Kitabı oku: «La Suisse entre quatre grandes puissances», sayfa 4
1.3. L’arrêté fédéral du 14 octobre 1890 et l’organisation du Bureau d’état-major au début des années 1890
Après quinze ans, l’organisation du Bureau d’état-major définie dans le règlement de 1875 ne correspondait plus à la réalité des faits.21 En plus du changement de subordination du service topographique, divers changements avaient eu lieu à la fin des années 1880, dont le plus important fut le remplacement de la Section géographique par deux nouvelles sections, l’une dite «technique», chargée de tout ce qui avait trait aux fortifications, aux infrastructures, aux équipements et à l’armement, et l’autre chargée des études sur les armées étrangères et du renseignement pris dans un sens très général. La nomination du colonel Keller à la tête du Bureau d’état-major laissait par ailleurs le poste de chef de la Section tactique vacant. L’occasion fut saisie et le Conseil fédéral donna, enfin, par un document législatif une organisation officielle au Bureau d’état-major.
La nouvelle organisation ne faisait que sanctionner la solution provisoire mise en place en septembre 1890. Le Bureau d’état-major était structuré en cinq sections et une chancellerie, dont les tâches étaient définies de manière très générale.
Cette organisation et cette répartition des missions, très générales, devaient être précisées ultérieurement. Le chef du Bureau d’état-major devait s’atteler à cette tâche et présenter des projets, le Département militaire gardant le pouvoir de décision. Les documents montrent que la collaboration entre les deux acteurs était bonne et que des dispositions avaient déjà été prises pour régler la question. Un règlement intérieur détaillé fut approuvé, qui entra en vigueur le 17 janvier 1891.22 Il avait pour but avant tout de définir les compétences de chacun au sein du Bureau d’état-major. Il donnait avec force détail et sous forme de liste, pour le chef du bureau, la chancellerie et chacune des sections, les nombreuses tâches qui leur incombaient.
Tableau 1: Organisation du Bureau d’état-major (1890)
Le chef du Bureau d’état-major se voyait attribuer dix-neuf tâches. Outre celles liées à la direction générale de son institution, il était chargé de deux grands domaines de compétence. Le premier était la formation du corps d’état-major, sans toutefois s’occuper de l’instruction pratique. Il devait rédiger les ordres généraux et particuliers pour les écoles, les cours et les voyages, dont il assurait également la direction. Le deuxième domaine était la rédaction des plans de mobilisation et de concentration, ainsi que la préparation des travaux à réaliser en cas de guerre.
Les chefs des différentes sections, outre les tâches spécifiques à chacune de leur subdivision, dont ils devaient s’acquitter de leur propre initiative et sous leur propre responsabilité, étaient chargés de l’instruction dans les cours et les voyages. Ils pouvaient également recevoir des missions spéciales, confiées par le chef du Bureau d’état-major. Ce dernier assurait la surveillance de leurs activités, notamment au moyen des rapports mensuels qu’ils devaient lui remettre.
L’organisation du Bureau d’état-major et la répartition des activités entre les cinq sections avaient été prévues selon une division horizontale du travail d’état-major. La Section des renseignements s’occupait de la collecte des informations et de l’élaboration des études sur les armées étrangères, notamment celles des quatre pays voisins sur lesquels l’attention était concentrée. Elle devait tenir à jour les documents relatifs à leur organisation, tels que les ordres de bataille et les listes des commandants des corps d’armée. Elle devait également s’occuper de tout ce qui avait trait aux questions de géographie militaire et de transports, en relevant plus particulièrement les modifications dans les réseaux de communication des régions limitrophes de la Suisse.
La Section tactique s’occupait des tâches relatives à la mobilisation de l’armée. Elle devait établir les documents de mobilisations, notamment toutes les cartes (cartes des places de rassemblement de corps, des dépôts, des lieux de réquisition pour les chevaux), les formulaires et les timbres, organiser la mise sur pied des chevaux, la réquisition des voitures et tenir à jour les nombreuses listes des personnels et des fonctionnaires employés à la réalisation de la mobilisation. C’est à elle que revenait encore la tâche de recueillir l’ensemble des prescriptions émises par les cantons en matière de mobilisation. Le deuxième grand domaine dont la section avait la charge, et qui lui donnait son nom, était la tactique. A ce titre, elle avait pour tâche de mener des études qui concernait surtout la tactique des trois armes et le service en campagne, et pouvait émettre des propositions de changement des règlements. Dans ce cadre, la section était plus particulièrement chargée de deux missions. D’une part, elle avait la charge de l’étude de la guerre en montagne, tant au point de vue de l’organisation des troupes que de leur équipement et de leur tactique. D’autre part, elle avait la responsabilité d’instruire les formations cyclistes que l’on venait de créer.
La Section d’état-major général s’occupait des préparatifs concernant la mise sur pied et la concentration de l’armée. Chargée de la mission fondamentale de l’Etat-major général, cette section occupait une place centrale au sein du Bureau d’état-major. Elle avait à collaborer avec les autres sections dans de nombreux domaines, particulièrement en matière de mise sur pied des troupes, de réquisitions, de renseignement et de transports.
Les deux dernières sections avaient des fonctions plus techniques. La Section technique s’occupait de tout ce qui avait trait à la fortification, aux infrastructures, à l’armement et à l’équipement. Quant à la Section des chemins de fer, elle était chargée de préparer l’exploitation et l’emploi des chemins de fer et de la navigation à vapeur en cas de guerre.
Cette organisation n’a duré que quelques mois. Au cours de l’année 1891, plusieurs changements de personnes eurent lieu à la tête des sections.23 De plus, en août, le chef du Bureau d’état-major proposa des modifications.24 La raison invoquée par Keller était l’arrivée du major Eduard Leupold au Bureau d’état-major. Nous pensons toutefois que les causes de ce remaniement étaient plus profondes. Elles étaient plus vraisemblablement liées à la mauvaise répartition des charges de travail découlant de l’organisation prévue au début de l’année. En dehors du changement de nom de la Section technique qui prit le nom de Section géographique, les modifications importantes étaient au nombre de trois.
La nouvelle répartition des tâches ne se faisait plus selon un principe de division horizontale, mais verticale. L’étude d’une armée étrangère et les travaux de concentration de l’armée suisse sur le front correspondant ne relevaient plus de deux sections différentes. Désormais, la Section des renseignements s’occupait essentiellement de ce qui concernait l’armée française et la concentration sur le front ouest. La Section d’état-major général s’occupait avant tout de l’armée allemande et de la concentration sur le front nord. A la Section géographique revenait l’armée italienne et la concentration sur le front sud.
La seconde modification était l’échange de certaines compétences entre la Section géographique et la Section des renseignements. Avec la nouvelle organisation, cette dernière avait désormais à s’occuper de la fortification, du génie et du matériel d’artillerie. A la Section géographique incombaient maintenant les domaines de la géographie et de la topographie militaires et celui de la cartographie. Enfin, elle avait à s’occuper des questions juridiques (justice militaire, droits et devoir en matière de neutralité), relevant auparavant de la Section d’état-major général.
A la fin de l’année, le major Leupold, sur proposition de Keller, fut en outre chargé de la tenue des procès-verbaux de la Commission de défense nationale, qui venait d’être créée.25 Le chef du Département militaire accepta aussi que les séances de la Commission aient lieu dans les locaux du Bureau d’état-major.
1.4. Les changements de la période 1893–1901
Avec le règlement intérieur du 9 août 1891, le Bureau d’état-major a acquis une organisation, à la fois dans ses structures et dans la répartition de ses tâches, qui ne varia plus fondamentalement jusqu’à la fin de la période étudiée. La publication de nouveaux règlements intérieurs montre plus la nécessité et la volonté de codifier le développement et l’affinement des techniques de travail d’état-major que le besoin de modifier la structure ou le fonctionnement du Bureau d’état-major. Le projet de loi sur l’organisation militaire, rejeté en 1895, reprenait d’ailleurs l’organisation en vigueur et le débat tourna autour de la double question de l’existence d’un corps spécifique d’état-major et de la formation de ses membres.26
Diverses modifications furent toutefois apportées, particulièrement dans l’organisation du travail. En 1893, le nouveau règlement intérieur désigna clairement la section qui devait s’occuper du front est et de l’armée autrichienne.27 Jusqu’alors, on pouvait déduire des textes que cette mission revenait à la Section d’état-major général. Désormais, elle incombait à la Section tactique. De plus, la Section d’état-major général reçut formellement la mission de préparer les plans de concentration de l’armée suisse, en cas de guerre contre une coalition. En 1895, le chef du Bureau d’état-major, constatant l’augmentation de la quantité de travail, obtint du Conseil fédéral que le nombre des aides soit défini chaque année en fonction des besoins et augmenté le cas échéant.28 Ces modifications en matière de personnel ne devaient pas être inscrites dans le cadre de la loi d’organisation militaire, car les changements seraient trop difficiles. On préféra jouer avec la marge de manœuvre que laissait l’arrêté fédéral du 14 octobre 1890 et utiliser la loi sur le budget, qui n’avait qu’une durée de validité d’un an. Cette manière de faire donnait toute la souplesse nécessaire et permettait de réévaluer chaque année le nombre d’aides nécessaires. Deux années plus tard, des modifications plus importantes furent apportées.29 La Section tactique fut renommée Section de mobilisation, en raison de ses activités. Les domaines de l’armement et de l’équipement de l’infanterie furent transférés de la Section tactique à celle des renseignements, qui était aussi responsable du matériel de guerre.
Une autre question d’organisation du Bureau d’état-major au milieu des années 1890 concernait le corps cycliste, qui lui était subordonné.30 Depuis 1891, date de la création de ce dernier, le Bureau d’état-major était responsable de la gestion de son personnel et de son instruction. C’était la Section tactique – plus tard Section de mobilisation – qui s’occupait de l’exécution pratique de cette double mission. En 1896, le chef du Bureau d’état-major demanda au chef du Département militaire fédéral de transférer le corps cycliste à l’infanterie.31 Keller mentionnait tout d’abord que le Bureau d’état-major ne disposait pas du personnel subalterne nécessaire à l’instruction de ce corps et soulignait les difficultés rencontrées dans ce domaine au moment de chaque école. De plus, il considérait que l’infanterie, arme d’où provenaient les volontaires, était mieux à même de sélectionner les candidats désirant intégrer le corps.
Du côté de l’infanterie, on ne partageait pas ce point de vue. L’instructeur en chef de l’arme, Peter Isler, souhaitait conserver le statu quo. Conscient que, dans le futur, il faudrait sans doute changer l’organisation du corps cycliste, peut-être dans le sens de la création de corps de troupes complets, il préférait attendre un changement de la loi sur l’organisation militaire. Il ne souhaitait pas de modification partielle immédiate qui, dans le contexte du récent rejet du projet de loi par le peuple, serait, pensait-il, mal perçue. L’infanterie réussit à faire prévaloir son point de vue et le corps cycliste ne fut intégré à cette arme qu’en 1907, avec la nouvelle loi sur l’organisation militaire.32
La fin de la décennie 1890 vit aussi la refonte de la Chancellerie et de son fonctionnement. En 1897, la comptabilité, gérée jusqu’alors par le chef de la Chancellerie, passa aux mains du chancelier de première classe.33 En 1900, des changements importants se produisirent dans la composition du personnel.34 Le major Piaget, chef de la Chancellerie, mourut et il fut remplacé par le chancelier de première classe. Par ailleurs, le chef du Bureau d’état-major souhaitait la nomination d’un nouveau chancelier et la promotion de Bochsler au rang de chancelier de première classe. Ces modifications conduisirent Keller à proposer au chef du Département militaire fédéral une nouvelle organisation qu’il désirait tester durant quelque temps. Jusqu’alors, tout le personnel de la Chancellerie était regroupé au sein de cette dernière et comptait, parmi ses missions, celle de soutenir les différentes sections dans leurs travaux de réalisation des documents imprimés. Le chef du Bureau d’état-major désirait désormais attribuer un chancelier à chacune des sections, dont les chefs seraient responsables de l’emploi efficace et des activités. Le second point important était l’attribution d’un chancelier de deuxième classe, en tant qu’aide, au chef du Bureau d’état-major et à la Chancellerie. Ces aides étaient constituées par les chanceliers des sections qui devaient remplir ces fonctions par rotation, tout en restant sous leur commandement habituel.
1.5. La réforme de 1902–1903
Sans rien changer ni à la structure, ni au fonctionnement du Bureau d’état-major, la loi sur l’organisation du Département militaire fédéral du 20 décembre 1901 entraîna un changement dans la nomenclature et la hiérarchie administrative.35 Le Bureau d’état-major fut élevé au même statut hiérarchique que les autres services du Département militaire fédéral et il fut placé en deuxième position dans la liste de ces derniers. Il se trouvait ainsi situé après la Chancellerie et avant les différentes armes. Ces modifications furent officialisées à l’interne par l’arrêté fédéral du 13 mai 1902, qui remplaça celui du 14 octobre 1890.
L’année suivante, une nouvelle organisation de l’Etat-major général fut mise en place, toujours par l’adoption d’un nouveau règlement intérieur, qui restera en vigueur jusqu’en 1911.36 Comme pour les précédents règlements, ce furent les changements intervenus dans les dernières années qui poussèrent à une autre rédaction et le nouveau règlement ne fit que sanctionner juridiquement une situation existante. Deux changements mineurs doivent être signalés. Le premier concerne la Chancellerie. Le nombre précis de chanceliers n’était plus indiqué, ce qui simplifiait la procédure en cas d’augmentation du personnel. Le second se rapporte à la répartition des travaux de planification de la concentration de l’armée. Pour la première fois, la Triplice était clairement désignée comme adversaire potentiel. Jusqu’alors, l’Etat-major général avait à s’occuper de préparer la planification en cas de guerre contre une coalition.
La structure de l’Etat-major général, avec sa Chancellerie et ses cinq sections, ne fut pas modifiée. Le grand changement concerna le partage des compétences en matière de service territorial entre le Bureau d’état-major et le Département militaire fédéral. La gestion de ce service était en effet depuis toujours répartie entre les deux institutions, ce qui posait de sérieux problèmes d’unité de direction.37 En 1901, un accord fut trouvé. La gestion du Service territorial en temps de paix fut concentrée au Département militaire fédéral, qui chargea de cette mission son officier d’état-major. L’Etat-major général garda la responsabilité de tout ce qui avait trait aux préparatifs de mobilisation et de concentration. Cette nouvelle répartition des tâches fut officiellement codifiée dans le règlement intérieur de 1903, mais elle n’eut pas une durée de vie très longue. A la suite du départ du colonel Karl Fisch en 1906, la direction du service territorial revint à l’Etat-major général. Il fut alors question de créer une sixième subdivision à l’Etat-major général, qui devait être chargée de cette mission, mais le projet avorta et le service territorial retourna au Département militaire fédéral.
La loi sur l’organisation militaire de 1907 ne prévoyait aucun changement de structure à l’Etat-major général.38 Si, comme nous le verrons, d’importants débats eurent lieu à propos de la formation des officiers d’état-major général et de certaines prérogatives de l’institution, il y avait un consensus général à propos de son organisation. L’Etat-major général reçut diverses attributions – notamment tout ce qui avait trait à la mobilisation et à la concentration de l’armée – qu’il partageait jusqu’à ce moment avec le chef d’arme de l’infanterie, selon la loi sur l’organisation militaire de 1874.
2. L’Etat-major de l’armée et le Grand Quartier général
2.1. Les projets d’organisation des années 1870
Comme nous l’avons vu, l’organisation de l’organe d’aide à la conduite de l’armée du général en temps de guerre – l’Etat-major de l’armée – constitua la base de la réflexion concernant l’organisation de l’Etat-major général. Le Bureau d’état-major se livra à des études sur le sujet et un premier projet fut réalisé en 1874 déjà.39 L’auteur de ce document ne voulait pas créer ex nihilo une nouvelle organisation. Il se contentait de reprendre ce qui existait et de l’adapter aux changements survenus du fait de la nouvelle loi sur l’organisation militaire. Il prévoyait une structure en bureaux comprenant:
– le Bureau particulier du général;
– deux bureaux du chef de l’Etat-major comprenant:
– le Bureau principal
– le Bureau particulier
– six bureaux des services spéciaux auxiliaires:
– le Bureau du vétérinaire en chef
– le Bureau du médecin en chef
– le Bureau du chef du génie
– le Bureau du chef de l’artillerie
– le Bureau du chef de la cavalerie
– le Bureau du chef de l’infanterie
Le Bureau principal n’était pas une nouveauté. Dans l’organisation en vigueur à ce moment-là, il existait déjà. Toutefois, en raison de la masse de travail et de l’importance du bon suivi des activités, l’auteur de l’étude désirait renforcer son rôle et lui attribuer pour tâche la correspondance, la distribution des travaux, ainsi que la réception et le classement des travaux élaborés par les autres organes.
Le Bureau principal devait se composer de quatre sections. Tout d’abord, une Section du service et des rapports devait s’occuper de tout ce qui concernait les services, notamment, le Service de renseignements, en dehors, de ce qui était secret, et le commandement du Quartier général. A sa tête se trouvait l’adjudant général. La deuxième section, dite Section générale, constituait la Chancellerie de l’Etat-major de l’armée. La Section des opérations était considérée comme la plus importante et devait être dotée des meilleurs officiers. Elle était divisée en une Section des opérations proprement dite et trois sous-sections, la première, topographique et statistique, la deuxième, des chemins de fer et télégraphes, et, la troisième, historique. La dernière section était la Section du commissariat, chargée des approvisionnements généraux, des magasins, des transports et de la trésorerie.
Le Bureau particulier devait s’occuper de la correspondance particulière du chef de l’Etat-major de l’armée et établir les procès-verbaux des instructions orales du général. Il avait également pour tâche de traiter la partie secrète du Service de renseignements.
Enfin, les Bureaux des services spéciaux devaient s’occuper de tout ce qui concernait les effectifs, l’habillement, l’équipement et les armements, ainsi que des questions de tactique d’arme. Les chefs de ces bureaux constituaient le Conseil supérieur de l’armée, dont les attributions n’étaient pas précisées. De plus, ils avaient une fonction de commandement, car les troupes de leur arme, non réparties dans l’armée, leur étaient subordonnées.
Ce projet ne constituait qu’une simple étude. Diverses questions étaient laissées en suspens. Ainsi, l’auteur se demandait si l’organe chargé de l’envoi des ordres ne devrait pas être retiré de la Section générale et subordonné à la Section des services. Il s’interrogeait également s’il ne fallait pas créer un septième bureau pour le matériel de guerre, dont la gestion avait une importance capitale. Cette solution présenterait l’avantage de soulager le Bureau de l’artillerie qui en avait la charge. Une autre solution était également envisagée, celle de créer une section spécialisée dans ce service au sein du Bureau de l’artillerie.
A la fin de l’année 1875, Siegfried rédigea également un projet de prescriptions relatives à l’organisation de l’Etat-major de l’armée.40 Cet organe confié au commandant en chef pour assurer l’organisation, l’administration et la conduite de l’armée, devrait être mis sur pied par le Conseil fédéral dès qu’un nombre de troupes suffisamment important serait levé et un général élu. L’Etat-major de l’armée comprenait:
– le chef de l’Etat-major général;
– l’adjudant général;
– le commissaire des guerres de l’armée;
– le directeur du parc de l’armée;
– le chef d’exploitation des chemins de fer;
– le médecin de l’armée et le vétérinaire de l’armée;
– l’auditeur de l’armée et le directeur de la poste de campagne;
– le directeur du télégraphe de l’armée;
– des officiers EMG, de l’adjudance et des armes spéciales, des secrétaires d’état-major, etc.
L’organisation comprenait une structure en six subdivisions:
– l’Etat-major général;
– l’Adjudance, comprenant la Direction du parc de l’armée;
– le Commissariat des guerres de l’armée;
– la Direction du service sanitaire;
– la Direction du service vétérinaire;
– la Direction du service judiciaire.
L’Etat-major général comprenait quatre subdivisions, chacune dirigée par un officier EMG:
– la Chancellerie;
– la Section tactique;
– la Section technique;
– la Section des chemins de fer.
Siegfried faisait une différence de nature entre, d’une part, l’Etat-major général et l’Adjudance et, d’autre part, le Commissariat des guerres et les Directions des services sanitaire, vétérinaire et judiciaire. Pour lui, les tâches des deux premières subdivisions représentaient les tâches d’état-major général par excellence, tandis que celles des quatre autres revêtaient un caractère plus administratif. Leur fonctionnement devait être réglé par une instruction sur l’Etat-major de l’armée, alors que celui des quatre autres devait l’être dans des règlements spécifiques. Une autre différence résidait dans les modalités de nomination des chefs. Le chef de l’Etat-major de l’armée et l’adjudant de l’armée, obligés de collaborer d’une manière particulièrement étroite avec le général, devaient s’entendre avec ce dernier. Siegfried proposait donc qu’ils fussent nommés par le Conseil fédéral, sur proposition du général. Les chefs des autres subdivisions devaient, eux, au contraire, être désignés dès le temps de paix pour occuper des fonctions qui ne pouvaient pas, selon le chef de l’Etat-major général, être prises à l’improviste au moment d’une mobilisation. Un autre avantage de ce système était la possibilité, pour ces chefs de subdivision, de préparer les travaux en temps de paix déjà.
Cette organisation écartait totalement les chefs d’armes de l’Etat-major de l’armée. Selon Siegfried, ils ne pouvaient entrer en ligne de compte dans le personnel de l’Etat-major de l’armée et devaient rester à leur place au sein de l’administration. Le chef du Bureau d’état-major s’attelait également à régler certaines autres questions de subordination. Les chefs des subdivisions étaient directement sous les ordres du chef de l’Etat-major de l’armée et non du général. En revanche, ce dernier était le supérieur direct des commandants de division, même si son pouvoir pouvait être délégué au chef de l’Etat-major de l’armée.
Comme les autres études du Bureau d’état-major, celle de Siegfried ne déboucha sur aucune réalisation concrète. En mai 1876, le Département militaire fédéral prit donc l’initiative de mettre en circulation un dossier sur la question de l’organisation de l’Etat-major de l’armée.41 Cette intervention s’explique aisément. D’une part, selon l’article 64 de la loi sur l’organisation militaire, c’était à lui d’édicter une ordonnance pour réglementer l’organisation de l’Etat-major de l’armée. D’autre part, il devait coordonner les réflexions des différents acteurs qu’il chargeait de la question et qui devaient constituer une commission. Même si le chef du Bureau d’état-major devait jouer le rôle principal au sein de la commission, du fait qu’il avait pour mission de préparer un projet d’instruction sur le fonctionnement de l’Etat-major de l’armée, les autres membres auraient un poids considérable dans le processus de décision.
Parmi ces membres se trouvaient, en effet, le général Herzog et le chef d’arme de l’infanterie, le colonel Feiss, tous deux, d’ailleurs, adversaires déclarés de l’Etat-major général. Le premier avait tout le prestige et l’autorité que lui conférait sa fonction de commandant en chef de l’armée suisse au cours de la dernière mobilisation de l’armée. Le second occupait sans doute la fonction la plus importante de toute l’armée et partageait, avec le chef du Bureau d’état-major, la responsabilité de la préparation des travaux de mise sur pied et de concentration de l’armée. De plus, Feiss avait un caractère particulièrement difficile qui le poussait à tout vouloir diriger et contrôler.42
L’opposition, prévisible, entre les membres de la commission se manifesta rapidement.43 Le Bureau d’état-major réalisa un projet d’organisation en juillet 1876, prévoyant une structure comprenant:
– le général et son Bureau;
– le chef de l’Etat-major général et son Bureau;
– 5 sections (Etat-major général, Adjudance, Artillerie, Génie, Commissariat des guerres).
La Section d’état-major général coiffait quatre subdivisions: Chancellerie, Opérations, Technique, Chemins de fer. Les Opérations constituaient la subdivision principale, car elles devaient s’occuper notamment de l’ordre de bataille de l’armée, des reconnaissances tactiques, des marches et des mouvements, des dispositions de combat, des questions liées aux Conventions de Genève, de l’instruction des troupes et du Service des étapes. De leur côté, les commandants de division, les chefs d’arme et de service proposèrent leur propre projet en 1878.
Après deux ans et demi durant lesquels on ne parvint pas à se mettre d’accord, le processus fut relancé au début 1879.44 En mai, Siegfried envoya au chef du DMF une série de documents destinés à lui permettre de prendre sa décision en matière d’organisation de l’Etat-major de l’armée. Feiss avait réussi à imposer un projet d’ordonnance, mais le chef du Bureau d’état-major présentait nombre de critiques sur le document. Il existait une opposition fondamentale entre la conception de Feiss et celle de Siegfried. Le chef de l’infanterie ne voulait pas d’une structure définie à l’avance. Il considérait que l’organisation interne de l’Etat-major de l’armée et la répartition des tâches devaient être précisée au moment de la mobilisation. A l’opposé, le chef du Bureau d’état-major reprenait les principes définis dans son étude antérieure. Il souhaitait une organisation définie dès le temps de paix, qui offrait de nombreux avantages. Sans une organisation clairement définie au préalable, il était impossible de dire, d’après le projet d’ordonnance, qui devait faire partie de l’Etat-major de l’armée et combien d’officiers il devait comporter. Siegfried arguait également qu’avec la solution préconisée par Feiss, il était impossible de préparer les différentes personnes à leurs fonctions, déjà en temps de paix. Enfin, il soulignait la nécessité d’une organisation définie, qui permettrait, selon lui, d’améliorer et d’uniformiser le travail d’état-major et d’adjudance dans les divisions.
Siegfried désirait toutefois conserver une certaine souplesse. C’est pourquoi il préférait un texte plutôt sous forme d’instruction que d’ordonnance. Ainsi, le chef de l’Etat-major de l’armée et le général ne seraient pas absolument liés, au point de vue juridique, par l’organisation prévue et pourraient lui apporter des changements. Siegfried soulignait la nécessité de ne pas fixer d’une manière trop rigide l’organisation de l’Etat-major de l’armée et citait d’autres officiers qui pensaient comme lui, même si c’était pour d’autres raisons. Le colonel Rothpletz, commandant de la 5e Division et professeur à l’Ecole militaire de Zurich, voulait rester dans le provisoire, car il n’avait pas le temps de s’occuper de la question à ce moment-là. Siegfried mentionnait même Feiss qui, tout en étant d’accord sur le principe de l’ordonnance et proposant même un projet, demandait de ne rien fixer avant que le Règlement sur le service en campagne ne soit prêt.
Le chef du Bureau d’état-major sentait bien que sa position risquait de ne pas l’emporter à l’issue des débats. La maladie qui le retint chez lui les six derniers mois de sa vie l’a certainement empêché de défendre ses idées avec toute l’énergie et la disponibilité nécessaires. A la fin de l’année 1879, quelques semaines avant de mourir, il écrivit au chef du Département militaire fédéral que si le projet du chef de l’infanterie devait l’emporter, il faudrait lui apporter un certain nombre de modifications. Siegfried proposa diverses modifications d’organisation allant dans le sens d’un renforcement en matière de personnel et d’une meilleure intégration des services au sein de l’Etat-major de l’armée. Mais les deux propositions les plus importantes concernaient l’article 6. Siegfried cherchait à atténuer les effets des conceptions de Feiss en demandant qu’une organisation provisoire de l’Etat-major de l’armée et de ses activités soit au moins définie par le Département militaire fédéral.