Kitabı oku: «Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers», sayfa 3
Les sonnets de Partenio ne restèrent sans doute pas sans récompense; car les poëtes de circonstance n'avaient pas alors l'habitude d'écrire seulement pour la gloire, et, d'ailleurs, don Diego était généreux. Tiraboschi29 rapporte qu'il fit cadeau de vingt-quatre écus d'or à Ant. Francesco Doni, qui lui avait envoyé la description de la gravure du portrait de Charles-Quint, par Énea Vico Parmigiano. Cette description, imprimée d'abord à Venise en 1550, par le Marcolini, fut plus tard dédiée de nouveau par l'auteur, qui cherchait à tirer profit de sa plume, au marquis Doria et au seigneur Ferrante Caraffa30.
Nous ne suivrons pas don Diego dans son gouvernement de Sienne, dans sa mission au concile de Trente, non plus que dans son ambassade à Rome, qui le contraignit, à son grand regret, de quitter définitivement Venise. Sa carrière politique ressemble à celle de tous les hommes d'État de son siècle. Il recevait de ses maîtres, Charles-Quint et Philippe II, des instructions et des ordres, et il s'y conformait en les faisant exécuter avec le zèle et même le fanatisme ardent qui dominait alors à la cour d'Espagne. Le comte paraît avoir eu en partage un caractère violent et passionné qui, dans l'âge mûr et même dans la vieillesse, le jeta plus d'une fois dans des extrémités regrettables. C'est ainsi, qu'étant ambassadeur à Rome, il eut une véritable altercation avec le pape Paul III (Farnèse), à l'occasion de la translation à Bologne des Pères du concile de Trente, qu'il convenait mieux à la politique de Charles-Quint de maintenir dans cette dernière ville31. Le pape, irrité des remontrances de l'ambassadeur, voulut le consigner dans son palais, mais don Diego lui répondit avec hauteur: «Qu'il était cavalier, et que son père l'avait été; qu'en cette qualité, il devait prendre au pied de la lettre les ordres que lui envoyait son maître, sans aucune crainte de Sa Sainteté, quoique conservant toujours le respect que l'on doit au vicaire du Christ; et qu'étant ministre de l'empereur, sa maison était là où il voulait qu'il mît les pieds, et que là où il se trouvait, il se trouvait en toute sûreté.»
Il paraît qu'il rentra en Espagne vers l'année 1554, qu'il fut maintenu dans le conseil d'État, et qu'il accompagna Philippe II à la grande journée de Saint-Quentin, en 1557. Toutefois, il ne jouissait plus auprès de ce prince de la même confiance qu'il avait pendant si longtemps inspirée à son père, soit que sa conduite en Italie eût déplu au roi, soit, qu'en vieillissant, il dût naturellement perdre de son crédit.
Au milieu des distractions de la cour, il n'oubliait pas les lettres, et c'est à cette époque qu'il composa deux épîtres critiques, vives, éloquentes et remplies, suivant l'appréciation de son biographe32, des plus délicates beautés de la langue castillane, sur l'histoire de la guerre de Charles-Quint contre les luthériens, que venait de publier in-folio, en 1552, Pedro Salazar. Il prit le pseudonyme du bachelier Arcade: dans la première lettre, il critique ouvertement cet ouvrage; dans la seconde, sous prétexte de le défendre, il relève ses erreurs avec encore plus d'acrimonie. Ce caractère ardent avait besoin d'action, et n'étant plus absorbé par le maniement des grandes affaires, il cherchait un autre aliment à son activité encore toute juvénile.
Il lui arriva, vers ce temps, une aventure singulière, qui découvre l'emportement de son humeur et peint bien les mœurs de ce siècle. Se trouvant un jour dans le palais de Philippe II, il se prit de querelle avec un autre grand seigneur. Après un échange d'invectives, ils en vinrent aux mains, et don Diego ayant arraché le poignard de son adversaire, le précipita par la fenêtre. Don Gregorio Mayans ne dit pas si ce seigneur fut tué ou blessé; mais c'est fort probable, si l'on réfléchit qu'il fut jeté du balcon d'un des étages élevés du palais. Cet événement fit beaucoup de bruit et déplut extrêmement à Philippe II, qui donna l'ordre de mettre le comte en prison. Il fut ensuite exilé de la cour, après avoir employé presque toute sa vie à rendre d'importants services à la couronne. Il essaya de se disculper, par des raisons qui passaient alors pour acceptables. Il écrivait à don Diego de Espinosa, évêque de Sigüenza et président du conseil de Castille: «…Je pourrais citer beaucoup d'exemples semblables, outre ceux de ces hommes dont on a feint d'ignorer la conduite, et qui ont été promptement rétablis dans leurs honneurs et leur crédit, sans avoir été, pour ce qu'ils avaient fait, considérés comme fous. Seul, don Diego de Mendoza est obligé d'aller en exil, parce que, revenant par ici, à l'âge de soixante-quatre ans, il se saisit d'un poignard, dans un des corridors du palais, sans qu'on puisse l'excuser, ou lui infliger une réprimande proportionnée. Et afin qu'on ne me regarde pas comme un historien, j'omets de rappeler beaucoup d'autres exemples. Si ceux-ci ne suffisent pas, l'indignation qui me rend muet parlera partout.»
Ces explications hautaines n'apaisèrent point le ressentiment du roi. Il fut donc obligé de se retirer à Grenade, où il vécut dans le calme de l'étude, loin du bruit de la cour, bien qu'il prévît les troubles qui ne tardèrent pas à s'élever dans cette province, et qui se prolongèrent de 1568 à 1570. Don Diego vit éclater, en effet, la révolte de la population moresque, persécutée dans ses croyances par le zèle outré des conquérants. Il écrivit alors sa célèbre Histoire de la guerre de Grenade, composée à la manière de Salluste, remplie de maximes et de réflexions dignes d'un homme d'État, et présentée dans un style vif, concis et profond qui n'a pas été surpassé en espagnol. Ce soulèvement ne lui fit pas quitter Grenade, sa ville natale, qu'il aimait pour sa beauté, ainsi que pour les souvenirs de son enfance et de sa famille. Il continua d'y résider en cultivant les lettres, et en particulier la poésie, comme on le voit par l'épître en vers ou hymne qu'il adressa à don Diego de Espinosa, pour le complimenter sur le chapeau de cardinal que le pape Pie V lui avait envoyé, en mars 1568. Dans cette pièce, il traite le cardinal en ami, et lui insinue ce qu'il a souffert d'être exilé de la cour.
Don Diego était consulté par ses compatriotes les plus instruits sur les sciences et, en particulier, sur les antiquités de l'Espagne, dont il avait fait une étude approfondie. Il n'avait jamais cessé d'entretenir la connaissance qu'il avait acquise dans sa jeunesse des langues hébraïque, arabe et grecque. Il se mit donc à faire des recherches sur les antiquités arabes; il fut déterminé à entreprendre ce travail par le grand nombre de monuments de ce peuple qu'il voyait à Grenade. Malheureusement, ces recherches n'ont pas été publiées; c'est fort regrettable, car elles jetteraient une vive lumière sur l'origine et la destination des monuments de cette nation, qui sont aujourd'hui entièrement détruits, et dont on a perdu l'histoire. Il avait réuni plus de quatre cents manuscrits arabes, ainsi que l'assure Jérôme de Zurita, auquel il en communiqua quelques-uns pour être insérés ou cités dans ses Annales de l'Aragon.
Notre personnage touchait alors à sa soixante-dixième année, et les infirmités lui étaient venues avec la vieillesse. Ses idées tournèrent à l'extrême dévotion; il se mit en correspondance avec sainte Thérèse et avec son directeur, le frère Jérôme Gracian, qui l'avait assistée dans l'établissement de la réforme de son ordre (des Carmélites). Don Diego lui écrivit de fixer un jour pour le recommander à Dieu d'une manière toute spéciale. La sainte répondit que, le jour indiqué, elle et ses sœurs communieraient à son intention et qu'elles rempliraient cette journée le mieux qu'elles pourraient33.
Cette ferveur dévote n'empêchait pas le comte de faire des démarches pour obtenir de rentrer à la cour. Philippe II lui permit enfin, au commencement de 1575, de se rendre à Madrid, soit pour se justifier, soit pour terminer quelques affaires. En témoignage de sa reconnaissance, don Diego envoya au roi ses livres en cadeau, et se mit en route pour Madrid. Mais à peine arrivé, il fut pris d'un mal de jambe et mourut en avril 157534.
En 1610, un chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, chapelain et musicien de chambre du roi d'Espagne, le frère Jean Diaz Hidalgo, publia, en un volume petit in-4º imprimé à Madrid, quelques-unes des poésies de don Diego, choisies parmi ses autres ouvrages, sous ce titre: Obras del insigne cavallero don Diego de Mendoza, embaxador del emperador Carlos Quinto en Roma35. Il a dédié ce volume à don Inigo Lopez de Mendoza, quatrième marquis de Mondejar. L'éditeur n'a pas voulu publier les autres œuvres de don Diego, tant, dit son historien36, à cause de la singularité des matières qui s'y trouvent traitées, que parce qu'elles ne sont pas faites pour être mises entre les mains de tout le monde. D'un autre côté, le frère Jean Diaz nous apprend, dans son avertissement à ses lecteurs, que les autres poésies de don Diego consistaient en satires et pièces burlesques qu'il avait composées pour son plaisir et celui de ses amis, et qu'on ne doit pas les livrer à l'impression par respect pour la mémoire de leur auteur. – Nous ignorons dans quel dépôt public ou privé peuvent se trouver aujourd'hui les manuscrits de tous ces ouvrages.
Quant au volume publié à Madrid, en 1610, il contient un grand nombre de pièces dans tous les rhythmes: il y a des églogues, des villanzicos, espèces de pastorales, des canziones, des épîtres, des stances, des sonnets, des quintas, ou suite de cinq vers, des redondillas, morceaux qui répètent les mêmes rimes, comme le refrain de nos chansons; un dialogue entre Tirsis et Pasqual, une fable d'Adonis, Hypomène et Atalante; l'Hymne à la louange du cardinal de Espinosa, etc. La plupart de ces morceaux sont des compositions amoureuses dans le goût des Italiens du temps. On trouve cependant des épîtres qui se distinguent par des pensées plus sérieuses, et par quelques remarquables descriptions des plus beaux sites de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie et de la Sicile. Il n'appartient pas à un étranger de parler du style: les Espagnols le trouvent vif, élégant et pur.
Les compositions les plus remarquables de ce recueil sont celles qui ont été inspirées à don Diego par les suites de la scène que nous avons rapportée, et après laquelle il fut arrêté et mis en prison. Il a déploré, en redondillas de pie quebrado (rimes à vers inégaux et brisés), son emprisonnement et sa disgrâce, et ses vers37 peignent bien l'état violent de cette âme ardente et fière, dont l'orgueil était si cruellement humilié sous cette punition. À la suite, on trouve des quintillas (p. 120) dans lesquelles il se plaint qu'on le punisse sans l'entendre. On voit aussi, par plusieurs épîtres en redondillas à sa dame (p. 126, 132, 134, 139 vº), que la querelle fatale, dans laquelle il s'était laissé emporter jusqu'à jeter son adversaire par une des fenêtres du palais de Philippe II, avait été causée par la jalousie, et pour venger l'honneur outragé de sa belle. Ce n'est pas là le trait le moins singulier de notre personnage, qui était alors parvenu, ainsi qu'il le dit lui-même dans sa lettre au cardinal de Espinosa, à l'âge de soixante-quatre ans. Si l'on juge de sa passion par ses vers, il n'avait encore rien perdu de l'ardeur de la jeunesse, et ses quintas à sa maîtresse, qu'il était obligé de quitter pour se rendre en exil à Grenade, sont empreintes de la passion la plus vive38. Il est bien à regretter que l'éditeur des poésies de don Diego, ou son biographe, n'ait pas expliqué l'énigme de cette aventure; mais ils ont sans doute été retenus l'un et l'autre par la crainte de quelque puissante famille, dont le nom aurait été mêlé à cet événement.
L'immortel auteur de Don Quichotte semble faire allusion à cette histoire, dans le sonnet suivant, composé en l'honneur de don Diego de Mendoza et de sa renommée39:
En la memoria vive de las gentes,
Varon famoso, siglos infinitos,
Premio que le merecen tus escritos,
Por graves, puros, castos, y excelentes.
Las ansias en honesta llama ardientes,
Los Ethnas, los Estigios, los Cozitos,
Que en ellos suavemente van descritos,
Mira si es bien (ô fama) que los cuentes?
Y aunque los lleves en ligero buelo
Por quanto cine el mar, y el sol rodea,
Y en laminas de bronce los escultas.
Que assi el suelo sabra, que sabe el cielo,
Que el renombre immortal, que se dessea,
Tal vez le alcançan araorosas culpas.
«Vis dans la mémoire des nations, homme illustre, pendant une longue suite de siècles, récompense due à tes écrits graves, purs, corrects, excellents. Les soupirs brûlants d'une honnête flamme, les Etnas, les Styx, les Cocytes, dont tu fais une si agréable description, considère, ô Renommée, si ce sont bien là réellement des fables! À l'aide de tes ailes légères, répands-les partout où s'étend la mer, et où le soleil darde ses rayons, et fais-les graver sur des lames de bronze. Ainsi, le monde saura ce que savait déjà le ciel, que l'immortel renom dont il brillait racheta parfois ses fautes amoureuses.»
Parmi les poésies imprimées de don Diego, il n'y en a pas sur les arts, et aucune de ses épîtres n'est adressée à ses amis de Venise. Si l'on eût publié ses autres poésies légères, ainsi que ses lettres en prose, on aurait sans doute trouvé sa correspondance avec le Titien et le Sansovino. Quoi qu'il en soit, le nom de don Diego Hurtado de Mendoza restera toujours attaché à ceux de ces artistes, et, ainsi que l'a prédit Cervantès, sa mémoire vivra en Espagne et ailleurs, non-seulement comme celle d'un habile politique, mais, ce qui est de beaucoup préférable, comme celle d'un poëte illustre, d'un grand historien, et d'un amateur éclairé des beautés de l'art40.
CHAPITRE III
LE COMTE-DUC D'OLIVARÈS
1587-1645
Naissance, éducation, caractère du comte-duc d'Olivarès. – Il devient le favori du prince des Asturies, fils et héritier présomptif du roi Philippe III.
1587 – 1621
Le long règne de Philippe IV41, si funeste à la grandeur de la monarchie de Charles-Quint, peut être considéré comme l'âge d'or de la peinture, des lettres et de la poésie en Espagne. Pour ne citer que les plus illustres parmi les poëtes et les artistes, il vit naître ou fleurir à la fois, au nombre des premiers, Lope de Vega, Calderon Gongora, Quevedro; et parmi les artistes, Ribera, Velasquez, Alonso Cano et Murillo. Cet éclat extraordinaire des lettres et des arts, qui aurait pu consoler l'Espagne de ses revers, ne fut pas dû seulement à un concours de circonstances favorables; comme Léon X à Rome, et les Médicis à Florence, le roi Philippe IV et son premier ministre, le comte-duc d'Olivarès, peuvent revendiquer, en partie, la gloire d'avoir élevé l'art et la littérature espagnole à son plus haut degré de splendeur. Le ministre contribua plus encore que son maître à cet avancement; non que le roi ne fût porté vers le beau par d'heureuses dispositions: mais, d'un caractère naturellement apathique et porté à l'ennui et à la tristesse, cette maladie héréditaire des descendants de Jeanne la Folle, il avait besoin, pour sortir de son impassibilité, d'être excité par le favori auquel il abandonnait complètement les rênes de l'État. Le pouvoir d'Olivarès était si absolu, qu'il est réellement vrai de dire que, pendant plus de vingt-deux années, Philippe IV se contenta de régner, tandis que ce fut le comte-duc qui gouverna sans contrôle la vaste monarchie espagnole.
Nous n'avons point à considérer ici le comte-duc d'Olivarès du côté de la politique; fidèle au plan que nous nous sommes imposé, nous nous attacherons exclusivement à retracer les services qu'il rendit aux arts, la protection qu'il accorda aux artistes, et particulièrement celle dont il couvrit le plus grand peintre espagnol, don Diego Velasquez.
La vie du favori de Philippe IV a été racontée de diverses manières par plusieurs de ses contemporains, selon que l'intérêt personnel ou la haine de l'écrivain le portait à dire du bien ou du mal du ministre et de son gouvernement. Voiture42, envoyé de Gaston d'Orléans à Madrid, où il fut accueilli avec le plus grand empressement par le comte-duc, ennemi naturel du cardinal de Richelieu, a tracé d'Olivarès un portrait que Plutarque ne désavouerait pas pour un de ses hommes illustres de l'antiquité. Mais l'habitué de l'hôtel de Rambouillet exagère, de parti pris, les qualités du ministre, et amoindrit ses défauts. Représentant à la cour d'Espagne l'adversaire du grand cardinal, et venant demander à Olivarès l'appui des subsides et des armes espagnoles pour un prince, chef de mécontents incapables de lutter contre Richelieu, il dut flatter le favori de Philippe IV, tandis que la politique de celui-ci consistait à encourager les troubles en France, et à caresser ceux qui en étaient les fauteurs ou les soutiens. Voiture, de tout temps fort sensible à la louange, en sa qualité de poëte, paraît donc, dans cette circonstance, avoir été la dupe des avances et des cajoleries du ministre de Philippe IV. Néanmoins, sous la réserve de la vérité, qui ne se trouve point dans le portrait d'Olivarès, ce morceau est, peut-être, ce que le précurseur des grands écrivains du siècle de Louis XIV a laissé en prose de plus remarquable. Si la flatterie tient une trop grande place dans cet éloge, elle ne doit pas néanmoins rendre injuste envers la mémoire d'Olivarès. Nous n'admettrons donc pas complètement avec Voiture que: «Pour ce qui est de son esprit, il ne peut être mis en doute de personne; pour en faire imaginer la grandeur, il suffit de dire qu'il s'étend aux deux bouts du monde; qu'il gouverne en Orient et en Occident, et conduit seul en même temps les plus importantes affaires de l'Europe. Pour ce que j'en ai pu connaître, il est merveilleusement prompt, actif, pénétrant, subtil, charmant et agréable, plein de feu et de lumières.» Mais nous conviendrons avec lui: «Qu'il entra dans les affaires en un temps où il semblait que le génie de l'Espagne commençait à se lasser, et que cette monarchie, qui avait été mise au dernier point de sa grandeur par Charles-Quint, et subsisté à peine sous Philippe second, semblait vouloir décliner sous les autres rois.»
Un autre écrivain, le comte de la Rocca, a publié43 sous ce titre: «Le ministre parfait, ou le comte-duc, dans les sept premières années de sa faveur,» une histoire d'Olivarès, qui est un véritable panégyrique. Il le propose aux rois et aux ministres comme un modèle accompli, à imiter en toutes choses, et l'exagération de la louange doit faire douter de l'exactitude de bon nombre de faits, que l'auteur a probablement présentés à sa manière.
Le comte Virgilio Malvezzi, de Bologne, ne se montre pas moins flatteur. Parvenu, par la protection d'Olivarès, à faire partie du conseil suprême de guerre du roi catholique, on ne doit pas trop s'étonner de lui voir entonner les louanges de ce prince et de son ministre. Mais, ce qui est fort curieux, c'est l'emphase avec laquelle cet écrivain raconte les choses les plus simples, et les réflexions, plus que naïves, mais visant à l'effet, dont il accompagne les faits les plus ordinaires44.
Si la vérité historique ne se trouve guère dans ces trois ouvrages, elle ne paraît pas mieux respectée dans le roman de Gil Blas, où Le Sage nous représente, au physique, le comte-duc sous un aspect repoussant45; tandis qu'il en fait, au moral, un portrait tout opposé à celui de Voiture46. Mais Le Sage n'avait pas la prétention de mettre l'histoire dans son admirable roman de mœurs qui peint si bien le cœur humain. Il faut donc prendre pour un tableau de fantaisie et d'humour, ce qu'il dit des relations du ministre avec Santillane.
Ce qui a tout l'intérêt d'un roman, c'est le récit passionné de la chute du comte-duc par le père Camillo-Guidi, religieux dominicain, résident à la cour d'Espagne pour le duc de Modène. Ce bon père, nous ne savons pour quel motif, se montre l'ennemi acharné du favori de Philippe IV, soit qu'en cela il ait obéi aux instructions ou aux tendances de son prince, soit qu'il n'ait fait que suivre ses propres rancunes:
…Tantæ ne animis cœlestibus iræ!
Toujours est-il qu'il n'a pour le ministre tombé que haine et mépris. Ce moine dit quelque part47: «Uno che sia ingiustamente perseguitato, e che si possa giustamente vendicare, ha tutta l'energia nelle parole e una certa divinita nelle ragioni,» – «Celui qui est injustement persécuté, et qui peut justement se venger, a toute l'énergie dans les paroles – et une certaine ardeur divine dans ses raisons.» – Il fallait que le favori de Philippe IV eût bien vivement offensé le prêtre, pour qu'il savourât ainsi le plaisir de la vengeance. Quoi qu'il en soit, son libelle, rapproché des louanges excessives du comte de la Rocca et du marquis Malvezzi, nous servira, comme un acide, dans une expérience chimique, à analyser et à rechercher la vérité.
Don Gaspar de Gusman, troisième comte d'Olivarès, était le second fils de don Henri de Gusman, ambassadeur à Rome pour Philippe III, et de dame Maria Pimentelli, femme, dit-on, d'un grand mérite. Il naquit à Rome en 1587, et pendant l'espace de douze années il suivit son père, toujours chargé de négociations importantes, et qui devint successivement vice-roi de Sicile, puis de Naples. Rentré en Espagne avec son père, il fut, en sa qualité de puîné, destiné à l'Église, et commença ses études par le droit canonique, alors la base de toute éducation solide. Sa naissance et le crédit de son père lui firent bientôt obtenir le grade de recteur de l'université de Salamanque, la plus célèbre alors de l'Espagne. Il aurait sans doute poursuivi paisiblement la carrière ecclésiastique, et serait probablement parvenu aux plus hautes dignités de l'église, si la mort de son frère aîné n'était pas venue changer sa destinée. Le marquis Malvezzi remarque avec justesse48, qu'il vaut mieux vivre pendant quelque temps au second rang, et arriver ensuite au premier, que de naître dans cette condition. L'histoire d'Olivarès prouve la vérité de cette réflexion. Il devait à la place que lui assignait sa naissance l'instruction sérieuse qu'il avait acquise: la mort de son frère aîné, don Girolamo, et bientôt après celle de son père, en lui donnant l'espoir de prendre part un jour aux plus hautes affaires de l'État, le mirent à même d'ajouter à l'influence de sa famille et de sa fortune les avantages d'une éducation aussi brillante que sérieuse. Au dire même de ses ennemis les plus impitoyables, le comte-duc parlait et écrivait la noble langue castillane avec la plus rare perfection: il était versé dans les idiomes anciens, et savait également bien le français et l'italien. Il se présenta donc à la cour, non comme un grand seigneur ordinaire, mais avec tous les avantages que donnent des connaissances nombreuses et variées à un esprit vif et pénétrant.
Son mérite le fit bientôt distinguer; et, soit qu'on voulût utiliser les dons de son intelligence, soit que ses envieux désirassent l'éloigner pour avoir le champ libre, on lui offrit l'ambassade de Rome. C'était alors, comme aujourd'hui, un poste important, mais difficile, et que la rivalité de la France et de l'Espagne rendait encore plus délicat. Aussi, n'y envoyait-on que les hommes les plus capables et les plus prudents; et lorsqu'ils avaient acquis l'expérience des négociations avec la cour de Rome, il était rare qu'on ne les y laissât pas longtemps. Le jeune Gusman le savait bien: rempli d'ambition, ayant la conscience de sa valeur, et visant déjà, peut-être, à vivre dans la familiarité de l'héritier présomptif de la couronne, il refusa les hautes fonctions qui lui étaient offertes, bien qu'on lui eût promis qu'elles le mèneraient à la Grandesse. Mais il considérait cette ambassade, dit le marquis Malvezzi, comme un temps d'arrêt dans sa carrière49.
Son avenir prouva qu'il avait raison: la fortune se chargea de lui offrir bientôt une nouvelle occasion de se produire, plus en rapport avec son ambition, et qu'il se garda bien de rejeter.
Dès 1612, le prince des Asturies, fils et héritier présomptif de Philippe III, quoiqu'à peine âgé de sept ans50, avait été fiancé à la fille aînée de Henri IV, la princesse Élisabeth, que les Espagnols nommèrent Isabelle. En même temps, le mariage de Louis XIII avait été arrêté avec l'infante Anne d'Autriche, fille aînée de Philippe III. Il entrait alors dans la politique des deux cours de chercher à se rapprocher par des alliances: après les luttes si longues et si acharnées qui, depuis le règne de François Ier jusqu'à la fin de celui de Henri IV, c'est-à-dire pendant près d'un siècle, avaient ensanglanté presque toutes les parties de l'Europe, il était naturel que les deux principaux antagonistes cherchassent à se donner des gages de paix, par l'union de leurs puissantes races. Trois ans plus tard, en novembre 1615, les cours d'Espagne et de France résolurent d'échanger les deux jeunes princesses, livrées, pour ainsi dire, comme des otages de paix. Cet échange eut lieu le 9 novembre, au milieu de la Bidassoa. Pour recevoir la fille de Henri IV avec les honneurs dus à son rang, on avait donné au prince des Asturies une maison composée de l'élite de la noblesse espagnole. Olivarès en faisait partie, comme gentilhomme de la chambre; il avait alors vingt-huit ans. Marié dès 1607 avec Agnès de Zuniga y Velasco, il entrait dans la maison de l'héritier présomptif avec le double appui de son mérite personnel et l'influence de deux puissantes familles. La différence d'âge lui permettait d'ailleurs d'acquérir facilement sur le jeune prince un empire d'autant plus irrésistible, que don Philippe était naturellement apathique. Aussi, la pénétration d'Olivarès, son habileté à flatter les goûts de son maître, lui assurèrent bientôt sur la conduite du prince un ascendant qui ne se démentit pas pendant plus de vingt-cinq années.
Ce ne fut pas toutefois sans éprouver une vive résistance de la part de ses rivaux, qu'il acquit une telle prépondérance. La vengeance et l'assassinat étaient alors admis presque publiquement en Espagne; aussi, le comte fut-il plusieurs fois en butte à des attaques imprévues qui le mirent à deux doigts de sa perte.
Le marquis Malvezzi51 raconte que bien qu'Olivarès n'eût offensé personne, il courut deux fois le danger d'être tué. La première, par quatre assassins qui l'attendaient à sa rentrée chez lui; la seconde, par trois hommes qui suivirent son carrosse, dans lequel il se trouvait seul. «Mais, ajoute-t-il, il fut toujours heureusement préservé, sans qu'il s'aperçût du péril qu'il venait de courir.»
En supposant que les rivalités politiques et les rancunes de l'ambition déçue aient pu inspirer ces vengeances, il est également permis de croire que l'amour et la jalousie ne sont peut-être pas restés étrangers à ces criminelles tentatives. – Voiture pourrait bien donner le mot de cette énigme, lorsqu'il dit d'Olivarès52: «Étant jeune… il fut sans doute le plus galant de la cour, jusqu'à ce qu'il en fût le plus puissant.» On ne doit donc pas s'étonner de voir le plus galant cavalier espagnol, exposé aux vengeances de ses rivaux. Le dominicain Guidi nous expliquera plus tard quelles furent les conséquences de ces galanteries sur la carrière politique du comte-duc.
C'est sans doute à son désir de plaire aux belles de Madrid, qu'il faut rapporter ce que dit le comte de la Rocca, de sa passion pour les vers. «Elle lui dura longtemps; il en fit, dit notre auteur, et très-bien. Mais il eut honte après les avoir faits, les brûla, et condamnait, dans un âge plus avancé, les premières saillies d'un esprit faible et surpris. Il ne pouvait même souffrir qu'avec tant d'ambition il eût logé tant d'amour, et que la gloire eût succédé si tard à sa tendresse… D'autres n'en croient rien et logent ensemble ces deux passions, sur ce que l'une excite l'autre, si l'on se tempère, et s'il est vrai que l'amour délasse souvent un esprit tendu qui ne rumine que de grandes choses53.» Quoi qu'il en soit de cette théorie, Olivarès ne paraît l'avoir suivie que dans sa jeunesse; car l'ambition fut la seule passion dominante de sa vie. Exposé, dans la maison du prince des Asturies, à l'opposition de la princesse Isabelle, aux tiraillements des ministres et favoris du faible Philippe III, le duc de Lerme, le comte de Lemos et d'Uzède, qui se disputaient le pouvoir, le comte, assuré de son influence sur l'héritier présomptif, attendit patiemment la mort du roi. Elle arriva le 31 mai 1621, et, dès ce moment jusqu'en 1643, Olivarès fut le véritable souverain de l'Espagne.
Cette pièce commence ainsi (p. 114):
Estoy en una prisionEn un fuego y confusionSin pensallo.Que aunque me sobra razonPara dezir mi passionSufro y callo.
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Quintas a una despedida, p. 141:
Yo parto, y muero en partirme,Yo lo procure, yo lo pago.No me dexcys en el trago,Señora, del despedirme,Por el servicio que os hago.
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