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Kitabı oku: «Jacques le fataliste et son maître», sayfa 7

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L'HÔTE

Ma femme, il s'en va; arrête-le donc.

L'HÔTESSE

Allons, compère, avisons au moyen de vous secourir.

LE COMPÈRE

Je ne veux point de ses secours, ils sont trop chers…

L'hôte répétait tout bas à sa femme: «Ne le laisse pas aller, arrête-le donc. Sa fille à Paris! son garçon à l'armée! lui à la porte de la paroisse! je ne saurais souffrir cela.»

Cependant sa femme faisait des efforts inutiles; le paysan, qui avait de l'âme, ne voulait rien accepter et se faisait tenir à quatre. L'hôte, les larmes aux yeux, s'adressait à Jacques et à son maître, et leur disait: «Messieurs, tâchez de le fléchir…» Jacques et son maître se mêlèrent de la partie; tous à la fois conjuraient le paysan. Si j'ai jamais vu… – Si vous avez jamais vu! Mais vous n'y étiez pas. Dites si l'on a jamais vu. – Eh bien! soit. Si l'on a jamais vu un homme confondu d'un refus, transporté qu'on voulût bien accepter son argent, c'était cet hôte, il embrassait sa femme, il embrassait son compère, il embrassait Jacques et son maître, il criait: Qu'on aille bien vite chasser de chez lui ces exécrables huissiers.

LE COMPÈRE

Convenez aussi…

L'HÔTE

Je conviens que je gâte tout; mais, compère, que veux-tu? Comme je suis, me voilà. Nature m'a fait l'homme le plus dur et le plus tendre; je ne sais ni accorder ni refuser.

LE COMPÈRE

Ne pourriez-vous pas être autrement?

L'HÔTE

Je suis à l'âge où l'on ne se corrige guère; mais si les premiers qui se sont adressés à moi m'avaient rabroué32 comme tu as fait, peut-être en serais-je devenu meilleur. Compère, je te remercie de ta leçon, peut-être en profiterai-je… Ma femme, va vite, descends, et donne-lui ce qu'il lui faut. Que diable, marche donc, mordieu! marche donc; tu vas!.. Ma femme, je te prie de te presser un peu et de ne le pas faire attendre; tu reviendras ensuite retrouver ces messieurs avec lesquels il me semble que tu te trouves bien…

La femme et le compère descendirent; l'hôte resta encore un moment; et lorsqu'il s'en fut allé, Jacques dit à son maître: «Voilà un singulier homme! Le ciel qui avait envoyé ce mauvais temps qui nous retient ici, parce qu'il voulait que vous entendissiez mes amours, que veut-il à présent?»

Le maître, en s'étendant dans son fauteuil, bâillant, frappant sur sa tabatière, répondit: Jacques, nous avons plus d'un jour à vivre ensemble, à moins que…

JACQUES

C'est-à-dire que pour aujourd'hui le ciel veut que je me taise ou que ce soit l'hôtesse qui parle; c'est une bavarde qui ne demande pas mieux; qu'elle parle donc.

LE MAÎTRE

Tu prends de l'humeur.

JACQUES

C'est que j'aime à parler aussi.

LE MAÎTRE

Ton tour viendra.

JACQUES

Ou ne viendra pas33.

Je vous entends, lecteur; voilà, dites-vous, le vrai dénoûment du Bourru bienfaisant34. Je le pense. J'aurais introduit dans cette pièce, si j'en avais été l'auteur, un personnage qu'on aurait pris pour épisodique, et qui ne l'aurait point été. Ce personnage se serait montré quelquefois, et sa présence aurait été motivée. La première fois il serait venu demander grâce; mais la crainte d'un mauvais accueil l'aurait fait sortir avant l'arrivée de Géronte. Pressé par l'irruption des huissiers dans sa maison, il aurait eu la seconde fois le courage d'attendre Géronte; mais celui-ci aurait refusé de le voir. Enfin, je l'aurais amené au dénoûment, où il aurait fait exactement le rôle du paysan avec l'aubergiste; il aurait eu, comme le paysan, une fille qu'il allait placer chez une marchande de modes, un fils qu'il allait retirer des écoles pour entrer en condition; lui, il se serait déterminé à mendier jusqu'à ce qu'il se fût ennuyé de vivre. On aurait vu le Bourru bienfaisant aux pieds de cet homme; on aurait entendu le Bourru bienfaisant gourmandé comme il le méritait; il aurait été forcé de s'adresser à toute la famille qui l'aurait environné, pour fléchir son débiteur et le contraindre à accepter de nouveaux secours. Le Bourru bienfaisant aurait été puni; il aurait promis de se corriger: mais dans le moment même il serait revenu à son caractère, en s'impatientant contre les personnages en scène, qui se seraient fait des politesses pour rentrer dans la maison; il aurait dit brusquement: Que le diable emporte les cérém… Mais il se serait arrêté court au milieu du mot, et, d'un ton radouci, il aurait dit à ses nièces: «Allons, mes nièces; donnez-moi la main et passons.» – Et pour que ce personnage eût été lié au fond, vous en auriez fait un protégé du neveu de Géronte? – Fort bien! – Et ç'aurait été à la prière du neveu que l'oncle aurait prêté son argent? – À merveille! – Et ce prêt aurait été un grief de l'oncle contre son neveu? – C'est cela même. – Et le dénoûment de cette pièce agréable n'aurait pas été une répétition générale, avec toute la famille en corps, de ce qu'il a fait auparavant avec chacun d'eux en particulier? – Vous avez raison. – Et si je rencontre jamais M. Goldoni, je lui réciterai la scène de l'auberge. – Et vous ferez bien; il est plus habile homme qu'il ne faut pour en tirer bon parti.

L'hôtesse remonta, toujours Nicole entre ses bras, et dit: «J'espère que vous aurez un bon dîner; le braconnier vient d'arriver; le garde du seigneur ne tardera pas…» Et, tout en parlant ainsi, elle prenait une chaise. La voilà assise, et son récit qui commence.

L'HÔTESSE

Il faut se méfier des valets; les maîtres n'ont point de pires ennemis…

JACQUES

Madame, vous ne savez pas ce que vous dites; il y en a de bons, il y en a de mauvais, et l'on compterait peut-être plus de bons valets que de bons maîtres.

LE MAÎTRE

Jacques, vous ne vous observez pas; et vous commettez précisément la même indiscrétion qui vous a choqué.

JACQUES

C'est que les maîtres…

LE MAÎTRE

C'est que les valets…

Eh bien! lecteur, à quoi tient-il que je n'élève une violente querelle entre ces trois personnages? Que l'hôtesse ne soit prise par les épaules, et jetée hors de la chambre par Jacques; que Jacques ne soit pris par les épaules et chassé par son maître; que l'un ne s'en aille d'un côté, l'autre d'un autre; et que vous n'entendiez ni l'histoire de l'hôtesse, ni la suite des amours de Jacques? Rassurez-vous, je n'en ferai rien. L'hôtesse reprit donc:

Il faut convenir que s'il y a de bien méchants hommes, il y a de bien méchantes femmes.

JACQUES

Et qu'il ne faut pas aller loin pour les trouver.

L'HÔTESSE

De quoi vous mêlez-vous? Je suis femme, il me convient de dire des femmes tout ce qu'il me plaira; je n'ai que faire de votre approbation.

JACQUES

Mon approbation en vaut bien une autre.

L'HÔTESSE

Vous avez là, monsieur, un valet qui fait l'entendu et qui vous manque. J'ai des valets aussi, mais je voudrais bien qu'ils s'avisassent!..

LE MAÎTRE

Jacques, taisez-vous, et laissez parler madame.

L'hôtesse, encouragée par ce propos de maître, se lève, entreprend Jacques, porte ses deux poings sur ses deux côtés, oublie qu'elle tient Nicole, la lâche, et voilà Nicole sur le carreau, froissée et se débattant dans son maillot, aboyant à tue-tête, l'hôtesse mêlant ses cris aux aboiements de Nicole, Jacques mêlant ses éclats de rire aux aboiements de Nicole et aux cris de l'hôtesse, et le maître de Jacques ouvrant sa tabatière, reniflant sa prise de tabac et ne pouvant s'empêcher de rire. Voilà toute l'hôtellerie en tumulte. «Nanon, Nanon, vite, vite, apportez la bouteille à l'eau-de-vie… Ma pauvre Nicole est morte… Démaillottez-la… Que vous êtes gauche!

– Je fais de mon mieux.

– Comme elle crie! Otez-vous de là, laissez-moi faire… Elle est morte!.. Ris bien, grand nigaud; il y a, en effet, de quoi rire… Ma pauvre Nicole est morte!

– Non, madame, non, je crois qu'elle en reviendra, la voilà qui remue.»

Et Nanon, de frotter d'eau-de-vie le nez de la chienne, et de lui en faire avaler; et l'hôtesse de se lamenter, de se déchaîner contre les valets impertinents; et Nanon, de dire: «Tenez, madame, elle ouvre les yeux; la voilà qui vous regarde.

– La pauvre bête, comme cela parle! qui n'en serait touché?

– Madame, caressez-la donc un peu; répondez-lui donc quelque chose.

– Viens, ma pauvre Nicole; crie, mon enfant, crie si cela peut te soulager. Il y a un sort pour les bêtes comme pour les gens; il envoie le bonheur à des fainéants hargneux, braillards et gourmands, le malheur à une autre qui sera la meilleure créature du monde.

– Madame a bien raison, il n'y a point de justice ici-bas.

– Taisez-vous, remmaillottez-la, portez-la sous mon oreiller, et songez qu'au moindre cri qu'elle fera, je m'en prends à vous. Viens, pauvre bête, que je t'embrasse encore une fois avant qu'on t'emporte. Approchez-la donc, sotte que vous êtes… Ces chiens, cela est si bon; cela vaut mieux…

JACQUES

Que père, mère, frères, sœurs, enfants, valets, époux…

L'HÔTESSE

Mais oui, ne pensez pas rire, cela est innocent, cela vous est fidèle, cela ne vous fait jamais de mal, au lieu que le reste…

JACQUES

Vivent les chiens! il n'y a rien de plus parfait sous le ciel.

L'HÔTESSE

S'il y a quelque chose de plus parfait, du moins ce n'est pas l'homme. Je voudrais bien que vous connussiez celui du meunier, c'est l'amoureux de ma Nicole; il n'y en a pas un parmi vous, tous tant que vous êtes, qu'il ne fît rougir de honte. Il vient, dès la pointe du jour, de plus d'une lieue; il se plante devant cette fenêtre; ce sont des soupirs, et des soupirs à faire pitié. Quelque temps qu'il fasse, il reste; la pluie lui tombe sur le corps; son corps s'enfonce dans le sable; à peine lui voit-on les oreilles et le bout du nez. En feriez-vous autant pour la femme que vous aimeriez le plus?

LE MAÎTRE

Cela est très-galant.

JACQUES

Mais aussi où est la femme aussi digne de ces soins que votre Nicole?..

La passion de l'hôtesse pour les bêtes n'était pourtant pas sa passion dominante, comme on pourrait l'imaginer; c'était celle de parler. Plus on avait de plaisir et de patience à l'écouter, plus on avait de mérite; aussi ne se fit-elle pas prier pour reprendre l'histoire interrompue du mariage singulier; elle y mit seulement pour condition que Jacques se tairait. Le maître promit du silence pour Jacques. Jacques s'étala nonchalamment dans un coin, les yeux fermés, son bonnet renfoncé sur ses oreilles et le dos à demi tourné à l'hôtesse. Le maître toussa, cracha, se moucha, tira sa montre, vit l'heure qu'il était, tira sa tabatière, frappa sur le couvercle, prit sa prise de tabac; et l'hôtesse se mit en devoir de goûter le plaisir délicieux de pérorer.

L'hôtesse allait débuter, lorsqu'elle entendit sa chienne crier.

Nanon, voyez donc à cette pauvre bête… Cela me trouble, je ne sais plus où j'en étais.

JACQUES

Vous n'avez encore rien dit.

L'HÔTESSE

Ces deux hommes avec lesquels j'étais en querelle pour ma pauvre Nicole, lorsque vous êtes arrivé, monsieur…

JACQUES

Dites messieurs.

L'HÔTESSE

Et pourquoi?

JACQUES

C'est qu'on nous a traités jusqu'à présent avec cette politesse, et que j'y suis fait. Mon maître m'appelle Jacques, les autres, monsieur Jacques.

L'HÔTESSE

Je ne vous appelle ni Jacques, ni monsieur Jacques, je ne vous parle pas… (Madame? – Qu'est-ce? – La carte du numéro cinq. – Voyez sur le coin de la cheminée.) Ces deux hommes sont bons gentilshommes; ils viennent de Paris et s'en vont à la terre du plus âgé.

JACQUES

Qui sait cela?

L'HÔTESSE

Eux, qui le disent.

JACQUES

Belle raison!..

Le maître fit un signe à l'hôtesse, sur lequel elle comprit que Jacques avait la cervelle brouillée. L'hôtesse répondit au signe du maître par un mouvement compatissant des épaules, et ajouta: À son âge! Cela est très-fâcheux.

JACQUES

Très-fâcheux de ne savoir jamais où l'on va.

L'HÔTESSE

Le plus âgé des deux s'appelle le marquis des Arcis. C'était un homme de plaisir, très-aimable, croyant peu à la vertu des femmes.

JACQUES

Il avait raison.

L'HÔTESSE

Monsieur Jacques, vous m'interrompez.

JACQUES

Madame l'hôtesse du Grand-Cerf, je ne vous parle pas.

L'HÔTESSE

M. le marquis en trouva pourtant une assez bizarre pour lui tenir rigueur. Elle s'appelait Mme de La Pommeraye. C'était une veuve qui avait des mœurs, de la naissance, de la fortune et de la hauteur. M. des Arcis rompit avec toutes ses connaissances, s'attacha uniquement à Mme de La Pommeraye, lui fit sa cour avec la plus grande assiduité, tâcha par tous les sacrifices imaginables de lui prouver qu'il l'aimait, lui proposa même de l'épouser; mais cette femme avait été si malheureuse avec un premier mari, qu'elle… (Madame? – Qu'est-ce? – La clef du coffre à l'avoine? – Voyez au clou, et si elle n'y est pas, voyez au coffre.) qu'elle aurait mieux aimé s'exposer à toutes sortes de malheurs qu'au danger d'un second mariage.

JACQUES

Ah! si cela avait été écrit là-haut!

L'HÔTESSE

Cette femme vivait très-retirée. Le marquis était un ancien ami de son mari; elle l'avait reçu, et elle continuait de le recevoir. Si on lui pardonnait son goût efféminé pour la galanterie, c'était ce qu'on appelle un homme d'honneur. La poursuite constante du marquis, secondée de ses qualités personnelles, de sa jeunesse, de sa figure, des apparences de la passion la plus vraie, de la solitude, du penchant à la tendresse, en un mot, de tout ce qui nous livre à la séduction des hommes… (Madame? – Qu'est-ce? – C'est le courrier. – Mettez-le à la chambre verte, et servez-le à l'ordinaire.) eut son effet, et Mme de La Pommeraye, après avoir lutté plusieurs mois contre le marquis, contre elle-même, exigé selon l'usage les serments les plus solennels, rendit heureux le marquis, qui aurait joui du sort le plus doux, s'il avait pu conserver pour sa maîtresse les sentiments qu'il avait jurés et qu'on avait pour lui. Tenez, monsieur, il n'y a que les femmes qui sachent aimer; les hommes n'y entendent rien… (Madame? – Qu'est-ce? – Le Frère-Quêteur. – Donnez-lui douze sous pour ces messieurs qui sont ici, six sous pour moi, et qu'il aille dans les autres chambres.) Au bout de quelques années, le marquis commença à trouver la vie de Mme de La Pommeraye trop unie. Il lui proposa de se répandre dans la société: elle y consentit; à recevoir quelques femmes et quelques hommes: et elle y consentit; à avoir un dîner-souper: et elle y consentit. Peu à peu il passa un jour, deux jours sans la voir; peu à peu il manqua au dîner-souper qu'il avait arrangé; peu à peu il abrégea ses visites; il eut des affaires qui l'appelaient: lorsqu'il arrivait, il disait un mot, s'étalait dans un fauteuil, prenait une brochure, la jetait, parlait à son chien ou s'endormait. Le soir, sa santé, qui devenait misérable, voulait qu'il se retirât de bonne heure: c'était l'avis de Tronchin. «C'est un grand homme que Tronchin35! Ma foi! je ne doute pas qu'il ne tire d'affaire notre amie dont les autres désespéraient.» Et tout en parlant ainsi, il prenait sa canne et son chapeau et s'en allait, oubliant quelquefois de l'embrasser. Mme de La Pommeraye… (Madame? – Qu'est-ce? – Le tonnelier. – Qu'il descende à la cave, et qu'il visite les deux pièces de vin.) Mme de La Pommeraye pressentit qu'elle n'était plus aimée; il fallut s'en assurer, et voici comment elle s'y prit… (Madame? – J'y vais, j'y vais.)

L'hôtesse, fatiguée de ces interruptions, descendit, et prit apparemment les moyens de les faire cesser.

L'HÔTESSE

Un jour, après dîner, elle dit au marquis: «Mon ami, vous rêvez.

– Vous rêvez aussi, marquise.

– Il est vrai, et même assez tristement.

– Qu'avez-vous?

– Rien.

– Cela n'est pas vrai. Allons, marquise, dit-il en bâillant, racontez-moi cela; cela vous désennuiera et moi.

– Est-ce que vous vous ennuyez?

– Non; c'est qu'il y a des jours…

– Où l'on s'ennuie.

– Vous vous trompez, mon amie; je vous jure que vous vous trompez: c'est qu'en effet il y a des jours… On ne sait à quoi cela tient.

– Mon ami, il y a longtemps que je suis tentée de vous faire une confidence; mais je crains de vous affliger.

– Vous pourriez m'affliger, vous?

– Peut-être; mais le ciel m'est témoin de mon innocence…» (Madame? Madame? Madame? – Pour qui et pour quoi que ce soit, je tous ai défendu de m'appeler; appelez mon mari. – Il est absent.) Messieurs, je vous demande pardon, je suis à vous dans un moment.

Voilà l'hôtesse descendue, remontée et reprenant son récit:

«… Cela s'est fait sans mon consentement, à mon insu, par une malédiction à laquelle toute l'espèce humaine est apparemment assujettie, puisque moi, moi-même, je n'y ai pas échappé.

– Ah! c'est de vous… Et avoir peur!.. De quoi s'agit-il?

– Marquis, il s'agit… Je suis désolée; je vais vous désoler, et, tout bien considéré, il vaut mieux que je me taise.

– Non, mon amie, parlez; auriez-vous au fond de votre cœur un secret pour moi? La première de nos conventions ne fut-elle pas que nos âmes s'ouvriraient l'une à l'autre sans réserve?

– Il est vrai, et voilà ce qui me pèse; c'est un reproche qui met le comble à un beaucoup plus important que je me fais. Est-ce que vous ne vous apercevez pas que je n'ai plus la même gaieté? J'ai perdu l'appétit; je ne bois et je ne mange que par raison; je ne saurais dormir. Nos sociétés les plus intimes me déplaisent. La nuit, je m'interroge et je me dis: Est-ce qu'il est moins aimable? Non. Auriez-vous à lui reprocher quelques liaisons suspectes? Non. Est-ce que sa tendresse pour vous est diminuée? Non. Pourquoi, votre ami étant le même, votre cœur est-il donc changé? car il l'est: vous ne pouvez vous le cacher; vous ne l'attendez plus avec la même impatience; vous n'avez plus le même plaisir à le voir; cette inquiétude quand il tardait à revenir; cette douce émotion au bruit de sa voiture, quand on l'annonçait, quand il paraissait, vous ne l'éprouvez plus.

– Comment, madame!»

Alors la marquise de La Pommeraye se couvrit les yeux de ses mains, pencha la tête et se tut un moment, après lequel elle ajouta: «Marquis, je me suis attendue à tout votre étonnement, à toutes les choses amères que vous m'allez dire. Marquis! épargnez-moi… Non, ne m'épargnez pas, dites-les-moi; je les écouterai avec résignation, parce que je les mérite. Oui, mon cher marquis, il est vrai… Oui, je suis… Mais, n'est-ce pas un assez grand malheur que la chose soit arrivée, sans y ajouter encore la honte, le mépris d'être fausse, en vous le dissimulant? Vous êtes le même, mais votre amie est changée; votre amie vous révère, vous estime autant et plus que jamais; mais… mais une femme accoutumée comme elle à examiner de près ce qui se passe dans les replis les plus secrets de son âme et à ne s'en imposer sur rien, ne peut se cacher que l'amour en est sorti. La découverte est affreuse, mais elle n'en est pas moins réelle. La marquise de La Pommeraye, moi, moi, inconstante! légère!.. Marquis, entrez en fureur, cherchez les noms les plus odieux, je me les suis donnés d'avance; donnez-les-moi, je suis prête à les accepter tous… tous, excepté celui de femme fausse, que vous m'épargnerez, je l'espère, car en vérité je ne le suis pas… (Ma femme? – Qu'est-ce? – Rien. – On n'a pas un moment de repos dans cette maison, même les jours qu'on n'a presque point de monde et que l'on croit n'avoir rien à faire. Qu'une femme de mon état est à plaindre, surtout avec une bête de mari!) Cela dit, Mme de La Pommeraye se renversa sur son fauteuil et se mit à pleurer. Le marquis se précipita à ses genoux, et lui dit: «Vous êtes une femme charmante, une femme adorable, une femme comme il n'y en a point. Votre franchise, votre honnêteté me confond et devrait me faire mourir de honte. Ah! quelle supériorité ce moment vous donne sur moi! Que je vous vois grande et que je me trouve petit! c'est vous qui avez parlé la première, et c'est moi qui fus coupable le premier. Mon amie, votre sincérité m'entraîne; je serais un monstre si elle ne m'entraînait pas, et je vous avouerai que l'histoire de votre cœur est mot à mot l'histoire du mien. Tout ce que vous vous êtes dit, je me le suis dit; mais je me taisais, je souffrais, et je ne sais quand j'aurais eu le courage de parler.

– Vrai, mon ami?

– Rien de plus vrai; et il ne nous reste qu'à nous féliciter réciproquement d'avoir perdu en même temps le sentiment fragile et trompeur qui nous unissait.

– En effet, quel malheur que mon amour eût duré lorsque le vôtre aurait cessé!

– Ou que ce fût en moi qu'il eût cessé le premier.

– Vous avez raison, je le sens.

– Jamais vous ne m'avez paru aussi aimable, aussi belle que dans ce moment; et si l'expérience du passé ne m'avait rendu circonspect, je croirais vous aimer plus que jamais.» Et le marquis en lui parlant ainsi lui prenait les mains, et les lui baisait… (Ma femme? – Qu'est-ce? – Le marchand de paille. – Vois sur le registre. – Et le registre?.. reste, reste, je l'ai.) Mme de La Pommeraye renfermant en elle-même le dépit mortel dont elle était déchirée, reprit la parole et dit au marquis: «Mais, marquis, qu'allons-nous devenir?

– Nous ne nous en sommes imposé ni l'un ni l'autre; vous avez droit à toute mon estime; je ne crois pas avoir entièrement perdu le droit que j'avais à la vôtre: nous continuerons de nous voir, nous nous livrerons à la confiance de la plus tendre amitié. Nous nous serons épargné tous ces ennuis, toutes ces petites perfidies, tous ces reproches, toute cette humeur, qui accompagnent communément les passions qui finissent; nous serons uniques dans notre espèce. Vous recouvrerez toute votre liberté, vous me rendrez la mienne; nous voyagerons dans le monde; je serai le confident de vos conquêtes; je ne vous cèlerai rien des miennes, si j'en fais quelques-unes, ce dont je doute fort, car vous m'avez rendu difficile. Cela sera délicieux! Vous m'aiderez de vos conseils, je ne vous refuserai pas les miens dans les circonstances périlleuses où vous croirez en avoir besoin. Qui sait ce qui peut arriver?»

JACQUES

Personne.

L'HÔTESSE

«Il est très-vraisemblable que plus j'irai, plus vous gagnerez aux comparaisons, et que je vous reviendrai plus passionné, plus tendre, plus convaincu que jamais que Mme de La Pommeraye était la seule femme faite pour mon bonheur; et après ce retour, il y a tout à parier que je vous resterai jusqu'à la fin de ma vie.

– S'il arrivait qu'à votre retour vous ne me trouvassiez plus? car enfin, marquis, on n'est pas toujours juste; et il ne serait pas impossible que je ne me prisse de goût, de fantaisie, de passion même pour un autre qui ne vous vaudrait pas.

– J'en serais assurément désolé; mais je n'aurais point à me plaindre; je ne m'en prendrais qu'au sort qui nous aurait séparés lorsque nous étions unis, et qui nous rapprocherait lorsque nous ne pourrions plus l'être…»

Après cette conversation, ils se mirent à moraliser sur l'inconstance du cœur humain, sur la frivolité des serments, sur les liens du mariage… (Madame? – Qu'est-ce? – Le coche..) Messieurs, dit l'hôtesse, il faut que je vous quitte. Ce soir, lorsque toutes mes affaires seront faites, je reviendrai, et je vous achèverai cette aventure, si vous en êtes curieux… (Madame?.. Ma femme?.. Notre hôtesse?.. – On y va, on y va.)

L'hôtesse partie, le maître dit à son valet: Jacques, as-tu remarqué une chose?

JACQUES

Quelle?

LE MAÎTRE

C'est que cette femme raconte beaucoup mieux qu'il ne convient à une femme d'auberge.

JACQUES

Il est vrai. Les fréquentes interruptions des gens de cette maison m'ont impatienté plusieurs fois.

LE MAÎTRE

Et moi aussi.

Et vous, lecteur, parlez sans dissimulation; car vous voyez que nous sommes en beau train de franchise; voulez-vous que nous laissions là cette élégante et prolixe bavarde d'hôtesse, et que nous reprenions les amours de Jacques? Pour moi je ne tiens à rien. Lorsque cette femme remontera, Jacques le bavard ne demande pas mieux que de reprendre son rôle, et de lui fermer la porte au nez; il en sera quitte pour lui dire par le trou de la serrure: «Bonsoir, madame; mon maître dort; je vais me coucher: il faut remettre le reste à notre passage.»

«Le premier serment que se firent deux êtres de chair, ce fut au pied d'un rocher qui tombait en poussière; ils attestèrent de leur constance un ciel qui n'est pas un instant le même; tout passait en eux et autour d'eux, et ils croyaient leurs cœurs affranchis de vicissitudes. Ô enfants! toujours enfants!..» Je ne sais de qui sont ces réflexions, de Jacques, de son maître ou de moi; il est certain qu'elles sont de l'un des trois, et qu'elles furent précédées et suivies de beaucoup d'autres qui nous auraient menés, Jacques, son maître et moi, jusqu'au souper, jusqu'après le souper, jusqu'au retour de l'hôtesse, si Jacques n'eût dit à son maître: Tenez, monsieur, toutes ces grandes sentences que vous venez de débiter à propos de botte, ne valent pas une vieille fable des écraignes36 de mon village.

LE MAÎTRE

Et quelle est cette fable?

JACQUES

C'est la fable de la Gaîne et du Coutelet. Un jour la Gaîne et le Coutelet se prirent de querelle; le Coutelet dit à la Gaîne: «Gaîne, ma mie, vous êtes une friponne, car tous les jours vous recevez de nouveaux Coutelets… La Gaîne répondit au Coutelet: Mon ami Coutelet, vous êtes un fripon, car tous les jours vous changez de Gaîne… Gaîne, ce n'est pas là ce que vous m'avez promis… Coutelet, vous m'avez trompée le premier…» Ce débat s'était élevé à table; Cil37 qui était assis entre la Gaîne et le Coutelet, prit la parole et leur dit: «Vous, Gaîne, et vous, Coutelet, vous fîtes bien de changer, puisque changement vous duisait38; mais vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas. Coutelet, ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs Gaînes; et toi, Gaîne, pour recevoir plus d'un Coutelet? Vous regardiez comme fous certains Coutelets qui faisaient vœu de se passer à forfait de Gaînes, et comme folles certaines Gaînes qui faisaient vœu de se fermer pour tout Coutelet: et vous ne pensiez pas que vous étiez presque aussi fous lorsque vous juriez, toi, Gaîne, de t'en tenir à un seul Coutelet; toi, Coutelet, de t'en tenir à une seule Gaîne.»

Ici le maître dit à Jacques: Ta fable n'est pas trop morale; mais elle est gaie. Tu ne sais pas la singulière idée qui me passe par la tête. Je te marie avec notre hôtesse; et je cherche comment un mari aurait fait, lorsqu'il aime à parler, avec une femme qui ne déparle pas.

JACQUES

Comme j'ai fait les douze premières années de ma vie, que j'ai passées chez mon grand-père et ma grand'mère.

LE MAÎTRE

Comment s'appelaient-ils? Quelle était leur profession?

JACQUES

Ils étaient brocanteurs. Mon grand-père Jason eut plusieurs enfants. Toute la famille était sérieuse; ils se levaient, ils s'habillaient, ils allaient à leurs affaires; ils revenaient, ils dînaient, ils retournaient sans avoir dit un mot. Le soir, ils se jetaient sur des chaises; la mère et les filles filaient, cousaient, tricotaient sans mot dire; les garçons se reposaient; le père lisait l'Ancien Testament.

LE MAÎTRE

Et toi, que faisais-tu?

JACQUES

Je courais dans la chambre avec un bâillon.

LE MAÎTRE

Avec un bâillon!

JACQUES

Oui, avec un bâillon; et c'est à ce maudit bâillon que je dois la rage de parler. La semaine se passait quelquefois sans qu'on eût ouvert la bouche dans la maison des Jason. Pendant toute sa vie, qui fut longue, ma grand'mère n'avait dit que chapeau à vendre, et mon grand-père, qu'on voyait dans les inventaires, droit, les mains sous sa redingote, n'avait dit qu'un sou. Il y avait des jours où il était tenté de ne pas croire à la Bible.

LE MAÎTRE

Et pourquoi?

JACQUES

À cause des redites, qu'il regardait comme un bavardage indigne de l'Esprit-Saint. Il disait que les rediseurs sont des sots, qui prennent ceux qui les écoutent pour des sots.

LE MAÎTRE

Jacques, si pour te dédommager du long silence que tu as gardé pendant les douze années du bâillon chez ton grand-père et pendant que l'hôtesse a parlé…

JACQUES

Je reprenais l'histoire de mes amours?

LE MAÎTRE

Non; mais une autre sur laquelle tu m'as laissé, celle du camarade de ton capitaine.

JACQUES

Oh! mon maître, la cruelle mémoire que vous avez!

LE MAÎTRE

Mon Jacques, mon petit Jacques…

JACQUES

De quoi riez-vous?

LE MAÎTRE

De ce qui me fera rire plus d'une fois; c'est de te voir dans ta jeunesse chez ton grand-père avec le bâillon.

JACQUES

Ma grand'mère me l'ôtait lorsqu'il n'y avait plus personne; et lorsque mon grand-père s'en apercevait, il n'en était pas plus content; il lui disait: Continuez, et cet enfant sera le plus effréné bavard qui ait encore existé. Sa prédiction s'est accomplie.

LE MAÎTRE

Allons, mon Jacques, mon petit Jacques, l'histoire du camarade de ton capitaine.

JACQUES

Je ne m'y refuserai pas; mais vous ne la croirez point.

LE MAÎTRE

Elle est donc bien merveilleuse!

JACQUES

Non, c'est qu'elle est déjà arrivée à un autre, à un militaire français, appelé, je crois, monsieur de Guerchy39.

LE MAÎTRE

Eh bien! je dirai comme un poëte français, qui avait fait une assez bonne épigramme, disait à quelqu'un qui se l'attribuait en sa présence: «Pourquoi monsieur ne l'aurait-il pas faite? je l'ai bien faite, moi…» Pourquoi l'histoire de Jacques ne serait-elle pas arrivée au camarade de son capitaine, puisqu'elle est bien arrivée au militaire français de Guerchy? Mais, en me la racontant, tu feras d'une pierre deux coups, tu m'apprendras l'aventure de ces deux personnages, car je l'ignore.

JACQUES

Tant mieux! mais jurez-le-moi.

LE MAÎTRE

Je te le jure.

Lecteur, je serais bien tenté d'exiger de vous le même serment; mais je vous ferai seulement remarquer dans le caractère de Jacques une bizarrerie qu'il tenait apparemment de son grand-père Jason, le brocanteur silencieux; c'est que Jacques, au rebours des bavards, quoiqu'il aimât beaucoup à dire, avait en aversion les redites. Aussi disait-il quelquefois à son maître: «Monsieur me prépare le plus triste avenir; que deviendrai-je quand je n'aurai plus rien à dire?

– Tu recommenceras.

– Jacques, recommencer! Le contraire est écrit là-haut; et s'il m'arrivait de recommencer, je ne pourrais m'empêcher de m'écrier: «Ah! si ton grand-père t'entendait!..» et je regretterais le bâillon.»

JACQUES

Dans le temps qu'on jouait aux jeux de hasard aux foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent…

LE MAÎTRE

Mais c'est à Paris, et le camarade de ton capitaine était commandant d'une place frontière.

JACQUES

Pour Dieu, monsieur, laissez-moi dire… Plusieurs officiers entrèrent dans une boutique, et y trouvèrent un autre officier qui causait avec la maîtresse de la boutique. L'un d'eux proposa à celui-ci de jouer au passe-dix; car il faut que vous sachiez qu'après la mort de mon capitaine, son camarade, devenu riche, était aussi devenu joueur. Lui donc, ou M. de Guerchy, accepte. Le sort met le cornet à la main de son adversaire qui passe, passe, passe, que cela ne finissait point. Le jeu s'était échauffé, et l'on avait joué le tout, le tout du tout, les petites moitiés, les grandes moitiés, le grand tout, le grand tout du tout, lorsqu'un des assistants s'avisa de dire à M. de Guerchy, ou au camarade de mon capitaine, qu'il ferait bien de s'en tenir là et de cesser de jouer, parce qu'on en savait plus que lui. Sur ce propos, qui n'était qu'une plaisanterie, le camarade de mon capitaine, ou M. de Guerchy, crut qu'il avait affaire à un filou; il mit subitement la main à sa poche, en tira un couteau bien pointu, et lorsque son antagoniste porta la main sur les dés pour les placer dans le cornet, il lui plante le couteau dans la main, et la lui cloue sur la table, en lui disant: «Si les dés sont pipés, vous êtes un fripon; s'ils sont bons, j'ai tort…» Les dés se trouvèrent bons. M. de Guerchy dit: «J'en suis très-fâché, et j'offre telle réparation qu'on voudra…» Ce ne fut pas le propos du camarade de mon capitaine; il dit: «J'ai perdu mon argent; j'ai percé la main à un galant homme: mais en revanche j'ai recouvré le plaisir de me battre tant qu'il me plaira…» L'officier cloué se retire et va se faire panser. Lorsqu'il est guéri, il vient trouver l'officier cloueur et lui demande raison; celui-ci, ou M. de Guerchy, trouve la demande juste. L'autre, le camarade de mon capitaine, jette les bras à son cou, et lui dit: «Je vous attendais avec une impatience que je ne saurais vous exprimer…» Ils vont sur le pré; le cloueur, M. de Guerchy, ou le camarade de mon capitaine, reçoit un bon coup d'épée à travers le corps; le cloué le relève, le fait porter chez lui, et lui dit: «Monsieur, nous nous reverrons…» M. de Guerchy ne répondit rien; le camarade de mon capitaine lui répondit: «Monsieur, j'y compte bien.» Ils se battent une seconde, une troisième, jusqu'à huit ou dix fois, et toujours le cloueur reste sur la place. C'étaient tous les deux des officiers de distinction, tous les deux gens de mérite; leur aventure fit grand bruit; le ministère s'en mêla. L'on retint l'un à Paris, et l'on fixa l'autre à son poste. M. de Guerchy se soumit aux ordres de la cour; le camarade de mon capitaine en fut désolé; et telle est la différence de deux hommes braves par caractère, mais dont l'un est sage, et l'autre a un grain de folie.

32.Rabrouer, vieux mot. Rudoyer, relever avec rudesse.
  On lit dans le second volume de la Traduction de Lucien, par Perrot d'Ablancourt, Amsterdam, 1709: «Si l'on vous siffle, rabrouez les auditeurs.»
  Ce d'Ablancourt, un peu rabroueur comme on sait, avait été choisi par Colbert pour écrire l'histoire de Louis XIV; mais le roi, ayant appris qu'il était protestant, dit: Je ne veux point d'un historien qui soit d'une autre religion que moi. (Br.)
33.Ces mots ne sont pas à la copie de l'édition originale.
34.Le Bourru bienfaisant de Goldoni fut joué pour la première fois à Paris le 4 novembre 1771.
  Nous aurons à parler ailleurs des relations de Diderot avec Goldoni et des accusations de plagiat dont Diderot eut à souffrir lorsqu'il fit jouer le Père de famille.
35.Nous empruntons à l'Histoire de la Vie et des Ouvrages de J. – J. Rousseau, par M. V. – D. Musset-Pathay, Paris, 1821, t. II, p. 320, une partie des renseignements que nous avons à donner sur ce médecin célèbre.
  Tronchin (Théodore), né à Genève en 1709, d'une ancienne famille originaire d'Avignon, mourut à Paris en 1781. Élève distingué de Boerhaave, il se fit bientôt une grande réputation. L'énumération de ses titres nous prendrait trop d'espace. Il n'évita pas l'accusation de charlatanisme malgré son habileté. Voici une anecdote qui le prouve:
  «Ses ordonnances étaient toutes savonnées. Comme il les prodiguait pour toutes sortes d'infirmités, il passait pour un charlatan. Le comte de Ch***, s'étant rendu à Genève exprès pour y consulter ce médecin renommé, communiqua l'ordonnance qu'il venait de recevoir à plusieurs malades, qui, l'ayant confrontée avec la leur, y trouvèrent tous du savon; ce qui fit dire que, si sa blanchisseuse le savait, elle intenterait un procès au docteur.»
  Ce qui peut excuser Tronchin, c'est son expérience; il avait remarqué que beaucoup de malades ne croient au savoir du médecin qu'en raison des remèdes: s'il n'ordonne rien, c'est un ignare à leurs yeux. C'est encore aujourd'hui comme de son temps, et nos plus célèbres médecins sont obligés de prescrire des tisanes. Tronchin disait à ses amis qu'il fallait oser ne rien faire. (Br.)
36.Écraignes ou Escraignes, vieux mot; veillées de village.
  Voici l'étymologie que donne à ce mot le Seigneur des Accords dans ses Escraignes dijonnoises, Paris, 1588, et à la suite des Bigarrures et Touches, Paris, 1662.
  «La nécessité, dit-il, ceste mère des arts, a appris à de pauvres vignerons, qui n'ont pas le moyen d'acheter du bois pour se deffendre de l'injure de l'hyver, ceste invention de faire en quelque rüe escartée un taudis ou bastiment, composé de plusieurs perches fichées en terre en forme ronde, repliées par le dessus et à la sommité; en telle sorte, qu'elles representent la testière d'un chapeau, lequel après on recouvre de force motes, gazon et fumier, si bien lié et meslé que l'eau ne le peut pénétrer. Là, ordinairement les après-soupées, s'assemblent les plus belles filles de ces vignerons avec leurs quenoüilles et autres ouvrages, et y font la veillée jusques à la minuict: dont elles retirent ceste commodité, que, tour à tour, portant une petite lampe pour s'esclairer et une trape de feu pour eschauffer la place, elles espargnent beaucoup, et travaillent autant de nuict que de jour pour aider à gaigner leur vie, et sont bien deffendües du froid. Quelquefois, s'il fait beau temps, elles vont d'escraigne à autre se visiter, et là font des demandes les unes aux autres. Il a convenu faire ceste description parce que l'architecture ne se trouvera pas en Vitruve ni en Du Cerceau, et semble plutost que ce soit quelque ouvrage d'arondelle (hirondelle) que autrement. Chacun an après l'hyver on la rompt, et au commencement de l'autre hyver on la rebastist. L'on l'appelle une escraigne par dérivation du mot d'escrin qui vaut autant à dire comme un petit coffre: combien que d'autres le dérivent de ce mot latin, scrinium, ce qui est fort vray semblable, d'autant qu'à telles assemblées de filles se trouve une infinité de jeunes varlots et amoureux, que l'on appelle autrement des voüeurs, qui y vont pour descouvrir le secret de leurs pensées à leurs amoureuses.»
  Les Bigarrures et Touches du Seigneur des Accords, l'un des ouvrages les plus originaux du temps, contiennent une foule de contes et de facéties dans le genre de la fable du Coutelet. On a longtemps ignoré le vrai nom de l'auteur: il l'avait cependant révélé par un moyen aussi ingénieux que peu ordinaire. En effet, en réunissant les premières lettres des vingt-deux chapitres dont se compose l'édition de 1572, on trouve ces mots:
estienne tabourot m'a fait  C'est à tort que quelques biographes ont avancé que Tabourot (Estienne) était né à Langres, pays de Diderot; il naquit en 1547 à Dijon, où il devint avocat au parlement ou procureur du roi; il y mourut en 1590. Ce qui donna lieu à cette méprise, c'est que son oncle Tabourot (Jehan), connu par son Orchésographie, ou Traicté par lequel toutes personnes peuvent facilement apprendre et practiquer l'honneste exercice des dances (Langres, 1589, in-4º), était chanoine et official de Langres, où il mourut en 1596. (Br.)
37.Celui.
38
  Duire, vieux mot; plaire, convenir.
Je vous donne avec grand plaisirDe trois présents un à choisir,La belle, c'est à vous de prendreCelui des trois qui plus vous duit.Les voici, sans vous faire attendre:Bon jour, bon soir et bonne nuit.Sarrasin, Œuvres. Paris, 1685. (Br.)

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39.Guerchy ou Guerchi (Claude-Louis de Regnier, comte de), officier de la cour de Louis XV, fit ses premières armes en Italie, servit avec distinction en Bohême et en Flandre, et mourut en 1768. (Br.)
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
11 ağustos 2017
Hacim:
340 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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