nuages que l'on attribua au débordement du Nil sur l'Égypte193, et qui effectivement venaient de cette partie, et passaient au nord-est194. Après cette première irruption, il survint sur la fin de juillet et en août une seconde saison de nuages. Tous les jours, vers 11 heures ou midi, le ciel se couvrait, souvent le soleil ne paraissait pas de la soirée; le pic du Sannin se chargeait de nuages; et plusieurs grimpant sur les pentes, couraient parmi les vignes et les sapins: souvent étant à la chasse ils m'ont enveloppé d'un brouillard blanc, humide, tiède et opaque, au point de ne pas voir à 4 pas. Vers les 10 ou 11 heures de nuit, le ciel se démasquait, les étoiles étincelaient, la nuit se passait sereine, le soleil se levait brillant, et vers le midi l'effet de la veille recommençait. Cette répétition m'inquiéta d'autant plus, que je concevais moins ce que devenait toute cette somme de nuages. Une partie, à la vérité, passait la chaîne du Sannin, et je pouvais supposer qu'elle allait sur l'Anti-Liban ou dans le désert; mais celle qui était en route sur la pente, au moment où le soleil se couchait, que devenait-elle, surtout ne laissant ni rosée ni pluie capable de la consommer? Pour en découvrir la raison, j'imaginai de monter plusieurs jours de suite, à l'aube du matin, sur un sommet voisin, et là, plongeant sur la vallée et sur la mer par une ligne oblique d'environ cinq lieues, j'examinai ce qui se passait. D'abord je n'apercevais qu'un lac de vapeurs qui voilaient les eaux, et cet horizon maritime me paraissait obscur, pendant que celui des montagnes était très-clair: à mesure que le soleil l'éclairait, je distinguais des nuages par le reflet de ses rayons; ils me paraissaient d'abord très-bas, mais à mesure que la chaleur croissait, ils se séparaient, montaient, et prenaient toujours la route de la montagne, pour y passer le reste du jour, ainsi que je l'ai dit. Alors je supposai que ces nuages que je voyais ainsi monter, étaient en grande partie ceux de la veille qui, n'ayant pas achevé leur ascension, avaient été saisis par l'air froid, et rejetés à la mer par le vent de terre. Je pensai qu'ils y étaient retenus toute la nuit, jusqu'à ce que le vent de mer se levant, les reportât sur la montagne, et les fit passer en partie par-dessus le sommet, pour aller se résoudre de l'autre côté en rosée, ou abreuver l'air altéré du désert.

J'ai dit que ces nuages ne nous apportaient point de rosée; et j'ai souvent remarqué que lorsque le temps était ainsi couvert, il y en avait moins que lorsque le soleil était clair. En tout temps la rosée est moins abondante sur ces montagnes qu'à la côte et dans l'Égypte: et cela s'explique très-bien, en disant que l'air ne peut élever à cette hauteur l'excès d'humidité dont il se charge; car la rosée est, comme l'on sait, cet excès d'humide que l'air échauffé dissout pendant le jour, et qui, se condensant par la fraîcheur du soir, retombe avec d'autant plus d'abondance, que le lieu est plus voisin de la mer195: de là les rosées excessives dans le Delta, moindres dans la Thébaïde et dans l'intérieur du désert, selon ce que l'on m'en a dit; et si l'humidité ne tombe point lorsque le ciel est voilé, c'est parce qu'elle a pris la forme de nuages, ou que ces nuages l'interceptent.

Dans d'autres cas, le ciel étant serein, l'on voit des nuages se dissiper et se dissoudre comme de la fumée; d'autres fois se former à vue d'œil, et d'un point premier, devenir des masses immenses. Cela arrive surtout sur la pointe du Liban, et les marins ont éprouvé que l'apparition d'un nuage sur ce pic était un présage infaillible du vent d'ouest. Souvent au coucher du soleil, j'ai vu de ces fumées s'attacher aux flancs des rochers de Nahr-el-Kelb, et s'accroître si rapidement, qu'en une heure la vallée n'était qu'un lac. Les habitants disent que ce sont des vapeurs de la vallée; mais cette vallée étant toute de pierre et presque sans eau, il est impossible que ce soient des émanations; il est plus naturel de dire que ce sont les vapeurs de l'atmosphère, qui, condensées à l'approche de la nuit, tombent en une pluie imperceptible, dont l'entassement forme le lac fumeux que l'on voit. Les brouillards s'expliquent par les mêmes principes; il n'y en a point dans les pays chauds loin de la mer, ni pendant les sécheresses de l'été, parce qu'en ces cas l'air n'a point d'humide excédent. Mais ils se montrent dans l'automne après des pluies, et même en été après les ondées d'orages, parce qu'alors la terre a reçu une matière d'évaporation, et pris un degré de fraîcheur convenable à la condensation. Dans nos climats ils commencent toujours à la surface des prairies, de préférence aux champs labourés. Souvent au coucher du soleil on voit se former sur l'herbe une nappe de fumée, qui bientôt croît en hauteur et en étendue. La raison en est que les lieux humides et frais réunissent, plus que les lieux poudreux, les qualités nécessaires à condenser les vapeurs qui tombent. Il y a d'ailleurs une foule de considérations à faire sur la formation et la nature de ces vapeurs, qui, quoique les mêmes, prennent à terre le nom de brouillards, et dans l'air, celui de nuages. En combinant leurs divers accidents, on s'aperçoit qu'ils suivent ces lois de combinaison, de dissolution, de précipitation, et de saturation, dont la physique moderne, sous le nom de chimie, s'occupe à développer la théorie. Pour en traiter ici, il faudrait entrer dans des détails qui m'écarteraient trop de mon sujet: je me bornerai à une dernière observation relative au tonnerre.

181
   Les semailles de la récolte d'hiver, qu'on appelle chetâouîé, n'ont lieu dans toute la Syrie qu'à l'arrivée des pluies d'automne, c'est-à-dire vers la Toussaint. L'époque de cette récolte varie ensuite selon les lieux. En Palestine, et dans le Haurân, on coupe le froment et l'orge dès la fin d'avril et dans le courant de mai. Mais à mesure que l'on va dans le nord, ou que l'on s'élève dans les montagnes, la moisson se retarde jusqu'en juin et juillet.
  Les semailles de la récolte d'été ou saîfié se font aux pluies de printemps, c'est-à-dire en mars et avril, et leur moisson a lieu dans les mois de septembre et d'octobre.
  Les vendanges, dans les montagnes, se font sur la fin de septembre; les vers à soie y éclosent en avril et mai, et font leurs cocons en juillet.


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182
   Voyez les questions de Michaélis, proposées aux voyageurs du roi de Danemarck.


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183
   C'est le mécanisme des cheminées et des bains d'étuves.


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184
   Il y a d'ailleurs un effort de l'air dilaté contre les barrières qui l'emprisonnent; mais cet effet est indifférent à notre objet.


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185
   Voilà pourquoi, comme l'a très-bien observé Montesquieu, la Tartarie, sous le parallèle de l'Angleterre et de la France, est infiniment plus froide que ces contrées.


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186
   Ceci explique pourquoi la Gaule était plus froide jadis que de nos jours.


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187
   Franklin a pensé que la cause du vent alizé d'est tenait à la rotation de la terre; mais si cela est, pourquoi le vent d'est n'est-il pas perpétuel? Comment d'ailleurs expliquer dans cette hypothèse les deux moussons de l'Inde, tellement disposées que leurs alternatives sont marquées précisément par le passage du soleil dans la ligne équinoxiale; c'est-à-dire que les vents d'ouest et de sud règnent pendant les 6 mois que le soleil est dans la zone boréale, et les vents d'est et de nord pendant les 6 mois qu'il est dans la zone australe. Ce rapport ne prouve-t-il pas que tous les accidents des vents dépendent uniquement de l'action du soleil sur l'atmosphère du globe? La lune, qui a un effet si marqué sur l'océan, peut en avoir aussi sur les vents; mais l'influence des autres planètes paraît une chimère qui ne convient qu'à l'astrologie des anciens.


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188
   Franklin en donne la même explication.


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189
   Il est souvent sensible à la vue; mais on le rend encore plus évident en approchant des tuyaux une soie effilée ou la flamme d'une petite bougie.


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190
   Ces rafales sont si brusques, qu'elles font quelquefois chavirer les bateaux. Peu s'en est fallu que je n'en aie fait l'expérience.


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191
   Voyez article de l'Égypte.


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192
   J'en ai fait l'observation en Palestine dans les mois de novembre, décembre et janvier 1784 et 85. La plaine de Palestine, surtout vers Gaze, est à peu près dans les mêmes circonstances de climat que l'Égypte.


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193
   Il n'est pas inutile d'observer que le Nil établit alors un courant sur toute la côte de Syrie, qui porte de Gaze en Cypre.


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194
   Il me paraît que c'est la même colonne dont parle le baron de Tott. J'ai pareillement constaté l'état vaporeux de l'horizon d'Égypte, dont il fait mention.


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195
   Ceci résout un problème qu'on m'a proposé à Yâfa: savoir, pourquoi l'on sue plus à Yâfa sur les bords de la mer qu'à Ramlé qui est à trois lieues dans les terres. La raison en est que l'air de Yâfa étant saturé d'humidité, ne pompe qu'avec lenteur l'émanation du corps, pendant qu'à Ramlé l'air plus avide la pompe plus vite. C'est aussi par cette raison que dans nos climats l'haleine est visible en hiver, et non en été.


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Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
400 s. 34 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain