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Kitabı oku: «Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers», sayfa 5

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CHAPITRE VII

Commencements de Velasquez à la cour. – Portraits de Gongora, de Juan de Fonseca et du jeune roi Philippe IV.

1622 – 1623

Velasquez avait atteint sa vingt-troisième année; il venait d'épouser Juana Pacheco, lorsque, pour se perfectionner dans son art, il résolut d'aller étudier à l'Escurial, ce Vatican de l'Espagne, les œuvres des maîtres italiens, flamands et espagnols qui, depuis Philippe II, avaient contribué à l'embellissement de ce couvent royal. Il partit de Séville dans le mois d'avril 1622, et après s'être arrêté quelque temps à l'Escurial, il se rendit à Madrid. Il y fut amicalement accueilli par les deux frères don Luis et don Melchior de l'Alcazar, ses compatriotes, et aussi par don Juan de Fonseca, huissier du rideau90, grand amateur de peinture. À ce premier voyage, Velasquez ne put obtenir la permission de faire le portrait du roi, bien qu'il l'eût sollicitée: mais, à la demande de son beau-père Pacheco, il fit celui de Louis Gongora, qui eut beaucoup de succès91. Le personnage était bien choisi pour attirer l'attention sur l'artiste à ses débuts. Louis de Gongora était un poëte bizarre, à force de vouloir trouver l'originalité: affectant de mépriser les poëtes et les écrivains espagnols qui l'avaient précédé, il avait conçu l'idée de créer un nouveau style poétique qu'il appelait Estilo culto, style visant à l'effet, précieux, guindé, violant toutes les règles reçues. C'est dans cette manière qu'il écrivit ses Solitudes, Soledades, son Polyphème et plusieurs autres ouvrages92. Bien que ces poëmes fussent plutôt composés de mots pompeux que de pensées, ils excitèrent, comme tout ce qui est nouveau, la curiosité du public, et firent naître des imitations encore plus déraisonnables. On appelait ce genre le nouvel art, et Gongora, qui l'avait créé, passait alors pour un homme de génie. Philippe IV, ou plutôt Olivarès, l'avait nommé chapelain titulaire du roi, et il était dans tout l'éclat de sa renommée, à l'époque où Velasquez fit son portrait. L'artiste n'avait donc pu mieux choisir son personnage. Cependant, soit qu'il eût épuisé ses ressources, soit qu'il désirât revoir sa femme, qu'il avait laissée à Séville, il ne voulut pas prolonger son séjour dans la capitale; il reprit donc le chemin de l'Andalousie: mais il ne devait pas y rester longtemps.

Dès le commencement de 1623, le comte-duc d'Olivarès, qui avait entendu Juan de Fonseca vanter le talent du jeune artiste, et qui, sans doute, avait pu en juger par le portrait du poëte à la mode, donna l'ordre à l'huissier du rideau de le faire revenir à Madrid. Velasquez se hâta d'obéir, et reçut de nouveau, à son retour, l'hospitalité la plus bienveillante dans la maison de son protecteur. Pour lui témoigner sa reconnaissance, il s'empressa de faire son portrait. Dès le soir du jour où il fut terminé, un fils du comte de Peñaranda, camérier du cardinal-infant, don Fernando, l'emporta au palais pour le montrer à toute la cour. «Au bout d'une heure, raconte Pacheco93, toutes les personnes de la cour, les infants et le roi, l'avaient vu, ce qui était la plus grande épreuve qu'il eût à supporter. Le roi ne se trompa point. L'œuvre du jeune Sévillan lui plut; il augura bien de son talent, et de suite, il voulut qu'il fît le portrait du cardinal-infant. Mais, en y réfléchissant, il parut plus convenable que le peintre commençât par celui du roi, bien qu'il fût obligé, à cause de ses grandes occupations, de faire attendre l'artiste. Le 30 août 1623, le portrait royal était terminé à la satisfaction de Sa Majesté, des infants et du comte-duc, qui affirma que, jusqu'alors, le roi n'avait pas été peint; jugement qui fut confirmé par tous les seigneurs qui vinrent voir l'œuvre de Velasquez94

Tel est le récit que le bon Pacheco fait du succès de son élève et gendre, et il perce dans sa narration une satisfaction si vive, qu'on n'y aperçoit pas la moindre trace de jalousie. Ce début menait tout d'un coup le jeune artiste à la gloire et à la fortune. Avec l'approbation du roi et la protection de son tout-puissant ministre, n'aurait-il eu qu'un talent médiocre, il eût été certain de réussir; mais possédant déjà, malgré sa grande jeunesse, tous les dons du génie, la promptitude dans l'invention, la facilité dans l'exécution, un coloris égal aux Vénitiens les plus éclatants, une sûreté de main incroyable, quel devait être son avenir! Sa route était toute tracée; il n'avait qu'à la suivre en s'élevant à la perfection par le travail, sans se laisser détourner par les plaisirs de la cour, les désirs de l'ambition, ou les mauvaises pensées de l'envie. Dès ce moment, jusqu'à la fin de sa carrière, Velasquez prouva, par son application soutenue à son art, que si la fortune avait favorisé ses débuts, sa conduite, sa dignité personnelle et ses constants efforts pour mieux faire, le rendaient digne de la faveur du sort et de la bienveillance du roi et de son ministre.

Cette bienveillance ne tarda pas à se manifester d'une manière éclatante; d'abord, de la part du comte-duc, lequel, la première fois qu'il eut l'occasion de le rencontrer, l'assura de sa haute protection, faisant l'éloge de son talent, qu'il considérait comme l'honneur de l'école espagnole, et lui promettant que, désormais, il aurait seul, parmi ses compatriotes, l'avantage de faire le portrait du roi. Il lui ordonna de venir se fixer à Madrid, et, le 31 octobre 1623, il lui fit expédier son brevet de peintre du roi, avec vingt ducats de traitement par mois, plus, le payement de ses ouvrages, et en outre, avec les soins gratuits du médecin et de l'apothicaire de Sa Majesté. Peu de temps après, Velasquez étant tombé malade, le comte-duc, de l'ordre du roi, lui envoya ledit médecin le visiter95. Tels furent, à la cour, les débuts de l'élève de Pacheco.

CHAPITRE VIII

Le prince de Galles à Madrid. – Négociations pour son mariage avec l'infante Marie. – Divertissements à la cour. – Principaux amateurs de peinture. – Olivarès et le Buen-Retiro. – Représentations d'Autos Sacramentales. – Goût du prince de Galles pour les œuvres d'art.

1623

Dans le même temps que Velasquez quittait Séville pour se rendre à Madrid sur l'ordre d'Olivarès, le prince de Galles, second fils de Jacques Ier, et depuis roi d'Angleterre sous le nom de Charles Ier, s'embarquait pour l'Espagne. Il y venait à l'improviste, et avec le dessein, d'abord arrêté, de garder le plus strict incognito. Son but était d'activer, et de faire aboutir par sa présence, les négociations depuis longtemps commencées pour son mariage avec l'infante Marie d'Autriche, seconde fille de Philippe III, qui épousa plus tard l'empereur d'Allemagne Ferdinand. Il voulait, en galant chevalier, faire en personne la cour à sa princesse, et montrer, par sa présence dans la capitale espagnole, quelle importance la cour d'Angleterre attachait à cette alliance. Charles était accompagné, dans cette aventure, par son fidèle Steenie, duc de Buckingham, aussi avancé dans les bonnes grâces du roi Jacques, son père, que dans les siennes, et fort capable de lutter de ruse, d'adresse, d'intrigue et de rouerie avec les plus fins et les plus madrés négociateurs du pays de Philippe II. Ce mariage était depuis longtemps en train; mais, comme il arrive presque toujours dans les unions des princes, l'alliance des deux familles d'Angleterre et d'Espagne, ne devait être que l'appoint de plusieurs combinaisons politiques. D'abord, en donnant sa sœur à l'héritier protestant de la couronne d'Angleterre, le roi d'Espagne, fidèle à la politique traditionnelle de ses ancêtres, voulait obtenir pour la religion catholique, persécutée en Angleterre depuis Henri VIII, des garanties et une sorte d'émancipation, que les protestants anglais et écossais de toutes sectes n'auraient pas consenti à lui laisser accorder. Sur ce point, Philippe IV était soutenu et excité par tout son entourage. Son premier ministre lui-même, qui avait le mot de la cour de Rome, était bien décidé à ne rien céder sur une question aussi capitale. De son côté, l'ambassadeur d'Angleterre à Madrid, Digby, comte de Bristol, qui avait, dès 1617, entamé cette négociation, en même temps que la main de l'infante, voulait obtenir en faveur de l'électeur palatin, gendre du roi d'Angleterre, la restitution du Palatinat, occupé alors par les armées de la maison d'Autriche, alliée de l'Espagne. L'infante, objet du débat, n'était pas, à ce qu'il paraît, disposée à ce mariage: en bonne catholique, elle redoutait une alliance avec un protestant, et, comme descendante de Charles-Quint, elle préférait le trône de l'empire d'Allemagne à celui du royaume d'Angleterre. Aussi, a-t-on prétendu96 qu'elle avait fait connaître ses véritables sentiments au premier ministre de son frère, en l'invitant à user de tous les moyens en son pouvoir pour faire manquer ce mariage. Olivarès était déjà disposé, par des considérations personnelles, à amener cette rupture, s'il est vrai, comme on l'a écrit, qu'il ait eu à se plaindre de la conduite de sa femme avec le séduisant Buckingham. Quoi qu'il en soit, en attendant l'occasion d'une rupture que chacun désirait peut-être, mais n'osait pas brusquer, les fêtes, les spectacles, les courses de taureaux, les chasses au Pardo, les divertissements de tous genres se succédèrent à Madrid, pendant les cinq mois du séjour du prince Charles.

La cour d'Espagne était alors la plus brillante de l'Europe: les grands seigneurs castillans, comblés d'honneurs et de dignités, chargés de l'or du Mexique et du Pérou, enrichis des dépouilles du duché de Milan, des vice-royautés de Naples et de Sicile, vivaient dans un luxe et un éclat faits pour éblouir les autres nations. Depuis Charles-Quint, le goût des arts s'était répandu en Espagne, à la suite des guerres et des conquêtes de Milan et de Naples. La construction de l'Escurial par Philippe II avait attiré à Madrid un grand nombre d'artistes italiens, et il s'en fallait de beaucoup, à l'avénement de Philippe IV, que les travaux de cet immense monument, à la fois palais, couvent et sépulture des rois d'Espagne, fussent entièrement terminés. Le jeune roi, nous l'avons dit, aimait et cultivait la peinture; à son exemple, ou par inclination naturelle, bon nombre de seigneurs de la cour se livraient à l'exercice de cet art, et s'appliquaient à en réunir les œuvres les plus remarquables. Parmi les premiers, Pacheco cite97 avec le plus grand éloge: Don Geronimo de Ayança si connu, dit-il, pour son talent et ses excellentes qualités; don Geronimo Muñoz, digne des plus grandes louanges à cause de la place qu'il occupe dans la théorie et la pratique de cette profession; l'un chevalier d'Alcantara, l'autre de Santiago; don Juan de Fonseca i Figueroa, père du marquis de Orellana, professeur et chanoine de Séville, et depuis huissier du rideau de Philippe IV, lequel, avec son esprit pénétrant et une grande érudition, n'estime pas peu le noble exercice de la peinture. —

«J'ai connu dans notre heureuse patrie, ajoute Pacheco, un grand nombre de cavaliers et d'hommes haut placés, qui possédaient un talent remarquable pour le dessin, parmi lesquels on doit citer: don Francisco Duarte, qui fut président de la contractation98, et sa sœur doña Mariana, très-habile en l'art d'écrire, desquels j'ai vu de merveilleux dessins à la plume; Diego Vidal, et son cousin du même nom, tous les deux prébendiers (rationeros) de cette église (de Séville); don Estevan Hurtado de Mendoça, chevalier de Santiago, qui, dans sa jeunesse, donna des preuves de son rare talent pour cet art; le marquis del Aula; Juan de Xauregui, connu de tous, lequel a pris une place avantageuse et honorable parmi ceux qui professent la peinture, et dont l'esprit élevé doit faire, comme de raison, espérer d'illustres œuvres.»

Au premier rang des amateurs de son temps, Pacheco cite encore: «Notre duc de Alcala (don Fernando Enriquez de Ribera), vice-roi de Barcelone, qui a joint à l'exercice des lettres et des armes celui de la peinture99. Le nom de ce grand seigneur revient souvent sous sa plume, comme celui d'un véritable Mécènes. Il raconte que, dans son ambassade extraordinaire à Rome, où il fut envoyé en 1625, pour faire acte d'obédience, au nom de Philippe IV, au souverain pontife Urbain VIII, le duc s'était fait accompagner par un jeune peintre, Diego Romulo Cincinnato, né à Madrid, fils d'un autre Romulo, peintre du roi Philippe II, et qui était originaire de Florence100. Comme le roi d'Espagne n'avait pas de portrait du pape, Diego avait obtenu de faire celui d'Urbain VIII, et le pontife en avait été tellement satisfait, qu'il avait conféré à l'artiste l'ordre du Christ, de Portugal, et lui avait donné une chaîne d'or avec une médaille à son effigie. «Mais, dit Pacheco, que la gloire humaine est peu durable! À peine venait-il de recevoir cet honneur de la main du cardinal espagnol Trexo de Paniagua, commis par le pape à cet effet, que le jeune homme mourut le 14 décembre 1625, et fut enterré dans l'église de San-Lorenzo, de Rome, avec les insignes de chevalier de l'ordre du Christ101

Le duc d'Alcala, qui fut ensuite vice-roi de Naples, rapporta d'Italie un grand nombre de tableaux, et continua, lorsqu'il fut rentré en Espagne à protéger les artistes, ses compatriotes. Il avait formé à Séville une belle galerie et une riche collection de livres rares et curieux, et toute sa vie se partagea entre le maniement des plus grandes affaires et l'amour des lettres et des arts.

Le prince Francisco de Borja y Esquillache, qui cultivait la poésie avec succès, comme Xauregui, n'était pas moins amateur des œuvres de la peinture, dont il possédait de remarquables spécimens. Le duc d'Alba se faisait également remarquer par le même goût; il en était ainsi d'un grand nombre de nobles qui avaient rapporté ce goût d'Italie, et parmi lesquels on doit citer, d'après Pacheco102: don Francisco de Castro, ambassadeur d'Espagne, puis vice-roi de Sicile, qui offrit quatre mille ducats d'un tableau du Corrège au cardinal Sforza, sans pouvoir l'obtenir; le duc d'Ossuna, qui rapporta plus tard, en 1629, à Madrid, un grand tableau de Raphaël, peint sur bois, de la Sainte-Vierge, l'Enfant Jésus et saint Jean-Baptiste, que le duc de Florence lui avait offert lorsqu'il était vice-roi de Naples, et qui fut payé par don Gaspar de Monterey seize cents ducats; et le marquis de Leganes, vice-roi du duché de Milan.

Au milieu de tous ces grands seigneurs, le tout-puissant ministre de Philippe IV se faisait remarquer par son luxe, et par les encouragements qu'il accordait aux lettres et aux arts. Le vieux Lope de Vega, devenu son chapelain, vivait dans sa maison: sa bibliothèque était une des plus nombreuses et des plus curieuses de l'Espagne, et l'on y comptait beaucoup de manuscrits et de livres rares. À l'une des portes de Madrid, il avait fait bâtir le palais du Buen Retiro, qu'il offrit au roi peu de temps après son avénement. Il n'avait d'abord fait construire qu'une petite maison qu'il avait nommée Galinera, parce qu'il y avait mis des poules fort rares qu'on lui avait données. «Comme il allait les voir assez souvent, dit madame d'Aulnoy103, la situation de ce lieu, qui est sur le penchant d'une colline, et dont la vue est très-agréable, l'engagea d'entreprendre un bâtiment considérable. Quatre grands corps de logis et quatre gros pavillons font un carré parfait. On trouve au milieu un parterre rempli de fleurs, et une fontaine dont la statue, qui jette beaucoup d'eau, arrose, quand on veut, les fleurs et les contr'allées par lesquelles on passe d'un corps de logis à l'autre. Ce bâtiment a le défaut d'être trop bas. Ses appartements en sont vastes, magnifiques et embellis de bonnes peintures. Tout y brille d'or et de couleurs vives, dont les plafonds et les lambris sont ornés. Je remarquai dans une grande galerie l'entrée de la reine Élisabeth, mère de la feue reine. Elle est à cheval, vêtue de blanc, avec une fraise au cou et un garde-infant. Elle a un petit chapeau garni de pierreries avec des plumes et une aigrette. Elle était grasse, blanche et très-agréable; les yeux beaux, l'air doux et spirituel. La salle pour les comédies est d'un beau dessin, fort grande, tout ornée de sculpture et de dorure… le parc a plus d'une grande lieue de tour. Il y a des grottes, des cascades, des étangs, du couvert, et même quelque chose de champêtre en certains endroits, qui conserve la simplicité de la campagne et qui plaît infiniment.»

Telle est la description du Buen Retiro, donnée par une personne qui l'avait vu quelques années après la mort du comte-duc. Ce ministre y avait employé les artistes les plus renommés de son temps, tels que le Mayno, Eugenio Caxes, Vicencio Carducho et Velasquez. L'architecte Crescenzi, dont nous parlerons plus tard, dirigea la construction des bâtiments. Le système des eaux, le dessin des jardins ainsi que la disposition de la salle de spectacle, furent confiés au florentin Cosimo Lotti, peintre et ingénieur, au service de Philippe III, et sur lequel nous reviendrons104. Le Buen Retiro fut, pendant toute la durée du règne de Philippe IV, la résidence préférée par ce prince. Il s'y retirait souvent, et s'y livrait avec passion à son goût pour les pièces de théâtre, parmi lesquelles las comedias de repente, ou pièces improvisées sur un sujet convenu, faisaient ressortir toutes les ressources de son esprit vif et piquant.

L'arrivée inattendue du prince de Galles, et le motif de sa visite, ne pouvaient qu'exciter encore davantage l'ardeur du jeune roi pour les plaisirs et les divertissements de toutes sortes. Pour donner à l'héritier protestant de la couronne d'Angleterre la plus haute idée de l'Église catholique et de ses pompeuses cérémonies, on fit défiler en sa présence les processions de tout le clergé régulier et séculier de Madrid, dans tout l'éclat de leur magnificence; on lui prépara des parties de chasse au sanglier, au Pardo et au Buen Retiro, à la manière espagnole, décrite si minutieusement par Juan Mateos105. Le roi et les invités, montés sur de magnifiques andalous, forçaient le sanglier avec des limiers, et quelquefois le poussaient dans une enceinte entourée de toiles, où ils venaient le percer de leurs lances et de leurs épieux, en présence de la reine et des dames de la cour, dans leurs carrosses, ainsi que l'a représenté Velasquez, dans un de ses tableaux du real museo106.

Mais, de tous les divertissements qui furent offerts au prince de Galles, aucun ne dut exciter plus vivement sa curiosité que les représentations des pièces du théâtre espagnol. Ce n'est pas qu'il n'eût assisté, sans doute, à Londres ou à la cour de son père, aux comédies, aux drames et aux tragédies du grand Shakespeare. Mais les compositions de Lope de Vega, l'auteur alors en vogue à Madrid, différaient essentiellement, et par le fond et par la forme, de celles du poëte de Roméo et Juliette. Par exemple, les Autos sacramentales de l'auteur espagnol, ou pièces en l'honneur du Saint-Sacrement et de la foi catholique, n'ont aucun rapport avec le répertoire du théâtre du vieux William. Ainsi, dans la comédie de Saint-Antoine, «lorsque le saint disait son Confiteor, tous les assistants, selon l'attestation d'un témoin oculaire107, se mettaient à genoux et se donnaient des Mea culpa si rudes, qu'il y avait de quoi s'enfoncer l'estomac.» Les décorations n'étaient pas moins curieuses que les pièces elles-mêmes. «On voyait ordinairement, dit Bouterwek108, le saint monter au ciel dans une robe parsemée d'étoiles. Au moment où il quittait la terre, un rocher se fendait, et on en voyait sortir les âmes de son père et de sa mère, qu'il avait délivrées du purgatoire, et qui s'élevaient avec lui vers les cieux au bruit de la musique.»

Ce spectacle avait certainement pour le prince de Galles le mérite de la nouveauté: mais il ne paraît pas qu'il ait produit sur son esprit d'autre effet que celui de la curiosité satisfaite. Ce qui frappa le plus vivement l'héritier de la couronne d'Angleterre, ce fut le grand nombre de tableaux et d'objets d'art qu'il pouvait admirer, non-seulement dans les palais du roi d'Espagne, mais dans les couvents et les églises, ainsi que dans les maisons des principaux seigneurs de la cour. Depuis quelques années, Buckingham s'était efforcé de diriger l'attention de son jeune maître du côté des arts. Il cherchait à lui en inspirer le goût, autant pour rivaliser avec le comte d'Arundel, ainsi que nous l'expliquerons ailleurs109, que pour détourner le futur roi d'Angleterre de s'occuper des affaires publiques. Charles prit tellement à cœur les tableaux et les statues, que, lorsqu'il fut monté sur le trône, il réunit en peu de temps des collections aussi belles que les plus renommées d'Italie ou d'Espagne. Déjà, pendant son séjour dans ce dernier pays, il avait cherché à réunir des tableaux. C'est ainsi qu'il acheta, en vente publique, une partie de ceux du comte de Villa-Mediana, et du sculpteur Pompeo Leoni. Il offrit à don Andres Velasquez mille couronnes pour un petit tableau sur cuivre du Corrège, mais sans pouvoir l'obtenir. Il ne fut pas plus heureux avec don Juan de Espinosa, auquel il avait demandé de lui céder les deux précieux volumes de dessins et de manuscrits de Léonard de Vinci. Mais le roi et ses courtisans lui firent cadeau de plusieurs belles peintures. Philippe lui donna la fameuse Antiope du Titien, le tableau favori de son père, qui avait été sauvé de l'incendie du Pardo, en 1604; Diane au bain, l'Enlèvement d'Europe et Danaé, ouvrages du même maître. Néanmoins, ces œuvres capitales ne sortirent pas d'Espagne, et, bien que déjà emballées et encaissées à destination de l'Angleterre, elles furent oubliées à Madrid, dans le départ précipité du prince et de son favori110.

Ce départ fut si prompt, que Velasquez n'eut pas le temps de terminer le portrait de Charles, qu'il avait commencé. Néanmoins, selon le témoignage de Pacheco111, il reçut du prince cent écus pour cette ébauche. Devenu roi d'Angleterre quelques années après, Charles dut regretter de n'avoir point à exposer à White-Hall ou Hamptoncourt, entre ses magnifiques portraits par Rubens et Vandyck, son effigie peinte par Velasquez.

90.Sumiller de cortina de su Magestad, Pacheco; Arte de la pintura, p. 102. – C'était une sorte de chambellan, chargé de tirer le rideau, ou d'ouvrir et fermer les portières lorsque le roi d'Espagne entrait dans ses appartements ou en sortait.
91.Ce portrait est au Real museo, catalogo, nº 527.
92.Bouterwek, Hist. de la littérature espagnole, t. II, p. 91 et suivantes.
93.P. 102.
94.Arte de la pintura, p. 102.
95.Arte de la pintura, p. 102.
96.Anecdotes du ministère du comte duc d'Olivarès, tirées et traduites de l'italien de Mercurio Siri, par M. de Valdory; Paris, 1722, in-12, p. 191: – Bibliothèque impériale, 0,700.
97.Ut suprà, p. 112, 113.
98.La contractation était une junte siégeant à Séville, et qui était chargée d'enregistrer les cargaisons qui partaient de cette ville pour l'Amérique, ou venaient y aborder, et de faire payer les droits d'entrée et de sortie.
99.Ibid., p. 113.
100.Voy. Palomino, p. 24, nº 38, et p. 41, nº 59.
101.Arte de la pintura, p. 96-97.
102.P. 95.
103.Voyage d'Espagne, t. III, p. 6-7.
104.Voy. le chapitre XII.
105.Origen y dignidad de la Caça, etc. Madrid, 1634, petit in-4º, avec le frontispice-portrait de l'auteur. Chapitres VIII, IX, XXVI, XXVII, XXXII, etc.
106.Catalogo, nº 68.
107.Mme d'Aulnoy, Voyage d'Espagne, t. I, p. 87.
108.Littérature espagnole, t. II, p. 60.
109.Voy. la notice sur cet amateur, chapitre XV et suiv.
110.Velasquez and his Works, by William Stirling, p. 80-81.
111.P. 102.
Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
01 ağustos 2017
Hacim:
462 s. 5 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain
Metin
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