Kitabı oku: «Le Suicide: Etude de Sociologie», sayfa 24
C'est donc une erreur fondamentale que de confondre, comme on l'a fait tant de fois, le type collectif d'une société avec le type moyen des individus qui la composent. L'homme moyen est d'une très médiocre moralité. Seules, les maximes les plus essentielles de l'éthique sont gravées en lui avec quelque force, et encore sont-elles loin d'y avoir la précision et l'autorité qu'elles ont dans le type collectif, c'est-à-dire dans l'ensemble de la société. Cette confusion, que Quételet a précisément commise, fait de la genèse de la morale un problème incompréhensible. Car, puisque l'individu est en général d'une telle médiocrité, comment une morale a-t-elle pu se constituer qui le dépasse à ce point, si elle n'exprime que la moyenne des tempéraments individuels? Le plus ne saurait, sans miracle, naître du moins. Si la conscience commune n'est autre chose que la conscience la plus générale, elle ne peut s'élever au-dessus du niveau vulgaire. Mais alors, d'où viennent ces préceptes élevés et nettement impératifs que la société s'efforce d'inculquer à ses enfants et dont elle impose le respect à ses membres? Ce n'est pas sans raison que les religions et, à leur suite, tant de philosophies considèrent la morale comme ne pouvant avoir toute sa réalité qu'en Dieu. C'est que la pâle et très incomplète esquisse qu'en contiennent les consciences individuelles n'en peut être regardée comme le type original. Elle fait plutôt l'effet d'une reproduction infidèle et grossière dont le modèle, par suite, doit exister quelque part en dehors des individus. C'est pourquoi, avec son simplisme ordinaire, l'imagination populaire le réalise en Dieu. La science, sans doute, ne saurait s'arrêter à cette conception dont elle n'a même pas à connaître[302]. Seulement, si on l'écarte, il ne reste plus d'autre alternative que de laisser la morale en l'air et inexpliquée, ou d'en faire un système d'états collectifs. Ou elle ne vient de rien qui soit donné dans le monde de l'expérience, ou elle vient de la société. Elle ne peut exister que dans une conscience; si ce n'est pas dans celle de l'individu, c'est donc dans celle du groupe. Mais alors il faut admettre que la seconde, loin de se confondre avec la conscience moyenne, la déborde de toutes parts.
L'observation confirme donc l'hypothèse. D'un côté, la régularité des données statistiques implique qu'il existe des tendances collectives, extérieures aux individus; de l'autre, dans un nombre considérable de cas importants, nous pouvons directement constater cette extériorité. Elle n'a, d'ailleurs, rien de surprenant pour quiconque a reconnu l'hétérogénéité des états individuels et des états sociaux. En effet, par définition, les seconds ne peuvent venir à chacun de nous que du dehors, puisqu'ils ne découlent pas de nos prédispositions personnelles; étant faits d'éléments qui nous sont étrangers[303], ils expriment autre chose que nous-mêmes. Sans doute, dans la mesure où nous ne faisons qu'un avec le groupe et où nous vivons de sa vie, nous sommes ouverts à leur influence; mais inversement, en tant que nous avons une personnalité distincte de la sienne, nous leur sommes réfractaires et nous cherchons à leur échapper. Et comme il n'est personne qui ne mène concurremment cette double existence, chacun de nous est animé à la fois d'un double mouvement. Nous sommes entraînés dans le sens social et nous tendons à suivre la pente de notre nature. Le reste de la société pèse donc sur nous pour contenir nos tendances centrifuges, et nous concourons pour notre part à peser sur autrui afin de neutraliser les siennes. Nous subissons nous-mêmes la pression que nous, contribuons à exercer sur les autres. Deux forces antagonistes sont en présence. L'une vient de la collectivité et cherche à s'emparer de l'individu; l'autre vient de l'individu et repousse la précédente. La première est, il est vrai, bien supérieure à la seconde, puisqu'elle est due à une combinaison de toutes les forces particulières; mais, comme elle rencontre aussi autant de résistances qu'il y a de sujets particuliers, elle s'use en partie dans ces luttes multipliées et ne nous pénètre que défigurée et affaiblie. Quand elle est très intense, quand les circonstances qui la mettent en action reviennent fréquemment, elle peut encore marquer assez fortement les constitutions individuelles; elle y suscite des états d'une certaine vivacité et qui, une fois organisés, fonctionnent avec la spontanéité de l'instinct; c'est ce qui arrive pour les idées morales les plus essentielles. Mais la plupart des courants sociaux ou sont trop faibles ou ne sont en contact avec nous que d'une manière trop intermittente pour qu'ils puissent pousser en nous de profondes racines; leur action est superficielle. Par conséquent, ils restent presque totalement externes. Ainsi, le moyen de calculer un élément quelconque du type collectif n'est pas de mesurer la grandeur qu'il a dans les consciences individuelles et de prendre la moyenne entre toutes ces mesures; c'est plutôt la somme qu'il faudrait faire. Encore ce procédé d'évaluation serait-il bien au-dessous de la réalité; car on n'obtiendrait ainsi que le sentiment social diminué de tout ce qu'il a perdu en s'individualisant.
Ce n'est donc pas sans quelque légèreté qu'on a pu taxer notre conception de scolastique et lui reprocher de donner pour fondement aux phénomènes sociaux je ne sais quel principe vital d'un genre nouveau. Si nous refusons d'admettre qu'ils aient pour substrat la conscience de l'individu, nous leur en assignons un autre; c'est celui que forment, en s'unissant et en se combinant, toutes les consciences individuelles. Ce substrat n'a rien de substantiel ni d'ontologique, puisqu'il n'est rien autre chose qu'un tout composé de parties. Mais il ne laisse pas d'être aussi réel que les éléments qui le composent; car ils ne sont pas constitués d'une autre manière. Eux aussi sont composés. En effet, on sait aujourd'hui que le moi est la résultante d'une multitude de consciences sans moi; que chacune de ces consciences élémentaires est, à son tour, le produit d'unités vitales sans conscience, de même que chaque unité vitale est elle-même due à une association de particules inanimées. Si donc le psychologue et le biologiste regardent avec raison comme bien fondés les phénomènes qu'ils étudient, par cela seul qu'ils sont rattachés à une combinaison d'éléments de l'ordre immédiatement inférieur, pourquoi en serait-il autrement en sociologie? Ceux-là seuls pourraient juger une telle base insuffisante, qui n'ont pas renoncé à l'hypothèse d'une force vitale et d'une âme substantielle. Ainsi, rien n'est moins étrange que cette proposition dont on a cru devoir se scandaliser[304]: Une croyance ou une pratique sociale est susceptible d'exister indépendamment de ses expressions individuelles. Par là, nous ne songions évidemment pas à dire que la société est possible sans individus, absurdité manifeste dont on aurait pu nous épargner le soupçon. Mais nous entendions: 1° que le groupe formé par les individus associés est une réalité d'une autre sorte que chaque individu pris à part; 2° que les états collectifs existent dans le groupe de la nature duquel ils dérivent, avant d'affecter l'individu en tant que tel et de s'organiser en lui, sous une forme nouvelle, une existence purement intérieure.
Cette façon de comprendre les rapports de l'individu avec la société rappelle, d'ailleurs, l'idée que les zoologistes contemporains tendent à se faire des rapports qu'il soutient également avec l'espèce ou la race. La théorie très simple, d'après laquelle l'espèce ne serait qu'un individu perpétué dans le temps et généralisé dans l'espace, est de plus en plus abandonnée. Elle vient, en effet, se heurter à ce fait que les variations qui se produisent chez un sujet isolé ne deviennent spécifiques que dans des cas très rares et, peut-être, douteux[305]. Les caractères distinctifs de la race ne changent chez l'individu que s'ils changent dans la race en général. Celle-ci aurait donc quelque réalité, d'où procéderaient les formes diverses qu'elle prend chez les êtres particuliers, loin d'être une généralisation de ces dernières. Sans doute, nous ne pouvons regarder ces doctrines comme définitivement démontrées. Mais il nous suffit de faire voir que nos conceptions sociologiques, sans être empruntées à un autre ordre de recherches, ne sont cependant pas sans analogues dans les sciences les plus positives.
IV
Appliquons ces idées à la question du suicide; la solution que nous en avons donnée au début de ce chapitre prendra plus de précision.
Il n'y a pas d'idéal moral qui ne combine, en des proportions variables selon les sociétés, l'égoïsme, l'altruisme et une certaine anomie. Car la vie sociale suppose à la fois que l'individu a une certaine personnalité, qu'il est prêt, si la communauté l'exige, à en faire l'abandon, enfin qu'il est ouvert, dans une certaine mesure, aux idées de progrès. C'est pourquoi il n'y a pas de peuple où ne coexistent ces trois courants d'opinion, qui inclinent l'homme dans trois directions divergentes et même contradictoires. Là où ils se tempèrent mutuellement, l'agent moral est dans un état d'équilibre qui le met à l'abri contre toute idée de suicide. Mais que l'un d'eux vienne à dépasser un certain degré d'intensité au détriment des autres, et, pour les raisons exposées, il devient suicidogène en s'individualisant.
Naturellement, plus il est fort, et plus il y a de sujets qu'il contamine assez profondément pour les déterminer au suicide, et inversement. Mais cette intensité elle-même ne peut dépendre que des trois sortes de causes suivantes: 1° la nature des individus qui composent la société; 2° la manière dont ils sont associés, c'est-à-dire la nature de l'organisation sociale; 3° les événements passagers qui troublent le fonctionnement de la vie collective sans en altérer la constitution anatomique, comme les crises nationales, économiques, etc. Pour ce qui est des propriétés individuelles, celles-là seules peuvent jouer un rôle qui se retrouvent chez tous. Car celles qui sont strictement personnelles ou qui n'appartiennent qu'à de petites minorités sont noyées dans la masse des autres; de plus, comme elles diffèrent entre elles, elles se neutralisent et s'effacent mutuellement au cours de l'élaboration d'où résulte le phénomène collectif. Il n'y a donc que les caractères généraux de l'humanité qui peuvent être de quelque effet. Or, ils sont à peu près immuables; du moins, pour qu'ils puissent changer, ce n'est pas assez des quelques siècles que peut durer une nation. Par conséquent, les conditions sociales dont dépend le nombre des suicides sont les seules en fonction desquelles il puisse varier; car ce sont les seules qui soient variables. Voilà pourquoi il reste constant tant que la société ne change pas. Cette constance ne vient pas de ce que l'état d'esprit, générateur du suicide, se trouve, on ne sait par quel hasard, résider dans un nombre déterminé de particuliers qui le transmettent, on ne sait davantage pour quelle raison, à un même nombre d'imitateurs. Mais c'est que les causes impersonnelles, qui lui ont donné naissance et qui l'entretiennent, sont les mêmes. C'est que rien n'est venu modifier ni la manière dont les unités sociales sont groupées, ni la nature de leur consensus. Les actions et les réactions qu'elles échangent restent donc identiques; par suite, les idées et les sentiments qui s'en dégagent ne sauraient varier.
Toutefois, il est très rare, sinon impossible, qu'un de ces courants parvienne à exercer une telle prépondérance sur tous les points de la société. C'est toujours au sein de milieux restreints, où il trouve des conditions particulièrement favorables à son développement, qu'il atteint ce degré d'énergie. C'est telle condition sociale, telle profession, telle confession religieuse qui le stimulent plus spécialement. Ainsi s'explique le double caractère du suicide. Quand on le considère dans ses manifestations extérieures, on est tenté de n'y voir qu'une série d'événements indépendants les uns des autres; car il se produit sur des points séparés, sans rapports visibles entre eux. Et cependant, la somme formée par tous les cas particuliers réunis a son unité et son individualité, puisque le taux social des suicides est un trait distinctif de chaque personnalité collective. C'est que, si ces milieux particuliers, où il se produit de préférence, sont distincts les uns des autres, fragmentés de mille manières sur toute l'étendue du territoire, pourtant, ils sont étroitement liés entre eux; car ils sont des parties d'un même tout et comme des organes d'un même organisme. L'état où se trouve chacun d'eux dépend donc de l'état général de la société; il y a une intime solidarité entre le degré de virulence qu'y atteint telle ou telle tendance et l'intensité qu'elle a dans l'ensemble du corps social. L'altruisme est plus ou moins violent à l'armée suivant ce qu'il est dans la population civile[306]; l'individualisme intellectuel est d'autant plus développé et d'autant plus fécond en suicides dans les milieux protestants qu'il est déjà plus prononcé dans le reste de la nation, etc. Tout se tient.
Mais si, en dehors de la vésanie, il n'y a pas d'état individuel qui puisse être regardé comme un facteur déterminant du suicide, cependant, il semble bien qu'un sentiment collectif ne puisse pénétrer les individus quand ils y sont absolument réfractaires. On pourrait donc croire incomplète l'explication précédente, tant que nous n'aurons pas montré comment, au moment et dans les milieux précis où les courants suicidogènes se développent, ils trouvent devant eux un nombre suffisant de sujets accessibles à leur influence.
Mais, à supposer que, vraiment, ce concours soit toujours nécessaire et qu'une tendance collective ne puisse pas s'imposer de haute lutte aux particuliers indépendamment de toute prédisposition préalable, cette harmonie se réalise d'elle-même; car les causes qui déterminent le courant social agissent en même temps sur les individus et les mettent dans les dispositions convenables pour qu'ils se prêtent à l'action collective, il y a entre ces deux ordres de facteurs une parenté naturelle, par cela même qu'ils dépendent d'une même cause et qu'ils l'expriment: c'est pourquoi ils se combinent et s'adaptent mutuellement. L'hypercivilisation qui donne naissance à la tendance anomique et à la tendance égoïste a aussi pour effet d'affiner les systèmes nerveux, de les rendre délicats à l'excès; par cela même, ils sont moins capables de s'attacher avec constance à un objet défini, plus impatients de toute discipline, plus accessibles à l'irritation violente comme à la dépression exagérée. Inversement, la culture grossière et rude, qu'implique l'altruisme excessif des primitifs, développe une insensibilité qui facilite le renoncement. En un mot, comme la société fait en grande partie l'individu, elle le fait, dans la même mesure, à son image. La matière dont elle a besoin ne saurait donc lui manquer, car elle se l'est, pour ainsi dire, préparée de ses propres mains.
On peut se représenter maintenant avec plus de précision quel est le rôle des facteurs individuels dans la genèse du suicide. Si, dans un même milieu moral, par exemple dans une même confession ou dans un même corps de troupes ou dans une même profession, tels individus sont atteints et non tels autres, c'est sans doute, au moins en général, parce que la constitution mentale des premiers, telle que l'ont faite la nature et les événements, offre moins de résistance au courant suicidogène. Mais si ces conditions peuvent contribuer à déterminer les sujets particuliers en qui ce courant s'incarne, ce n'est pas d'elles que dépendent ses caractères distinctifs ni son intensité. Ce n'est pas parce qu'il y a tant de névropathes dans un groupe social qu'on y compte annuellement tant de suicidés. La névropathie fait seulement que ceux-ci succombent de préférence à ceux-là. Voilà d'où vient la grande différence qui sépare le point de vue du clinicien et celui du sociologue. Le premier ne se trouve jamais en face que de cas particuliers, isolés les uns des autres. Or, il constate que, très souvent, la victime était ou un nerveux ou un alcoolique et il explique par l'un ou l'autre de ces états psychopathiques l'acte accompli. Il a raison en un sens; car, si le sujet s'est tué plutôt que ses voisins, c'est fréquemment pour ce motif. Mais ce n'est pas pour ce motif que, d'une manière générale, il y a des gens qui se tuent, ni surtout qu'il s'en tue, dans chaque société, un nombre défini par période de temps déterminée. La cause productrice du phénomène échappe nécessairement à qui n'observe que des individus; car elle est en dehors des individus. Pour la découvrir, il faut s'élever au-dessus des suicides particuliers et apercevoir ce qui fait leur unité. On objectera que, s'il n'y avait pas de neurasthéniques en suffisance, les causes sociales ne pourraient produire tous leurs effets. Mais il n'est pas de société où les différentes formes de la dégénérescence nerveuse ne fournissent au suicide plus de candidats qu'il n'est nécessaire. Certains seulement sont appelés, si l'on peut parler ainsi. Ce sont ceux qui, par suite des circonstances, se sont trouvés plus à proximité des courants pessimistes et ont, par suite, subi plus complètement leur action.
Mais une dernière question reste à résoudre. Puisque chaque année compte un nombre égal de suicidés, c'est que le courant ne frappe pas d'un coup tous ceux qu'il peut et doit frapper. Les sujets qu'il atteindra l'an prochain existent dès maintenant; dès maintenant aussi, ils sont, pour la plupart, mêlés à la vie collective et, par conséquent, soumis à son influence. D'où vient qu'il les épargne provisoirement? Sans doute, on comprend qu'un an lui soit nécessaire pour produire la totalité de son action; car, comme les conditions de l'activité sociale ne sont pas les mêmes suivant les saisons, il change lui aussi, aux différents moments de l'année, et d'intensité et de direction. C'est seulement quand la révolution annuelle est accomplie que toutes les combinaisons de circonstances, en fonction desquelles il est susceptible de varier, ont eu lieu. Mais puisque l'année suivante ne fait, par hypothèse, que répéter celle qui précède et que ramener les mômes combinaisons, pourquoi la première n'a-t-elle pas suffi? Pourquoi, pour reprendre l'expression consacrée, la société ne paie-t-elle sa redevance que par échéances successives?
Ce qui explique, croyons-nous, cette temporisation, c'est la manière dont le temps agit sur la tendance au suicide. Il en est un facteur auxiliaire, mais important. Nous savons, en effet, qu'elle croît sans interruption de la jeunesse à la maturité[307], et qu'elle est souvent dix fois plus forte à la fin de la vie qu'au début. C'est donc que la force collective qui pousse l'homme à se tuer ne le pénètre que peu à peu. Toutes choses égales, c'est à mesure qu'il avance en âge qu'il y devient plus accessible, sans doute parce qu'il faut des expériences répétées pour l'amener à sentir tout le vide d'une existence égoïste ou toute la vanité des ambitions sans terme. Voilà pourquoi les suicidés ne remplissent leur destinée que par couches successives de générations[308].
CHAPITRE II
Rapports du suicide avec les autres phénomènes sociaux.
Puisque le suicide est, par son élément essentiel, un phénomène social, il convient de rechercher quelle place il occupe au milieu des autres phénomènes sociaux.
La première et la plus importante question qui se pose à ce sujet est de savoir s'il doit être classé parmi les actes que la morale permet ou parmi ceux qu'elle proscrit. Faut-il y voir, à un degré quelconque, un fait criminologique? On sait combien la question a été discutée de tout temps. D'ordinaire, pour la résoudre, on commence par formuler une certaine conception de l'idéal moral et on cherche ensuite si le suicide y est ou non logiquement contraire. Pour des raisons que nous avons exposées ailleurs[309], cette méthode ne saurait être la nôtre. Une déduction sans contrôle est toujours suspecte et, de plus, en l'espèce, elle a pour point de départ un pur postulat de la sensibilité individuelle; car chacun conçoit à sa façon cet idéal moral qu'on pose comme un axiome. Au lieu de procéder ainsi, nous allons rechercher d'abord dans l'histoire comment, en fait, les peuples ont apprécié moralement le suicide; nous tâcherons ensuite de déterminer quelles ont été les raisons de cette appréciation. Nous n'aurons plus alors qu'à voir si et dans quelle mesure ces raisons sont fondées dans la nature de nos sociétés actuelles[310].