Kitabı oku: «Les Ruines, ou méditation sur les révolutions des empires», sayfa 13
§ V. Culte mystique et moral, ou système de l'autre monde
«En effet, alors que le vulgaire entendit parler d'un nouveau ciel et d'un autre monde, il donna bientôt un corps à ces fictions; il y plaça un théâtre solide, des scènes réelles; et les notions géographiques et astronomiques vinrent favoriser, si même elles ne provoquèrent cette illusion.
«D'une part, les navigateurs phéniciens, ceux qui, passant les colonnes d'Hercule, allaient chercher l'étain de Thulé et l'ambre de la Baltique, racontaient qu'à l'extrémité du mondé, au bout de l'Océan (la Méditerranée), où le soleil se couche pour les contrées asiatiques, étaient des îles fortunées, séjour d'un printemps éternel, et plus loin des régions hyperboréennes placées sous terre (relativement aux tropiques), où régnait une éternelle nuit29. Sur ces récits mal compris, et sans doute confusément faits, l'imagination du peuple composa les Champs Élysées30, lieux de délices placés dans un monde inférieur, ayant leur ciel, leur soleil, leurs astres; et le Tartare, lieu de ténèbres, d'humidité, de fange, de frimas. Or, parce que l'homme, curieux de tout ce qu'il ignore et avide d'une longue existence, s'était déja interrogé sur ce qu'il devenait après sa mort, parce qu'il avait de bonne heure raisonné sur le principe de vie qui anime son corps, qui s'en sépare sans le déformer, et qu'il avait imaginé les substances déliées, les fantômes, les ombres, il aima à croire qu'il continuerait, dans le monde souterrain, cette vie qu'il lui coûtait trop de perdre; et les lieux infernaux furent un emplacement commode pour recevoir les objets chéris auxquels il ne pouvait renoncer.
«D'autre part, les prêtres astrologues et physiciens faisaient de leurs cieux des récits, et ils en traçaient des tableaux qui s'encadraient parfaitement dans ces fictions. Ayant appelé, dans leur langage métaphorique, les équinoxes et les solstices, les portes des cieux ou entrées des saisons, ils expliquaient les phénomènes terrestres en disant «que par la porte de corne (d'abord le taureau, puis le belier) et par celle du cancer, descendaient les feux vivifiants qui animent au printemps la végétation, et les esprits aqueux qui causent au solstice le débordement du Nil; que par la porte d'ivoire (la balance, et auparavant l'arc ou sagittaire) et par celle du capricorne ou de l'urne, s'en retournaient à leur source et remontaient à leur origine les émanations ou influences des cieux; et la voie lactée, qui passait par ces portes des solstices, leur semblait placée là exprès pour leur servir de route et de véhicule; de plus, dans leur atlas, la scène céleste présentait un fleuve (le Nil, figuré par les plis de l'hydre), une barque (le navire Argo) et le chien Sirius, tous deux relatifs à ce fleuve, dont, ils présageaient l'inondation. Ces circonstances, associées aux premières et y ajoutant des détails, en augmentèrent les vraisemblances; et pour arriver au Tartare ou à l'Élysée, il fallut que les ames traversassent les fleuves du Styx et de l'Achéron dans la nacelle du nocher Caron, et qu'elles passassent par les portes de corne ou d'ivoire, que gardait le chien Cerbère. Enfin, un usage civil se joignit à toutes ces fictions, et acheva de leur donner de la consistance.
«Ayant remarqué que dans leur climat brûlant, la putréfaction des cadavres était un levain de peste et de maladies, les habitants de l'Égypte avaient, dans plusieurs états, institué l'usage d'inhumer les morts hors de la terre habitée, dans le désert qui est au couchant. Pour y arriver, il fallait passer les canaux du fleuve, et par conséquent être reçu dans une barque, payer un salaire au nocher, sans quoi, le corps privé de sépulture eût été la proie des bêtes féroces. Cette coutume inspira aux législateurs civils et religieux un moyen puissant d'influer sur les mœurs; et saisissant par la piété filiale et par le respect pour les morts, des hommes grossiers et féroces, ils établirent pour condition nécessaire, d'avoir subi un jugement préalable qui décidât si le mort méritait d'être admis au rang de sa famille dans la noire cité. Une telle idée s'adaptait trop bien à toutes les autres pour ne pas s'y incorporer; le peuple ne tarda pas de l'y associer, et les enfers eurent leur Minos et leur Rhadamanthe, avec la baguette, le siége, les huissiers et l'urne, comme dans l'état terrestre et civil. Alors la divinité devint un être moral et politique, un législateur social d'autant plus redouté, que ce législateur suprême, ce juge final, fut inaccessible aux regards: alors ce monde fabuleux et mythologique, si bizarrement composé de membres épars, se trouva un lieu de châtiment et de récompense, où la justice divine fut censée corriger ce que celle des hommes eut de vicieux, d'erroné; et ce système spirituel et mystique acquit d'autant plus de crédit, qu'il s'empara de l'homme par tous ses penchants: le faible opprimé y trouva l'espoir d'une indemnité, la consolation d'une vengeance future; l'oppresseur comptant, par de riches offrandes, arriver toujours à l'impunité, se fit de l'erreur du vulgaire une arme de plus pour le subjuguer; et les chefs des peuples, les rois et les prêtres y virent de nouveaux moyens de le maîtriser, par le privilége qu'ils se réservèrent de répartir les graces ou les châtiments du grand juge, selon des délits ou des actions méritoires qu'ils caractérisèrent à leur gré.
«Voilà comment s'est introduit, dans le monde visible et réel, un monde invisible et imaginaire; voilà l'origine de ces lieux de délices et de peines dont vous, Perses! avez fait votre terre rajeunie, votre ville de résurrection placée sous l'équateur, avec l'attribut singulier que les heureux n'y donneront point d'ombre. Voilà, juifs et chrétiens, disciples des Perses! d'où sont venus votre Jérusalem de l'Apocalypse; votre paradis, votre ciel, caractérisés par tous les détails du ciel astrologique d'Hermès. Et vous, musulmans! votre enfer, abîme souterrain, surmonté d'un pont, votre balance des ames et de leurs œuvres, votre jugement par les anges Monkir et Nékir, ont également pris leurs modèles dans les cérémonies mystérieuses de l'antre de Mithra; et votre ciel ne diffère en rien de celui d'Osiris, d'Ormuzd et de Brahma.
§ VI. Sixième système. Monde animé, ou culte de l'univers sous divers emblèmes
«Tandis que les peuples s'égarèrent dans le labyrinthe ténébreux de la mythologie et des fables, les prêtres physiciens, poursuivant leurs études et leurs recherches sur l'ordre et la disposition de l'univers, arrivèrent à de nouveaux résultats; et dressèrent de nouveaux systèmes de puissances et de causes motrices.
«Long-temps bornés aux simples apparences, ils n'avaient vu dans les mouvements des astres qu'un jeu inconnu de corps lumineux, qu'ils croyaient rouler autour de la terre, point central de toutes les sphères; mais alors qu'ils eurent découvert la rondeur de notre planète, les conséquences de ce premier fait les conduisirent à des considérations nouvelles; et, d'induction en induction, ils s'élevèrent aux plus hautes conceptions de l'astronomie et de la physique.
«En effet, ayant conçu cette idée lumineuse et simple, que le globe terrestre est un petit cercle inscrit dans le cercle plus grand des cieux, la théorie des cercles concentriques s'offrit d'elle-même à leur hypothèse, pour résoudre le cercle inconnu du globe terrestre par des points connus du cercle céleste; et la mesure d'un ou de plusieurs degrés du méridien donna avec précision la circonférence totale. Alors, saisissant pour compas le diamètre obtenu de la terre, un génie heureux l'ouvrit d'une main hardie sur les orbites immenses des cieux; et, par un phénomène inouï, du grain de sable qu'à peine il couvrait, l'homme embrassant les distances infinies des astres, s'élança dans les abîmes de l'espace et de la durée: là se présenta à ses regards un nouvel ordre de l'univers; le globe atome qu'il habitait ne lui en parut plus le centre: ce rôle important fut déféré à la masse énorme du soleil; et cet astre devint le pivot enflammé de huit sphères environnantes, dont les mouvements furent désormais soumis à la précision du calcul.
«C'était déja beaucoup pour l'esprit humain, d'avoir entrepris de résoudre la disposition et l'ordre des grands êtres de la nature; mais non content de ce premier effort, il voulut encore en résoudre le mécanisme, en deviner l'origine et le principe moteur; et c'est là qu'engagés dans les profondeurs abstraites et métaphysiques du mouvement et de sa cause première, des propriétés inhérentes ou communiquées de la matière, de ses formes successives, de son étendue, c'est-à-dire de l'espace et du temps sans bornes, les physiciens théologues se perdirent dans un chaos de raisonnements subtils et de controverses scolastiques.
«Et d'abord l'action du soleil sur les corps terrestres leur ayant fait regarder sa substance comme un feu pur et élémentaire, ils en firent le foyer et le réservoir d'un océan de fluide igné, lumineux, qui, sous le nom d'éther, remplit l'univers, et alimenta les êtres. Ensuite, les analyses d'une physique savante leur ayant fait découvrir ce même feu, ou un autre parfaitement semblable, dans la composition de tous les corps, et s'étant aperçus qu'il était l'agent essentiel de ce mouvement spontané que l'on appelle vie dans les animaux et végétation dans les plantes, ils conçurent le jeu et le mécanisme de l'univers comme celui d'un tout homogène, d'un corps identique, dont les parties, quoique distantes, avaient cependant une liaison intime; et le monde fut un être vivant, animé par la circulation organique d'un fluide igné ou même électrique, qui, par un premier terme de comparaison pris dans l'homme et les animaux, eut le soleil pour cœur ou foyer.
«Alors, parmi les philosophes théologues, les uns partant de ces principes, résultats de l'observation, «que rien ne s'anéantit dans le monde; que les éléments sont indestructibles; qu'ils changent de combinaisons, mais non de nature; que la vie et la mort des êtres né sont que des modifications variées des mêmes atomes; que la matière possède par elle-même des propriétés d'où résultent toutes ses manières d'être; que le monde est éternel, sans bornes d'espace et de durée;» les uns dirent que l'univers entier était Dieu; et selon eux, Dieu fut un être à la fois effet et cause, agent et patient, principe moteur et chose mue, ayant pour lois les propriétés invariables qui constituent la fatalité; et ceux-là peignirent leur pensée tantôt par l'emblème de Pan (le grand tout), ou de Jupiter au front d'étoiles, au corps planétaire, aux pieds d'animaux, ou de l'œuf orphique, dont le jaune, suspendu au milieu d'un liquide enceint d'une voûte, figura le globe du soleil nageant dans l'éther au milieu de la voûte des cieux: tantôt par celui d'un grand serpent rond, figurant les cieux où ils plaçaient le premier mobile, par cette raison de couleur d'azur, parsemé de taches d'or (les étoiles), dévorant sa queue, c'est-à-dire rentrant en lui-même et se repliant éternellement comme les révolutions des sphères: tantôt par celui d'un homme ayant les pieds liés et joints, pour signifier l'existence immuable; enveloppé d'un manteau de toutes les couleurs, comme le spectacle de la nature, et portant sur la tête une sphère d'or, emblème de la sphère des étoiles: ou par celui d'un autre homme quelquefois assis sur la fleur du lotos portée sur l'abîme des eaux; quelquefois couché sur une pile de douze carreaux, figurant les douze signes célestes. Et voilà Indiens, Japonais, Siamois, Tibetains, Chinois! la théologie qui, fondée par les Égyptiens, s'est transmise et gardée, chez vous dans les tableaux que vous tracez de Brahma, de Beddou, de Sommonacodom, d'Omito: Voilà même, hébreux et chrétiens! l'opinion dont vous avez conservé une parcelle dans votre dieu, souffle porté sur les eaux, par une illusion au vent, qui, à l'origine du monde, c'est-à-dire au départ des sphères du signe du cancer, annonçait l'inondation, du Nil, et semblait préparer la création.
§ VII. Septième système. Culte de l'amedu monde, c'est-à-dire de l'élément du feu, principe vital de l'univers
«Mais d'autres, répugnant à cette idée d'un être à la fois effet et cause, agent et patient, et rassemblant en une même nature des natures contraires, distinguèrent le principe moteur de la chose mue; et posant que la matière était inerte en elle-même, ils prétendirent que ses propriétés lui étaient communiquées par un agent distinct, dont elle n'était que l'enveloppe et le fourreau. Cet agent pour les uns fut le principe igné, reconnu l'auteur de tout mouvement; pour les autres ce fut le fluide appelé éther, cru plus actif et plus subtil; or, comme ils appelaient dans les animaux le principe vital et moteur, une ame, un esprit, et comme il raisonnaient sans cesse par comparaison, surtout par celle de l'être humain, ils donnèrent au principe moteur de tout l'univers le nom d'ame, d'intelligence, d'esprit; et Dieu fut l'esprit vital qui, répandu dans tous les êtres, anima le vaste corps du monde. Et ceux-là peignirent leur pensée tantôt par You-piter, essence du mouvement et de l'animation, principe de l'existence, ou plutôt l'existence elle-même; tantôt par Vulcain on Phtha, feu-principe et élémentaire, ou par l'autel de Vesta, placé centralement dans son temple, comme le soleil dans les sphères; et tantôt par Kneph, être humain vêtu de bleu foncé, ayant en main un sceptre et une ceinture (le zodiaque), coiffé d'un bonnet de plumes, pour exprimer la fugacité de sa pensée, et produisant de sa bouche le grand œuf.
«Or, par une conséquence de ce système, chaque être contenant en soi une portion du fluide igné ou éthérien, moteur universel et commun; et ce fluide ame du monde étant la divinité, il s'ensuivit que les ames de tous les êtres furent une portion de Dieu même, participant à tous ses attributs, c'est-à-dire étant une substance indivisible, simple, immortelle; et de là tout le système de l'immortalité de l'ame, qui d'abord fut éternité. De là aussi ses transmigrations connues sous le nom de métempsycose, c'est-à-dire de passage du principe vital d'un corps à un autre; idée née de la transmigration véritable des éléments matériels. Et voilà, Indiens, boudhistes, chrétiens, musulmans! d'où dérivent toutes vos opinions sur la spiritualité de l'ame: voilà quelle fut la source des rêveries de Pythagore et de Platon, vos instituteurs, qui eux-mêmes ne furent que les échos d'une dernière secte de philosophes visionnaires qu'il faut développer.
§ VIII. Huitième système. Monde-Machine: culte du Démi-Ourgos ou Grand-Ouvrier
«Jusque-là les théologiens, en s'exerçant sur les substances déliées et subtiles de l'éther et du feu-principe, n'avaient cependant pas cessé de traiter d'êtres palpables et perceptibles aux sens, et la théologie avait continué d'être la théorie des puissances physiques, placées tantôt spécialement dans les astres, tantôt disséminées dans tout l'univers; mais à cette époque, des esprits superficiels, perdant le fil des idées qui avaient dirigé ces études profondes, ou ignorant les faits qui leur servaient de base, en dénaturèrent tous les résultats par l'introduction d'une chimère étrange et nouvelle. Ils prétendirent que cet univers, ces cieux, ces astres, ce soleil, n'étaient qu'une machine d'un genre ordinaire; et à cette première hypothèse appliquant une comparaison tirée des ouvrages de l'art, ils élevèrent l'édifice des sophismes les plus bizarres. «Une machine, dirent-ils, ne se fabrique point elle-même: elle a un ouvrier antérieur, elle l'indique par son existence. Le monde est une machine: donc il existe un fabricateur.»
«De là, le démi-ourgos ou grand-ouvrier, constitué divinité autocratrice et suprême. Vainement l'ancienne philosophie objecta que l'ouvrier même avait besoin de parents et d'auteurs, et que l'on ne faisait qu'ajouter un échelon en ôtant l'éternité au monde pour la lui donner. Les innovateurs, non contents de ce premier paradoxe, passèrent à un second; et, appliquant à leur ouvrier la théorie de l'entendement humain, ils prétendirent que le démi-ourgos avait fabriqué sa machine sur un plan ou idée résidant en son entendement. Or, comme leurs maîtres, les physiciens, avaient placé dans la sphère des fixes le grand mobile régulateur, sous le nom d'intelligence, de raisonnement, les spiritualistes, leurs mimes, s'emparant de cet être, l'attribuèrent au démi-ourgos, en en faisant une substance distincte, existante par elle-même, qu'ils appelèrent mens ou logos (parole et raisonnement). Et comme d'ailleurs ils admettaient l'existence de l'ame du monde, ou principe solaire, ils se trouvèrent obligés de composer trois grades ou échelons de personnes divines, qui furent 1º le démi-ourgos ou dieu-ouvrier; 2º le logos, parole et raisonnement; et 3º l'esprit ou l'ame (du monde). Et voilà, chrétiens! le roman sur lequel vous avez fondé votre Trinité; voilà le systême qui, né hérétique dans les temples égyptiens, transporté païen dans les écoles de l'Italie et de la Grèce, se trouve aujourd'hui catholique orthodoxe par la conversion de ses partisans, les disciples de Pythagore et de Platon devenus chrétiens.
«Et c'est ainsi que la divinité, après avoir été dans son origine l'action sensible, multiple, des météores et des éléments;
«Puis la puissance combinée des astres considérés sous leurs rapports avec les êtres terrestres;
«Puis ces êtres terrestres eux-mêmes par la confusion des symboles avec leurs modèles;
«Puis la double puissance de la nature dans ses deux opérations principales de production et de destruction;
«Puis le monde animé sans distinction d'agent et de patient, d'effet et de cause;
«Puis le principe solaire ou l'élément du feu reconnu pour moteur unique;
«C'est ainsi que la divinité est devenue, en dernier résultat, un être chimérique et abstrait; une subtilité scolastique de substance sans forme, de corps sans figure; un vrai délire de l'esprit, auquel la raison n'a plus rien compris. Mais vainement dans ce dernier passage veut-elle se dérober aux sens: le cachet de son origine lui demeure ineffaçablement empreint; et ses attributs, tous calqués, ou sur les attributs physiques de l'univers, tels que l'immensité, l'éternité, l'indivisibilité, l'incompréhensibilité; ou sur les affections morales de l'homme, telles que la bonté, la justice, la majesté, etc; ses noms mêmes, tous dérivés des êtres physiques qui lui ont servi de types, et spécialement du soleil, des planètes et du monde, retracent incessamment, en dépit de ses corrupteurs, les traits indélébiles de sa véritable nature.
«Telle est la chaîne des idées que l'esprit humain avait déja parcourue à une époque antérieure aux récits positifs de l'histoire; et puisque leur continuité prouve qu'elles ont été le produit d'une même série d'études et de travaux, tout engage à en placer le théâtre dans le berceau de leurs éléments primitifs, dans l'Égypte: et leur marche y put être rapide, parce que la curiosité oiseuse des prêtres physiciens n'avait pour aliment, dans la retraite des temples, que l'énigme toujours présente de l'univers; et que, dans la division politique qui long-temps partagea cette contrée, chaque État eut son collége de prêtres, lesquels tour à tour auxiliaires ou rivaux, hâtèrent, par leurs disputes, les progrès des sciences et des découvertes.
«Et déja il était arrivé sur les bords du Nil ce qui depuis s'est répété par toute la terre. À mesure que chaque système s'était formé, il avait suscité dans sa nouveauté des querelles et des schismes: puis, accrédité par la persécution même, tantôt il avait détruit les idoles antérieures, tantôt il se les était incorporées en les modifiant; et les révolutions politiques étant survenues, l'agrégation des États et le mélange des peuples confondirent toutes les opinions; et le fil des idées s'étant perdu, la théologie tomba dans le chaos, et ne fut plus qu'un logogriphe de vieilles traditions, qui ne furent plus comprises. La religion, égarée d'objet, ne fut plus qu'un moyen politique de conduire un vulgaire crédule, dont s'emparèrent tantôt des hommes crédules eux-mêmes et dupes de leurs propres visions, et tantôt des hommes hardis et d'une ame énergique, qui se proposèrent de grands objets d'ambition.