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Kitabı oku: «Nouvelles histoires extraordinaires», sayfa 17

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Ici toute la compagnie, d'une voix unanime, cita les affirmations de la phrénologie et les merveilles du magnétisme animal.

Nous ayant écoutés jusqu'au bout, le comte se mit à raconter quelques anecdotes qui nous prouvèrent clairement que les prototypes de Gall et de Spurzheim avaient fleuri et dépéri en Égypte, mais dans une époque si ancienne, qu'on en avait presque perdu le souvenir, – et que les procédés de Mesmer étaient des tours misérables en comparaison des miracles positifs opérés par les savants de Thèbes, qui créaient des poux et une foule d'autres êtres semblables.

Je demandai alors au comte si ses compatriotes étaient capables de calculer les éclipses. Il sourit avec une nuance de dédain et m'affirma que oui.

Ceci me troubla un peu; cependant, je commençais à lui faire d'autres questions relativement à leurs connaissances astronomiques, quand quelqu'un de la société, qui n'avait pas encore ouvert la bouche, me souffla à l'oreille que, si j'avais besoin de renseignements sur ce chapitre, je ferais mieux de consulter un certain monsieur Ptolémée aussi bien qu'un nommé Plutarque, à l'article De facie lunae.

Je questionnai alors la momie sur les verres ardents et lenticulaires, et généralement sur la fabrication du verre; mais je n'avais pas encore fini mes questions que le camarade silencieux me poussait doucement par le coude, et me priait, pour l'amour de Dieu, de jeter un coup d'œil sur Diodore de Sicile. Quant au comte, il me demanda simplement, en manière de réplique, si, nous autres modernes, nous possédions des microscopes qui nous permissent de graver des onyx avec la perfection des Égyptiens. Pendant que je cherchais la réponse à faire à cette question, le petit docteur Ponnonner s'aventura dans une voie très-extraordinaire.

– Voyez notre architecture! – s'écria-t-il, – à la grande indignation des deux voyageurs qui le pinçaient jusqu'au bleu, mais sans réussir à le faire taire.

– Allez voir, – criait-il avec enthousiasme, – la fontaine du Jeu de boule à New York! ou, si c'est une trop écrasante contemplation, regardez un instant le Capitole à Washington, D. C.!

Et le bon petit homme médical alla jusqu'à détailler minutieusement les proportions du bâtiment en question. Il expliqua que le portique seul n'était pas orné de moins de vingt-quatre colonnes, de cinq pieds de diamètre, et situées à dix pieds de distance l'une de l'autre.

Le comte dit qu'il regrettait de ne pouvoir se rappeler pour le moment la dimension précise d'aucune des principales constructions de la cité d'Aznac, dont les fondations plongeaient dans la nuit du temps, mais dont les ruines étaient encore debout, à l'époque de son enterrement, dans une vaste plaine de sable à l'ouest de Thèbes. Il se souvenait néanmoins, à propos de portiques, qu'il y en avait un, appliqué à un palais secondaire, dans une espèce de faubourg appelé Carnac, et formé de cent quarante-quatre colonnes de trente-sept pieds de circonférence chacune, et distantes de vingt-cinq pieds l'une de l'autre. On arrivait du Nil à ce portique par une avenue de deux milles de long, formée par des sphinx, des statues, des obélisques de vingt, de soixante et de cent pieds de haut. Le palais lui-même, autant qu'il pouvait se rappeler, avait, dans un sens seulement, deux milles de long, et pouvait bien avoir en tout sept milles de circuit. Ses murs étaient richement décorés en dedans et en dehors de peintures hiéroglyphiques. Il ne prétendait pas affirmer qu'on aurait pu bâtir entre ses murs cinquante ou soixante des Capitoles du docteur; mais il ne lui était pas démontré que deux ou trois cents n'eussent pas pu y être empilés sans trop d'embarras. Ce palais de Carnac était une insignifiante petite bâtisse, après tout. Le comte, néanmoins, ne pouvait pas, en stricte conscience, se refuser à reconnaître le style ingénieux, la magnificence et la supériorité de la fontaine du Jeu de boule, telle que le docteur l'avait décrite. Rien de semblable, il était forcé de l'avouer, n'avait jamais été vu en Égypte ni ailleurs.

Je demandai alors au comte ce qu'il pensait de nos chemins de fer.

– Rien de particulier, – dit-il. – Ils sont un peu faibles, assez mal conçus et grossièrement assemblés. Ils ne peuvent donc pas être comparés aux vastes chaussées à rainures de fer, horizontales et directes, sur lesquelles les Égyptiens transportaient des temples entiers et des obélisques massifs de cent cinquante pieds de haut.

Je lui parlai de nos gigantesques forces mécaniques. Il convint que nous savions faire quelque chose dans ce genre, mais il me demanda comment nous nous y serions pris pour dresser les impostes sur les linteaux du plus petit palais de Carnac.

Je jugeai à propos de ne pas entendre cette question, et je lui demandai s'il avait quelque idée des puits artésiens; mais il releva simplement les sourcils, pendant que M. Gliddon me faisait un clignement d'yeux très-prononcé, et me disait à voix basse que les ingénieurs chargés de forer le terrain pour trouver de l'eau dans la Grande Oasis en avaient découvert un tout récemment.

Alors, je citai nos aciers; mais l'étranger leva le nez, et me demanda si notre acier aurait jamais pu exécuter les sculptures si vives et si nettes qui décorent les obélisques, et qui avaient été entièrement exécutées avec des outils de cuivre.

Cela nous déconcerta si fort, que nous jugeâmes à propos de faire une diversion sur la métaphysique. Nous envoyâmes chercher un exemplaire d'un ouvrage qui s'appelle le Dial, et nous en lûmes un chapitre ou deux sur un sujet qui n'est pas très-clair mais que les gens de Boston définissent: le Grand Mouvement ou Progrès.

Le comte dit simplement que, de son temps, les grands mouvements étaient choses terriblement communes, et que, quant au progrès, il fut à une certaine époque une vraie calamité, mais ne progressa jamais.

Nous parlâmes alors de la grande beauté et de l'importance de la Démocratie, et nous eûmes beaucoup de peine à bien faire comprendre au comte la nature positive des avantages dont nous jouissions en vivant dans un pays où le suffrage était ad libitum, et où il n'y avait pas de roi.

Il nous écouta avec un intérêt marqué, et, en somme, il parut réellement s'amuser. Quand nous eûmes fini, il nous dit qu'il s'était passé là-bas, il y avait déjà bien longtemps, quelque chose de tout à fait semblable. Treize provinces égyptiennes résolurent tout d'un coup d'être libres, et de donner ainsi un magnifique exemple au reste de l'humanité. Elles rassemblèrent leurs sages, et brassèrent la plus ingénieuse constitution qu'il est possible d'imaginer. Pendant quelque temps, tout alla le mieux du monde; seulement, il y avait là des habitudes de blague qui étaient quelque chose de prodigieux. La chose néanmoins finit ainsi: les treize États, avec quelque chose comme quinze ou vingt autres, se consolidèrent dans le plus odieux et le plus insupportable despotisme dont on ait jamais ouï parler sur la face du globe.

Je demandai quel était le nom du tyran usurpateur.

Autant que le comte pouvait se le rappeler, ce tyran se nommait: La Canaille.

Ne sachant que dire à cela, j'élevai la voix, et je déplorai l'ignorance des Égyptiens relativement à la vapeur.

Le comte me regarda avec beaucoup d'étonnement, mais ne répondit rien. Le gentleman silencieux me donna toutefois un violent coup de coude dans les côtes, – me dit que je m'étais suffisamment compromis pour une fois, – et me demanda si j'étais réellement assez innocent pour ignorer que la machine à vapeur moderne descendait de l'invention de Héro en passant par Salomon de Caus.

Nous étions pour lors en grand danger d'être battus; mais notre bonne étoile fit que le docteur Ponnonner, s'étant rallié, accourut à notre secours, et demanda si la nation égyptienne prétendait sérieusement rivaliser avec les modernes dans l'article de la toilette, si important et si compliqué.

À ce mot, le comte jeta un regard sur les sous-pieds de son pantalon; puis, prenant par le bout une des basques de son habit, il l'examina curieusement pendant quelques minutes. À la fin, il la laissa retomber, et sa bouche s'étendit graduellement d'une oreille à l'autre; mais je ne me rappelle pas qu'il ait dit quoi que ce soit en manière de réplique.

Là-dessus, nous recouvrâmes nos esprits, et le docteur, s'approchant de la momie d'un air plein de dignité, la pria de dire avec candeur, sur son honneur de gentleman, si les Égyptiens avaient compris, à une époque quelconque, la fabrication soit des pastilles de Ponnonner, soit des pilules de Brandreth.

Nous attendions la réponse dans une profonde anxiété, – mais bien inutilement. Cette réponse n'arrivait pas. L'Égyptien rougit et baissa la tête. Jamais triomphe ne fut plus complet; jamais défaite ne fut supportée de plus mauvaise grâce. Je ne pouvais vraiment pas endurer le spectacle de l'humiliation de la pauvre momie. Je pris mon chapeau, je la saluai avec un certain embarras, et je pris congé.

En rentrant chez moi, je m'aperçus qu'il était quatre heures passées, et je me mis immédiatement au lit. Il est maintenant dix heures du matin. Je suis levé depuis sept, et j'écris ces notes pour l'instruction de ma famille et de l'humanité. Quant à la première, je ne la verrai plus. Ma femme est une mégère. La vérité est que cette vie et généralement tout le dix-neuvième siècle me donnent des nausées. Je suis convaincu que tout va de travers. En outre, je suis anxieux de savoir qui sera élu Président en 2045. C'est pourquoi, une fois rasé et mon café avalé, je vais tomber chez Ponnonner, et je me fais embaumer pour une couple de siècles.

PUISSANCE DE LA PAROLE

Oinos. – Pardonne, Agathos, à la faiblesse d'un esprit fraîchement revêtu d'immortalité.

Agathos. – Tu n'as rien dit, mon cher Oinos, dont tu aies à demander pardon. La connaissance n'est pas une chose d'intuition, pas même ici. Quant à la sagesse, demande avec confiance aux anges qu'elle te soit accordée!

Oinos. – Mais, pendant cette dernière existence, j'avais rêvé que j'arriverais d'un seul coup à la connaissance de toutes choses, et du même coup au bonheur absolu.

Agathos. – Ah! ce n'est pas dans la science qu'est le bonheur, mais dans l'acquisition de la science! Savoir pour toujours, c'est l'éternelle béatitude; mais tout savoir, ce serait une damnation de démon.

Oinos. – Mais le Très-Haut ne connaît-il pas toutes choses?

Agathos. – Et c'est la chose unique (puisqu'il est le Très-Heureux) qui doit lui rester inconnue à lui-même.

Oinos. – Mais, puisque chaque minute augmente notre connaissance, n'est-il pas inévitable que toutes choses nous soient connues à la fin?

Agathos. – Plonge ton regard dans les lointains de l'abîme! Que ton œil s'efforce de pénétrer ces innombrables perspectives d'étoiles, pendant que nous glissons lentement à travers, – encore, – et encore, – et toujours! La vision spirituelle elle-même n'est-elle pas absolument arrêtée par les murs d'or circulaires de l'univers, – ces murs faits de myriades de corps brillants qui se fondent en une incommensurable unité?

Oinos. – Je perçois clairement que l'infini de la matière n'est pas un rêve.

Agathos. – Il n'y a pas de rêves dans le Ciel; – mais il nous est révélé ici que l'unique destination de cet infini de matière est de fournir des sources infinies, où l'âme puisse soulager cette soif de connaître qui est en elle, – inextinguible à jamais, puisque l'éteindre serait pour l'âme l'anéantissement de soi-même. Questionne-moi donc, mon Oinos, librement et sans crainte. Viens! nous laisserons à gauche l'éclatante harmonie des Pléiades, et nous irons nous abattre loin de la foule dans les prairies étoilées, au delà d'Orion, où, au lieu de pensées, de violettes et de pensées sauvages, nous trouverons des couches de soleils triples et de soleils tricolores.

Oinos. – Et maintenant, Agathos, tout en planant à travers l'espace, instruis-moi! – Parle-moi dans le ton familier de la terre! Je n'ai pas compris ce que tu me donnais tout à l'heure à entendre, sur les modes et les procédés de Création, – de ce que nous nommions Création, dans le temps que nous étions mortels. Veux-tu dire que le Créateur n'est pas Dieu?

Agathos. – Je veux dire que la Divinité ne crée pas.

Oinos. – Explique-toi!

Agathos. – Au commencement seulement, elle a créé. Les créatures, – ce qui apparaît comme créé, – qui maintenant, d'un bout de l'univers à l'autre, émergent infatigablement à l'existence, ne peuvent être considérées que comme des résultats médiats ou indirects, et non comme directs ou immédiats, de la Divine Puissance Créatrice.

Oinos. – Parmi les hommes, mon Agathos, cette idée eût été considérée comme hérétique au suprême degré.

Agathos. – Parmi les anges, mon Oinos, elle est simplement admise comme une vérité.

Oinos. – Je puis te comprendre, en tant que tu veuilles dire que certaines opérations de l'être que nous appelons Nature, ou lois naturelles, donneront, dans de certaines conditions, naissance à ce qui porte l'apparence complète de création. Peu de temps avant la finale destruction de la terre, il se fit, je m'en souviens, un grand nombre d'expériences réussies que quelques philosophes, avec une emphase puérile, désignèrent sous le nom de créations d'animalcules.

Agathos. – Les cas dont tu parles n'étaient, en réalité, que des exemples de création secondaire, – de la seule espèce de création qui ait jamais eu lieu depuis que la parole première a proféré la première loi.

Oinos. – Les moindres étoiles qui jaillissent du fond de l'abîme du non-être et font à chaque minute explosion dans les cieux, – ces astres, Agathos, ne sont-ils pas l'œuvre immédiate de la main du Maître?

Agathos. – Je veux essayer, mon Oinos, de t'amener pas à pas en face de la conception que j'ai en vue. Tu sais parfaitement que, comme aucune pensée ne peut se perdre, de même il n'est pas une seule action qui n'ait un résultat infime. En agitant nos mains, quand nous étions habitants de cette terre, nous causions une vibration dans l'atmosphère ambiante. Cette vibration s'étendait indéfiniment, jusqu'à tant qu'elle se fût communiquée à chaque molécule de l'atmosphère terrestre, qui, à partir de ce moment et pour toujours, était mise en mouvement par cette seule action de la main. Les mathématiciens de notre planète ont bien connu ce fait. Les effets particuliers créés dans le fluide par des impulsions particulières furent de leur part l'objet d'un calcul exact, – en sorte qu'il devint facile de déterminer dans quelle période précise une impulsion d'une portée donnée pourrait faire le tour du globe et influencer, – pour toujours, – chaque atome de l'atmosphère ambiante. Par un calcul rétrograde, ils déterminèrent sans peine, – étant donné un effet dans des conditions connues, – la valeur de l'impulsion originale. Alors, des mathématiciens, – qui virent que les résultats d'une impulsion donnée étaient absolument sans fin, – qui virent qu'une partie de ces résultats pouvait être rigoureusement suivie dans l'espace et dans le temps au moyen de l'analyse algébrique, – qui comprirent aussi la facilité du calcul rétrograde, – ces hommes, dis-je, comprirent du même coup que cette espèce d'analyse contenait, elle aussi, une puissance de progrès indéfini, – qu'il n'existait pas de bornes concevables à sa marche progressive et à son applicabilité, excepté celles de l'esprit même qui l'avait poussée ou appliquée. Mais, arrivés à ce point, nos mathématiciens s'arrêtèrent.

Oinos. – Et pourquoi, Agathos, auraient-ils été plus loin?

Agathos. – Parce qu'il y avait au delà quelques considérations d'un profond intérêt. De ce qu'ils savaient ils pouvaient inférer qu'un être d'une intelligence infinie, – un être à qui l'absolu de l'analyse algébrique serait dévoilé, – n'éprouverait aucune difficulté à suivre tout mouvement imprimé à l'air, – et transmis par l'air à l'éther, – jusque dans ses répercussions les plus lointaines, et même dans une époque infiniment reculée. Il est, en effet, démontrable que chaque mouvement de cette nature imprimé à l'air doit à la fin agir sur chaque être individuel compris dans les limites de l'univers; – et l'être doué d'une intelligence infinie, – l'être que nous avons imaginé, – pourrait suivre les ondulations lointaines du mouvement, – les suivre, au delà et toujours au delà, dans leurs influences sur toutes les particules de la matière, – au delà et toujours au delà, dans les modifications qu'elles imposent aux vieilles formes, – ou, en d'autres termes, dans les créations neuves qu'elles enfantent – jusqu'à ce qu'il les vît se brisant enfin, et désormais inefficaces, contre le trône de la Divinité. Et non-seulement un tel être pourrait faire cela, mais si, à une époque quelconque, un résultat donné lui était présenté, – si une de ces innombrables comètes, par exemple, était soumise à son examen, – il pourrait, sans aucune peine, déterminer par l'analyse rétrograde à quelle impulsion primitive elle doit son existence. Cette puissance d'analyse rétrograde, dans sa plénitude et son absolue perfection – cette faculté de rapporter dans toutes les époques tous les effets à toutes les causes – est évidemment la prérogative de la Divinité seule; – mais cette puissance est exercée, à tous les degrés de l'échelle au-dessous de l'absolue perfection, par la population entière des intelligences angéliques.

Oinos. – Mais tu parles simplement des mouvements imprimés à l'air.

Agathos. – En parlant de l'air, ma pensée n'embrassait que le monde terrestre; mais la proposition généralisée comprend les impulsions créées dans l'éther, – qui, pénétrant, et seul pénétrant tout l'espace se trouve être ainsi le grand médium de création.

Oinos. – Donc, tout mouvement, de quelque nature qu'il soit, est créateur?

Agathos. – Cela ne peut pas ne pas être; mais une vraie philosophie nous a dès longtemps appris que la source de tout mouvement est la pensée, – et que la source de toute pensée est…

Oinos. – Dieu.

Agathos. – Je l'ai parlé, Oinos – comme je devais parler à un enfant de cette belle Terre qui a péri récemment – des mouvements produits dans l'atmosphère de la Terre…

Oinos. – Oui, cher Agathos.

Agathos. – Et pendant que je te parlais ainsi, n'as-tu pas sentit ton esprit traversé par quelque pensée relative à la puissance matérielle des paroles? Chaque parole n'est-elle pas un mouvement créé dans l'air?

Oinos. – Mais pourquoi pleures-tu, Agathos? – et pourquoi, oh! pourquoi tes ailes faiblissent-elles pendant que nous planons au-dessus de cette belle étoile, – la plus verdoyante et cependant la plus terrible de toutes celles que nous avons rencontrées dans notre vol? Ses brillantes fleurs semblent un rêve féerique, – mais ses volcans farouches rappellent les passions d'un cœur tumultueux.

Agathos. —Ils ne semblent pas, ils sont! ils sont rêves et passions! Cette étrange étoile, – il y a de cela trois siècles, – c'est moi qui, les mains crispées et les yeux ruisselants, – aux pieds de ma bien-aimée, – l'ai proférée à la vie avec quelques phrases passionnées. Ses brillantes fleurs sont les plus chers de tous les rêves non réalisés, et ses volcans forcenés sont les passions du plus tumultueux et du plus insulté des cœurs!

COLLOQUE ENTRE MONOS ET UNA

Choses futures.

Sophocle —Antigone.

Una. —Ressuscité?

Monos. – Oui, très-belle et très-adorée Una, ressuscité. Tel était le mot sur le sens mystique duquel j'avais si longtemps médité, repoussant les explications de la prêtraille jusqu'à tant que la mort elle-même vînt résoudre l'énigme pour moi.

Una. – La Mort!

Monos. – Comme tu fais étrangement écho à mes paroles, douce Una! J'observe aussi une vacillation dans ta démarche, – une joyeuse inquiétude dans tes yeux. Tu es troublée, oppressée par la majestueuse nouveauté de la Vie Éternelle. Oui, c'était de la Mort que je parlais. Et comme ce mot résonne singulièrement ici, ce mot qui jadis portait l'angoisse dans tous les cœurs, – jetait une tache sur tous les plaisirs!

Una. – Ah! la Mort, le spectre qui s'asseyait à tous les festins! Que de fois, Monos, nous nous sommes perdus en méditations sur sa nature! Comme il se dressait, mystérieux contrôleur, devant le bonheur humain, lui disant: «Jusque-là, et pas plus loin!» Cet ardent amour mutuel, mon Monos, qui brûlait dans nos poitrines, comme vainement nous nous étions flattés, nous sentant si heureux sitôt qu'il prit naissance, de voir notre bonheur grandir de sa force! Hélas! il grandit, cet amour, et avec lui grandissait dans nos cœurs la terreur de l'heure fatale qui accourait pour nous séparer à jamais! Ainsi, avec le temps, aimer devint une douleur. Pour lors, la haine nous eût été une miséricorde.

Monos. – Ne parle pas ici de ces peines, chère Una, – mienne maintenant, mienne pour toujours!

Una. – Mais n'est-ce pas le souvenir du chagrin passé qui fait la joie du présent? Je voudrais parler longtemps, longtemps encore, des choses qui ne sont plus. Par-dessus tout, je brûle de connaître les incidents de ton voyage à travers l'Ombre et la noire Vallée.

Monos. – Quand donc la radieuse Una demanda-t-elle en vain quelque chose à son Monos? Je raconterai tout minutieusement; – mais à quel point doit commencer le récit mystérieux?

Una. – À quel point?

Monos. – Oui, à quel point?

Una. – Je te comprends, Monos. La Mort nous a révélé à tous deux le penchant de l'homme à définir l'indéfinissable. Je ne dirai donc pas: Commence au point où cesse la vie, – mais: Commence à ce triste, triste moment où, la fièvre t'ayant quitté, tu tombas dans une torpeur sans souffle et sans mouvement, et où je fermai tes paupières pâlies avec les doigts passionnés de l'amour.

Monos. – Un mot d'abord, mon Una, relativement à la condition générale de l'homme à cette époque. Tu te rappelles qu'un ou deux sages parmi nos ancêtres, – sages en fait, quoique non pas dans l'estime du monde, – avaient osé douter de la propriété du mot Progrès, appliqué à la marche de notre civilisation. Chacun des cinq ou six siècles qui précédèrent notre mort vit, à un certain moment, s'élever quelque vigoureuse intelligence luttant bravement pour ces principes dont l'évidence illumine maintenant notre raison, insolente affranchie remise à son rang, – principes qui auraient dû apprendre à notre race à se laisser guider par les lois naturelles plutôt qu'à les vouloir contrôler. À de longs intervalles apparaissaient quelques esprits souverains, pour qui tout progrès dans les sciences pratiques n'était qu'un recul dans l'ordre de la véritable utilité. Parfois l'esprit poétique, – cette faculté, la plus sublime de toutes, nous savons cela maintenant, – puisque des vérités de la plus haute importance ne pouvaient nous être révélées que par cette Analogie, dont l'éloquence, irrécusable pour l'imagination, ne dit rien à la raison infirme et solitaire, – parfois, dis-je, cet esprit poétique prit les devants sur une philosophie tâtonnière et entendit dans la parabole mystique de l'arbre de la science et de son fruit défendu, qui engendre la mort, un avertissement clair, à savoir que la science n'était pas bonne pour l'homme pendant la minorité de son âme. Et ces hommes, – les poëtes, – vivant et mourant parmi le mépris des utilitaires, rudes pédants qui usurpaient un titre dont les méprisés seuls étaient dignes, les poëtes reportèrent leurs rêveries et leurs sages regrets vers ces anciens jours où nos besoins étaient aussi simples que pénétrantes nos jouissances, – où le mot gaieté était inconnu, tant l'accent du bonheur était solennel et profond! – jours saints, augustes et bénis, où les rivières azurées coulaient à pleins bords entre des collines intactes et s'enfonçaient au loin dans les solitudes des forêts primitives, odorantes, inviolées.

Cependant ces nobles exceptions à l'absurdité générale ne servirent qu'à la fortifier par l'opposition. Hélas! nous étions descendus dans les pires jours de tous nos mauvais jours. Le grand mouvement, – tel était l'argot du temps, – marchait; perturbation morbide, morale et physique. L'art, – les arts, veux-je dire, furent élevés au rang suprême, et, une fois installés sur le trône, ils jetèrent des chaînes sur l'intelligence qui les avait élevés au pouvoir. L'homme, qui ne pouvait pas ne pas reconnaître la majesté de la Nature, chanta niaisement victoire à l'occasion de ses conquêtes toujours croissantes sur les éléments de cette même Nature. Aussi bien, pendant qu'il se pavanait et faisait le Dieu, une imbécillité enfantine s'abattait sur lui. Comme on pouvait le prévoir depuis l'origine de la maladie, il fut bientôt infecté de systèmes et d'abstractions; il s'empêtra dans des généralités. Entre autres idées bizarres, celle de l'égalité universelle avait gagné du terrain; et à la face de l'Analogie et de Dieu, – en dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la Terre et dans le Ciel, – des efforts insensés furent faits pour établir une Démocratie universelle. Ce mal surgit nécessairement du mal premier: la Science. L'homme ne pouvait pas en même temps devenir savant et se soumettre. Cependant d'innombrables cités s'élevèrent, énormes et fumeuses. Les vertes feuilles se recroquevillèrent devant la chaude haleine des fourneaux. Le beau visage de la Nature fut déformé comme par les ravages de quelque dégoûtante maladie. Et il me semble, ma douce Una, que le sentiment, même assoupi, du forcé et du cherché trop loin aurait dû nous arrêter à ce point. Mais il paraît qu'en pervertissant notre goût, ou plutôt en négligeant de le cultiver dans les écoles, nous avions follement parachevé notre propre destruction. Car, en vérité, c'était dans cette crise que le goût seul, – cette faculté qui, marquant le milieu entre l'intelligence pure et le sens moral, n'a jamais pu être méprisée impunément, – c'était alors que le goût seul pouvait nous ramener doucement vers la Beauté, la Nature et la Vie. Mais, hélas! pur esprit contemplatif et majestueuse intuition de Platon! Hélas! compréhensive Mousikê, qu'il regardait à juste titre comme une éducation suffisante pour l'âme! Hélas! où étiez-vous? C'était quand vous aviez tous les deux disparu dans l'oubli et le mépris universels qu'on avait le plus désespérément besoin de vous!

Pascal, un philosophe que nous aimons tous deux, chère Una, a dit, – avec quelle vérité! – que tout raisonnement se réduit à céder au sentiment; et il n'eût pas été impossible, si l'époque l'avait permis, que le sentiment du naturel eût repris son vieil ascendant sur la brutale raison mathématique des écoles. Mais cela ne devait pas être. Prématurément amenée par des orgies de science, la décrépitude du monde approchait. C'est ce que ne voyait pas la masse de l'humanité, ou ce que, vivant goulûment, quoique sans bonheur, elle affectait de ne pas voir. Mais, pour moi, les annales de la Terre m'avaient appris à attendre la ruine la plus complète comme prix de la plus haute civilisation. J'avais puisé dans la comparaison de la Chine, simple et robuste, avec l'Assyrie architecte, avec l'Égypte astrologue, avec la Nubie plus subtile encore, mère turbulente de tous les arts, la prescience de notre Destinée. Dans l'histoire de ces contrées j'avais trouvé un rayon de l'Avenir. Les spécialités industrielles de ces trois dernières étaient des maladies locales de la Terre, et la ruine de chacune a été l'application du remède local; mais, pour le monde infecté en grand, je ne voyais de régénération possible que dans la mort. Or, l'homme ne pouvant pas, en tant que race, être anéanti, je vis qu'il lui fallait renaître.

Et c'était alors, ma très-belle et ma très-chère, que nous plongions journellement notre esprit dans les rêves. C'était alors que nous discourions, à l'heure du crépuscule, sur les jours à venir, – quand l'épiderme de la Terre cicatrisé par l'Industrie, ayant subi cette purification qui seule pouvait effacer ses abominations rectangulaires, serait habillé à neuf avec les verdures, les collines et les eaux souriantes du Paradis, et redeviendrait une habitation convenable pour l'homme, – pour l'homme, purgé par la Mort, – pour l'homme dont l'intelligence ennoblie ne trouverait plus un poison dans la science, – pour l'homme racheté, régénéré, béatifié, désormais immortel, et cependant encore revêtu de matière.

Una. – Oui, je me rappelle bien ces conversations, cher Monos; mais l'époque du feu destructeur n'était pas aussi proche que nous nous l'imaginions, et que la corruption dont tu parles nous permettait certainement de le croire. Les hommes vécurent, et ils moururent individuellement. Toi-même, vaincu par la maladie, tu as passé par la tombe, et ta constante Una t'y a promptement suivi; et, bien que nos sens assoupis n'aient pas été torturés par l'impatience et n'aient pas souffert de la longueur du siècle qui s'est écoulé depuis et dont la révolution finale nous a rendus l'un à l'autre, cependant, cher Monos, cela a fait encore un siècle.

Monos. – Dis plutôt un point dans le vague infini. Incontestablement, ce fut pendant la décrépitude de la Terre que je mourus. Le cœur fatigué d'angoisses qui tiraient leur origine du désordre et de la décadence générale, je succombai à la cruelle fièvre. Après un petit nombre de jours de souffrance, après maints jours pleins de délire, de rêves et d'extases dont tu prenais l'expression pour celle de la douleur, pendant que je ne souffrais que de mon impuissance à te détromper, – après quelques jours je fus, comme tu l'as dis, pris par une léthargie sans souffle et sans mouvement, et ceux qui m'entouraient dirent que c'était la Mort.

Les mots sont choses vagues. Mon état ne me privait pas de sentiment; il ne me paraissait pas très-différent de l'extrême quiétude de quelqu'un qui, ayant dormi longtemps et profondément, immobile, prostré dans l'accablement de l'ardent solstice, commence à rentrer lentement dans la conscience de lui-même; il y glisse, pour ainsi dire, par le seul fait de l'insuffisance de son sommeil, et sans être éveillé par le mouvement extérieur.

Je ne respirais plus. Le pouls était immobile. Le cœur avait cessé de battre. La volition n'avait point disparu, mais elle était sans efficacité. Mes sens jouissaient d'une activité insolite, quoique l'exerçant d'une manière irrégulière et usurpant réciproquement leurs fonctions au hasard. Le goût et l'odorat se mêlaient dans une confusion inextricable et ne formaient plus qu'un seul sens anormal et intense. L'eau de rose, dont ta tendresse avait humecté mes lèvres au moment suprême, me donnait de douces idées de fleurs, – fleurs fantastiques infiniment plus belles qu'aucune de celles de la vieille Terre, et dont nous voyons aujourd'hui fleurir les modèles autour de nous. Les paupières, transparentes et exsangues, ne faisaient pas absolument obstacle à la vision. Comme la volition était suspendue, les globes ne pouvaient pas rouler dans leurs orbites, – mais tous les objets situés dans la portée de l'hémisphère visuel étaient perçus plus ou moins distinctement; les rayons qui tombaient sur la rétine externe, ou dans le coin de l'œil, produisant un effet plus vif que ceux qui frappaient la surface interne ou l'attaquaient de face. Toutefois, dans le premier cas, cet effet était si anormal que je l'appréciais seulement comme un son, – un son doux ou discordant, suivant que les objets qui se présentaient à mon côté étaient lumineux ou revêtus d'ombre, – arrondis ou d'une forme anguleuse. En même temps l'ouïe, quoique surexcitée, n'avait rien d'irrégulier dans son action, et elle appréciait les sons réels avec une précision non moins hyperbolique que sa sensibilité. Le toucher avait subi une modification plus singulière. Il ne recevait ses impressions que lentement, mais les retenait opiniâtrement, et il en résultait toujours un plaisir physique des plus prononcés. Ainsi la pression de tes doigts, si doux sur mes paupières, ne fut d'abord perçue que par l'organe de la vision; mais, à la longue, et longtemps après qu'ils se furent retirés, ils remplirent tout mon être d'un délice sensuel inappréciable. Je dis: d'un délice sensuel. Toutes mes perceptions étaient purement sensuelles. Quant aux matériaux fournis par les sens au cerveau passif, l'intelligence morte, inhabile à les mettre en œuvre, ne leur donnait aucune forme. Il entrait dans tout cela un peu de douleur et beaucoup de volupté; mais de peine ou de plaisir moraux, pas l'ombre. Ainsi, tes sanglots impétueux flottaient dans mon oreille avec toutes leurs plaintives cadences, et ils étaient appréciés par elle dans toutes leurs variations de ton mélancolique; mais c'étaient de suaves notes musicales et rien de plus: ils n'apportaient à la raison éteinte aucune notion des douleurs qui leur donnaient naissance; pendant que la large et incessante pluie de larmes qui tombait sur ma face, et qui pour tous les assistants témoignait d'un cœur brisé, pénétrait simplement d'extase chaque fibre de mon être. Et en vérité, c'était bien là la Mort, dont les témoins parlaient à voix basse et révérencieusement, – et toi, ma douce Una, d'une voix convulsive, pleine de sanglots et de cris.

Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
01 kasım 2017
Hacim:
330 s. 1 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain

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