Kitabı oku: «Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique», sayfa 8
§ II
Les variations journalières sont plus grandes et plus brusques sur la côte atlantique qu’en Europe.
Les variations excessives dont je viens de parler ne se bornent pas aux saisons sur la côte atlantique; elles y ont encore lieu d’un jour à l’autre, ou, pour mieux dire, très-fréquemment dans l’espace d’un seul jour. On les remarque surtout dans les États du milieu, tels que le sud du New-York, la totalité de la Pensylvanie et du Maryland; et dans le pays plat, plutôt que sur les montagnes; par la raison sans doute que ces États du Milieu, placés entre deux atmosphères opposées, celle du pôle et celle du tropique, sont le théâtre où se passe la lutte perpétuelle des grandes masses d’air froid et d’air chaud.
«Notre climat de Pensylvanie,» dit le docteur Kush84, «est un composé de tous les climats; l’humidité de l’Angleterre au printemps, la chaleur de l’Afrique en été, le ciel de l’Egypte en automne, le froid de la Norwège en hiver; et ce qui est bien plus fâcheux, quelquefois la réunion de toutes dans un jour… Dans le cours de nos hivers, surtout en janvier et février, il arrive souvent, en moins de 18 heures, des variations de 6°, 8° et même de 12° (R)85 du froid au chaud et du chaud au froid, qui ont les plus fâcheux effets pour la santé. Du 4 au 5 février 1788, le mercure tomba, en moins de 10 heures, par un vent de nord-ouest, depuis 2°¼ sous glace à 16°¼, différence 14° (R). D’autres fois les vents de sud et sud-est amenant un air chaud de 10° et 12°, occasionent des dégels subits, et l’on a vu cette température, persistant quelques jours, tromper la végétation, et faire éclore les fleurs des pêchers en janvier; mais parce que le règne des froids ne finit réellement qu’en avril, il ne manque jamais d’arriver de nouvelles gelées par les vents de nord-est et nord-ouest, qui reproduisent les alternatives que j’ai citées.
«Les mêmes variations ont lieu en été,» continue le docteur Rush, «et de vives fraîcheurs remplacent presque chaque nuit les violentes chaleurs du jour. L’on observe même que plus le mercure monte dans l’après-midi, plus bas il tombe le matin au point du jour, car ce sont là les époques extrêmes du froid et du chaud. Si à 2 heures après midi, il a monté à 22°, à la pointe du jour suivant, il sera vers 15° ou 16°; s’il n’a monté qu’à 16° ou 17°, il tombera vers 11° ou 12°: ces chutes arrivent surtout après une pluie d’orage; dans l’été de 1775, on a vu, en pareil cas, dans l’espace d’une heure et demie, une chute de 8°½ (R)… En général, excepté en juillet et août, il se passe peu de soirées sans qu’on trouve le feu agréable. Ces variations ne sont point aussi marquées dans la haute Pensylvanie vers les sources de la Susquehannah et sur les plateaux de l’Alleghany: les froids en hiver y sont plus fixes; en été les chaleurs y sont moins intenses; et sans doute la qualité de l’air les rend aussi plus supportables que dans notre pays inférieur où l’atmosphère est dense et humide».
Ce que nous venons de voir de la Pensylvanie, et qui convient également au sud du New-York, au New-Jersey, au Maryland, s’applique encore avec assez peu de différence à la côte de Virginie et des Carolines: dans la ville de Charlestown, l’on éprouve fréquemment dans un jour d’été ou d’hiver les variations de 8° et 10° (R). L’on a des exemples de 12° et de 15°, et le docteur Ramsay en cite un de 22° (R) en moins de quinze heures. Le 28 octobre 1793, le mercure tomba de 18° sur zéro à 3° sur zéro, différence 15° en dix à douze heures86».
A Savanah, Henry Ellis, après s’être plaint des chaleurs d’été, ajoute:
«J’ai vu à la baie de Hudson tous les climats en un an; ici je les éprouve en douze heures. Le 10 octobre 1757, le mercure était au soir à 24° (R); le lendemain 11, il fut à 2° ⅓; différence 21° ⅔87».
Les pays du nord ne sont pas moins exposés à ces vicissitudes; mais il y a cette différence entre eux et ceux du midi, que dans les États du Sud, les variations se font plutôt du chaud au froid, tandis que dans les États du Nord, elles ont plus souvent lieu du froid au chaud; en sorte que dans ces derniers, l’effet produit sur les corps arrive plus souvent par dilatation, tandis que dans les premiers il arrive plutôt par constriction. Je trouve dans le journal manuscrit de Bougainville, des faits de ce genre qui méritent d’être cités.
«11 décembre 1756, à Québec: depuis trois jours, le thermomètre a monté de 19° sous glace à zéro de glace. Aujourd’hui il pleut et dégèle par vent de sud, et le temps est aussi vain qu’au printemps.
«14 décembre après midi: le vent vient de tourner à nord-ouest; la gelée reprend ferme: déja 3°½ sous glace: le lendemain 15, le mercure est à 21°, le vent a passé du nord-ouest au sud-ouest, ciel clair-fin.
«Le 18 janvier par vent de nord-ouest, 27° sous glace; temps clair, prodigieusement froid: les voyageurs arrivent avec le nez et les doigts des mains et des pieds gelés: le froid est toujours moindre à la basse ville qu’à la citadelle: l’élévation de celle-ci l’expose au vent de nord-ouest dont la ville est garantie.»
A la baie de Hudson, Umfreville et Robson, observateurs également exacts et judicieux, citent des faits semblables: ils remarquent que pendant les vingt à trente jours que durent les chaleurs d’été, les nuits se tiennent souvent assez chaudes; mais pendant l’hiver, il arrive par les vents de sud de ces transitions d’un froid de 18° et 20° à zéro de glace, qui occasionent cette sensation d’un temps vain, dont parle Bougainville; sensation très-bizarre pour nous, qui à ce terme de zéro, nous plaignons du froid; mais qui est réellement la même chose que lorsque nous passons de zéro à 15° sur glace, et que lorsqu’un Africain passe de 20 à 30 degrés, toujours effet de comparaison. C’est encore par l’effet de cette habitude des organes, qu’à Charlestown on se plaint du froid quand le thermomètre est à 10° ou 12° sur glace, et que l’on y brûle, selon la remarque de Liancourt, autant de bois qu’à Philadelphie, où le mercure tombe 15° plus bas.
En comparant les tables thermométriques des divers lieux dont je viens de parler, et en faisant moi-même des observations journalières sur les variations de l’air, je n’ai pu manquer d’apercevoir une harmonie constante entre ces variations, et certains rumbs de vents qui leur sont toujours associés: toujours j’ai vu les transitions du froid au chaud se faire par le changement et le passage des vents de nord-est et nord-ouest, aux rumbs de sud-est et de sud: et par inverse les transitions du chaud au froid, se faire par le changement des vents de sud et sud-est en vents de nord-est et nord-ouest, et cela depuis la Floride jusqu’au Canada et à la baie de Hudson: de là un premier élément de théorie applicable à tous les problèmes de ce climat; mais parce que les bonne théories ne sont que la série méthodique et la réunion de tous les faits d’un même genre, je ne veux point me hâter de résoudre ces problèmes par des faits isolés, et je continue d’y procéder par l’exposition de plusieurs singularités, qui au premier coup d’œil sembleraient y faire exception.
§ III
Le climat du bassin d’Ohio et de Mississipi est moins froid de trois degrés de latitude que celui de la Côte atlantique.
Voici une de ces singularités qui mérite d’autant plus d’attention que je ne sache pas qu’on l’ait décrite jusqu’à ce jour avec toutes ses circonstances. Pour le fait principal j’emprunterai les paroles de M. Jefferson dans ses notes sur la Virginie (p. 7).
«C’est une chose remarquable, dit-il, qu’en allant de l’est à l’ouest, sous le même parallèle, notre climat devient plus froid à mesure qu’on avance vers l’ouest, comme si l’on se rapprochait du nord. Cette observation a lieu pour celui qui vient des parties du continent situées à l’est des Alleghanys, jusqu’à ce qu’il ait atteint le sommet de ces montagnes, qui sont les terres les plus hautes, entre l’Océan et le Mississipi. De là, en se tenant toujours sous la même latitude, et allant à l’ouest jusqu’au Mississipi, la progression se renverse; et si nous en croyons les voyageurs, le climat devient plus chaud qu’il ne l’est sur les côtes aux mêmes latitudes. Leur témoignage sur ce point est confirmé par les espèces de végétaux et d’animaux qui subsistent et se multiplient naturellement dans ces pays, et qui ne réussissent point sur les côtes. Ainsi l’on trouve les catalpas sur le Mississipi jusqu’au 37° de latitude, et les roseaux jusqu’au 38°: on voit les perroquets, même l’hiver, sur le Scioto au 39°. Dans l’été de 1779, lorsque le thermomètre était à 90° Fahrenheit, (25° ¾ R.) à Monticello, et à 96° F. (28° ⅓ R.) à Williamsburg, il était à 110° F. à Kaskaskia (34° ⅔ R.), etc.»
Comme voyageur je puis confirmer et développer l’assertion de M. Jefferson: dans le trajet que je fis pendant l’été de 1796, depuis Washington sur Potômac, jusqu’au poste Vincennes, sur la Wabash, je recueillis des notes dont voici les principaux résultats;
5 mai 1796, premières fraises à Annapolis sur le rivage et au niveau de l’Océan;
12 mai, les mêmes à Washington, sol déja plus élevé;
30 mai, les mêmes à Frédérick-Town, au pied de Blue-ridge, environ 180 pieds au-dessus de l’Océan (ici les cerises ne mûrissent pas mieux qu’à Albany, 50 lieues plus nord; mais situé au niveau de la marée);
6 juin, premières fraises dans la vallée de Shenandoa à l’ouest de Blue-ridge, et peut-être 150 toises au-dessus de l’Océan;
1er juillet à Monticello, chez M. Jefferson, la moisson de froment a commencé sur les basses pentes de South West mountain, à l’exposition de sud et sud-est, tandis que sur les revers exposés au nord-ouest, vers Charlotteville, elle n’a commencé que du 12 au 14;
10 juillet; moisson à Rock-fish-gap, au sommet de Blue-ridge, 1150 pieds anglais d’élévation, 350 mètres: deux jours plus tôt elle a lieu dans le vallon de Staunton, situé environ 70 mètres plus bas.
12 juillet, moisson sur les montagnes de Jackson, élévation de plus de 2,200 pieds anglais (683 mètres).
20 juillet, moisson sur l’Alleghany, élevé de plus de 800 mètres.
L’on voit que dans cette ligne ascendante, elle a constamment tardé en proportion des niveaux.
En descendant l’autre pente de l’Alleghany, celle de l’ouest, je trouvai qu’à Green-Briar, situé en plaine basse, elle avait eu lieu 5 jours plus tôt (15 juillet).
Dans le vallon du grand Kanhawa, à l’embouchure de l’Elk, elle avait eu lieu le 6.
Le 11, à Gallipolis; colonie des Français, au Scioto88.
Le 15, à Cincinnati, situé plus au nord.
Je ne trouvai point de froment à Poste-Vincennes, sur la Wabash; on y préfère le maïs, le tabac et le coton, produits qui caractérisent un climat chaud.
Le 1er juillet, on avait moissonné à Kaskaskia, sur le Mississipi, comme à Monticello.
Cette seconde ligne, depuis l’Alleghany, ne présente pas en apparence la même régularité que la précédente, sans doute par une raison combinée de la diversité des niveaux, des expositions, et même des latitudes qui y sont plus variées; par exemple, si Cincinnati est plus tardif que Gallipolis, ce doit être parce qu’il est un peu plus nord, et surtout moins abrité des vents de cette partie, et moins ouvert au midi. Si le vallon de Kanhawa est encore plus précoce, quoique plus élevé, ce peut être à raison de son encaissement dont l’effet concentre la chaleur que j’y trouvai réellement bien plus vive qu’ailleurs; et, dans nos propres jardins, nous avons la preuve de cette action des divers aspects, puisque nos espaliers mûrissent les mêmes espèces de fruits à des époques différentes de huit et dix jours, selon qu’ils sont exposés au midi, au levant ou au couchant, et encore, selon qu’ils sont abrités des vents et frappés de la réverbération d’autres murs. Il n’en est pas moins vrai que la règle des niveaux se trouve en général observée dans la ligne décrite, et qu’il y a une identité remarquable d’époque de moisson (1er juillet) entre Kaskaskia et Monticello, situés sous le même parallèle, et à une élévation que je présume très-ressemblante.
Néanmoins je suis loin de disconvenir qu’il existe dans le pays d’Ouest plusieurs phénomènes de température et de végétation, auxquels ne peuvent satisfaire ni les niveaux, ni les expositions: au premier rang de ces phénomènes, est celui que depuis quelques années les botanistes observent et constatent davantage de jour en jour: ayant comparé les lieux où croissent spontanément certains arbres et certaines plantes à l’est et à l’ouest des Alleghanys, ils ont découvert qu’il y avait une différence uniforme générale d’environ 3° de latitude plus chaude, en faveur du bassin d’Ohio et de Mississipi; c’est-à-dire, que les arbres et les plantes qui veulent un climat chaud, et des hivers moins longs et moins froids, se trouvent 3° plus nord dans l’ouest des Alleghanys, qu’à l’est sur la côte atlantique; ainsi, le coton, qui réussit à Cincinnati, à Poste-Vincennes, par les 39° de latitude, n’a encore pu se cultiver plus nord que 35 et 36° dans les Carolines. Il en est de même des catalpas, des sassafras, des pâpâs, des pacanes ou noix illinoises89, et de beaucoup d’autres arbres et plantes dont le détail exigerait des connaissances que je n’ai point en cette partie90.
Ce genre de preuves qui est irrécusable se trouve d’ailleurs appuyé par les phénomènes particuliers à chaque saison. Dans toute ma route sur l’Ohio, et dans mes diverses stations en Kentucky, à Gallipolis, à Lime-stone, à Washington de Kentucky, à Lexington, à Louisville, à Cincinnati, au Poste-Vincennes, les renseignements que j’ai recueillis ont été unanimement les faits suivants.
«L’hiver ne commence que vers son solstice, et les froids ne se montrent que dans les quarante à cinquante jours qui le suivent. Ils n’y sont pas même fixes et constants; mais il y a des relâches de jours tempérés et chauds. Le thermomètre ne descend ordinairement pas au-dessous de 5 et 6° (R) sous zéro; les gelées qui d’abord se montrent dans quelques jours d’octobre pour disparaître, puis revenir vers la fin de novembre, et cesser encore, les gelées, dis-je, ne s’établissent que vers janvier: les ruisseaux, les petites rivières et les eaux dormantes gèlent alors, mais restent rarement gelés plus de 3 à 15 jours.»
L’on a regardé comme un cas sans exemple celui de l’hiver 1796-97, où le mercure a tombé à 15° sous zéro, et où les rivières Alleghany, Monongahélah et Ohio, ont été scellées de glace, depuis le 28 novembre jusqu’au 30 janvier, c’est-à-dire soixante-cinq jours: la Wabash gèle presque chaque hiver, mais seulement de 3 à 15 jours.
Dans tout le Kentucky et le bassin d’Ohio, les neiges ne durent ordinairement que de 3 à 8 ou 10 jours; et dans le cours même de janvier, l’on a des jours vraiment chauds, à 15 et 18° par des vents de sud-ouest et de sud, et par un ciel brillant et pur. Le printemps amène des pluies et des giboulées par des vents de nord-est et de nord-ouest; mais dès quarante jours après l’équinoxe, les chaleurs commencent à s’établir. «Elles sont dans toute leur force pendant les 60 à 70 jours qui suivent le solstice d’été: le thermomètre se tient alors entre 26 et 27° (R). On le remarqua en 1797 à Cincinnati et à Lexington, à 29° (R)… Pendant tout ce temps, les orages sont presque journaliers sur l’Ohio; ils y produisent une chaleur pesante que la pluie ne tempère pas; tantôt ils arrivent par les vents de sud et de sud-ouest, tantôt ils sont le produit de l’évaporation du fleuve et de la vaste forêt qui couvre la contrée. La pluie qu’ils versent par torrents ne rafraîchit qu’un instant le sol embrasé, et la chaleur du lendemain l’élevant en vapeurs forme au matin d’épais brouillards qui se convertissent ensuite en nuages, et recommencent le jeu électrique de la veille: l’eau du fleuve est chaude à 14 et 15° sur zéro: les nuits sont calmes, et ce n’est qu’entre 8 et 10 heures du matin que s’élève une légère brise d’ouest ou de sud-ouest, qui cesse vers 4 heures du soir.»
Dans la totalité des saisons le vent le plus dominant est le sud-ouest, c’est-à-dire, le courant d’air qui remonte dans la ligne du fleuve Ohio, et qui vient par le Mississipi (où il règne sud) du golfe du Mexique. Je trouvai ce vent chaud et orageux dès mon entrée dans le vallon de Kanhawa, dont sans doute il élève la température en s’y arrêtant au pied des montagnes: il change de ligne selon les courbures de l’Ohio, et on le croirait quelquefois ouest et sud; mais toujours identique, il règne 10 parties de temps sur 12, et n’en laisse que 2 à tous les autres vents réunis: il domine également dans tout le Kentucky; mais il n’y produit pas les mêmes effets; car tandis que la vallée d’Ohio, dans une largeur de 5 à 6 lieues, éprouve une humidité et des pluies abondantes, le reste du pays est tourmenté de sécheresses qui durent quelquefois trois mois: et les cultivateurs ont le chagrin de voir de leurs coteaux un fleuve aérien de brouillards, de pluies et d’orages, qui serpente comme le fleuve terrestre, et qui ne sort pas de son bassin.
A l’équinoxe d’automne arrivent les pluies par les vents de nord-est, de sud-est, et même de nord-ouest: la fraîcheur qu’elles établissent prépare les gelées: l’automne entière est sereine, tempérée, et est la plus belle des trois saisons de l’année: car dans tout le continent de l’Amérique nord il n’y a pas de printemps.
Tel est le climat de Kentucky et de tout le bassin d’Ohio. Il faut remonter bien avant dans le nord pour lui trouver des changements remarquables, et surtout pour le retrouver en harmonie avec ses parallèles de la côte atlantique.... A la hauteur de Niagara même, il est encore si tempéré, que les froids ne durent pas plus de 2 mois avec quelque âpreté; et cependant l’on est au point le plus élevé du plateau; ce qui déconcerte totalement la règle de niveaux.
Dans tout le Genesee, les descriptions que l’on m’a faites de l’hiver ne correspondent point avec les froids de cette saison sous les parallèles de Vermont ni de New-Hampshire, mais plutôt avec le climat de Philadelphie 3° plus sud. L’on a remarqué dans cette dernière ville, comme chose singulière, qu’il y gèle dans tous les mois de l’année, excepté en juillet; et pour retrouver la même circonstance, il faut s’élever jusqu’au village d’Onéida en Genesee, par les 43° de latitude; tandis qu’à l’est des monts, à Albany, il gèle dans tous les mois, et il n’y peut mûrir ni pèches ni cerises.
Enfin, à Montréal, par les 45° 20´ de latitude, les froids sont moins rigoureux et moins longs que dans la partie de Maine et d’Acadie à l’est des montagnes; et les neiges à ce même Montréal durent deux mois de moins qu’à Québec, quoique cette dernière ville soit située plus bas sur le fleuve; ce qui contrarie encore la loi des niveaux et indique une autre cause qui reste à trouver.
Avant d’y procéder, j’ajouterai encore quelques observations et quelques faits qui en prépareront d’autant mieux le développement.
1º Il résulte des comparaisons que je viens de présenter, que pour mesurer les divers degrés de température des États-Unis, il faut appliquer, sur la totalité de ce pays, deux grandes échelles thermométriques se croisant en sens opposé: l’une placée dans le sens naturel des latitudes ayant son maximum de froid vers le pôle, par exemple, au Saint-Laurent; et l’autre son maximum de chaud vers le tropique, par exemple, en Floride: entre ces deux points extrêmes, la chaleur, à circonstances égales de niveaux et d’expositions, décroît ou augmente régulièrement selon les latitudes. L’autre échelle, placée transversalement de l’est à l’ouest dans le sens des longitudes, est un thermomètre à deux branches renversées, ayant une boule commune ou maximum de froid qui pose sur l’Alleghany, tandis que l’extrémité de chacune des branches va chercher à l’est et à l’ouest son maximum de chaleur sur le rivage de l’Atlantique et au Mississipi; et les degrés de chaleur se mesurent sur chacune en raison combinée des niveaux et des expositions. Ce n’est qu’en ayant égard à ces règles compliquées que l’on pourrait dresser un bon tableau général de température et de végétation pour les États-Unis: l’idée que l’on en trouve jetée dans un mémoire de la société de New-York, est une idée ingénieuse, et qui peut devenir utile; mais pour remplir son objet avec exactitude, elle a besoin de l’application et de l’emploi des principes que je viens d’exposer.
2º La différence de climat entre l’est et l’ouest des Alleghanys, est d’ailleurs accompagnée de deux circonstances majeures que je crois n’avoir pas été remarquées. La première est que par-delà les 35 et 36° latitude allant au sud, cette différence cesse d’avoir lieu, et la température des Florides et de la Géorgie occidentale, depuis le Mississipi jusqu’à la rivière Savanah et à l’Océan, est soumise à des règles identiques et communes; en sorte que la chaîne des Alleghanys et le retour des Apalaches, forment réellement de ce côté la limite de cette différence, et par cela même se décèlent pour être une de ces causes efficientes.
La seconde circonstance est que cet excès relatif de température cesse encore presque subitement entre le 43 et 45° latitude nord, vers les grands lacs de Saint-Laurent: à peine a-t-on passé la rive méridionale du lac Érié, que le climat se refroidit de minute en minute dans une proportion étonnante: au fort Détroit, il ressemble encore à celui de Niagara son parallèle; mais dès le lac Saint-Clair, les colons trouvent les froids beaucoup plus longs et plus rigoureux qu’à Détroit. Ce petit lac reste gelé tous les ans, depuis novembre jusqu’en février: les vents de sud et de sud-ouest, qui tempèrent l’Érié, deviennent plus rares ici, et l’on ne peut y mûrir d’autres fruits que des pommes et des poires d’hiver.
Au fort de Michillimakinac, 2°½ plus nord, des observations faites en 1797, sous la direction du général américain Wilkinson91, constatent que du 4 août au 4 septembre, le thermomètre en diverses stations depuis le lac Saint-Clair, ne marqua jamais plus de 16°½ R. à midi; et qu’au soir et au matin, il descendit souvent jusqu’à 5°½ R. (sur glace); ce qui est plus froid que Montréal sous le même parallèle.
Ces faits s’accordent parfaitement avec les résultats généraux que M. Alexandre Mackensie a récemment publiés dans la relation de ses intéressants voyages à l’ouest et au nord-ouest de l’Amérique: j’avais déja eu occasion dans mon séjour à Philadelphie, de connaître cet estimable voyageur et d’en obtenir divers renseignements sur ces objets: l’un de ses associés, M. Shaw, avec qui j’eus aussi l’avantage de me rencontrer en 1797, et qui arrivait d’un séjour de treize ans dans les postes les plus reculés de la traite des pelleteries, eut également la complaisance de satisfaire à mes questions, et il résulte de ces informations réunies:
«Qu’à partir du lac Supérieur, allant à l’ouest, jusqu’aux montagnes Stony ou Chipewans, et remontant au nord jusqu’au 72°, le pays maintenant bien connu par les traitants canadiens, offre un climat d’une rudesse et d’une âpreté de froid qui ne peut se comparer qu’à la Sibérie: que le sol généralement plane, dénué d’arbres, ou n’en ayant que de rares et de rabougris, parsemé de lacs, de marais, et d’une prodigieuse quantité de cours d’eaux, est sans cesse battu de vents furieux et glacés, venant des parties de nord et surtout de nord-ouest: que dès le 46° la terre est gelée pendant toute l’année: que dans plusieurs fortins de la traite, entre les 50 et 56°, l’on n’avait pu par ce motif établir des puits, cependant très-nécessaires: que M. Shaw lui-même en avait creusé un au poste Saint-Augustin, à environ seize lieues des montagnes; et quoiqu’il l’eût entrepris en juillet, il avait, dès le troisième pied, rencontré le sol gelé; et le trouvant de plus en plus ferme, il avait été contraint d’abandonner le travail à une profondeur de vingt pieds.»
L’on ne peut douter de ces faits, tant à raison du caractère des témoins, que de l’appui qu’ils trouvent dans d’autres semblables: Robson, ingénieur anglais qui, en 1745, construisit le fort de Galles, sur la baie de Hudson, par les 59°, raconte avec surprise et candeur:
«Qu’ayant voulu creuser un puits au mois de septembre, il trouva d’abord trente-six pouces anglais de terre dégelée par les chaleurs antérieures; puis une couche de huit pouces gelée ferme comme roc: sous cette couche, un terrain sableux et friable, glacial et très-sec, dans lequel ses sondes ne purent trouver d’eau, parce que, dit-il, le froid continuel gelant les eaux superficielles, les empêche de pénétrer au-dessous du point où les chaleurs de l’été parviennent à les dégeler92.»
Édouard Umfreville, facteur de la compagnie de Hudson, depuis 1771 jusqu’à 1782, observateur plein de sens et d’exactitude, atteste également que:
«La terre dans ces contrées, même au cœur de l’été, où les chaleurs sont vives pendant quatre à cinq semaines, ne dégèle qu’environ quatre pieds anglais, là où le sol est déboisé et soumis à l’action du soleil; et deux pieds seulement là où il est ombragé des chétifs genévriers et pins qui composent toute la végétation du pays93.»
Il est donc évident qu’au delà d’une certaine latitude, le climat à l’ouest des Alleghanys n’est pas moins froid que ses parallèles à l’est; et cette latitude, dont le terme moyen paraît être vers les 44 ou 45°, en prenant pour limite les grands lacs, et surtout la chaîne des montagnes Canadiennes ou Algonkines, circonscrit par cela même le climat chaud du pays d’Ouest à un espace d’environ 9 à 10 degrés qui se trouve enceint sur trois de ses côtés par des montagnes. Sans doute la présence de ces montagnes contribue pour quelque partie à cette différence; mais quelle en est la cause majeure et fondamentale? d’où provient ce phénomène géographique réellement singulier? Voilà le problème à résoudre; et parce que la comparaison de beaucoup de faits et de circonstances m’a fait reconnaître pour agent principal un courant d’air ou vent dominant habituellement dans le bassin de Mississipi, dont les vents diffèrent de ceux de la côte atlantique, je crois devoir fournir au lecteur les moyens d’asseoir son jugement, en lui développant le système entier des courans de l’air qui règnent pendant l’année aux États-Unis.
Le célèbre voyageur américain Ledyard atteste également qu’à Yakoutsk, par moins de 62° de latitude, l’on n’a pu établir de puits, attendu que les fouilles faites jusqu’à 60 pieds de profondeur ont appris que la terre était gelée de plus en plus ferme. (Voyez American Musæum, tome VIII, lettre de Ledyard, août 1790.) Le capitaine Phips dit également que le 20 juin 1778, par 66° 54´, l’eau de la mer, puisée à 780 brasses de profondeur, marqua 2° ⅔ sous glace (R). Parmi nous, M. Patrin, naturaliste instruit, qui a voyagé plusieurs années en Sibérie, rapporte que même, par les 54°, étant descendu, en juin 1785, dans un puits récent de la mine d’Ildikan en Daourie, il remarqua, à la hauteur de 40 pieds, des gerçures remplies de glaçons (et cependant c’était une mine métallique); ce qui prouve, ajoute-t-il, que le feu central n’a pas beaucoup d’activité en Daourie (Journal de physique, mars, 1791, page 236). Mais, comme désormais la saine physique, aidée de tous ces faits et des expériences ingénieuses de M. de Saussure, a relégué au rang des vieux contes mythologiques cette vieille rêverie d’un foyer central, et même la théorie hasardée sans preuves suffisantes, d’une température moyenne de 10°, l’on a droit d’en conclure contre les hypothèses de Buffon et de divers autres physiciens, que le globe est une masse cristallisée essentiellement froide, dont la superficie seule est échauffée par les rayons du soleil, en raison de la force et de la continuité de leur action. De là vient que sous la zone torride l’on trouve, pour terme moyen, le sol impregné d’environ 14° de Réaumur, à une profondeur qui probablement ne pénètre pas plus de trois ou quatre mille toises: à mesure que l’on s’éloigne de ce grand et principal foyer, vers le nord, la chaleur diminue par proportion inverse des latitudes 11° en Virginie, 9° à Philadelphie, 7° en Massachusets, 5° en Vermont, 4° en Canada, et finalement zéro et moins de zéro sous le pôle: en sorte que si jamais le soleil abandonnait notre pauvre planète, elle finirait par n’être qu’un amas de glaçons, et par n’avoir, pour derniers habitants, que des ours blancs et des Esquimaux.