Kitabı oku: «Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 1», sayfa 15
Le tonnerre a lieu dans le Delta comme dans la Syrie; mais il y a cette différence entre ces deux pays, que dans le Delta et la plaine de Palestine, il est infiniment rare l'été, et plus fréquent l'hiver; dans les montagnes, au contraire, il est plus commun l'été, et infiniment rare l'hiver. Dans les deux contrées, sa vraie saison est celle des pluies, c'est-à-dire le temps des équinoxes, et surtout de celui d'automne; il est encore remarquable qu'il ne vient jamais des parties du continent, mais de celles de la mer: c'est toujours de la Méditerranée que les orages arrivent sur le Delta196 et la Syrie. Leurs instants de préférence dans la journée sont le soir et le matin;197 ils sont accompagnés d'ondées violentes et quelquefois de grêle qui couvrent une heure de temps la campagne de petits lacs. Ces circonstances, et surtout cette association perpétuelle des nuages au tonnerre, donnent lieu au raisonnement suivant: si le tonnerre se forme constamment avec les nuages, s'il a un besoin absolu de leur intermède pour se manifester, il est donc le produit de quelques-uns de leurs éléments. Or, comment se forment les nuages? Par l'évaporation des eaux. Comment se fait l'évaporation? Par la présence de l'élément du feu. L'eau par elle-même n'est point volatile; il lui faut un agent pour l'élever: cet agent est le feu, et de là ce fait déja observé, que l'évaporation est toujours en raison de la chaleur appliquée à l'eau. Chaque molécule d'eau est rendue volatile par une molécule de feu, et sans doute aussi par une molécule d'air qui s'y combine. On peut regarder cette combinaison comme un sel neutre, et la comparant au nitre, l'on peut dire que l'eau y représente l'alkali, et le feu l'acide nitreux. Les nuages ainsi composés, flottent dans l'air, jusqu'à ce que des circonstances propres viennent les dissoudre; s'il se présente un agent qui ait la faculté de rompre subitement la combinaison des molécules, il arrive une détonation, accompagnée, comme dans le nitre, de bruit et de lumière; par cet effet, la matière du feu et de l'air se trouvant tout à coup dissipée, l'eau qui y était combinée, rendue à sa pesanteur naturelle, tombe précipitamment de la hauteur où elle s'était élevée: de là, ces ondées violentes qui suivent les grands coups de tonnerre, et qui arrivent de préférence à la fin des orages, parce qu'alors la matière du feu n'étant combinée qu'avec l'air seul, elle fuse à la manière du nitre; et c'est sans doute ce qui produit ces éclairs qu'on appelle feux d'horizon. Mais cette matière du feu est-elle distincte de la matière électrique? Suit-elle, dans ses combinaisons et ses détonations, des affinités et des lois particulières? C'est ce que je n'entreprendrai pas d'examiner. Ces recherches ne peuvent convenir à une relation de voyage: je dois me borner aux faits, et c'est déja beaucoup d'y avoir joint quelques explications qui en découlaient naturellement.198
ÉTAT POLITIQUE DE LA SYRIE
CHAPITRE I.
Des habitants de la Syrie
AINSI que l'Égypte, la Syrie a dès long-temps subi des révolutions qui ont mélangé les races de ses habitants. Depuis 2500 ans, l'on peut compter dix invasions qui ont introduit et fait succéder des peuples étrangers. D'abord ce furent les Assyriens de Ninive qui, ayant passé l'Euphrate vers l'an 750 avant notre ère, s'emparèrent en soixante années de presque tous le pays qui est au nord de la Judée. Les Chaldéens de Babylone ayant détruit cette puissance dont ils dépendaient, succédèrent comme par droit d'héritage à ses possessions, et achevèrent de conquérir la Syrie, la seule île de Tyr exceptée. Aux Chaldéens succédèrent les Perses de Cyrus, et aux Perses les Macédoniens d'Alexandre. Alors il sembla que la Syrie allait cesser d'être vassale de puissances étrangères, et que, selon le droit naturel de chaque pays, elle aurait un gouvernement propre; mais les peuples, qui ne trouvèrent dans les Séleucides que des despotes durs et oppresseurs, réduits à la nécessité de porter un joug, choisirent le moins pesant, et la Syrie devint, par les armes de Pompée, province de l'empire de Rome.
Cinq siècles après, lorsque les enfants de Théodose se partagèrent leur immense patrimoine, elle changea de métropole sans changer de maître, et elle fut annexée à l'empire de Constantinople. Telle était sa condition, lorsque l'an 622 les tribus de l'Arabie, rassemblées sous l'étendard de Mahomet, vinrent la posséder ou plutôt la dévaster. Depuis ce temps, déchirée par les guerres civiles des Fâtmites et des Ommiades, soustraite aux kalifes par leurs lieutenants rebelles, ravie à ceux-ci par les milices turkmanes, disputée par les Européens croisés, reprise par les Mamlouks d'Égypte, ravagée par Tamerlan et ses Tartares, elle est enfin restée aux mains des Turks ottomans, qui, depuis 268 années, en sont les maîtres.
Du trouble de tant de vicissitudes est resté un dépôt de population, varié comme les parties dont il s'est formé; en sorte qu'il ne faut pas regarder les habitants de la Syrie comme une même nation, mais comme un alliage de nations diverses.
On peut en faire trois classes principales:
1º La postérité du peuple conquis par les Arabes, c'est-à-dire, les Grecs du Bas-Empire.
2º La postérité des Arabes conquérants.
3º Le peuple dominant aujourd'hui, les Turks ottomans.
De ces trois classes, les deux premières exigent des subdivisions à raison des distinctions qui y sont survenues. Ainsi il faut diviser les Grecs:
1º En Grecs propres, dits vulgairement schismatiques, ou séparés de la communion de Rome.
2º En Grecs latins, réunis à cette communion.
3º En Maronites ou Grecs de la secte du moine Maron, ci-devant indépendants des deux communions, aujourd'hui réunis à la dernière.
Il faut diviser les Arabes, 1º en descendants propres des conquérants, lesquels ont beaucoup mêlé leur sang, et qui sont la portion la plus considérable.
2º En Motouâlis, distincts de ceux-ci par des opinions religieuses.
3º En Druzes, également distincts par une raison semblable.
4º Enfin en Ansârié, qui sont aussi dérivés des Arabes.
A ces peuples, qui sont les habitants agricoles et sédentaires de la Syrie, il faut encore ajouter trois autres peuples errants et pasteurs: savoir, 1º les Turkmans; 2º les Kourdes; et 3º les Arabes bedouins.
Telles sont les races qui sont répandues sur le terrain compris entre la mer et le désert, depuis Gaze jusqu'à Alexandrette.
Dans cette énumération, il est remarquable que les peuples anciens n'ont pas de représentants sensibles; leurs caractères se sont tous confondus dans celui des Grecs, qui, en effet, par un séjour continué depuis Alexandre, ont bien eu le temps de s'identifier l'ancienne population: la terre seule, et quelques traits de mœurs et d'usages, conservent des vestiges des siècles reculés.
La Syrie n'a pas, comme l'Égypte, refusé d'adopter les races étrangères. Toutes s'y naturalisent également bien; le sang y suit à peu près les mêmes lois que dans le midi de l'Europe, en observant les différences qui résultent de la nature du climat. Ainsi, les habitants des plaines du midi sont plus basanés que ceux du nord, et ceux-là beaucoup plus que les habitants des montagnes. Dans le Liban et le pays des Druzes, le teint ne diffère pas de celui de nos provinces du milieu de la France. On vante les femmes de Damas et de Tripoli pour leur blancheur, et même pour la régularité des traits: sur ce dernier article il faut en croire la renommée, puisque le voile qu'elles portent sans cesse ne permet à personne de faire des observations générales. Dans plusieurs cantons, les paysannes sont moins scrupuleuses, sans être moins chastes. En Palestine, par exemple, on voit presque à découvert les femmes mariées; mais la misère et la fatigue n'ont point laissé d'agréments à leur figure; les yeux seuls sont presque toujours beaux partout; la longue draperie qui fait l'habillement général, permet dans les mouvements du corps d'en démêler la forme; elle manque quelquefois d'élégance, mais du moins ses proportions ne sont pas altérées. Je ne me rappelle pas avoir vu en Syrie et même en Égypte, deux sujets bossus ou contrefaits; il est vrai que l'on y connaît peu ces tailles étranglées que parmi nous on recherche: elles ne sont pas estimées en Orient; et les jeunes filles, d'accord avec leurs mères, emploient de bonne heure jusqu'à des recettes superstitieuses pour acquérir de l'embonpoint: heureusement la nature, en résistant à nos fantaisies, a mis des bornes à nos travers, et l'on ne s'aperçoit pas qu'en Syrie, où l'on ne se serre pas la taille, les corps deviennent plus gros qu'en France, où on l'étrangle.
Les Syriens sont en général de stature moyenne. Ils sont, comme dans tous les pays chauds, moins replets que les habitants du Nord. Cependant on trouve dans les villes quelques individus dont le ventre prouve, par son ampleur, que l'influence du régime peut, jusqu'à un certain point, balancer celle du climat.
Du reste, la Syrie n'a de maladie qui lui soit particulière, que le bouton d'Alep, dont je parlerai en traitant de cette ville. Les autres maladies sont les dyssenteries, les fièvres inflammatoires, les intermittentes, qui viennent à la suite des mauvais fruits dont le peuple se gorge. La petite-vérole y est quelquefois très-meurtrière. L'incommodité générale et habituelle est le mal d'estomac; et l'on en conçoit aisément les raisons, quand on considère que tout le monde y abuse de fruits non mûrs, de légumes crus, de miel, de fromage, d'olives, d'huile forte, de lait aigre et de pain mal fermenté. Ce sont là les aliments ordinaires de tout le monde; et les sucs acides qui en résultent, donnent des âcretés, des nausées, et même des vomissements de bile assez fréquents. Aussi la première indication en toute maladie est-elle presque toujours l'émétique, qui cependant n'y est connu que des médecins français. La saignée, comme je l'ai déja dit, n'est jamais bien nécessaire ni fort utile. Dans les cas moins urgents, la crème de tartre et les tamarins ont le succès le plus marqué.
L'idiome général de la Syrie est la langue arabe. Niebuhr rapporte, sur un ouï-dire, que le syriaque est encore usité dans quelques villages des montagnes; mais quoique j'aie interrogé à ce sujet des religieux qui connaissent le pays dans le plus grand détail, je n'ai rien appris de semblable: seulement on m'a dit que les bourgs de Maloula et de Sidnâïa, près de Damas, avaient un idiome si corrompu, que l'on avait beaucoup de peine à l'entendre. Mais cette difficulté ne prouve rien, puisque dans la Syrie, comme dans tous les pays arabes, les dialectes varient et changent à chaque endroit. On peut donc regarder le syriaque comme une langue morte pour ces cantons. Les Maronites, qui l'ont conservé dans leur liturgie et dans leur messe, ne l'entendent pas pour la plupart en le récitant. Le grec est dans le même cas. Parmi les moines et les prêtres schismatiques ou catholiques, il en est très-peu qui le comprennent; il faut qu'ils en aient fait une étude particulière dans les îles de l'Archipel: on sait d'ailleurs que le grec moderne est tellement corrompu, qu'il ne suffit pas plus pour entendre Démosthènes, que l'italien pour lire Cicéron. La langue turke n'est usitée en Syrie que par les gens de guerre et du gouvernement, et par les hordes turkmanes199. Quelques naturels l'apprennent pour le besoin de leurs affaires, comme les Turks apprennent l'Arabe; mais la prononciation et l'accent de ces deux langues ont si peu d'analogie, qu'elles demeurent toujours étrangères l'une à l'autre. Les bouches turkes, habituées à une prosodie nasale et pompeuse, parviennent rarement à imiter les sons âcres et les aspirations fortes de l'arabe. Cette langue fait un usage si répété de voyelles et de consonnes gutturales, que lorsqu'on l'entend pour la première fois, on dirait des gens qui se gargarisent. Ce caractère la rend pénible à tous les Européens; mais telle est la puissance de l'habitude, que lorsque nous nous plaignons aux Arabes de son aspérité, ils nous taxent de manquer d'oreille, et rejettent l'inculpation sur nos propres idiomes. L'italien est celui qu'ils préfèrent, et ils comparent avec quelque raison le français au turk, et l'anglais au persan. Entre eux ils ont presque les mêmes différences. L'arabe de Syrie est beaucoup plus rude que celui de l'Égypte; la prononciation des gens de loi au Kaire passe pour un modèle de facilité et d'élégance. Mais, selon l'observation de Niebuhr, celle des habitants de l'Yemen et de la côte du sud est infiniment plus douce, et donne à l'arabe un coulant dont on ne l'eût pas cru susceptible. On a voulu quelquefois établir des analogies entre les climats et les prononciations des langues; l'on a dit, par exemple, que les habitants du nord parlaient plus des lèvres et des dents que les habitants du midi. Cela peut être vrai pour quelques parties de notre continent; mais pour en faire une application générale, il faudrait des observations plus détaillées et plus étendues. L'on doit être réservé dans ces jugements généraux sur les langues et sur leurs caractères, parce que l'on raisonne toujours d'après la sienne, et par conséquent d'après un préjugé d'habitude qui nuit beaucoup à la justesse du raisonnement.
Parmi le peuple de la Syrie dont j'ai parlé, les uns sont répandus indifféremment dans toutes les parties, les autres sont bornés à des emplacements particuliers qu'il est à propos de déterminer.
Les Grecs propres, les Turks et les Arabes paysans sont dans le premier cas; avec cette différence, que les Turks ne se trouvent que dans les villes, où ils exercent les emplois de guerre et de magistrature, et les arts. Les Arabes et les Grecs peuplent les villages, et forment la classe des laboureurs à la campagne, et le bas peuple dans les villes. Le pays qui a le plus de villages grecs, est le pachalic de Damas.
Les Grecs de la communion de Rome, bien moins nombreux que les schismatiques, sont tous retirés dans les villes, où ils exercent les arts et le négoce. La protection des Francs leur a valu, dans ce dernier genre, une supériorité marquée partout où il y a des comptoirs d'Europe.
Les Maronites forment un corps de nation qui occupe presque exclusivement tous les pays compris entre Nahr-el-kelb (rivière du chien) et Nahr-el-bared (rivière froide), depuis le sommet des montagnes à l'orient, jusqu'à la Méditerranée à l'occident.
Les Druzes leur sont limitrophes, et s'étendent depuis Nahr-el-kelb jusque près de Sour (Tyr), entre la vallée de Beqââ et la mer.
Le pays des Motouâlis comprenait ci-devant la vallée de Beqââ jusqu'à Sour. Mais ce peuple, depuis quelque temps, a essuyé une révolution qui l'a presque anéanti.
A l'égard des Ansârié, ils sont répandus dans les montagnes, depuis Nahr-âqqar jusqu'à Antâkié: on les distingue en diverses peuplades, telles que les Kelbié, les Qadmousié, les Chamsié, etc.
Les Turkmans, les Kourdes et les Bedouins n'ont pas de demeures fixes, mais ils errent sans cesse avec leurs tentes et leurs troupeaux dans des districts limités dont ils se regardent comme les propriétaires: les hordes turkmanes campent de préférence dans la plaine d'Antioche; les Kourdes, dans les montagnes, entre Alexandrette et l'Euphrate; et les Arabes sur toute la frontière de la Syrie adjacente à leurs déserts, et même dans les plaines de l'intérieur, telles que celles de Palestine, de Beqââ et de Galilée.
CHAPITRE II.
Des peuples pasteurs ou errants de la Syrie
§ I.
Des Turkmans
LES Turkmans sont du nombre de ces peuplades tartares qui, lors des grandes révolutions de l'empire des kalifes, émigrèrent de l'orient de la mer Caspienne, et se répandirent dans les plaines de l'Arménie et de l'Asie mineure. Leur langue est la même que celle des Turks. Leur genre de vie est assez semblable à celui des Arabes-Bedouins; comme eux, ils sont pasteurs, et par conséquent obligés de parcourir de grands espaces pour faire subsister leurs nombreux troupeaux. Mais il y a cette différence, que les pays fréquentés par les Turkmans étant riches en pâturages, ils peuvent en nourrir davantage, et se disperser moins que les tribus du désert. Chacun de leurs ordous ou camps reconnaît un chef, dont le pouvoir n'est point déterminé par des statuts, mais seulement dirigé par l'usage et par les circonstances; il est rarement abusif, parce que la société est resserrée, et que la nature des choses maintient assez d'égalité entre les membres. Tout homme en état de porter les armes, s'empresse de les porter, parce que c'est de sa force individuelle que dépendent sa considération et sa sûreté. Tous les biens consistent en bestiaux, tels que les chameaux, les buffles, les chèvres et surtout les moutons. Les Turkmans se nourrissent de laitage, de beurre et de viande qui abondent chez eux. Ils en vendent le superflu dans les villes et dans les campagnes, et ils suffisent presque seuls à fournir les boucheries. Ils prennent en retour des armes, des habits, de l'argent et des grains. Leurs femmes filent des laines, et font des tapis dont l'usage existe dans ces contrées de temps immémorial, et par-là indique l'existence d'un état toujours le même. Quant aux hommes, toute leur occupation est de fumer la pipe et de veiller à la conduite des troupeaux: sans cesse à cheval, la lance sur l'épaule, le sabre courbe au côté, le pistolet à la ceinture, ils sont cavaliers vigoureux et soldats infatigables. Souvent ils ont des discussions avec les Turks, qui les redoutent; mais comme ils sont divisés entre eux de camp à camp, ils ne prennent pas la supériorité que leur assureraient leurs forces réunies. On peut compter environ 30,000 Turkmans errants dans le pachalic d'Alep et celui de Damas, qui sont les seuls qu'ils fréquentent dans la Syrie. Une grande partie de ces tribus passe en été dans l'Arménie et la Caramanie, où elle trouve des herbes plus abondantes, et revient l'hiver dans ses quartiers accoutumés. Les Turkmans sont censés musulmans, et ils en portent assez communément le signe principal, la circoncision. Mais les soins de religion les occupent peu, et ils n'ont ni les cérémonies ni le fanatisme des peuples sédentaires. Quant à leurs mœurs, il faudrait avoir vécu parmi eux pour en parler sciemment. Seulement ils ont la réputation de n'être point voleurs comme les Arabes, quoiqu'ils ne soient ni moins généreux qu'eux ni moins hospitaliers; et quand on considère qu'ils sont aisés sans être riches, exercés par la guerre, et endurcis par les fatigues et l'adversité, on juge que ces circonstances doivent éloigner d'eux la corruption des habitants des villes et l'avilissement de ceux des campagnes.
§ II.
Des Kourdes
Les Kourdes sont un autre corps de nation dont les tribus divisées se sont également répandues dans la basse Asie, et ont pris surtout depuis cent ans, une assez grande extension. Leur pays originel est la chaîne des montagnes d'où partent les divers rameaux du Tigre, laquelle enveloppant le cours supérieur du grand Zab, passe au midi jusqu'aux frontières de l'Irak-Adjami ou Persan200. Dans la géographie moderne, ce pays est désigné sous le nom de Kourd-estan. Il est très-fertile en grains, en lin, en sésame, en riz, en excellents pâturages, en noix de galle et même en soie. L'on y recueille un gland doux, long de 2 ou 3 pouces, dont on fait une espèce de pain. Les plus anciennes traditions et histoires de l'Orient en ont fait mention, et y ont placé le théâtre de plusieurs événements mythologiques. Le Chaldéen Bérose, et l'Arménien Mariaba, cités par Moïse de Chorène, rapportent que ce fut dans les monts Gord-ouées201 qu'aborda Xisuthrus, échappé du déluge; et les circonstances de position qu'ils ajoutent, prouvent l'identité, d'ailleurs sensible, de Gord et Kourd. Ce sont ces mêmes Kourdes que Xénophon cite sous le nom de Kard-uques, qui s'opposèrent à la retraite des 10,000. Cet historien observe que, quoique enclavés de toutes parts dans l'empire des Perses, ils avaient toujours bravé la puissance du grand roi, et les armes de ses satrapes. Ils ont peu changé dans leur état moderne; et quoiqu'en apparence tributaires des Ottomans, ils portent peu de respect aux ordres du grand-seigneur et de ses pachas. Niebuhr, qui passa en 1769 dans ces cantons, rapporte qu'ils observent dans leurs montagnes une espèce de gouvernement féodal qui me paraît semblable à ce que nous verrons chez les Druzes. Chaque village a son chef; toute la nation est partagée en trois factions principales et indépendantes. Les brouilleries naturelles à cet état d'anarchie ont séparé de la nation un grand nombre de tribus et de familles, qui ont pris la vie errante des Turkmans et des Arabes. Elles se sont répandues dans le Diarbekr, dans les plaines d'Arzroum, d'Érivan, de Sivas, d'Alep et de Damas: on estime que toutes leurs peuplades réunies passent 140,000 tentes, c'est-à-dire, 140,000 hommes armés. Comme les Turkmans, ces Kourdes sont pasteurs et vagabonds; mais ils en diffèrent par quelques points de mœurs. Les Turkmans dotent leurs filles pour les marier: les Kourdes ne les livrent qu'à prix d'argent. Les Turkmans ne font aucun cas de cette ancienneté d'extraction qu'on appelle noblesse: les Kourdes la prisent par-dessus tout. Les Turkmans ne volent point: les Kourdes passent presque partout pour des brigands. On les redoute à ce titre dans le pays d'Alep et d'Antioche, où ils occupent, sous le nom de Bagdachlié, les montagnes à l'est de Beilam, jusque vers Klés. Dans ce pachalic et dans celui de Damas, leur nombre passe 20,000 tentes et cabanes, car ils ont aussi des habitations sédentaires; ils sont censés musulmans, mais ils ne s'occupent ni de dogmes ni de rites. Plusieurs parmi eux, distingués par le nom de Yazdié, honorent le Chaitân ou Satan, c'est-à-dire, le génie ennemi (de Dieu): cette idée, conservée surtout dans le Diarbekr et sur les frontières de la Perse, est une trace de l'ancien système des deux principes du bien et du mal, qui, sous des formes tour à tour persanes, juives, chrétiennes et musulmanes, n'a cessé de régner dans ces contrées. L'on a coutume de regarder Zoroastre comme son premier auteur; mais long-temps avant ce prophète, l'Égypte connaissait Ormuzd et Ahrimane sous les noms d'Osiris et de Typhon. On a tort également de croire que ce système ne fut répandu qu'au temps de Darius, fils d'Hystaspe, puisque Zoroastre, qui en fut l'apôtre, vécut en Médie dans un temps parallèle au règne de Salomon.
La langue, qui est le principal indice de fraternité des peuples, a chez les Kourdes quelques diversités de dialecte, mais le fond en est persan, mêlé de quelques mots arabes et chaldéens. Leurs lettres alphabétiques sont purement persanes; la propagande en a fait imprimer à Rome un vocabulaire composé par Maurice Garzoni, qui fournit des renseignements satisfaisants sur cet objet. Il est à désirer que les gouvernements encouragent cette branche de recherches. Depuis quelque temps le docteur Pallas a publié un grand nombre de vocabulaires comparés: malheureusement ils sont en caractères russes, et il est difficile de croire que la nation russe amène toute l'Europe à admettre ses caractères, de préférence aux romains.
J'ignore ce qui se passe à cet égard dans la haute Égypte: quant au Delta, il paraît que quelquefois il reçoit des nuages et du tonnerre de la mer Rouge. Le jour que je quittai le Kaire (26 septembre 1783), à la nuit tombante, il parut un orage dans le sud-est qui bientôt donna plusieurs coups de tonnerre, et finit par une grêle violente de la grosseur des pois ronds de la plus forte espèce. Elle dura 10 à 12 minutes, et nous eûmes le temps, mes compagnons de voyage et moi, d'en ramasser dans le bateau assez pour en remplir deux grands verres, et dire que nous avons bu à la glace en Égypte. Il est d'ailleurs bon d'observer que c'était l'époque où la mousson de sud commence sur la mer Rouge.
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Niebuhr a également observé à Moka et à Bombai que les orages venaient toujours de la mer.
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Il semble aussi que les étoiles volantes sont une combinaison particulière de la matière du feu. Les Maronites de Mar-Elias m'ont assuré qu'une de ces étoiles tombée il y a 3 ans sur deux mulets du couvent, les tua en faisant un bruit semblable à un coup de pistolet, sans laisser plus de traces que le tonnerre.
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Alexandrette et Beilan qui en est voisin, parlent turk; mais on peut les regarder comme frontières de la Caramanie, où le turk est la langue vulgaire.
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Adjam est le nom des Perses en arabe. Les Grecs l'ont connu et exprimé par achemen-ides.
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Strabon, liv. II, dit que le Niphate et sa chaîne sont dits Gordonæi.
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