Kitabı oku: «Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique», sayfa 3
§ III
Contrée des montagnes
La troisième grande lisière parallèle est cette ligne de terrain montueux, dont j’ai déja parlé, laquelle s’étend de l’embouchure de Saint-Laurent aux confins de la Géorgie, partage les eaux de l’est et de l’ouest, et forme comme une haute terrasse ou rempart entre les deux contrées Atlantique et Mississipi. On peut estimer à environ 400 lieues la longueur de cette bande, sur une largeur très-variable, mais assez généralement de 30 à 50 lieues.
Cette contrée, quoique très-étroite comparativement, exerce néanmoins une grande influence de température sur les deux adjacentes dont elle diffère par le climat, le sol, et même par les productions. Vers le Sud, l’air y est plus pur, plus sec, plus élastique, plus sain: vers le nord, et dès le Potômac, les brumes et les pluies y sont plus communes, les animaux plus grands et plus vifs; et les arbres forestiers, sans être aussi gros que ceux de l’ouest, le sont plus que ceux de l’est, et surpassent les uns et les autres en élasticité.
Cette chaîne de montagnes diffère de celles de notre Europe, en ce que plus longue et plus régulière dans ses sillons, que les Alpes et les Pyrénées, elle est cependant bien moins haute qu’elles. Des mesures prises en divers points avec précision, vont en fournir des preuves instructives et satisfaisantes.
En Virginie, le pic Otter, point dominant de tout le pays, n’a de hauteur que 1218 mètres ⅔ (4000 pieds anglais)29.
Dans le même canton, M. Jonathan Williams30, parti du lieu où finit la marée, au-dessous de Richmond, et mesurant sa route jusque sur la première chaîne de Blue-ridge, a trouvé au col (cap) de Rockfish, 350 mètres d’élévation (1150 pieds anglais). Près de là, un pic dominant lui a donné 554 mètres (1822 pieds anglais); plus loin, après la ville de Staunton, montant un chaînon de l’Alleghany, il a trouvé 577 mètres (1898 pieds anglais); un second chaînon, celui de Calf-pasture, lui a donné 683 mètres (2247 pieds anglais); enfin, un troisième chaînon, celui qui partage les eaux, et qui n’est coupé par aucune, mesuré à 6 milles sud-ouest de Red-spring lui a donné 822 mètres (2706 pieds anglais).
En Maryland, Georges Guilpin et James Smith ont levé, en 1789, les niveaux suivants:
Sur le fleuve Potômac, à partir du terme de la marée, c’est-à-dire, des rapides de George-town, jusqu’à l’embouchure de Savage-river, dans une étendue de 218 milles anglais (environ 73 lieues), le niveau est de 352 mètres ⅔ (1160 pieds anglais); dans ce compte, les rapides de Georgetown sont portés pour 11 mètres ¼ (37 pieds anglais), et la grande chute de Matilda pour 23 mètres 1/10 (76 pieds anglais), y compris ses rapides qui se prolongent 3 milles au-dessus d’elle.
Depuis l’embouchure de Savage-river jusqu’au lieu dit Moses-williams, sur le sommet de l’Alleghany, dans un espace de 8 ¾ milles, le niveau est de 637 mètres ½ (2097 pieds anglais), total 990 mètres (3257 pieds anglais).
En sorte que l’Alleghany, que j’ai moi-même traversé dans cette partie, et qui m’a paru y être le plus élevé, n’a pas, au-dessus de l’océan, plus de 822 mètres, ou 405 toises. Blue-ridge, à la brèche de Harper’s-ferry, sous l’embouchure de la rivière Chenando, m’a paru avoir à peu près la même hauteur qu’à Rock-fish-gap; ainsi son terme moyen peut être évalué à 350 mètres, c’est-à-dire, moins de la moitié de l’Alleghany (dans la Virginie).
En Pensylvanie, la hauteur de l’Alleghany, au-dessus du plat pays, n’est, selon le docteur Rush, que de 395 mètres ⅕ (1300 pieds anglais); et en effet, les voyageurs remarquent que l’on y arrive par une suite de pentes douces et graduelles, sans beaucoup s’en apercevoir.
Dans l’État de New-York, aux montagnes appelées Catskill, le plus haut pic mesuré en 1798 par Peter de la Bigarre31, a donné de hauteur 1079 mètres (3549 pieds anglais) au-dessus des eaux de l’Hudson, qui éprouve la marée jusqu’à 10 milles au-dessus d’Albany.
En Vermont, le pic de Killington mesuré par Samuel Williams, comme le plus élevé de toute la chaîne, n’a que 1049 mètres ⅔ (3454 pieds anglais)32.
Enfin, les montagnes Blanches (White-hills) dans le New-Hampshire, qui sont vues de trente lieues en mer, et que M. Belknap évalue33, d’après des voyageurs, à 3040 mètres (10,000 pieds d’élévation), ne sont portées, par M. S. Williams, qui en donne des raisons motivées, qu’à 2361 mètres (7800 pieds anglais).
La chaîne de l’Alleghany ne doit donc être considérée que comme un rempart d’une hauteur moyenne de 700 à 800 mètres (environ 350 à 400 toises), ce qui diffère absolument des grandes chaînes du globe, telles que par exemple les
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et l’on conçoit que cette circonstance doit beaucoup influer sur la météorologie des États-Unis et de tout leur continent, ainsi que je le développerai par la suite.
Les voyageurs européens remarquent tous avec surprise, que les montagnes américaines ont dans leur direction plus de régularité, dans leurs sillons plus de continuité, dans la ligne de leurs sommets plus d’égalité que les montagnes de notre continent. Ce caractère est surtout frappant en Virginie et en Maryland dans le sillon de Blue-ridge. Ce sillon, que j’ai traversé ou suivi depuis la frontière de Pensylvanie jusqu’au fleuve James, m’a toujours présenté l’aspect d’une terrasse de 1000 à 1200 pieds d’élévation sur la plaine avec une pente très-roide et un sommet si égal, qu’à peine y voit-on des ondulations et quelques brèches ou gap qui servent de passage. La base de cette masse n’excède pas quatre à six milles (deux à trois lieues). En venant au nord, cette chaîne s’abaisse ainsi que ses parallèles; et parce que quelques bifurcations ont causé en Pensylvanie une confusion de noms qui embarrasse même les géographes, je tenterai d’abord de les éclaircir.
En Virginie, l’on distingue nettement trois sillons principaux bien caractérisés, qui sont:
1º Le sillon Blue-ridge, situé le plus à l’est, qui tire ce nom, signifiant Chaîne-bleue, de son apparence bleuâtre lointaine quand on vient du pays plat maritime: il porte le nom de South-mountain, ou Montagne du Sud dans les cartes d’Evans et d’autres géographes, sans que l’on en puisse donner une bonne raison. En général, les montagnes des États-Unis, nommées au hasard par les colons de chaque canton, n’ont qu’une nomenclature insignifiante et souvent bizarre. Quoi qu’il en soit de Blue-ridge, ce sillon part du grand arc ou nœud de l’Alleghany; il est même le prolongement le plus direct de cette chaîne en venant du sud: il traverse le fleuve James au-dessous de la jonction de ses deux branches supérieures; le Potômac au-dessous de la Shenandoa; la Susquehannah au-dessous de Harrisburg; et les voyageurs observent que le lit de cette rivière, jusque-là navigable sur un fond calcaire, devient intraitable à cause des rocs et des grès de Blue-ridge. En Pensylvanie, ce sillon, moins continu et moins élevé, prend, selon les cantons, les noms divers de Trent, de Flying, de Holy-hills; mais il n’en est pas moins le même rameau qui traverse le Schoolkill sous Reading; la Delaware au-dessous de sa branche ouest et de la ville d’Easton; d’où il va se perdre au groupe de Catskill, vers les bords de l’Hudson.
La seconde chaîne, appelée North-mountain, montagne du Nord, sans plus de raison que la précédente, part aussi du grand arc de l’Alleghany, et se tenant parallèle, mais occidentale à Blue-ridge, elle traverse les hautes branches du James, douze à quatorze milles au-dessus de leur jonction; le Potômac vingt-quatre milles au-dessus de la Shenandoa; mais lorsqu’elle atteint les branches ouest de la rivière grande Conegochigue, elle se divise en plusieurs rameaux, qui jettent de l’incertitude sur sa suite. Quelques géographes veulent voir son prolongement dans le chaînon de Tuscarora, quoique divergent, lequel, après avoir traversé la rivière Juniata, va se perdre dans les déserts rocailleux et marécageux du nord-est de la Susquehannah: d’autres suivent North-mountain dans le chaînon de Kittatiny, lequel, plus direct, court parallèlement à Blue-ridge, jusqu’à la Delaware, qu’il passe au-dessus de sa branche ouest et de Nazareth: après quoi il côtoie la rive orientale de ce fleuve, et va se terminer, avec les sillons de Blue-ridge, au groupe de Catskill et aux montagnes qui séparent les sources de la Delaware du cours de l’Hudson.
En Pensylvanie, l’on confond assez généralement Blue-ridge avec North-mountain, parce que les caractères de l’un et de l’autre étant moins marqués, chaque canton a donné l’épithète de bleue à sa chaîne la plus élevée, et des noms particuliers à chaque rameau différent; mais la continuité géographique de North-mountain par Kittatiny, et de Blue-ridge par les Flying et Holy-hills, telle que je l’ai tracée, me paraît la mieux établie par la direction générale de ces chaînes, par la nature de leurs pierres et par leurs concours à former une vallée calcaire qui se prolonge entre elles sans interruption depuis la Delaware et les territoires d’Easton et de Nazareth, jusqu’aux sources de la Shenandoa, par-delà Staunton34.
La troisième chaîne principale, l’Alleghany proprement dit, est le sillon le plus élevé à l’ouest qui, partageant toutes les eaux, sans être traversé d’aucune, a mérité le nom d’Endless ou Sillon sans fin. Celui-là pris à son extrémité sud, vient de l’angle de la Géorgie et de la Caroline, où il reçoit les noms divers de montagnes du Chêne-blanc, du Grand-fer, de montagne Chauve, et même de montagne Bleue35. Là il verse à l’ouest quelques branches de la rivière Tennessee; à l’est les fleuves des deux Carolines, auxquelles il sert de limite occidentale: arrivé en Virginie, il forme l’arc dont j’ai parlé, en se courbant vers le nord-ouest, et enveloppant les sillons précédents; puis il reprend sa route nord nord-est, envoie à l’Ohio les eaux du grand Kanhawa et de la Monongahéla; à l’océan Atlantique, celles des fleuves James, Potômac, Susquehannah, etc.: mais vers les sources de la branche ouest de ce dernier, il se divise en rameaux divers, dont les plus considérables se dirigent à l’est, et vont à travers toutes les eaux de la Susquehannah, se terminer au Catskill et aux sources de la Delaware sur l’Hudson; tandis que d’autres rameaux à l’est enveloppent les sources mêmes de la Susquehannah, et par Tyoga, vont fournir celles des lacs Iroquois ou du Génessee: à moins que l’on ne veuille attribuer ces rameaux à un sillon plus occidental qui, sous les noms de Gauley, de Laurel et de Chesnut-ridge, vient aussi se terminer dans cette contrée.
Outre les trois chaînes principales de la Virginie que je viens de décrire, il est encore plusieurs sillons intermédiaires, qui souvent les égalent en hauteur, en roideur, en continuité: tels sont ceux de Calf-pasture, de Cow-pasture36 et de Jackson, que j’ai traversés en me rendant de Staunton à Greenbrïar. C’est dans ces dernières montagnes que sont situées les eaux thermales de diverses qualités, célèbres en Virginie pour leurs cures, et désignées sous les noms de Warm-spring, source chaude tempérée; Hot-spring, source très-chaude; Red-spring, source rouge, etc.; Warm-spring que j’ai vu, est une source sulfureuse ammoniacale d’environ 20 degrés de chaleur: elle est située au fond d’un profond vallon en forme d’entonnoir, que tout indique avoir été le cratère d’un volcan éteint.
A l’ouest de l’Alleghany, vers le bassin d’Ohio, il est aussi plusieurs sillons remarquables; j’en ai traversé un premier sous le nom de Reynick37 et High-ballantines, 8 milles à l’ouest du town ou village de Green-brïar, et il m’a paru aussi élevé, mais bien plus large que Blue-ridge. De son plateau j’en vis une foule d’autres vers sud-ouest et nord-est. Quinze milles plus loin, par une route tortueuse, j’entrai dans une série d’autres chaînons que je ne cessai de traverser, pendant 38 milles, au nombre de 8 ou 10 jusqu’à celui de Gauley, le plus élevé, le plus rapide de tous, et le plus étroit sur sa crète. Je regarde tout l’espace de ces 38 milles, comme une seule et même plate-forme assez élevée. Par-delà le Gauley l’on ne traverse plus de haut chaînon qu’avec le cours des eaux dont on suit la direction, et souvent le lit; mais j’ai remarqué que le lit du grand Kanhawa se fait souvent jour à travers l’un des pays les plus scabreux que j’y aie rencontré. Beaucoup de ces sillons se dirigent sur l’Ohio, et nous verrons que quelques-uns doivent l’avoir traversé: ce Gauley-ridge prend son origine aux sources du grand Kanhawa, au sud-ouest de l’arc d’Alleghany; et sous le nom de Laurel-hill, de Chesnut-ridge, il va dans le nord se terminer aux têtes de la Susquehannah: au sud, les colons de Kentucky et de Tennessee ont étendu le nom de grand Laurel au rameau principal qui sépare le Kentucky de la Virginie; et ils ont communiqué le nom de Cumberland à sa continuation, qui côtoie et limite la rivière de Cumberland jusqu’à son embouchure. Je n’ai pas de renseignements suffisants sur cette partie. Le gouvernement des États-Unis a en main un moyen très-simple de s’en procurer un corps complet; ce serait de soumettre tous les arpenteurs par une ordonnance du collége de William et Mary de Williamsburg, où ils subissent leur examen et reçoivent leur patente, à ajouter des détails de topographie aux stériles procès verbaux de leurs alignements. En peu d’années, l’on aurait sans frais un système complet des montagnes et des eaux.
Il me reste à donner sur la structure intérieure de ces montagnes, c’est-à-dire sur la disposition et la nature des bancs et couches de pierre qui leur servent de noyau, les renseignements que j’ai pu me procurer; quelque incomplets qu’ils puissent être, j’ai lieu de croire qu’ils seront de quelque intérêt, ne fût-ce que par leur nouveauté; leur ensemble et le soin que j’y ai donné pour satisfaire les lecteurs qui attachent à la géographie physique l’importance que mérite cette science. Pour qui sait observer des faits et en tirer de sages inductions, la structure de notre globe est un livre bien autrement instructif et authentique sur ses révolutions et sur leur histoire, que les traditions, vagues d’abord et sans autorité, des peuples ignorants et sauvages, érigées ensuite en systèmes dogmatiques chez les peuples civilisés.
CHAPITRE IV. Structure intérieure du sol
PENDANT le cours de mes divers voyages dans les États-Unis, j’ai attaché un intérêt et un soin particuliers à recueillir des échantillons des bancs et couches de pierres que j’ai trouvés les plus dominants et les plus répandus: me trouvant quelquefois à pied plusieurs jours de suite, je n’ai pu me charger que de petits volumes; mais ils ont suffi à mon objet; et tous ces morceaux réunis ou comparés à ceux que des voyageurs étrangers m’ont communiqués ou donnés à Philadelphie, m’ont servi à déterminer à Paris, avec les secours de quelques minéralogistes, le genre et les dénominations de leurs couches-mères, et à mettre en ordre une espèce de géographie physique des États-Unis38.
En jugeant d’après ces moyens d’instruction, je crois pouvoir établir avec assez d’exactitude que le grand pays compris entre l’Atlantique et le Mississipi est divisé en 5 régions ou natures différentes de sol classées comme il suit.
§ I
Région granitique
La première région, qui est celle des granits, a pour limite la mer Atlantique, à prendre depuis Long-Island jusqu’à l’embouchure du Saint-Laurent; de là une ligne remontant ce fleuve jusqu’au lac Ontario, ou plutôt jusqu’à Kingston (alias Frontenac), et au lieu appelé Mille-îles; se portant, par les sources et le cours du Mohawk jusqu’au fleuve Hudson, le long duquel elle revient à son point de départ, Long-Island. Dans tout cet espace, le sol est assis sur des bancs granitiques qui forment la charpente des montagnes, et qui n’admettent, que par exception, des bancs d’autre nature. Le granit se montre à nu dans tous les environs de la ville de New-York: il est le noyau de Long-Island (Ile longue), autour de laquelle des sables ont été entassés et moulés par la mer: on le suit sans interruption sur toute la côte de Connecticut, de Rhode-Island, de Massachusets, en exceptant le cap Cod, qui est formé de sables apportés par le grand courant du golfe du Mexique et de Bahama39, dont j’aurai occasion de parler. Le granit se prolonge encore sur le rivage de New-Hamsphire et de Maine, où il est mêlé de quelques grès, et aussi de pierres à chaux, dont ce dernier pays approvisionne Boston. Il compose les nombreux écueils de la côte d’Acadie et le noyau des montagnes dites de Notre-Dame et de la Madeleine, situées à droite de l’embouchure du Saint-Laurent. Les rives de ce fleuve sont généralement schisteuses, cela n’empêche pas le granit de s’y montrer fréquemment en blocs détachés, et en écueils adhérents au lit. On le retrouve dans tous les environs de Québec; dans la masse du roc qui porte la citadelle; dans les montagnes assez hautes, qui sont au nord-ouest de cette ville; enfin, sous la cascade dite de Montmorency, où une petite rivière, qui vient du nord, se jette dans le Saint-Laurent, d’une hauteur de 180 pieds: le lit immédiat de cette chute est un banc calcaire horizontal, gris-noir, de l’espèce appelée primitive ou cristallisée: mais il est porté sur des bancs de granit gris-brun, d’un grain très-serré, qui est presque perpendiculaire à l’horizon: partout où ces bancs se montrent le long du Saint-Laurent, ils sont plus ou moins inclinés, et jamais parallèles à l’horizon: sur la rive droite de ce fleuve, en face de Québec, abonde un granit coloré de rouge, de noir et de gris, le même que j’ai trouvé au palais de la législature (state-house) à Boston, dont les environs le fournissent; et tous deux semblables au bloc-piédestal qui porte la statue du tsar Pierre Ier à Saint-Pétersbourg; ce bloc, venu du lac Ladoga. L’île où est située la ville de Montréal, est calcaire; mais tout le rivage qui l’entoure offre des blocs de granit roulés, venus sans doute des hauteurs adjacentes. Le sommet de la montagne de Bel-œil est de granit, ainsi que le chaînon des montagnes Blanches de New-Hampshire, auquel on peut dire qu’il appartient. Les rameaux de la Nouvelle-Angleterre sont aussi de granit, excepté les environs de Middleton et de Worcester, qui sont de grès. L’on m’assure que le rameau occidental de Green-mountains, et la majeure partie du lac Champlain qu’il limite, sont calcaires, quoique les rocs de Ticonderoga soient de grès; et que le rameau oriental, qui traverse l’état de Vermont, est de granit: alors il paraît que le granit traverse le lac Saint-Georges, ou l’isthme qui le sépare du fleuve Hudson pour remonter aux sources de ce fleuve et de Black-river; de là il se porte jusqu’au Saint-Laurent, à Mille-îles et à Frontenac, où on le trouve toujours rougeâtre, formé en gros cristaux, et surchargé de feld-spath. M. Alexandre Mackenzie, dans son voyage récemment publié40, fournit les moyens d’en suivre les prolongements bien plus loin dans le nord de ce continent. Cet estimable voyageur, dont j’ai eu occasion de connaître à Philadelphie la personne et le mérite, observe (tome III, page 335), «qu’un granit de couleur grise obscure, se trouve dans tout le pays qui s’étend depuis le lac Winipik jusqu’à la baie de Hudson; que même on lui a dit qu’il y en avait également depuis la baie de Hudson jusqu’à la côte du Labrador.»
Par conséquent tout le nord de l’Amérique, jusqu’à Long-Island, est une contrée granitique.
Quelques lignes auparavant, M. Mackenzie avait dit que des rochers de la nature de la pierre à chaux, disposés par couches minces, et presque horizontales, d’une pâte assez molle, se voyaient sur la rive Est du lac Dauphin, sur les bords des lacs du Castor, du Cédre, du lac Winipik et du lac Supérieur, ainsi que dans les lits des rivières qui traversent la longue ligne de toutes ces eaux. Il ajoute: «Ce qui est aussi bien remarquable, c’est que dans la partie la plus étroite du lac Winipik, large de deux milles au plus, la rive ouest est bordée de cette même qualité de rochers calcaires; escarpés de 30 pieds d’élévation; tandis que sur la rive opposée, celle d’est, des rochers encore plus hauts, sont du granit mentionné ci-dessus.»
De l’ensemble de ses descriptions que j’abrége, il résulte que la région des mêmes pierres calcaires que nous verrons régner dans tout l’ouest des Alleghanys, s’étend, par une ligne nord-ouest, au delà du lac Michigan, jusqu’aux sources du Mississipi; et de là à celles de la rivière Saskatchiwayne, rejoignant ainsi la grande chaîne des monts Stony ou Chipawas, qui elle-même est un prolongement de la Cordillère des Andes; et il faut remarquer, dit encore M. Mackenzie, «que c’est dans la ligne de contact de ces immenses chaînes de granit et de pierres à chaux, que sont placés tous les grands lacs de l’Amérique du nord.» Fait physique, vraiment digne de l’attention des naturalistes géologues.
Revenant au sud du fleuve Saint-Laurent, le granit tapisse le comté de Steuben jusqu’aux sources de la rivière Mohawk41, dont il accompagne le cours, sans que je puisse assurer qu’il la traverse, excepté à sa petite chute au-dessus de Schenectady. On ne le voit point à sa grande chute appelée Cohoës, dont le lit est de pierre serpentine de la même espèce que j’ai trouvée à Monticello42 en Virginie, espèce très-répandue dans tout le chaînon dit Sud-Ouest; mais il reparaît dès au-dessous d’Albany, sur la rive orientale de l’Hudson, qui coule constamment entre deux côtes raboteuses et couvertes de maigres taillis de chênes et de sapins: à 20 milles au-dessous de Poughkeepsie commencent des sillons transverses, rocailleux et stériles qui m’ont retracé la Corse et le Vivarais; ils brisent la route pendant 25 milles, et de toutes parts ils montrent des blocs de granit grisâtres, disposés par bancs inclinés à l’horizon de 45 à 50 degrés, et couverts de mousses, de sapins et autres arbres verts rabougris. Le fleuve coule au milieu de bancs semblables, jusqu’à West-point, où il a forcé la barrière des rocs que lui opposait le dernier de ces sillons transverses, au pied duquel finissent les High-lands (Terres-hautes), et commencent les Terres-basses ou maritimes.
Dans ce dernier pays, qui règne en plaine jusqu’à New-York, la rive gauche du fleuve ne cesse de montrer des bancs de granit rougeâtre ou grisâtre sortant de terre, de manière à faire penser qu’ils y pénètrent fort avant.
Des recherches minéralogiques, entreprises par une société de médecins de New-York43, constatent que le granit traverse le territoire de cette ville, le fleuve Hudson, la rivière de Harlem, et qu’il s’étend dans tout le premier rang des collines de New-Jersey. La direction de ces bancs, surtout depuis la frontière de Connecticut, est du nord-est au sud-ouest, c’est-à-dire parallèlement à la côte; leur inclinaison est presque verticale à l’horizon, et leur chaîne est jugée se prolonger jusque dans le Vermont. Le docteur Mitchill, voyageur pour cette société, observe, dans le compte qu’il lui a rendu de ces faits (en 1797), que depuis la mer jusqu’à West-point, c’est-à-dire dans les terres basses et d’alluvion maritime, le granit est mêlé de quartz, feld-spath, schorl, mica et grenat, tantôt par grumeaux, tantôt par feuillets; que la région granitique finit brusquement sur la rive de l’Hudson, à l’île Pollepell, en face d’un gros roc de Fish-kill, (20 milles au-dessous de Poughkeepsee), et qu’à la distance de 40 rod (200 mètres) plus loin commence une région schisteuse, qui sort de terre sur la rive du fleuve, comme si elle y servait de lit au granit: il conjecture que ce schiste s’étend jusqu’à Albany, et qu’il sert d’appui à la chute de Cohoës; ce qui ne peut s’admettre qu’autant qu’il appellerait schiste la serpentine dont on m’a remis l’échantillon, et qui elle-même est le lit immédiat de la chute. Ce schiste, ajoute M. Mitchill, sert aussi de lit à des bancs calcaires épars dans le pays: il cite un bloc de ce genre à un mille de Claverac, et à 4 milles du fleuve Hudson et du village du même nom, lequel présente une masse proéminente de 800 acres de surface, remplie de coquillages, sans analogues dans la mer voisine distante de 140 milles, c’est-à-dire de plus de 46 lieues.
M. Mitchill cite d’autres bancs calcaires près de New-York, à l’endroit où les eaux se partagent et versent, les unes dans l’Hudson, et les autres dans le Sound, ou bras de mer en face de Long-Island; il pense qu’à une époque inconnue de l’histoire l’Océan a séjourné sur ce terrain, et son opinion s’étaie de tous les faits qu’il cite sur les montagnes de Catskill.
Il a trouvé ces montagnes de Catskill composées du même grès que Blue-ridge dont il les juge être un prolongement; ce fait fixe de ce côté la limite réciproque des granits et des grès qui composent, comme nous l’allons voir, une seconde région très-étendue. Ces grès à Catskill sont portés sur un lit d’ardoise friable qui, au feu, rend une forte odeur de bitume, et qui présente ses bancs tantôt bouleversés en désordre, et tantôt inclinés à l’horizon, depuis 50 jusqu’à 80 degrés. M. Mitchill crut d’abord ce terrain primitif, parce que les granits et les grès ne contenaient pas de fossiles; mais bientôt plusieurs indications contraires, telles que, 1º l’aspect des rocs formés de gravier, de cailloux, de quartz rouge et blanc, de jaspe roux et de grès, tous évidemment roulés et triturés par les eaux; 2º les couches horizontales et très-régulières de ces rocs; 3º les coquilles fossiles, inconnues dans ces mers (excepté le clam et le scolop), et trouvées sur leurs cimes dans un terrain d’argile et de cailloux; tous ces faits l’ont déterminé à voir, dans cette disposition de terrain, trois grandes époques de formation: la 1re époque, celle qui plaça les sables; la 2e, celle des eaux qui les roulèrent et les triturèrent; la 3e, celle de l’existence des coquillages vivants.
Enfin, il remarque que le côté escarpé de ces montagnes verse à l’ouest, tandis que la pente d’est est aisée et sans correspondance opposite. Hors de la région des granits que je viens de décrire, il existe quelques cas d’exception, dont les plus remarquables sont, 1º les montagnes entre Harrisburg et Sunbury sur le Susquehannah, composées en majeure partie de ce genre de pierre44; 2º une veine de granit-talkeux ou isinglass, dont je parlerai § IV; 3º des blocs multipliés au pied de la chaîne sud-ouest en Virginie, principalement près de Milton sur Fluvannah.