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Kitabı oku: «Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)», sayfa 24

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IV

Mémorandum adressé par lord Palmerston au gouvernement français, et remis à M. Thiers par M. Bulwer au commencement du mois de septembre 1840
Foreign Office, 31 août 1840.

Monsieur,

Différentes circonstances m'ont empêché de vous transmettre plus tôt, et, par votre entremise au gouvernement français, quelques observations que le gouvernement de Sa Majesté désire faire sur le Mémorandum qui m'a été remis le 24 juillet par l'Ambassadeur de France à cette Cour, en réponse au Mémorandum que j'avais remis à Son Excellence le 17 du même mois; mais actuellement je viens remplir cette tâche.

C'est avec une grande satisfaction que le gouvernement de Sa Majesté a remarqué le ton amical du Mémorandum français, et les assurances qu'il contient du vif désir de maintenir la paix et l'équilibre des Puissances en Europe. Le Mémorandum du 17 juillet a été conçu dans un esprit tout aussi amical envers la France, et le gouvernement de Sa Majesté est tout aussi empressé (anxious) que la France peut l'être de conserver la paix de l'Europe et de prévenir le moindre dérangement dans l'équilibre existant entre les Puissances.

Le gouvernement de Sa Majesté a également vu avec plaisir les déclarations contenues dans le Mémorandum français, portant que la France désire agir de concert avec les quatre autres Puissances en ce qui concerne les affaires du Levant.

Les sentiments du gouvernement de Sa Majesté sont sur ces points à tous égards semblables à ceux du gouvernement français et y correspondent entièrement, car, en premier lieu, dans tout le cours des négociations ouvertes sur cette question pendant plus de douze mois, le désir empressé du gouvernement britannique a été constamment qu'un concert fût établi entre les cinq Puissances, et que toutes cinq elles accédassent à une ligne de conduite commune, et le gouvernement de Sa Majesté, sans devoir s'en déférer, pour preuve de ce désir, aux différentes propositions qui ont été faites de temps en temps au gouvernement français, et auxquelles il est fait allusion dans le Mémorandum de la France, peut affirmer sans crainte qu'aucune Puissance de l'Europe ne peut être moins influencée que ne l'est la Grande-Bretagne par des vues particulières ou par tout désir et espérances d'avantages exclusifs qui naîtraient, pour elle, de la conclusion des affaires du Levant: bien au contraire, l'intérêt de la Grande-Bretagne, dans ces affaires, s'identifie avec celui de l'Europe en général, et se trouve placé dans le maintien de l'intégrité et de l'indépendance de l'Empire ottoman, comme étant une sécurité pour la conservation de la paix, et un élément essentiel de l'équilibre général des Puissances.

C'est à ces principes que le gouvernement français a promis son plein concours, et qu'il l'a offert dans plus d'une circonstance, et spécialement dans une dépêche du maréchal Soult, en date du 17 juillet 1839; dépêche qui a été communiquée officiellement aux quatre Puissances; il l'a encore offert dans une note collective du 27 juillet 1839, et dans le discours du Roi des Français aux Chambres, en décembre 1839.

Dans ces documents, le gouvernement français fait connaître sa détermination de maintenir l'intégrité et l'indépendance de l'Empire ottoman sous la dynastie actuelle comme un élément essentiel de l'équilibre des Puissances, comme une sûreté pour la conservation de la paix, et dans une dépêche du maréchal Soult, il a également assuré que sa résolution était de repousser par tous ses moyens d'action et d'influence toute combinaison qui pourrait être hostile au maintien de cette intégrité et de cette indépendance.

En conséquence, les gouvernements de Grande-Bretagne et de France sont parfaitement d'accord, quant aux objets vers lesquels leur politique doit être guidée; la seule différence qui existe entre les deux gouvernements est une différence d'opinion quant aux moyens qu'ils jugent les plus propres pour atteindre cette fin commune: point sur lequel, ainsi que l'observe le Mémorandum français, on peut naturellement s'attendre à voir se rencontrer différentes opinions.

Sur ce point, il s'est élevé une grande différence d'opinion entre les deux gouvernements, différence qui semble être devenue plus forte et plus prononcée à mesure que les deux gouvernements ont plus complètement expliqué leurs vues respectives, ce qui, pour le moment, a empêché les deux gouvernements d'agir de concert pour atteindre le but commun. D'un côté, le gouvernement de Sa Majesté a manifesté, à diverses reprises, l'opinion qu'il serait impossible de maintenir l'intégrité de l'Empire turc, et de conserver l'indépendance du trône du Sultan, si Méhémet-Ali devait être laissé en possession de la Syrie, comme la clef militaire de la Turquie asiatique, et que si Méhémet-Ali devait continuer à occuper cette province, outre l'Égypte, il pourrait, en tous temps, menacer Bagdad du côté du Midi, Diarbekir et Erzeroum du côté de l'Est, Koniah, Brousse et Constantinople du côté du Nord; que le même esprit ambitieux qui a poussé Méhémet-Ali en d'autres circonstances à se révolter contre son Souverain, le porterait bientôt derechef à prendre les armes pour de nouveaux envahissements, et que, dans ce but, il conserverait toujours une grande armée sur pied; que le Sultan, d'un autre côté, devrait être continuellement en garde contre le danger qui le menacerait, et serait également obligé de rester armé, qu'ainsi le Sultan et Méhémet-Ali continueraient d'entretenir de fortes armées pour s'observer l'un l'autre; qu'une collision devrait nécessairement éclater, par suite de ces continuels soupçons et de ces alarmes mutuelles; quand même il n'y aurait, d'aucun côté, une agression préméditée, que toute collision de ce genre devrait nécessairement conduire à une intervention étrangère dans l'intérieur de l'Empire turc, et qu'une telle intervention, ainsi provoquée, conduirait aux plus sérieux dissentiments entre les Puissances de l'Europe.

Le gouvernement de Sa Majesté a signalé comme probable, sinon comme certain, un danger plus grand que celui-ci, en conséquence de l'occupation continue de la Syrie par Méhémet-Ali, à savoir que le Pacha, se fiant sur sa force militaire et fatigué de sa position politique de sujet, exécuterait une intention qu'il a franchement avouée aux Puissances d'Europe, qu'il n'abandonnerait jamais, et se déclarerait lui-même indépendant. Une pareille déclaration de sa part serait incontestablement le démembrement de l'Empire ottoman, et, ce qui plus est, ce démembrement pourrait arriver dans des circonstances telles, qu'elles rendraient plus difficile aux Puissances d'Europe d'agir ensemble pour forcer le Pacha à rétracter une pareille déclaration, qu'il ne l'est aujourd'hui de combiner leurs efforts pour le contraindre à évacuer la Syrie.

Le gouvernement de Sa Majesté a, en conséquence, invariablement prétendu que toutes les Puissances qui désireraient conserver l'intégrité de l'Empire turc et maintenir l'indépendance du trône du Sultan, devaient s'unir pour aider ce dernier à rétablir son autorité directe en Syrie.

Le gouvernement français, d'un autre côté, a avancé que Méhémet-Ali, une fois assuré de l'occupation permanente de l'Égypte et de la Syrie, resterait un fidèle sujet, et deviendrait le plus ferme soutien du Sultan; que le Sultan ne pourrait gouverner si le Pacha n'était en possession de cette province, dont les ressources militaires et financières lui seraient alors d'une plus grande utilité que si elles étaient entre les mains du Sultan lui-même; qu'on peut avoir une confiance entière dans la sincérité du renoncement de Méhémet-Ali à toute vue ultérieure d'ambition, et dans ses protestations de dévouement fidèle à son Souverain; que le Pacha est un vieillard, et qu'à sa mort, en dépit de tout son héréditaire fait à sa famille, l'ensemble de puissance qu'il a acquise retournerait au Sultan, parce que toute possession des pays mahométans, quelle que soit leur constitution, ne sont réellement autre chose que des possessions à vie.

Le gouvernement français a, en outre, soutenu que Méhémet-Ali ne voudra jamais librement consentir à évacuer la Syrie, et que les seuls moyens dont les Puissances d'Europe peuvent user pour le contraindre, seraient, ou bien des opérations sur mer, ce qui serait insuffisant, ou bien des opérations sur terre, ce qui serait dangereux; que des opérations sur mer n'expulseraient pas les Égyptiens de la Syrie et exciteraient seulement Méhémet-Ali à diriger une attaque sur Constantinople, et que les mesures auxquelles on pourrait avoir recours, en pareil cas, pour défendre la capitale, mais bien plus encore toute opération sur terre, par les troupes des Puissances alliées, pour expulser l'armée de Méhémet-Ali de la Syrie, deviendraient plus fatale à l'Empire turc que ne pouvait l'être l'état de choses auquel ces mesures seraient destinées à remédier.

A ces objections, le gouvernement de Sa Majesté répliqua qu'on ne pouvait faire aucun fond sur les protestations actuelles de Méhémet-Ali; que son ambition est insatiable et ne fait que s'accroître par le succès, et que lui donner la faculté d'envahir et laisser à sa portée des objets de convoitise, ce serait semer des germes certains de nouvelles collisions; que la Syrie n'est pas plus éloignée de Constantinople qu'un grand nombre de provinces bien administrées le sont, dans d'autres États, de leur capitale, et qu'elle peut être gouvernée de Constantinople tout aussi bien que d'Alexandrie; qu'il est impossible que les ressources de cette province puissent être aussi utiles au Sultan entre les mains d'un chef, qui peut, à tout moment, tourner ces ressources contre ce dernier, qu'elles le seraient si elles étaient dans les mains et à la disposition du Sultan lui-même; qu'Ibrahim ayant une armée sous ses ordres, avait le moyen d'assurer sa propre succession, lors du décès de Méhémet-Ali, à tout pouvoir dont celui-ci serait en possession à sa mort; qu'il ne serait pas convenable que les grandes Puissances conseillassent au Sultan de conclure un arrangement public avec Méhémet-Ali, avec l'intention secrète et éventuelle de rompre cet arrangement à la première occasion où cela pourrait être opportun.

Néanmoins, le gouvernement français maintint son opinion et refusa de prendre part à l'arrangement qui supposait (included) l'emploi de mesures coërcitives.

Mais le Mémorandum français établit que: Dans les dernières circonstances, il n'a pas été fait à la France de proposition positive sur laquelle elle fût appelée à s'expliquer, et que, conséquemment, la détermination que l'Angleterre lui a communiquée dans le Mémorandum du 17 juillet, sans doute au nom des quatre Puissances, ne devait pas être imputée à des refus que la France n'avait pas faits.

Ce passage me force à vous rappeler, en peu de mots, le cours général de la négociation.

La première (original) opinion conçue par le gouvernement de Sa Majesté et dont il fut donné connaissance aux cinq Puissances, la France comprise, en 1839, était, que les arrangements entre le Sultan et Méhémet-Ali, qui pourraient assurer un état de paix permanent dans le Levant, seraient ceux qui borneraient le pouvoir délégué à Méhémet-Ali à l'Égypte seule, et rétabliraient l'autorité directe du Sultan dans toute la Syrie, aussi bien à Candie que dans toutes les villes saintes, en interposant ainsi le désert entre la puissance directe du Sultan et la province dont l'administration resterait au Pacha. Et le gouvernement de Sa Majesté proposa qu'en compensation de l'évacuation de la Syrie, Méhémet-Ali reçût l'assurance que ses descendants mâles lui succéderaient comme gouverneurs de l'Égypte, sous la souveraineté du Sultan.

A cette proposition, le gouvernement français fit des objections, en disant qu'un tel arrangement serait, sans doute, le meilleur, s'il y avait moyen de le mettre à exécution, mais que Méhémet-Ali résisterait, et que toute mesure de violence que les alliés pourraient employer pour le faire céder, produirait des effets qui pourraient être plus dangereux pour la paix de l'Europe, et pour l'indépendance de la Porte, que ne pourrait l'être l'état actuel des choses entre le Sultan et Méhémet-Ali. Mais quoique le gouvernement français refusât ainsi d'accéder au plan de l'Angleterre, cependant, durant un long espace de temps qui s'écoula ensuite, il n'eut pas à proposer de plan qui lui fût propre. Cependant, en septembre 1839, le comte Sébastiani, ambassadeur français à la Cour de Londres, proposa de tracer une ligne, de l'Est à l'Ouest de la mer, à peu près de Beyrouth au désert près de Damas, et de déclarer que tout ce qui serait au midi de cette ligne serait administré par Méhémet-Ali, et que tout ce qui serait au nord, le serait par l'autorité immédiate du Sultan; et l'ambassadeur de France donna à entendre au gouvernement de Sa Majesté que, si un pareil arrangement était admis par les cinq Puissances, la France s'unirait, en cas de besoin, aux quatre Puissances, pour l'emploi de mesures coërcitives, ayant pour but de forcer Méhémet-Ali à s'y soumettre.

Mais je fis remarquer au comte Sébastiani qu'un pareil arrangement serait sujet, quoiqu'à un moindre degré, à toutes les objections qui s'appliquent à la position actuelle et relative des deux partis, et que, par suite, le gouvernement de Sa Majesté ne pouvait y accéder. J'observai qu'il paraissait inconséquent, de la part de la France, de vouloir employer, pour forcer Méhémet-Ali à souscrire à un arrangement qui serait évidemment incomplet et insuffisant pour le but qu'on se proposait, des mesures coërcitives auxquelles elle se refusait pour le contraindre à consentir à l'arrangement proposé par Sa Majesté, dont, aux vœux de la France même, l'exécution atteindrait entièrement le but proposé.

A ce raisonnement, le comte Sébastiani répliqua que les objections avancées par le gouvernement français pour employer les mesures coërcitives contre Méhémet-Ali, étaient fondées sur des considérations de régime intérieur, et que ces objections seraient écartées si le gouvernement français était en mesure de prouver, à la nation et aux Chambres, qu'il avait obtenu pour Méhémet-Ali les meilleures conditions possibles, et que celui-ci avait refusé d'accepter ces conditions.

Cette insinuation n'ayant pas été admise par le gouvernement de Sa Majesté, le gouvernement français communiqua le 27 septembre 1839, et officiellement, son propre plan, qui était que Méhémet-Ali serait fait gouverneur héréditaire d'Égypte et de toute la Syrie, et gouverneur à vie de Candie en ne donnant autre chose que l'Arabie et le district d'Adana.

Le gouvernement français ne dit même pas, au reste, s'il savait que Méhémet-Ali voulût adhérer à cet arrangement, et il ne déclara pas non plus que, s'il refusait d'y accéder, la France prendrait des mesures coërcitives pour l'y contraindre.

Évidemment, le gouvernement de Sa Majesté ne pouvait consentir à ce plan, qui était susceptible de plus d'objections que l'état de choses actuel, d'autant plus que donner à Méhémet-Ali un titre légal et héréditaire au tiers de l'Empire ottoman, qu'il n'occupe maintenant que par la force, c'eût été tout d'abord introduire un démembrement réel de l'Empire.

Mais le gouvernement de Sa Majesté pour prouver son désir empressé d'en venir, sur ces questions, à une entente avec la France, établit qu'il ferait céder son objection bien fondée à toute extension de pouvoir de Méhémet-Ali au delà de l'Égypte, et qu'il se joindrait au gouvernement français pour recommander au Sultan d accorder à Méhémet-Ali, outre le Pachalik d'Égypte, l'administration de la partie basse de la Syrie, bornée au Mord par une ligne tirée du cap Carmel à l'extrémité méridionale du lac de Tibérias, et par une ligne de ce point au golfe d'Akaba, pourvu que la France voulût s'engager à coopérer avec les quatre Puissances aux mesures coërcitives, si Méhémet-Ali refusait cette offre.

Mais cette proposition ne fut pas agréée par le gouvernement français, qui déclare maintenant ne pouvoir coopérer aux mesures coërcitives, ni participer à un arrangement auquel Méhémet-Ali ne voudrait pas consentir.

Pendant le temps que ces discussions avaient lieu avec la France, une négociation séparée avait lieu entre l'Angleterre et la Russie, dont tous les détails et les transactions ont été portés à la connaissance de la France. La négociation avec la France fut suspendue pendant quelque temps au commencement de cette année: 1o parce qu'on s'attendait à un changement de ministère, et 2o parce que ce changement eut lieu.

Mais au mois de mai, le baron de Neumann et moi-même, nous résolûmes, sur l'avis de nos gouvernements respectifs, de faire un dernier effort, afin d'engager la France à entrer dans le traité à conclure avec les quatre autres Puissances, et nous soumîmes au gouvernement français, par l'entremise de M. Guizot, une autre proposition d'arrangement à intervenir entre le Sultan et Méhémet-Ali. Une objection mise en avant par le gouvernement français, aux dernières propositions de l'Angleterre, fut que, bien qu'on voulût donner à Méhémet-Ali la forte position qui s'étend du Mont Carmel au Mont Thabor, on le priverait de la forteresse d'Acre.

Pour détruire cette objection, le baron de Neumann et moi, nous proposâmes que les frontières du Nord de cette partie de la Syrie, qui serait administrée par le Pacha, s'étendraient depuis le cap Nakhora jusqu'au dernier point Nord du lac de Tibérias, de manière à renfermer dans les limites la forteresse d'Acre, et que les frontières de l'Est s'étendraient le long de la côte Ouest du lac de Tibérias, et ensuite jusqu'au golfe Akaba; nous déclarâmes que le gouvernement de cette partie de la Syrie ne pourrait être donné à Méhémet-Ali que sa vie durant, et que ni l'Angleterre, ni l'Autriche ne pouvait consentir à accorder l'hérédité à Méhémet-Ali, pour aucune partie de la Syrie. Je déclarai, de plus, à M. Guizot, que je ne pouvais aller plus loin, en fait de concessions, dans la vue d'obtenir la coopération de la France, et que c'était notre dernière proposition. Le baron de Neumann et moi nous fîmes séparément cette communication à M. Guizot, M. de Neumann d'abord, et moi le lendemain. M. Guizot me répondit qu'il ferait connaître cette proposition à son gouvernement, ainsi que les circonstances que je lui avais exposées, et qu'il me ferait savoir la réponse, dès qu'il l'aurait reçue. Peu de temps après, les plénipotentiaires d'Autriche, de Prusse et de Russie m'informèrent qu'ils avaient tout lieu de croire que le gouvernement français, au lieu de décider cette proposition lui-même, l'avait transmise à Alexandrie, pour connaître la décision de Méhémet-Ali; que c'était placer les quatre Puissances qui s'occupaient de cette affaire, non pas en face de la France, mais en face de Méhémet-Ali; que, sans parler du délai qui en résultait, c'était ce que leurs Cours respectives n'avaient jamais eu l'intention de faire, et ce à quoi elles n'avaient non plus l'intention de consentir, et que le gouvernement français avait ainsi placé les plénipotentiaires dans une situation fort embarrassante. Je convins avec eux que leurs objections étaient justes à l'égard de la conduite qu'ils attribuaient au gouvernement français, mais que M. Guizot ne m'avait rien dit sur ce que l'on ferait. On avait fait connaître à Méhémet-Ali que le gouvernement français était, en ce moment, tout occupé de questions parlementaires, et pouvait naturellement demander quelque temps pour faire une réponse à nos propositions; qu'il ne pouvait, d'ailleurs, y avoir un grand mal dans un délai. Vers le 27 juin, M. Guizot vint chez moi et me lut une lettre qui lui avait été adressée par M. Thiers, contenant la réponse du gouvernement français à notre proposition. Cette réponse était un refus formel. M. Thiers disait que le gouvernement français savait d'une manière positive que Méhémet-Ali ne consentirait pas à la division de la Syrie, à moins qu'il n'y fût forcé; que la France ne pouvait coopérer aux mesures à prendre contre Méhémet-Ali dans cette circonstance et que, par conséquent, elle ne pouvait participer à l'arrangement projeté.

La France ayant refusé d'accéder à l'ultimatum de l'Angleterre, les plénipotentiaires durent examiner quelle serait la marche à adopter par leur gouvernement. La position des cinq Puissances était celle-ci: toutes cinq avaient déclaré être convaincues qu'il était essentiel, dans des intérêts d'équilibre, et pour préserver la paix de l'Europe, de conserver l'indépendance et l'intégrité de l'Empire ottoman sous la dynastie actuelle; toutes cinq, elles avaient déclaré qu'elles emploieraient tous leurs moyens d'influence à maintenir cette intégrité et cette indépendance; mais la France, d'un côté, soutint que le meilleur moyen pour arriver à ce résultat était d'abandonner le Sultan à la merci de Méhémet-Ali, et de lui conseiller de se soumettre aux conditions que Méhémet lui imposerait, afin de conserver la paix sine qua non; tandis que, d'un autre côté, les quatre Puissances regardèrent une plus longue occupation militaire des provinces du Sultan par Méhémet-Ali comme devant détruire l'intégrité de l'Empire turc et être fatales à son indépendance; elles crurent donc qu'il était nécessaire de renfermer Méhémet-Ali dans une limite plus étroite.

Après environ deux mois de délibérations, la France, non seulement refusa de consentir au plan proposé par les quatre Puissances, comme un ultimatum de leur part, mais elle déclara de nouveau qu'elle ne pourrait s'associer à aucun engagement auquel Méhémet-Ali ne consentirait pas de son propre mouvement et sans qu'on l'y forçât. Il ne resta donc, aux quatre grandes Puissances, d'autre alternative que d'adopter le principe posé par la France, qui consistait dans la soumission entière du Sultan aux demandes de Méhémet-Ali, ou d'agir d'après leurs principes, qui consistaient à contraindre Méhémet-Ali à accepter un arrangement compatible, quant à la forme, avec les droits du Sultan, et, quant au fond, avec l'intégrité de l'Empire ottoman. Dans la première hypothèse, on aurait obtenu la coopération de la France; dans la seconde, on devait s'en passer.

Le vif désir des quatre Puissances d'obtenir la coopération de la France a été manifesté par les efforts qu'elles ont faits pendant plusieurs mois de négociations. Elles en connaissaient bien la valeur, non seulement par rapport à l'objet qu'elles ont actuellement en vue, mais encore par rapport aux intérêts généraux et permanents de l'Europe. Mais ce qui leur manquait et ce qu'elles estimaient, c'était la coopération de la France pour maintenir la paix, pour obtenir la sécurité future de l'Europe, pour arriver à l'exécution pratique des principes auxquels les cinq Puissances avaient déclaré vouloir concourir. Elles estimaient la coopération de la France, non seulement pour elles-mêmes, pour l'avantage et l'opportunité du moment, mais pour le bien qu'elle devait procurer et pour les conséquences futures qui devaient en résulter. Elles désiraient coopérer avec la France pour faire le bien, mais elles n'étaient pas préparées à coopérer avec elle pour faire le mal.

Croyant donc que la politique conseillée par la France était injuste et nullement judicieuse envers le Sultan, qu'elle pouvait occasionner des malheurs en Europe, qu'elle ne se coordonnait pas avec les engagements publics des cinq Puissances, et qu'elle était incompatible avec les principes qu'elles avaient mis sagement en avant, les quatre Puissances sentirent qu'elles ne pouvaient faire le sacrifice qu'on exigeait d'elles et mettre ce prix à la coopération de la France, si, en effet, on peut appeler coopération ce qui devait consister à laisser suivre aux événements leur cours naturel. Ne pouvant donc adopter les vues de la France, les quatre Puissances se sont déterminées à accomplir leur mission.

Mais cette détermination n'avait pas été imprévue, et les éventualités qui devaient s'ensuivre n'avaient pas été cachées à la France. Au contraire, à diverses reprises, pendant la négociation, et pas plus tard que le 1er octobre dernier, j'avais déclaré à l'Ambassadeur français que notre désir de rester unis avec la France devait avoir une limite, que nous désirions marcher en avant avec la France, mais que nous n'étions pas disposés à nous arrêter avec elle, et que, si elle ne pouvait trouver moyen d'entrer en accommodement avec les quatre Puissances, elle ne pouvait pas être étonnée de voir celles-ci s'entendre entre elles et agir sans la France.

Le comte Sébastiani me répondit qu'il prévoyait que nous en agirions ainsi, et qu'il pouvait prédire le résultat; que nous devions tâcher de terminer nos arrangements sans la participation de la France, et que nous trouverions que nos moyens étaient insuffisants; que la France serait spectatrice passive des événements; qu'après une année ou une année et demie d'efforts inutiles, nous reconnaîtrions que nous nous étions trompés et que nous nous adresserions alors à la France, et que cette Puissance coopérerait à arranger ces affaires aussi amicalement après que nous aurions échoué, qu'elle l'aurait fait avant notre tentative, et qu'alors elle nous persuaderait probablement d'accéder à des choses auxquelles nous refusions de consentir pour le moment.

De semblables significations furent également faites à M. Guizot, relativement à la ligne que suivraient probablement les quatre Puissances, si elles ne réussissaient pas à en venir à un arrangement avec la France. C'est pourquoi le gouvernement français ayant refusé l'ultimatum des quatre Puissances, et ayant, en le refusant, posé de nouveau un principe de conduite qu'il savait ne pouvoir être adopté par les quatre Puissances, principe qui consistait, notamment, en ce qu'il ne pourrait se faire aucun règlement de difficultés entre le Sultan et son sujet, si ce n'est aux conditions que le sujet ne pourrait accepter spontanément, ou, en d'autres termes, dicter, le gouvernement français dut s'être préparé à voir les quatre Puissances déterminées à agir sans la France, et les quatre Puissances ainsi déterminées ne pouvaient être représentées comme se séparant elles-mêmes de la France, ou comme excluant la France de l'arrangement d'une guerre européenne. Ce fut au contraire la France qui se sépara des quatre Puissances, car ce fut la France qui se posa pour elle-même un principe d'action qui rendit impossible sa coopération avec les autres Puissances.

Et ici, sans chercher à m'étendre sur des observations de controverse relativement au passé, je trouve tout à fait nécessaire de remarquer que cette séparation volontaire de la France n'était pas purement produite par le cours des négociations à Londres, mais que, à moins que le gouvernement de Sa Majesté n'eût été étrangement induit en erreur, elle avait encore eu lieu d'une manière plus décidée dans le cours des négociations à Constantinople. Les cinq Puissances ont déclaré au Sultan, par la note collective qui a été remise à la Porte, le 27 juillet 1839, par leurs représentants à Constantinople, que leur union était assurée, et ceux-ci lui avaient demandé de s'abstenir de toute négociation directe avec Méhémet-Ali, et de ne faire aucun arrangement avec le Pacha sans le concours des cinq Puissances. Mais cependant, le gouvernement de Sa Majesté a de bonnes raisons de croire que, depuis quelques mois, le représentant français à Constantinople a isolé la France d'une manière tranchée des quatre autres Puissances, et a pressé vivement et à plusieurs reprises la Porte de négocier directement avec Méhémet-Ali, et de conclure un arrangement avec le Pacha, non seulement sans le concours des quatre grandes Puissances, mais encore sous la seule médiation de la France, et conformément aux vues particulières du gouvernement français.

En ce qui concerne la ligne de conduite suivie par la Grande-Bretagne, le gouvernement français doit reconnaître que les vues et les opinions du gouvernement de Sa Majesté n'ont jamais varié depuis le commencement de ces négociations, excepté en ce que le gouvernement de Sa Majesté a offert de modifier ses vues dans l'intention d'obtenir la coopération de la France. Ces vues ont été de tous temps exprimées franchement au gouvernement français et ont été constamment appuyées de la manière la plus pressante par des arguments qui paraissaient concluants au gouvernement de Sa Majesté. Dès les premiers pas de la négociation, des déclarations de principe, faites par le gouvernement français, portèrent le gouvernement de Sa Majesté à croire que les deux gouvernements ne pourraient qu'accéder au moyen de mettre à exécution leurs principes communs. Si les intentions du gouvernement français sur les moyens d'exécution différaient, même dès le commencement des négociations, la France n'a certainement pas le droit de qualifier la dissidence inattendue entre la France et l'Angleterre, celle que le gouvernement français reconnaît avoir existé depuis longtemps. Si les intentions du gouvernement français sur les moyens d'exécution ont subi un changement depuis l'ouverture des négociations, la France n'a certainement pas le droit d'imputer à la Grande-Bretagne une divergence de politique qui provient d'un changement de la part de la France, et nullement de l'Angleterre.

Mais, de toutes manières, quand, de cinq Puissances, quatre se sont trouvées d'accord sur une ligne de conduite, et que la cinquième a résolu de poursuivre une politique entièrement différente, il ne serait pas raisonnable d'exiger que les quatre abandonnassent, par déférence pour la cinquième, les opinions dans lesquelles elles se confirment de jour en jour davantage, et qui ont trait à une question d'une importance vitale pour les intérêts majeurs et futurs de l'Europe.

Mais comme la France continue à s'en tenir aux principes généraux dont elle a fait déclaration au commencement et qu'elle continue à considérer le maintien de l'intégrité et de l'indépendance de l'Empire turc comme nécessaire, pour la conservation de l'équilibre des Puissances; comme la France n'a jamais méconnu que l'arrangement que les quatre Puissances ont l'intention d'amener entre le Sultan et le Pacha fût, s'il pouvait être exécuté, le meilleur; et comme les objections de la France s'appliquent, non sur la fin qu'on se propose, mais sur les moyens par lesquels on doit arriver à cette fin, son opinion étant que cette fin est bonne, mais que les moyens sont insuffisants et dangereux, le gouvernement de Sa Majesté a la confiance que l'isolement de la France, isolement que le gouvernement de Sa Majesté regrette on ne peut plus vivement, ne peut pas être de longue durée.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
27 eylül 2017
Hacim:
580 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
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