Kitabı oku: «Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 1», sayfa 4
Cette révolution a été l'ouvrage d'une quatrième et dernière race, dont il nous reste à parler. Ses individus, nés tous au pied du Caucase, se distinguent des autres habitans par la couleur blonde de leurs cheveux, étrangère aux naturels de l'Égypte. C'est cette espèce d'hommes que nos croisés y trouvèrent dans le treizième siècle, et qu'ils appelèrent Mamelus, ou plus correctement Mamlouks. Après avoir demeuré presque anéantis pendant deux cent trente ans sous la domination des Ottomans, ils ont trouvé moyen de reprendre leur prépondérance. L'histoire de cette milice, les faits qui l'amenèrent pour la première fois en Égypte, la manière dont elle s'y est perpétuée et rétablie, enfin son genre de gouvernement, sont des phénomènes politiques si bizarres, qu'il est nécessaire de donner quelques pages à leur développement.
CHAPITRE II.
Précis de l'histoire des Mamlouks
LES Grecs de Constantinople, avilis par un gouvernement despotique et bigot, avaient vu, dans le cours du septième siècle, les plus belles provinces de leur empire devenir la proie d'un peuple nouveau. Les Arabes, exaltés par le fanatisme de Mahomet, et plus encore par le délire de jouissances jusqu'alors inconnues, avaient conquis, en quatre-vingts ans, tout le nord de l'Afrique jusqu'aux Canaries, et tout le midi de l'Asie jusqu'à l'Indus et aux déserts tartares. Mais le livre du prophète, qui enseignait la méthode des ablutions, des jeûnes et des prières, n'avait point appris la science de la législation, ni ces principes de la morale naturelle, qui sont la base des empires et des sociétés. Les Arabes savaient vaincre et nullement gouverner: aussi l'édifice informe de leur puissance ne tarda-t-il pas de s'écrouler. Le vaste empire des kalifes, passé du despotisme à l'anarchie, se démembra de toutes parts. Les gouverneurs temporels, désabusés de la sainteté de leur chef spirituel, s'érigèrent partout en souverains, et formèrent des états indépendants. L'Égypte ne fut pas la dernière à suivre cet exemple; mais ce ne fut qu'en 96967 qu'il s'y établit une puissance régulière, dont les princes, sous le nom de kalifes fâtmîtes, disputèrent à ceux de Bagdâd jusqu'au titre de leur dignité. Ces derniers, à cette époque, privés de leur autorité par la milice turkmane, n'étaient plus capables de réprimer ces prétentions. Ainsi les kalifes d'Égypte restèrent maîtres paisibles de ce riche pays, et ils en eussent pu former un état puissant. Mais toute l'histoire des Arabes s'accorde à prouver que cette nation n'a jamais connu la science du gouvernement. Les souverains d'Égypte, despotes comme ceux de Bagdâd, marchèrent par les mêmes routes à la même destinée. Ils se mêlèrent de querelles de sectes, ils en firent même de nouvelles, et persécutèrent pour avoir des prosélytes. L'un d'eux, nommé Hâkem-b'amr-ellâh68, eut l'extravagance de se faire reconnaître pour dieu incarné, et la barbarie de mettre le feu au Kaire pour se désennuyer. D'autres dissipèrent les fonds publics par un luxe bizarre. Le peuple foulé les prit en aversion; et leurs courtisans, enhardis par leur faiblesse, aspirèrent à les dépouiller. Tel fut le cas d'Adhad-el-dîn, dernier rejeton de cette race. Après une invasion des croisés, qui lui avaient imposé un tribut, un de ses généraux, déposé, le menaça de lui enlever un pouvoir dont il se montrait peu digne. Se sentant incapable de résister par lui-même, et sans espoir dans sa nation qu'il avait aliénée, il eut recours aux étrangers. En vain le raisonnement et l'expérience de tous les temps lui dictaient que ces étrangers, dépositaires de sa personne, en seraient aussi les maîtres; une première imprudence en nécessita une seconde: il appela une race de Turkmans et de Kourdes qui s'étaient fait un état dans le nord de la Syrie, et il implora Nour-el-dîn, souverain d'Alep, qui dévorant déja l'Égypte, se hâta d'y envoyer une armée. Elle délivra effectivement Adhad du tribut des Francs et des prétentions de son général; mais le kalife ne fit que changer d'ennemis: on ne lui laissa que l'ombre de la puissance; et Selâh-el-dîn, qui prit, en 1171, le commandement des troupes, finit par le faire étrangler. C'est ainsi que les Arabes d'Égypte furent assujettis à des étrangers, dont les princes commencèrent une nouvelle dynastie dans la personne de Selâh-el-dîn.
Pendant que ces choses se passaient en Égypte, pendant que les croisés d'Europe se faisaient chasser de Syrie pour leurs désordres, des mouvements extraordinaires préparaient d'autres révolutions dans la haute Asie. Djenkiz-Kan, devenu seul chef de presque toutes les hordes tartares, n'attendait que le moment d'envahir les états voisins: une insulte faite à des marchands sous sa protection, détermina sa marche contre le sultan de Balk et l'orient de la Perse. Alors, c'est-à-dire vers 1218, ces contrées devinrent le théâtre d'une des plus sanglantes calamités dont l'histoire des conquérants fasse mention. Les Mogols, le fer et la flamme à la main, pillant, égorgeant, brûlant, sans distinction d'âge ni de sexe, réduisirent tout le pays du Sihoun au Tigre en un désert de cendres et d'ossements. Ayant passé au nord de la Caspienne, ils poussèrent leurs ravages jusque dans la Russie et le Cuban. Ce fut cette expédition, arrivée en 1227, dont les suites introduisirent les Mamlouks en Égypte. Les Tartares, las d'égorger, avaient ramené une foule de jeunes esclaves des deux sexes; leurs camps et les marchés de l'Asie en étaient remplis. Les successeurs de Selâh-el-dîn, qui, à titre de Turkmans, conservaient des correspondances vers la Caspienne, virent dans cette rencontre une occasion de se former à bon marché une milice dont ils connaissaient la beauté et le courage. Vers l'an 1230, l'un d'eux fit acheter jusqu'à 12,000 jeunes gens qui se trouvèrent Tcherkâsses, Mingreliens et Abazans. Il les fit élever dans les exercices militaires, et en peu de temps il eut une légion des plus beaux et des meilleurs soldats de l'Asie, mais aussi des plus mutins, comme il ne tarda pas de l'éprouver. Bientôt cette milice, semblable aux gardes prétoriennes, lui fit la loi. Elle fut encore plus audacieuse sous son successeur, qu'elle déposa. Enfin, en 1250, peu après le désastre de saint Louis, ces soldats tuèrent le dernier prince turkman, et lui substituèrent un de leurs chefs, avec le titre de sultan69, en gardant pour eux celui de Mamlouks, qui signifie un esclave militaire70.
Telle est cette milice d'esclaves devenus despotes, qui depuis plusieurs siècles régit les destins de l'Égypte. Dès l'origine, les effets répondirent aux moyens: sans contrat social entre eux que l'intérêt du moment, sans droit public avec la nation que celui de la conquête, les Mamlouks n'eurent pour règle de conduite et de gouvernement que la violence d'une soldatesque effrenée et grossière. Le premier chef qu'ils élurent, ayant occupé cet esprit turbulent à la conquête de la Syrie, il obtint un règne de 17 ans; mais depuis lui pas un seul n'est parvenu à ce terme. Le fer, le cordon, le poison, le meurtre public ou l'assassinat privé, ont été le sort d'une suite de tyrans, dont on compte 47 dans une espace de 257 ans. Enfin, en 1517, Sélim, sultan des Ottomans, ayant pris et fait pendre Toumâm-bek, leur dernier chef, mit fin à cette dynastie71.
Selon les principes de la politique turke, Sélim devait exterminer tout le corps des Mamlouks; mais une vue plus raffinée le fit pour cette fois déroger à l'usage. Il sentit, en établissant un pacha dans l'Égypte, que l'éloignement de la capitale deviendrait une grande tentation de révolte, s'il lui confiait la même autorité que dans les autres provinces. Pour parer à cet inconvénient, il combina une forme d'administration telle, que les pouvoirs, partagés entre plusieurs corps, gardassent un équilibre qui les tînt tous dans sa dépendance: la portion des Mamlouks échappés à son premier massacre lui parut propre à ce dessein. Il établit donc un diouân, ou conseil de régence, qui fut composé du pacha et des chefs des 7 corps militaires. L'office du pacha fut de notifier à ce conseil les ordres de la Porte, de faire passer le tribut, de veiller à la sûreté du pays contre les ennemis extérieurs, de s'opposer à l'agrandissement des divers partis; de leur côté, les membres du conseil eurent le droit de rejeter les ordres du pacha, en motivant les refus; de le déposer même, et de ratifier toutes les ordonnances civiles ou politiques. Quant aux Mamlouks, il fut arrêté qu'on prendrait parmi eux les 24 gouverneurs ou beks des provinces: on leur confia le soin de contenir les Arabes, de veiller à la perception des tributs et à toute la police intérieure; mais leur autorité fut purement passive, et ils ne durent être que les instruments des volontés du conseil. L'un d'eux, résidant au Kaire, eut le titre de chaik-el-beled72, qu'on doit traduire par gouverneur de la ville, dans un sens purement civil, c'est-à-dire, sans aucun pouvoir militaire.
Le sultan établit aussi des tributs, dont une partie fut destinée à soudoyer 20,000 hommes de pied et un corps de 12,000 cavaliers, résidants sur le pays: l'autre, à procurer à la Mekke et à Médine des provisions de blé dont elles manquent; et la troisième, à grossir le kazné ou trésor de Constantinople, et à soutenir le luxe du sérail. Du reste, le peuple, qui devait subvenir à ces dépenses, ne fut compté, comme l'a très-bien observé Savary, que comme un agent passif, et resta soumis comme auparavant à toute la rigueur d'un despotisme militaire.
Cette forme de gouvernement n'a pas mal répondu aux intentions de Sélim, puisqu'elle a duré plus de 2 siècles; mais depuis 50 ans, la Porte s'étant relâchée de sa vigilance, il s'est introduit des nouveautés dont l'effet a été de multiplier les Mamlouks; de reporter en leurs mains les richesses et le crédit, et enfin, de leur donner sur les Ottomans un ascendant qui a réduit à peu de chose le pouvoir de ceux-ci. Pour concevoir cette révolution, il faut connaître par quels moyens les Mamlouks se sont perpétués et multipliés en Égypte.
En les voyant subsister en ce pays depuis plusieurs siècles, on croirait qu'ils s'y sont reproduits par la voie ordinaire de la génération; mais si leur premier établissement fut un fait singulier, leur perpétuation en est un autre qui n'est pas moins bizarre. Depuis 550 ans qu'il y a des Mamlouks en Égypte, pas un seul n'a donné lignée subsistante; il n'en existe pas une famille à la seconde génération: tous leurs enfants périssent dans le premier ou le second âge. Les Ottomans sont presque dans le même cas, et l'on observe qu'ils ne s'en garantissent qu'en épousant des femmes indigènes, ce que les Mamlouks ont toujours dédaigné73. Qu'on explique pourquoi des hommes bien constitués, mariés à des femmes saines, ne peuvent naturaliser sur les bords du Nil un sang formé aux pieds du Caucase, et qu'on se rappelle que les plantes d'Europe refusent également d'y maintenir leur espèce; on pourra hésiter de croire ce double phénomène; mais il n'en est pas moins constant, et il ne paraît pas nouveau; les anciens ont des observations qui y sont analogues: ainsi, lorsque Hippocrate74 dit que chez les Scythes et les Égyptiens, tous les individus se ressemblent, et que ces deux nations ne ressemblent à aucune autre; lorsqu'il ajoute que dans le pays de ces deux peuples, le climat, les saisons, les éléments et le terrain ont une uniformité qu'ils n'ont point ailleurs, n'est-ce pas reconnaître cette espèce d'intolérance dont je parle? Quand de tels pays impriment un caractère si particulier à ce qui leur appartient, n'est-ce pas une raison de repousser tout ce qui leur est étranger? Il semble alors que le seul moyen de naturalisation pour les animaux et pour les plantes, est de se ménager une affinité avec le climat, en s'alliant aux espèces indigènes; et les Mamlouks, ainsi que je l'ai dit, s'y sont refusés. Le moyen qui les a perpétués et multipliés est donc le même qui les y a établis; c'est-à-dire qu'ils se sont régénérés par des esclaves transportés de leur pays originel. Depuis les Mogols, ce commerce n'a pas cessé sur les bords du Kuban et du Phase75; comme en Afrique, il s'y entretient, et par les guerres que se font les nombreuses peuplades de ces contrées, et par la misère des habitants qui vendent leurs propres enfants pour vivre. Ces esclaves des deux sexes, transportés d'abord à Constantinople, sont ensuite répandus dans tout l'empire, où ils sont achetés par les gens riches. Les Turks, en s'emparant de l'Égypte, auraient dû sans doute y prohiber cette dangereuse marchandise: ne l'ayant pas fait, ils se sont attiré le revers qui aujourd'hui les dépossède; ce revers a été préparé de longue main par plusieurs abus. Depuis long-temps la Porte négligeait les affaires de cette province. Pour contenir les pachas, elle avait laissé le divan étendre son pouvoir, et les chefs des janissaires et des azâbs étaient devenus tout-puissants. Les soldats eux-mêmes, devenus citoyens par les mariages qu'ils avaient contractés, n'étaient plus les créatures de Constantinople. Un changement arrivé dans la discipline avait aggravé le désordre. Dans l'origine, les sept corps militaires avaient des caisses communes; et quoique la société fût riche, les particuliers, ne disposant de rien, ne pouvaient rien. Les chefs, que cette disposition gênait, eurent le crédit de la faire abolir, et ils obtinrent la permission de posséder des propriétés foncières, des terres et des villages. Or, comme ces terres et ces villages dépendaient des gouverneurs mamlouks, il fallut les ménager, pour qu'ils ne les grevassent point. De ce moment, les beks acquirent une influence sur les gens de guerre, qui jusqu'alors les avaient dédaignés; et cette influence devint d'autant plus grande, que leur gestion leur procurait des richesses considérables: ils les employèrent à se faire des amis et des créatures; ils multiplièrent leurs esclaves, et après les avoir affranchis, ils les poussèrent de tout leur crédit aux grades de la milice et du gouvernement. Ces parvenus conservant pour leurs patrons un respect que l'usage de l'Orient consacre, ils leur formèrent des factions dévouées à toutes leurs volontés. Telle fut la marche par laquelle Ybrahim, l'un des kiâyas76 ou colonels vétérans des janissaires, parvint vers 1746 à se saisir de tous les pouvoirs: il avait tellement multiplié et avancé ses affranchis, que sur les 24 beks que l'on devait compter, il y en avait 8 de sa maison. Il en retirait une prépondérance d'autant plus certaine, que le pacha laissait toujours des places vacantes pour en percevoir les émoluments. D'autre part, ses largesses lui avaient attaché les officiers et les soldats de son corps. Enfin l'association de Rodoan, le plus accrédité des colonels azâbs, mettait le sceau à sa puissance. Le pacha, maîtrisé par cette faction, ne fut plus qu'un fantôme, et les ordres du sultan s'évanouirent devant ceux d'Ybrahim. A sa mort, arrivée en 1757, sa maison, c'est-à-dire ses affranchis, divisés entre eux, mais réunis contre les autres, continuèrent de faire la loi. Rodoan, qui avait succédé à son collègue, ayant été chassé et tué par une cabale de jeunes beks, on vit divers commandants se succéder dans un assez court espace. Enfin, vers 1766, un des principaux acteurs des troubles, Ali-bek, qui pendant plusieurs années a fixé l'attention de l'Europe, prit un ascendant décidé sur ses rivaux, et sous le titre d'émir-hadj et de chaik-el-beled, parvint à s'arroger toute la puissance. L'histoire des Mamlouks étant liée à la sienne, nous allons continuer l'une en exposant l'autre.
CHAPITRE III.
Précis de l'histoire d'Ali-Bek 77
LA naissance d'Ali-bek est soumise aux mêmes incertitudes que celle de la plupart des Mamlouks. Vendus en bas âge par leurs parents, ou enlevés par des ennemis, ces enfants conservent peu le souvenir de leur origine et de leur patrie, souvent même ils les cèlent. L'opinion là plus accréditée sur Ali est qu'il naquit parmi les Abazans, l'un des peuples qui habitent le Caucase, et dont les esclaves sont les plus recherchés78. Les marchands qui font ce commerce le transportèrent, dans l'une de leurs cargaisons annuelles, au Kaire: il y fut acheté par les frères Isaac et Yousef, juifs douaniers, qui en firent présent à Ybrahim Kiâya. On estime qu'il pouvait avoir alors 12 à 14 ans; mais les Orientaux, tant musulmans que chrétiens, ne tenant point de registres de naissance, on ne sait jamais leur âge précis. Ali, chez son nouveau patron, remplit les fonctions des Mamlouks, qui sont presque en tout celles des pages chez les princes. Il reçut l'éducation d'usage, qui consiste à bien manier un cheval, à tirer la carabine et le pistolet, à lancer le djerid, à frapper du sabre, et même un peu, à lire et à écrire. Dans tous ces exercices, il montra une pétulance qui lui valut le surnom turk de djendâli, c'est-à-dire, fou. Mais les soucis de l'ambition parvinrent à le calmer. Vers l'âge de 18 à 20 ans, son patron lui laissa croître la barbe, c'est-à-dire, qu'il l'affranchit; car chez les Turks un visage sans moustaches et sans barbe n'appartient qu'aux esclaves et aux femmes, et de là cette impression défavorable qu'ils reçoivent du premier aspect de tout Européen. En l'affranchissant, Ybrahim lui donna une femme, des revenus, et le promut au grade de kâchef ou gouverneur de district; enfin il le mit au rang des 24 beks. Ces divers grades, le crédit et les richesses qu'il y acquit, éveillèrent l'ambition d'Ali-bek. La mort de son patron, arrivée en 1757, ouvrit à ses projets une libre carrière. Il se mêla dans toutes les intrigues qui se firent pour élever ou supplanter les commandants. Rodoan Kiâya lui dut sa ruine. Après Rodoan, diverses factions portèrent tour à tour leurs chefs à sa place. Celui qui l'occupait en 1762, était Abd-el-Rahmân, peu puissant par lui-même, mais soutenu par plusieurs maisons confédérées. Ali était alors chaik-el-beled; il saisit le moment qu'Abd-el-Rahmân conduisait la caravane de la Mekke, pour le faire exiler; mais lui-même eut bientôt son tour, et fut condamné à passer à Gaze. Gaze, dépendant d'un pacha turk, n'était point un lieu assez agréable ni assez sûr pour qu'il acceptât cet exil; aussi n'en prit-il la route que par feinte, et dès le troisième jour il tourna vers Saïd, où il fut rejoint par ses partisans. Ce fut à Djirdjé qu'un séjour de 2 ans mûrit sa tête, et qu'il prépara les moyens d'obtenir et d'assurer le pouvoir qu'il ambitionnait. Les amis que son argent lui fit au Kaire l'ayant enfin rappelé en 1766, il parut subitement dans cette ville, et en une seule nuit il tua 4 beks de ses ennemis, en exila 4 autres, et se trouva désormais chef du parti le plus nombreux. Devenu dépositaire de toute l'autorité, il résolut de l'employer à s'agrandir encore davantage. Son ambition ne se borna plus au simple titre de commandant ni de quaiem-maquam. La suzeraineté de Constantinople offensa son orgueil, et il n'aspira pas moins qu'au titre de sultan d'Égypte. Toutes ses démarches furent relatives à ce but: il chassa le pacha, qui n'était plus qu'un être de représentation; il refusa le tribut accoutumé; enfin, en 1768, il battit monnaie à son propre coin79. La Porte ne vit pas sans indignation ces atteintes à son autorité; mais pour les réprimer il eût fallu une guerre ouverte, et les circonstances n'étaient pas favorables. L'Arabe Dâher, établi dans Acre, tenait en échec la Syrie; et le divan de Constantinople, occupé des affaires de la Pologne et des prétentions des Russes, n'avait d'attention que pour le Nord. On tenta la voie usitée des capidjis; mais le poison ou le poignard surent toujours prévenir le cordon qu'ils portaient. Ali-bek, profitant des circonstances, poussa de plus en plus ses entreprises et ses succès. Depuis plusieurs années, une partie du Saïd était occupée par des chaiks arabes peu soumis. L'un d'eux, nommé Hammâm, y formait une puissance capable d'inquiéter. Ali commença par se délivrer de ce souci, et sous prétexte que ce chaik recélait un dépôt confié par Ybrahim Kiâya, et qu'il accueillait des rebelles, il envoya contre lui, en 1769, un corps, de Mamlouks commandé par son favori Mohammad-bek qui détruisit en une seule journée Hammâm et sa puissance.
La fin de cette même année vit une autre expédition dont les suites devaient rejaillir jusque sur l'Europe. Ali-bek arma des vaisseaux à Suez, et les chargeant de Mamlouks, il ordonna au bek Hasan d'aller occuper Djedda, port de la Mekke, pendant qu'un corps de cavalerie, sous la conduite de Mohammad-bek, marcha par terre à la Mekke même, qui fut prise sans coup férir et livrée au pillage. Son dessein était de faire de Djedda l'entrepôt du commerce de l'Inde; et ce projet suggéré par un jeune négociant vénitien80 admis à sa confiance, devait faire abandonner le trajet par le cap de Bonne-Espérance, et lui substituer l'ancienne route de la Méditerranée et de la mer Rouge. Mais, sans parler du revers qui termina cette entreprise81, la suite des faits a prouvé qu'on s'était trop pressé, et qu'avant d'introduire l'or dans un pays, il faut y établir des lois.
Cependant Ali-bek, vainqueur d'un chaik du Saïd, et du chérif de la Mekke, se crut fait désormais pour commander au monde entier. Ses courtisans lui dirent qu'il était aussi puissant que le sultan de Constantinople, et il le crut comme ses courtisans. Un peu de raisonnement lui eût démontré que la proportion de l'Égypte au reste de l'empire n'en fait qu'un bien petit état, et que 7 ou 8,000 cavaliers qu'il commandait étaient peu de chose en comparaison de 100,000 janissaires dont le sultan pouvait disposer; mais les Mamlouks ne savent point de géographie; et Ali, qui voyait l'Égypte de près, la trouvait plus grande que la Turkie qu'il voyait de loin. Il résolut donc de commencer le cours de ses conquêtes. La Syrie, qui était à sa porte, fut naturellement la première qu'il se proposa: tout favorisait ses vues. La guerre des Russes, ouverte en 1769, occupait toutes les forces des Turks dans le Nord. Le chaik Dâher, révolté, était un allié puissant et fidèle; enfin les concussions du pacha de Damas, en disposant les esprits à la révolte, offraient la plus belle occasion d'envahir son gouvernement, et de mériter le titre de libérateur des peuples. Ali saisit très-bien cet ensemble, et il ne différa de se mettre en mouvement, qu'autant que l'exigeaient les préparatifs nécessaires. Toutes les mesures étant prises, il publia, en décembre 1770, un manifeste contre Osman, pacha de Damas, et il envoya 500 Mamlouks occuper Gaze, pour s'assurer l'entrée de la Palestine. Osman n'apprit pas plus tôt l'invasion, qu'il accourut. Les Mamlouks, effrayés de sa diligence et du nombre de ses troupes, se tinrent, la bride en main, prêts à fuir au premier signal; mais Dâher, l'homme le plus diligent qu'ait vu depuis long-temps la Syrie, Dâher accourut d'Acre, et les tira d'embarras. Osman, campé près de Yâfa, prit la fuite sans rendre de combat. Dâher occupa Yâfa, Ramlé et toute la Palestine, et la route resta ouverte à la grande armée qu'on attendait.
Elle arriva sur la fin de février 1771: les gazettes du temps, qui comptèrent 60,000 hommes, ont fait croire en Europe que c'était une armée semblable à celles de Russie ou d'Allemagne; mais les Turks, et surtout ceux de l'Asie, diffèrent encore plus des Européens par l'état militaire que par les usages et les mœurs. Il s'en faut beaucoup que 60,000 hommes, chez eux, soient 60,000 soldats comme les nôtres. L'armée dont il s'agit en est un exemple: elle pouvait monter réellement à 40,000 têtes qu'il faut classer comme il suit; savoir, 5,000 Mamlouks, tous à cheval, et c'était là véritablement l'armée; environ 1,500 Barbaresques à pied, et pas d'autre infanterie. Les Turks n'en connaissent pas; chez eux, l'homme à cheval est tout. En outre, chaque Mamlouk ayant à sa suite deux valets à pied armés d'un bâton, il en résulte 10,000 valets; plus, un excédant de valets et de serrâdjs ou valets à cheval pour les beks et kâchefs, évalué 2,000, et tout le reste vivandiers et goujats: voilà cette armée, telle que me l'ont dépeinte en Palestine des personnes qui l'ont vue et suivie. Elle était commandée par le favori d'Ali-bek, Mohammad-bek, surnommé Aboudâhâb, ou père de l'or, à raison du luxe de sa tente et de ses harnais. Quant à l'ordre et à la discipline, il n'en faut pas faire mention. Les armées des Mamlouks et des Turks ne sont qu'un amas confus de cavaliers sans uniformes, de chevaux de toute taille et de toutes couleurs, marchant sans observer ni rangs, ni distributions. Cette foule s'achemina vers Acre, laissant sur son passage les traces de son indiscipline et de sa rapacité: là se fit la réunion des troupes du chaik Dâher, qui consistaient en 1,500 Safadiens82 à cheval, commandés par son fils Ali; en 1,200 cavaliers Mottouâlis, ayant pour chef le chaik Nâsif, et à peu près 1,000 Barbaresques à pied. Cette réunion opérée, et le plan concerté, l'on marcha vers Damas dans le courant d'avril. Osman, qui avait eu le loisir de se préparer, avait de son côté rassemblé une armée nombreuse et aussi mal ordonnée. Les pachas de Saïd83, de Tripoli et d'Alep s'étaient joints à lui, et ils attendaient l'ennemi sous les murs mêmes de Damas. Il ne faut pas s'imaginer ici des mouvements combinés, tels que ceux qui, depuis 100 ans, ont fait de la guerre parmi nous une science de calcul et de réflexion. Les Asiatiques n'ont pas les premiers éléments de cette conduite. Leurs armées sont des cohues, leurs marches des pillages, leurs campagnes des incursions, leurs batailles des batteries; le plus fort ou le plus hardi va chercher l'autre, qui souvent fuit sans combat; s'il attend de pied ferme, on s'aborde, on se mêle; on tire les carabines, on rompt des lances, on se taille à coups de sabre; on n'a presque jamais de canon, et lorsqu'il y en a, il est de peu de service. La terreur se répand souvent sans raison: un parti fuit; l'autre le presse, et crie victoire. Le vaincu subit la loi du vainqueur, et souvent la campagne finit avec la bataille.
Tel fut en partie ce qui se passa en Syrie en 1771. L'armée d'Ali-bek et de Dâher marcha contre Damas. Les pachas l'attendirent; on s'approcha, et le 6 juin on en vint à une affaire décisive: les Mamlouks et les Safadiens fondirent avec tant de fureur sur les Turks, que ceux-ci, épouvantés du carnage, prirent la fuite; les pachas ne furent pas les derniers à se sauver; les alliés, maîtres du terrain, s'emparèrent sans effort de la ville qui n'avait ni soldats ni murs. Le château seul résista. Ses murailles ruinées n'avaient pas un canon, encore moins de canonniers; mais il y avait un fossé marécageux, et derrière les ruines quelques fusiliers; et cela suffit pour arrêter cette armée de cavaliers: cependant, comme les assiégés étaient vaincus par l'opinion, ils capitulèrent le troisième jour, et la place devait être livrée le lendemain, lorsque le point du jour amena la plus étrange des révolutions. Au moment que l'on attendait le signal de la reddition, Mohammad fait tout à coup crier la retraite, et tous ses cavaliers tournent vers l'Égypte. En vain Ali-Dâher et Nâsif surpris, accourent et demandent la cause d'un retour si incroyable: le Mamlouk ne répond à leurs instances que par une menace hautaine, et tout décampe en confusion. Ce ne fut pas une retraite, mais une fuite; on eût dit que l'ennemi les chassait l'épée dans les reins; la route de Damas au Kaire fut couverte de piétons, de cavaliers épars, de munitions et de bagages abandonnés. On attribua dans le temps cette aventure bizarre à un prétendu bruit de la mort d'Ali-bek; mais le vrai nœud de l'énigme fut une conférence secrète qui se passa de nuit dans la tente de Mohammad-bek. Osman ayant vu que la force était sans succès, employa la séduction. Il trouva moyen d'introduire chez le général égyptien un agent délié qui, sous prétexte de traiter de pacification, tenta de semer la révolte et la discorde. Il insinua à Mohammad que le rôle qu'il jouait était aussi peu convenable à son honneur qu'à sa sûreté; qu'il se trompait s'il croyait que le sultan dût laisser impunies les saillies d'Ali-bek; que c'était un sacrilége de violer une ville sainte comme Damas, l'une des deux portes de la Kîabé84; qu'il s'étonnait que lui Mohammad préférât à la faveur du sultan celle d'un de ses esclaves, et qu'il plaçât un second maître entre son souverain et lui; que d'ailleurs on savait que ce maître, en l'exposant chaque jour à de nouveaux dangers, le sacrifiait, et à son ambition personnelle, et à la jalousie de son kiâya, le Copte Rezq. Ces raisons, et surtout ces deux dernières, qui portaient sur des faits connus, frappèrent vivement Mohammad et ses beks: aussitôt ils délibérèrent, et se lièrent par serment sur le sabre et le Qôran; ils décidèrent qu'on partirait sans délai pour le Kaire. Ce fut en conséquence de ce dessein qu'ils décampèrent si brusquement, en abandonnant leur conquête: ils marchèrent avec tant de précipitation, que le bruit de leur arrivée ne les précéda au Kaire que de six heures. Ali-bek en fut épouvanté, et il eût désiré de punir sur-le-champ son général; mais Mohammad parut si bien accompagné, qu'il n'y eut pas moyen de rien tenter contre sa personne: il fallut dissimuler, et Ali-bek s'y soumit d'autant plus aisément, qu'il devait sa fortune bien plus encore à cet art qu'à son courage.
Privé tout à coup des fruits d'une guerre dispendieuse, Ali-bek ne renonça pas à ses projets. Il continua d'envoyer des secours à son allié Dâher, et il prépara une seconde armée pour l'année 1772; mais la fortune, lasse de faire pour lui plus que sa prudence, cessa de le favoriser. Un premier revers fut la perte de plusieurs cayâsses ou bateaux qu'un corsaire russe enleva à la vue de Damiât, au moment qu'ils portaient des riz à Dâher; mais un autre accident bien plus grave, fut l'évasion de Mohammad-bek. Ali-bek avait de la peine à oublier l'affaire de Damas; néanmoins, par un reste de cet amour que l'on a pour ceux à qui l'on a fait du bien, il ne pouvait se décider à un coup violent, quand un propos glissé par le négociant vénitien qui jouissait de sa confiance, vint l'y déterminer. «Les sultans des Francs,» disait un jour Ali-bek à cet Européen, de qui je le tiens, «les sultans des Francs ont-ils des enfants aussi riches que mon fils Mohammad? Non, seigneur, lui répondit le courtisan: ils s'en donnent bien de garde; car ils prétendent que les enfants trop grands sont souvent pressés d'hériter de leurs pères.» Ce mot pénétra comme un trait dans le cœur d'Ali-bek. De ce moment il vit dans Mohammad un rival dangereux, et il résolut sa perte. Pour l'effectuer sans risques, il envoya d'abord un ordre à toutes les portes du Kaire de ne laisser sortir aucun Mamlouk dans la soirée ou pendant la nuit; puis il fit signifier à Mohammad d'aller sur-le-champ en exil au Saïd. Il comptait, par cette contradiction, que Mohammad serait arrêté aux portes, et que les gardiens s'emparant de sa personne, on en aurait bon marché; mais le hasard trompa ces mesures vagues et timides. La fortune voulut que par un malentendu, on crût Mohammad chargé d'ordres particuliers d'Ali. On le laissa passer avec sa suite, et de ce moment tout fut perdu. Ali-bek, instruit de la méprise, le fit poursuivre; mais Mohammad tint une contenance si menaçante, qu'on n'osa l'attaquer. Il se retira au Saïd, frémissant de colère et plein du désir de la vengeance. Un autre danger l'y attendait. Ayoub-bek, lieutenant d'Ali, feignant d'entrer dans les ressentiments de l'exilé, l'accueillit avec transport, et jura sur le sabre et le Qôran de faire cause commune avec lui. Peu de temps après on surprit des lettres de cet Ayoub à Ali, par lesquelles il lui promettait incessamment la tête de son ennemi. Mohammad, ayant découvert la trame, fit saisir le traître; et, après lui avoir coupé les poings et la langue, il l'envoya au Kaire recevoir la récompense de son patron.
Ou 972, selon d'Herbelot.
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Commandant par ordre de Dieu.
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Nos anciens en firent soldan et soudan, par le changement fréquent d'ol en ou; fol, fou; mol, mou.
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Mamlouk, participe passif de malak, posséder, signifie l'homme possédé en propriété; ce qui a le sens d'esclave; mais cette espèce est distinguée des esclaves domestiques, ou noirs, qu'on appelle abd.
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L'histoire de ce premier empire des Mamlouks, et en général celle de l'Égypte depuis l'invasion des Arabes, a laissé jusqu'à ce jour une lacune dans nos connaissances: néanmoins il existe à la bibliothèque nationale deux manuscrits arabes capables de satisfaire notre curiosité à cet égard. La découverte en est due à M. Venture, interprète des langues orientales, qui aujourd'hui accompagne le général Buonaparte, et qui dans nos relations d'amitié et d'estime m'en a montré une traduction presque achevée. Il est à désirer qu'elle soit un jour publiée; mais comme le moment en paraît encore reculé, je crois faire une chose agréable aux lettres et à l'amitié, en insérant une notice de ces manuscrits que le lecteur trouvera à la fin de l'article de l'Égypte.
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Chaik signifie proprement un vieillard, senior populi; il a pris la même acception en Orient que parmi nous; et il désigne un seigneur, un commandant.
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Les femmes des Mamlouks sont, comme eux, des esclaves transportées de Géorgie, de Mingrelie, etc. On parle toujours de leur beauté, et il faut y croire sur la foi de la renommée. Mais un Européen qui n'a été qu'en Turkie n'a pas le droit d'en rendre témoignage. Ces femmes y sont encore plus invisibles que les autres, et c'est sans doute à ce mystère qu'elles doivent l'idée qu'on se fait de leur beauté. J'ai eu occasion d'en demander des nouvelles à l'épouse d'un de nos négociants au Kaire, à laquelle le commerce des galons et des étoffes de Lyon ouvrait tous les harem. Cette dame, qui a plus d'un droit d'en bien juger, m'a assuré que sur 1,000 à 1,200 femmes d'élite qu'elle a vues, elle n'en a pas trouvé 10 qui fussent d'une vraie beauté; mais les Turks ne sont pas si difficiles; pourvu qu'une femme soit blanche, elle est belle; si elle est grasse, elle est admirable. Son visage est comme la pleine lune; ses hanches sont comme des coussins, disent-ils pour exprimer le superlatif de la beauté. On peut dire qu'ils la mesurent au quintal. Ils ont d'ailleurs un proverbe remarquable pour les physiciens: Prends une blanche pour tes yeux; mais pour le plaisir, prends une Égyptienne. L'expérience leur a prouvé que les femmes du Nord sont réellement plus froides que celles du Midi.
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Hippocrates, lib. de Aere, Locis et Aquis.
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Ce pays fut de tout temps une pépinière d'esclaves: il en fournissait aux Grecs, aux Romains et à l'ancienne Asie. Mais n'est-il pas singulier de lire dans Hérodote que jadis la Colchide (aujourd'hui la Géorgie) reçut des habitants noirs de l'Égypte, et de voir qu'aujourd'hui elle lui en rende de si différents?
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Les corps militaires des janissaires, azâbs, etc., étaient commandés par des kiâyas, qui, après un an d'exercice, se démettaient de leur emploi, et devenaient vétérans, avec voix au diouân.
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J'avais depuis long-temps rédigé cet article, lorsque Savary a publié deux nouveaux volumes sur l'Égypte, dans l'un desquels se trouve la vie de ce même Ali-bek. Je comptais y trouver des récits propres à vérifier ou à redresser les miens; mais quel a été mon étonnement de voir que nous n'avons presque rien de commun! Cette diversité m'a été d'autant plus désagréable, que déja ne m'étant pas trouvé du même avis sur d'autres objets, il pourra sembler à bien des lecteurs que je prends à tâche de contrarier ce voyageur. Mais, outre que je ne connais point la personne de Savary, je proteste que de telles partialités n'entrent point dans mon caractère. Par quel accident arrive-t-il donc qu'ayant été sur les mêmes lieux, ayant dû voir les mêmes témoins, nos récits soient si divers? J'avoue que je n'en vois pas bien la raison: tout ce que je puis assurer, c'est que pendant 6 mois que j'ai vécu au Kaire, j'ai interrogé avec soin ceux de nos négociants et des marchands chrétiens à qui une longue résidence et un esprit sage m'ont paru donner un témoignage plus authentique. Je les ai trouvés d'accord sur les faits principaux, et j'ai eu l'avantage d'entendre confirmer leurs récits par un négociant vénitien (C. Rosetti), qui a été l'un des conseillers intimes d'Ali-bek, et le promoteur de ses liaisons avec les Russes, et de ses projets sur le commerce de l'Inde. Dans la Syrie, j'ai trouvé une foule de témoins oculaires des événements communs au chaik Dâher et à Ali-bek, et j'ai pu juger du degré d'instruction de mes auteurs d'Égypte. Pendant huit mois que j'ai demeuré chez les Druzes, j'ai appris de l'évêque d'Alep, alors évêque d'Acre, mille particularités d'autant plus certaines, que le ministre de Dâher, Ibrahim-Sabbâr, était fréquemment dans sa maison. En Palestine, j'ai vécu avec des chrétiens et des musulmans qui ont commandé des troupes de Dâher, fait le premier siége de Yâfa avec Ali-bek, et soutenu le second contre Mohammad-bek. J'ai vu les lieux, j'ai entendu les témoins; j'ai reçu des notes historiques de l'agent de Venise à Yâfa, qui a essuyé sa part de tous les troubles. Voilà les matériaux sur lesquels j'ai rédigé ma narration. Ce n'est pas que je n'aie trouvé quelques variantes de circonstances: quels faits n'en ont pas? La bataille de Fontenoi n'a-t-elle pas dix versions différentes? Il suffit d'obtenir les principaux résultats, d'admettre les plus grandes probabilités, et j'ai pu apprendre par moi-même, en cette occasion, combien la stricte vérité des faits historiques est difficile à établir.
Ce n'est pas non plus que je n'aie entendu quelques-uns des récits de Savary; et lui-même ne peut être taxé de les avoir imaginés; car sa narration est, mot pour mot, celle d'un livre anglais imprimé en 1783, et intitulé Précis de la révolte d'Ali-bek*, quoiqu'il n'y ait que quarante pages consacrées à ce sujet, et que le reste ne traite que de lieux communs, de mœurs et de géographie. J'étais au Kaire lorsque les papiers publics rendirent compte de cet ouvrage; et je me rappelle bien que lorsque nos négociants entendirent parler d'une Marie, femme d'Ali-bek; d'un Grec Dâoud, père de ce commandant; d'une reconnaissance comme celle de Joseph, ils se regardèrent avec étonnement, et finirent par rire des contes qu'on faisait en Europe. Ainsi le facteur anglais, qui était en Égypte en 1771, a beau réclamer l'autorité du kiâya d'Ali-bek et d'une foule de beks qu'il a consultés sans savoir l'arabe, on ne peut le regarder comme bien instruit. Je le suspecte d'autant plus d'erreur, qu'il débute par une faute impardonnable, en disant que le pays d'Abaza est la même chose qu'Amasée, puisque l'un est une contrée du Caucase, en tirant vers le Kuban, et l'autre une ville de l'ancienne Cappadoce ou Natolie moderne.
* An account of the history of the revolt of Ali-bek, etc. London, 1783, 1 vol. in-8º.
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Les Turks estiment en premier lieu les esclaves Tchercasses ou Circassiens, puis les Abazans; 3º les Mingreliens; 4º les Géorgiens; 5º les Russes et les Polonais; 6º les Hongrois et les Allemands; 7º les Noirs; et enfin les derniers de tous sont les Espagnols, les Maltais et autres Francs, qu'ils déprisent comme étant ivrognes, débauchés, mutins et de peu de travail.
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Lors de sa ruine, ses piastres perdirent vingt pour cent, parce qu'on prétendit qu'elles étaient surchargées d'alliage. Un négociant en fit passer 10,000 à Marseille, et elles rendirent à la fonte un bénéfice assez considérable.
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C. Rosetti; son frère Balthasar Rosetti devait être douanier de Djedda.
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Peu après, les habitants de la Mekke chassèrent les Mamlouks du port et de la ville, et rétablirent le chérif que l'on avait dépossédé.
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Les gens de Dâher portaient ce nom, parce que le siége originel de l'état de Dâher était à Safad, village de Galilée.
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Prononcez Sède; c'est la ville qui a succédé à Sidon.
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A raison du pèlerinage, dont les deux grandes caravanes partent du Kaire et de Damas.
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