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Kitabı oku: «Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique», sayfa 14

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L’historien de Vermont, M. S. Williams, cite une foule de faits à l’appui de ce-phénomène: «Lorsque nos ancêtres, dit-il134, vinrent en New-England, les saisons et le temps étaient uniformes et réguliers: l’hiver s’établissait vers la fin de novembre et continuait jusqu’à la mi-février. Pendant cette durée, il régnait un froid clair et sec, sans beaucoup de variation. L’hiver finissoit avec février; et lorsque le printemps arrivait, il venait tout à coup et sans nos variations brusques et réitérées du froid au chaud et du chaud au froid. L’été était très-chaud, étouffant; mais il était borné à six semaines: l’automne commençait avec septembre: toutes les récoltes étaient closes à la fin du mois. Aujourd’hui cet état de choses est très-différent dans la partie de la Nouvelle-Angleterre, habitée depuis lors: les saisons sont totalement changées; le temps est infiniment plus variable; l’hiver est devenu plus court, et interrompu par des dégels subits et forts. Le printemps nous donne une fluctuation perpétuelle du froid au chaud, du chaud au froid, extrêmement fâcheuse à toute la végétation: l’été a des chaleurs moins violentes, mais elles sont plus prolongées; l’automne commence et finit plus tard; et les moissons ne sont achevées que dans la première semaine de novembre: enfin, l’hiver ne déploie sa rigueur qu’à la fin de décembre.»

Tel est le tableau curieux de la partie nord.

Pour les États du milieu, le docteur Rush présente en Pensylvanie des faits parfaitement semblables135. «Selon nos vieillards, dit-il, le climat a changé. Les printemps sont plus froids; les automnes plus longues, plus chaudes; les bestiaux paissent un mois plus tard: les rivières gèlent plus tard, et restent moins long-temps scellées, etc.»

Dans la Virginie, M. Jefferson (p. 17) dit également: «Il paraît qu’il se fait un changement très-sensible dans notre climat. Les chaleurs ainsi que les froids sont moindres qu’autrefois, au rapport de personnes qui ne sont pas encore fort âgées: les neiges sont fréquentes, moins abondantes.»

Enfin moi-même, dans tout le cours de mon voyage, tant sur la côte atlantique que dans le pays d’ouest, j’ai recueilli les mêmes témoignages: sur l’Ohio, à Gallipolis, à Washington de Kentucky, à Francfort, à Lexington, à Cincinnati, à Louisville, à Niagara, à Albany, partout l’on m’a répété ces mêmes circonstances; des étés plus longs, des automnes plus tardives, et les récoltes aussi retardées; des hivers plus courts, des neiges moins hautes, moins durables, mais non pas des froids moins violens; et dans tous les nouveaux établissements l’on m’a dépeint ces changements non comme graduels et progressifs, mais comme rapides et presque subits, proportionnés à l’étendue des déboisements.

Un mouvement sensible dans le climat des États-Unis est donc un fait hors de contestation; et lorsqu’après en avoir fourni les preuves, le docteur Rush, frappé de la rigueur de plusieurs hivers depuis huit ans, élève des doutes sur les récits des anciens, sur la précision de leurs observations, faute de thermomètres, ces doutes disparaissent devant la multitude des témoignages et des faits positifs. La cause de ce changement, sans avoir un égal degré d’évidence et de certitude, en a cependant un de vraisemblance capable d’obtenir l’assentiment. L’opinion de M. Williams, qui l’attribue au déboisement du sol et aux grandes clairières que les défrichements ont ouvertes dans les forêts, me paraît d’autant plus raisonnable qu’elle explique le fait par l’analyse de ses circonstances.

«Dans tout canton, dit-il136, où l’on abat les bois pour établir la culture, l’air et la terre subissent en deux et trois ans des changements considérables de température: à peine le colon a-t-il éclairci quelques arpents de la forêt, que la terre exposée à toute l’ardeur des rayons solaires s’imprègne à dix pouces de profondeur, d’une chaleur plus forte de 10 à 11° de Fahrenheit (5 de Réaumur) que le terrain qui est couvert de bois.» M. Williams a déduit cette évaluation de quelques expériences qu’il a pratiquées en cette vue. Ayant plongé le 23 mai 1789 deux thermomètres, l’un dans le sol d’un champ cultivé et nu, l’autre dans le sol de la forêt ou bois environnant, même avant que les feuilles fussent écloses, tous les deux à dix pouces de profondeur, il trouva:


D’où il résulte qu’en hiver la température du sol couvert et celle du sol découvert, se trouvent au même degré de froid; mais en été la différence devient d’autant plus grande que la chaleur de l’air est plus forte; ce qui coïncide très-bien, 1º avec la remarque d’Umfreville, qui dit qu’à la baie de Hudson, la terre, aux endroits découverts, dégèle de 4 pieds, et seulement de 2 pieds sous les bois; 2º avec celle de Belknap, qui rapporte que dans le New-Hampshire, la neige disparaît des champs cultivés dès le mois d’avril, parce que le soleil a déja assez de force vers midi pour la fondre; mais qu’elle persiste jusqu’en mai dans les lieux boisés, quoique sans feuilles, où elle est protégée par l’ombre des branches, des troncs, et la fraîcheur générale de l’air. Cela rend encore très-bien raison de l’ancien état des choses exposé par M. Williams, c’est-à-dire, de la durée des hivers, alors plus égale et plus longue, et des neiges plus abondantes et plus hautes qu’aujourd’hui.

Or, continue cet observateur, «les 10° (4½ R.) de chaleur ajoutés au sol découvert, se communiquent à l’air qui est en contact.»—Et j’ajoute que par cela même, cet air échauffé se lève de suite, et fait place à un autre latéral venant des bois, ce qui augmente considérablement la masse d’air chaud.

«2º Le déboisement cause l’évaporation des eaux et le desséchement du terrain, ainsi que l’on en fait journellement la remarque dans toutes les parties des États-Unis où des ruisseaux se tarissent, et où des marais et swamps sont mis à sec.»—Raison nouvelle de diminution de fraîcheur et d’accroissement de chaleur dans l’atmosphère.

«3º Le déboisement causé la diminution très-sensible de la durée et de l’abondance des neiges, qui couvraient, il y a moins d’un siècle, toute la Nouvelle-Angleterre, pendant trois mois non interrompus, c’est-à-dire, depuis les premiers jours de décembre jusqu’aux premiers jours de mars; et tel est encore le cas de la partie boisée, tandis que maintenant, dans la partie cultivée, elles ne sont ni aussi durables, ni aussi hautes, ni aussi continues.

«4º Enfin, il y a dans les vents,» continue M. Williams, «un changement très-marqué: l’ancienne prédominance des vents d’ouest paraît diminuer chaque jour, et les vents d’est gagnent en fréquence et en étendue de domaine. Il y a cinquante ans, à peine pénétraient-ils à trente ou quarante milles du rivage de la mer (dix à treize lieues); maintenant ils se font sentir très-souvent au printemps, à soixante milles, et même jusqu’à nos montagnes distantes de soixante-dix et quatre-vingts milles (vingt-sept lieues) de l’Océan. L’on s’aperçoit fort bien qu’ils avancent exactement à mesure que le pays se défriche et se déboise.»—Ce qui vient encore de ce que le sol découvert, étant plus échauffé, attire mieux ou admet plus facilement l’air de la côte atlantique.

M. Jefferson cite un fait parfaitement semblable en Virginie: «Les brises de l’est et du sud-ouest137,» dit-il, page 10, «paraissent pénétrer par degrés plus avant dans le pays.... Nous avons des habitants qui se souviennent du temps où elles ne passaient pas Williams-burg;—maintenant elles sont fréquentes à Richmond (soixante milles plus loin), et elles se font sentir de temps en temps jusqu’aux montagnes. A mesure que les terres se défricheront, il est probable qu’elles s’étendront plus loin dans l’ouest.»

Il faut donc attribuer le changement qui s’opère dans le climat des États-Unis à deux circonstances majeures, 1º au déboisement du sol, et aux clairières percées dans la forêt continentale, lesquels produisent une masse d’air chaud qui s’augmente chaque jour.

2º A l’introduction des vents chauds par ces clairières; ce qui dessèche plus rapidement le pays et échauffe davantage l’atmosphère: par conséquent il se passe en Amérique ce qui a lieu dans notre Europe, et sans doute dans l’Asie et dans tout l’ancien continent, où l’histoire nous représente le climat comme beaucoup plus froid jadis qu’il n’est aujourd’hui. Horace et Juvénal nous parlent des glaces annuelles du Tibre, qui maintenant ne gèle jamais. Ovide nous peint le Bosphore de Thrace sous des traits que l’on ne reconnaît plus; la Dacie, la Pannonie, la Crimée, la Macédoine même, nous sont représentées comme des pays de frimas égaux à ceux de Moscow, et ces pays nourrissent maintenant des oliviers et produisent d’excellents vins: enfin notre Gaule, du temps de César et de Julien, voyait chaque hiver tous ses fleuves glacés de manière à servir de ponts et de chemins pendant plusieurs mois; et ces cas sont devenus rares et de bien courte durée138.

Néanmoins, je ne puis partager l’opinion de M. Williams sur la diminution qu’il suppose être arrivée dans l’intensité du froid depuis le siècle dernier. Quelque plausible que soit son raisonnement pour prouver que le froid de 1633, avec les mêmes accidents, fut plus fort que celui de 1782, et qu’ils furent tous deux le maximum connu, ce raisonnement n’est qu’une hypothèse qui ne peut suppléer au défaut d’observation thermométrique en l’année 1633. (Les thermomètres n’ont été usités en Amérique que vers 1740.) L’on a surtout le droit de récuser son hypothèse, si, comme je crois l’avoir prouvé, le vent de nord-ouest est l’agent radical du froid sur ce continent: rien n’indique que le caractère de cet agent ait dû changer; l’on est de plus autorisé à nier cette diminution d’intensité du froid à raison de l’analogie d’une expérience précise du docteur Ramsay. Ce médecin ayant comparé les observations du docteur Chalmers, continuées de 1750 à 1759 avec les siennes propres, faites de 1790 à 1794, n’a trouvé qu’un demi-degré de différence dans l’intensité du chaud: or, un demi-degré de Fahrenheit, valant moins d’un quart de Réaumur, est une si petite quantité que l’on ne peut l’attribuer qu’à la différence des instruments; et si la chaleur qui devrait croître n’a pas varié, il est naturel de penser que le froid reste le même: il me semble donc que les seules circonstances démontrées quant à présent sont, les hivers plus courts, les étés plus longs, les automnes plus tardives, sans que les froids aient perdu de leur vivacité; et c’est ce que les dix dernières années ont assez bien prouvé. M. Mackenzie139, qui confirme les changements dont j’ai parlé, leur cherche une cause secrète et inhérente au globe, parce qu’il a vu ces changements se montrer en des lieux où le défrichement n’a pas encore eu lieu; mais si ces lieux, qu’il ne désigne pas, se trouvent en Canada, ils viendraient eux-mêmes à l’appui de la théorie que je propose, puisqu’il suffirait que certains rideaux de bois situés sur des crêtes de montagnes et de sillons eussent été coupés en certains cantons de Kentucky et de Genesee, pour que des courants considérables du vent de sud-ouest se fussent introduits dans l’intérieur du haut et bas Canada. L’on n’a point jusqu’à nos jours donné assez d’attention à cette marche des courants aériens qui vont rasant la terre, ni aux effets qui en résultent; mais l’expérience et l’observation finiront par prouver qu’ils jouent dans les températures locales comme dans les températures générales, un rôle bien plus influent qu’on ne l’a pensé140. D’ailleurs, je ne conteste point la possibilité de toute autre cause qui, comme à M. Mackenzie, me serait inconnue.

Une question d’un intérêt plus grand, est de savoir si le climat des États-Unis s’est amélioré par ces changements; et cette question se trouve presque résolue par la comparaison que M. Williams a présentée de l’état actuel à l’état ancien, ce qui n’est pas le côté le plus favorable. Malheureusement les observations des médecins confirment ce résultat: le docteur Rush, dont les recherches sur le climat de Pensylvanie sont le fruit d’une correspondance étendue avec ses confrères, ne peut s’empêcher de déclarer «que les fièvres bilieuses suivent partout l’abatis des bois, le défrichement des terrains, le desséchement des marécages (swamps); qu’il faut plusieurs années de culture pour les faire disparaître ou les atténuer;—que les pleurésies et autres maladies purement inflammatoires, qui jadis étaient presque les seules, sont maintenant bien moins communes; ce qui prouve une altération évidente dans la pureté de l’air alors plus oxygéné, etc.» Ce sont là des effets si naturels des théories connues sur les émanations des bois, et sur celles des terres nouvellement remuées, qu’il est inutile d’y insister; mais parce qu’un exposé détaillé des inconvénients attachés à ce climat peut avoir le mérite d’indiquer leurs préservatifs, en montrant leurs causes, je vais en faire le sujet particulier de mes recherches dans le chapitre suivant et dernier.

CHAPITRE XII. Des maladies dominantes aux États-Unis

LAISSANT à part les maladies communes à tous les pays, il m’a paru qu’il en existait aux États-Unis quatre principales, que leur fréquence et leur universalité donnent le droit de regarder comme le produit spécial du climat et du sol.

Au premier rang de ces maladies se placent les rhumes, les catarrhes, et tout ce qui dépend des transpirations supprimées, dont les symptômes et les accidents se diversifient, comme l’on sait, à raison des organes affectés. L’on peut dire que les rhumes sont la maladie endémique des États-Unis: ils règnent dans toutes les saisons, et naturellement davantage en hiver et à l’équinoxe de printemps; ils ont pour cause évidente ces brusques variations de température, qui sont le trait caractéristique du climat; ils affectent les femmes plus que les hommes, soit à raison de leur peau plus fine, de leur vie plus sédentaire et plus renfermée, soit à raison des vêtements légers et découverts, dont les modes françaises ont déja passé jusqu’en Amérique: il est vrai que pour s’y introduire, au fort même de la révolution, il leur a fallu prendre des lettres de naturalisation en Angleterre; car je dois dire, pour l’instruction des amateurs et pour l’histoire importante des modes, que j’ai vu arriver en 1795 à Philadelphie, celle qui régnait à Paris en 1793; puis celle de 1794, arriver en 1796; et lorsque je m’inquiétai de ce qu’elle devenait dans l’année intermédiaire, l’on m’expliqua qu’elle la passait à Londres, où elle recevait les formes anglaises pour lesquelles les Anglo-américains ont conservé un goût et un respect filial. Dans les villes de la côte, où l’on s’empresse d’imiter l’Europe, ces rhumes ont aussi pour causes les appartements trop chauds, les bals, les parties de thé, et les lits de plume, quelquefois à l’allemande, c’est-à-dire, plume dessous et plume dessus le corps. Les secousses de la toux, déja si fatigantes pour le poumon, lui deviennent surtout pernicieuses par la répétition des rhumes: pendant deux hivers j’en ai remarqué jusqu’à quatre et cinq récidives chez un grand nombre de personnes de la bonne société, car les riches y sont sujets de préférence: il en résulte qu’en peu d’années le poumon s’affaiblit, s’excorie, s’ulcère, et que devenant le siége et presque le cautère des humeurs viciées de tout le corps, le mal se termine par l’incurable consomption pulmonaire.

Tous les voyageurs aux États-Unis ont parlé de la fréquence de cette funeste maladie qui y moissonne principalement les jeunes femmes et filles dans la fleur de l’âge et de la beauté: elle est plus commune dans la Nouvelle-Angleterre et dans les États du Milieu, que dans les États du sud et de l’ouest. Le docteur Currie, de Liverpool, me paraît en expliquer très-bien la raison, lorsqu’il dit141 que dans les Carolines et la Virginie, l’air chaud attire vers la peau, et dissipe par la transpiration abondante les humeurs morbifiques et les matières crues des mauvaises digestions (qui elles-mêmes sont effets et causes des rhumes); tandis que dans les États du Milieu et du Nord-est, l’air humide et froid, fermant l’exutoire puissant de la peau, concentre au dedans du corps les humeurs qui, pour se faire issue, attaquent chaque organe et se fixent sur celui qui offre le moins de résistance142. J’ai lieu de croire que le thé très-chaud, dont les Anglo-américains chérissent l’usage, contribue encore à multiplier les rhumes; car j’ai souvent remarqué sur eux comme sur moi, que la moiteur qu’il occasione rend la peau plus sensible au froid, et que très-souvent j’ai pris un rhume après un déjeuner de thé, en sortant par un temps frais. L’on m’a dit que de ma part c’était faute d’habitude; mais si tel est sur un corps neuf l’effet de cette boisson, pour être moins vif, il n’est pas moins réel sur un corps habitué. J’aurai d’ailleurs bientôt occasion de remarquer que tout le régime alimentaire des Américains est calculé pour détruire la meilleure santé, et qu’ils vivent dans un état habituel d’indigestion extrêmement favorable aux rhumes. En ce moment je me résume à dire, que puisque les phthisies et les consomptions dérivent des rhumes habituels; les rhumes dérivant eux-mêmes de l’état habituel de l’air et de ses trop brusques variations, l’on a droit de regarder ces maladies comme un effet spécial du climat.

2º Les voyageurs sont également d’accord sur les fréquences des fluxions aux gencives, de la carie des dents et de la perte précoce de ces précieux instruments de la mastication. L’on peut dire que sur cent individus au-dessous de 30 ans, il n’y en a pas dix qui soient intacts à cet égard: l’on est surtout affligé de voir presque généralement de jeunes et jolies personnes qui, dès l’âge de 15 à 20 ans, ont le dentier perdu de taches noires, et souvent détruit en majeure partie. Les opinions, celles des médecins même, diffèrent sur la cause d’un mal si universel: les uns veulent que ce soit l’usage effectivement habituel et universel des viandes salées; d’autres prétendent qu’il faut l’attribuer au thé et à l’abus des sucreries. Le médecin suédois Peter Kalm, en comparant les régimes de diverses nations et de diverses classes de la société, me paraît avoir démontré que ce n’est point comme boisson sucrée, ni comme plante acrimonieuse que le thé nuit aux dents, mais comme boisson trop chaude; et en effet, il est d’expérience ancienne et connue, que toute boisson trop chaude, même du bouillon, donne aux dents une sensibilité douloureuse, qui se manifeste lorsque ensuite on leur fait toucher des corps froids: il s’établit réellement dans leur partie osseuse un ramollissement qui les rend, comme l’on dit, gelives, et les prépare à la dissolution: voilà sans doute pourquoi les dents gâtées sont un mal universel dans tout le nord de l’Europe, parce que dans les pays froids, boire chaud est une sensation agréable au palais, à l’estomac et à tout le corps; de même que, par inverse, boire frais est la sensation desirée dans les pays chauds, et il est remarquable que dans ces derniers pays les dents sont en effet très-généralement saines et belles, comme nous le voyons chez les Nègres, chez les Arabes, chez les Indiens, etc.

A l’appui de cette théorie, vient un fait remarqué depuis 20 ans aux États-Unis: jusqu’alors l’on n’avait jamais vu de sauvages ayant le dentier gâté; et les sauvages mangent ordinairement froid. Quelques individus, et particulièrement des femmes des tribus Onéidas, Senecas et Tuscaroras, qui vivent dans l’enceinte des États-Unis, ayant pris l’usage du thé, leurs dents en moins de trois ans sont devenues semblables à celles des blancs, tachées de points noirs et de carie. Un autre fait cité par le navigateur Bougainville, y est encore parfaitement analogue, lorsqu’il dit que les misérables ichthyophages de la terre de feu (les Pecherés), ont tous les dents gâtées; et ils vivent, ajoute-t-il, presque uniquement de coquillages, non pas crus, mais qu’ils font griller et qu’ils mangent brûlants.

Cependant je ne crois pas que l’on puisse exclure comme raison auxiliaire, l’usage des viandes salées, puisqu’il est constant que le scorbut, ennemi spécial du dentier, affecte le sang de tous les peuples qui usent de cet aliment. Si même l’on remarque que l’un des symptômes de cette maladie est l’odeur putride de l’haleine, et que cette odeur a lieu plus ou moins dans ceux qui ont les dents gâtées, l’on conclura que ce sont les viandes salées, dont la digestion et même le chyle alkalin et à demi putrescent portent au poumon ce genre d’exhalaisons, qui sont réellement la cause radicale et première des caries; et les boissons trop chaudes en y disposant immédiatement le dentier, et par elles-mêmes et par le contraste subséquent de l’air froid, y concourront encore par la propriété qu’elles ont de débiliter l’estomac, et de vicier les digestions. L’on ne saurait faire les mêmes reproches aux viandes fraîches, puisque les Tartares, les sauvages de l’Amérique du nord, les Patagons, et tous les animaux carnassiers, lions, loups, chiens, etc., ont des dents parfaitement belles et saines: l’on ne peut non plus inculper le sucre ni les sucreries, puisque les Africains, les Indiens, et tous les peuples qui usent et abusent de la canne à sucre et de fruits sucrés, ont des dents admirables, et que les sucs acides même des digestions (cas habituel des pays chauds) ne sont propres qu’à les nettoyer. D’après ces remarques, il seroit digne de la tendresse des parents et de la sagesse des médecins en tous pays, et surtout aux États-Unis, de décréditer l’usage des boissons chaudes, des viandes salées, et de les proscrire du régime, surtout de celui de l’enfance et de la jeunesse. Alors les fluxions, dues aux variations de l’air, et qui ne sont qu’un agent secondaire de la perte des dents, n’exerceraient qu’une très-petite portion d’influence.

3º Les fièvres d’automne avec frisson, appelées fever, an ague, les intermittentes, les tierces, les quartes, etc., sont un autre mal régnant aux États-Unis, à un point dont on ne se fait pas d’idée; elles sont surtout endémiques dans les lieux nouvellement défrichés et déboisés, dans les vallées, sur le bord des eaux soit courantes, soit stagnantes, près des étangs, des lacs, des chaussées de moulins, des marais, etc. Dans l’automne de 1796, sur une route de plus de 300 lieues, je n’ai pas trouvé, j’ose le dire, 20 maisons qui en fussent parfaitement exemptes; tout le cours de l’Ohio, une grande partie du Kentucky, tous les environs du lac Érié, et principalement le Genesee, et ses cinq ou six lacs, le cours de la Mohawk, etc., en sont annuellement infectés. Étant parti du poste de Cincinnati le 8 septembre avec le convoi du payeur-général de l’armée, major Swan, pour nous rendre au fort Détroit, distance de plus de 100 lieues, sur 25 têtes que nous étions, nous ne campâmes pas une seule nuit sans acquérir un nouveau fiévreux. A Grenville, dépôt et quartier-général de l’armée qui venait de conquérir le pays, sur environ 370 personnes, 300 étaient attaquées: quand nous arrivâmes à Détroit, j’étais le troisième resté sain, et le lendemain le major Swan et moi, nous tombâmes dangereusement frappés de fièvre maligne. Cette fièvre maligne visite chaque année la garnison du fort Miâmi, et elle y a pris déja plus d’une fois le caractère de la fièvre jaune.

Ces fièvres automnales ne sont pas mortelles, mais elles minent peu à peu les forces, et abrègent très-sensiblement la vie. D’autres voyageurs ont remarqué avant moi, que par exemple, dans la Caroline du Sud, qui y est très-sujette, l’on est vieux à 50 ans, comme on l’est en Europe à 65 et 70; et j’ai ouï dire à tous les Anglais que j’ai connus aux États-Unis, que leurs amis établis depuis peu d’années dans la partie méridionale et même moyenne, leur paraissaient vieillis du double de ce qu’ils eussent été en Angleterre et en Écosse. Ces fièvres une fois établies chez un sujet à la fin d’octobre, ne le quittent plus de tout l’hiver, et le jettent dans une langueur et dans une faiblesse déplorable. Le bas Canada et les pays froids adjacents n’y sont presque pas sujets. Elles sont plus communes dans le plat pays tempéré, et surtout au bord de la mer que dans les montagnes: par cette raison, il semblerait que les cultivateurs dussent préférer les pays élevés; mais comme le sol en est maigre et moins productif, ils préfèrent la plaine. Instruit par les Américains à réduire tout en calcul, je leur ai quelquefois fait ce raisonnement: «La plaine, dites-vous, et les bas-fonds, vous rendent par an 40 boisseaux de maïs ou 20 de froment: les terrains de côte ou de montagne en Kentucky et en Virginie ne vous en rendent pas la moitié: fort bien; mais en plaine vous êtes malade six mois, et en montagne l’on travaille pendant les douze; donc tout est égal, excepté qu’en montagne on est gai et alerte: or, gaieté vaut mieux que richesse, dit le bon homme Richard; et en plaine on est triste, et souffrant une moitié de l’année; et l’on passe l’autre moitié à se rétablir et se préparer à retomber encore.»—«Fort bien, monsieur, me répondit un jour un ministre (curé); mais dans votre équation, vous oubliez un terme très-puissant, plus puissant peut-être ici qu’en Europe; l’avantage d’être six mois sans rien faire.» Et ce ministre avait raison; car j’ai fréquemment entendu assurer en Virginie que les habitants de la côte de Norfolk préfèrent leur séjour fiévreux, mais abondant en poisson et en huîtres, qui ne coûtent presque rien, à la vie salubre des pays montueux, où l’on ne garnit sa table qu’à force de travail.

Par suite de ces raisonnements, le remède qui plaît le plus à ces malades, est celui qu’ils appellent bitters, les amers, dont l’eau-de-vie, le rhum ou le vin de Madère sont la base: et ce qui pourra étonner mon lecteur, c’est que réellement ce remède est l’un des plus efficaces: j’ai recueilli plusieurs exemples en Virginie et en Pensylvanie de familles cultivatrices, dont tous les membres ne buvant que de la bierre ou de l’eau étaient sujets à la fièvre, tandis que le mari qui usait et même abusait des boissons spiritueuses en était constamment exempt: il paraît même qu’en Hollande on a généralement cette opinion, et que l’on y regarde la fumée de tabac et les boissons fortes comme des préservatifs de la fièvre et de l’humidité. J’ai aussi connu deux cas où le desséchement d’un petit étang et du canal d’un moulin ont radicalement délivré deux familles des visites annuelles des fièvres d’automne.

Quelques observations que j’ai recueillies en Corse pendant ma résidence en 1792, se lient si bien à ce sujet important, que je ne puis les passer sous silence. Des fièvres de la même espèce infestent régulièrement chaque année plusieurs postes militaires en cette île et entre autres le petit port de Saint-Florent, qu’avoisine un pernicieux marais de 72 arpents: elles y prennent sur la fin de l’été, et dans les six premières semaines de l’automne, le caractère putride et malin, à raison de l’intensité de la chaleur et des exhalaisons; il faut alors tous les 15 ou 20 jours en renouveler les garnisons françaises en tout ou en parti, sous peine de voir les soldats en subir les suites graves et finalement mortelles; nos médecins, après l’essai de beaucoup de remèdes, remarquèrent que deux seuls postes dans toute l’île étaient absolument privilégiés, et que jamais aucune fièvre n’approchait des forts de Vivario et de Vitzavona sur Bogognano. Le hazard, comme il arrive toujours, rendit encore plus saillante la vertu salubre et même curative de ces deux situations: un officier suisse-grison tomba dangereusement malade de la fièvre à Saint-Florent, et ayant désiré d’être transporté au fort de Vivario, dont la garnison était de son régiment, il y recouvra en moins de 15 jours et la vie et la santé: le médecin répéta cette expérience sur les soldats français de son hôpital: et elle réussit si bien, que l’usage s’est établi d’y envoyer des fiévreux presque désespérés; et sans autre remède, jamais la fièvre n’a persisté au delà du onzième jour.

Or, ces deux postes diffèrent de tous les autres, en ce que non seulement ils sont éloignés de tout marais, de toute eau stagnante, mais qu’en outre ils sont placés comme deux nids d’aigles sur la chaîne des monts qui partagent l’île par son centre et dans sa longueur. L’élévation des forts au-dessus de la mer est d’environ 1100 toises: leur température ressemble à celle de la Norwège ou des Alpes moyennes, bien plus qu’à celle de l’île. Les plus vives chaleurs n’y excèdent jamais 16 à 17 degrés, et ne sont telles que dans les trois mois d’été; les neiges les environnent pendant 3 ou 4 mois, et quelquefois interrompent toute communication pendant huit ou dix semaines. La ventilation y est constante et souvent très-violente, parce qu’ils sont situés aux deux extrémités d’une gorge ou détroit, qui à ce lieu sépare la ligne des sommets formés de rocs généralement impraticables. L’on a remarqué que le fort de Vitzavona au revers occidental des montagnes, était plus humide que celui de Vivario, et un peu moins sain: jusqu’en 1793 la garnison de ces deux forts, consistant en quinze à vingt soldats pour chacun, avait été composée de Grisons, parce que ces montagnards y trouvant un climat analogue au leur, s’y plaisaient, quoiqu’en y menant une vie propre à ennuyer. Leur régime consistait, surtout en hiver, en viandes salées, en saur-craout ou choux fermentés, en bière et vin de basse qualité, et très-souvent en biscuit au lieu de pain. A peine avaient-ils autour du fort et parmi les rocs quelque espace libre pour se promener; pendant les six mois de la mauvaise saison, il leur arrivait fréquemment d’être enfermés huit et quinze jours de suite, à huis clos, par les tempêtes furieuses, les pluies, les neiges, les brouillards, dont cette région des nuages est alors le théâtre; en un mot, leur vie était celle d’une garnison de vaisseau. Je parle de ces faits comme témoin, ayant visité l’intérieur de ces deux singulières habitations, où la maladie la plus dominante est la pleurésie.

Un tel régime ne peut être la cause de tant de salubrité, puisque dans le pays inférieur il eût certainement donné la fièvre et le scorbut. Le principe de la santé ne peut donc s’attribuer qu’à la qualité de l’air, qui, à cette élévation de onze cents toises, est pur, subtil, frais, tandis qu’à la plage il est chaud, humide, et chargé d’exhalaisons de tout genre.

134.History of Vermont, pag. 64 et suiv.
135.Voyez plusieurs Mémoires de ce médecin, dans l’American Musæum, tome VI et VII. Dans ce même tome VII, un Mémoire sur le climat de New-York, confirme pour ce pays les mêmes résultats.
136.History of Vermont, pag. 61, 62, 63.
137.Je pense qu’il y a erreur d’impression ou de traduction: ce doivent être les brises de l’est et de sud-est.
138.Si depuis 1795 l’on éprouve en France une nouvelle altération dans la température des saisons et dans la nature des vents qui la produisent, j’oserais dire que c’est parce que les immenses abattis et dégâts de forêts, causés par l’anarchie de la révolution, ont troublé l’équilibre de l’air et la direction des courants?
139.Tome III, page 339.
140.Par exemple, c’est eux qui font que certains cantons sont constamment affectés de grêles ou de tonnerres, tandis qu’à une demi-lieue de là, le pays en est habituellement exempt.
141.Voyez American Museum, tome V.
142.J’ai éprouvé sur moi-même la justesse de cette théorie à mon retour d’Égypte. Au Kaire, je prenais sans inconvénient cinq ou six tasses de café par jour. Lorsque je fus sédentaire à Paris, il me devint impossible, dès le mois d’octobre, d’en supporter même une tasse à jeun sans ressentir un mouvement fébrile et nerveux. J’ajoute que pendant les trois ans que j’ai passés en Syrie et en Égypte, je n’ai eu de toute maladie que l’influenza de 1783; tandis qu’aux États-Unis, en trois ans aussi, j’ai eu deux fièvres malignes très-graves, cinq ou six gros rhumes, et des affections rhumatiques devenues incurables; et cela en me conformant en chacun de ces pays au régime suivi par les habitants.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
424 s. 24 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain