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Kitabı oku: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F)», sayfa 34

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FERME., s. f. Terme de charpenterie. On entend par ferme toute membrure de charpente qui compose une suite de travées. On dit une ferme de comble, une ferme d'échafaud (voy. CHARPENTE, ÉCHAFAUD).

FERMETURE, s. f. (Voy. BARRE, FENÊTRE, PORTE, SERRURERIE).

FERRURE, s. f. (Voy. ARMATURE, SERRURERIE).

FEUILLURE, s. f. Entaille pratiquée dans l'ébrasement d'une porte ou d'une fenêtre pour recevoir les vantaux ou les châssis (voy. FENÊTRE, PORTE). Les châssis dormants portent aussi des feuillures, quand ils reçoivent des châssis ouvrants (voy. MENUISERIE).

FICHAGE. Action de ficher.

FICHER, v. Ficher une pierre, c'est introduire du mortier sous son lit de pose et dans ses joints lorsque cette pierre est posée sur cales. Habituellement, pendant le moyen âge, on ne fichait pas les pierres, on les posait à bain-de-mortier, ce qui est de beaucoup préférable; car il est difficile, lorsqu'une pierre est posée sur cales, d'introduire le mortier dans son lit et ses joints, et surtout de comprimer le mortier de manière à éviter les tassements. Cependant, lorsqu'on procède par reprises et incrustements, il est impossible de poser les pierres à bain-de-mortier; dans ce cas, pour éviter le retrait du lit de mortier, pour le comprimer, il est bon, lorsque ce mortier commence à prendre, de le refouler au moyen d'une palette de fer et à coups de masses. Pour ficher les pierres, on emploie un outil que l'on appelle fiche: c'est une lame de tôle dentelée, munie d'un manche en bois; cette lame est plate (1) ou coudée (1 bis).


On applique un plateau A de bois, armé de deux petites potences en fer C et de pattes B, au niveau du lit de la pierre à ficher, les pattes entrant dans ce lit. Un garçon met du mortier sur ce plateau, que le ficheur, avec sa truelle et sa fiche, introduit peu à peu sous le bloc. Lorsque le mortier refuse d'entrer et qu'il ressort par le lit supérieur de la pierre, c'est que la pierre est bien fichée et que sa queue est remplie. Alors, et après que ce mortier a acquis de la consistance, on le bourre au moyen du refouloir en fer (2). Il est bon de laisser deux ou trois centimètres de vide sous le lit, le long du parement. On remplit ce vide, plus tard, en rejointoyant; c'est le moyen de s'assurer que la pierre ne pose pas sur ses arêtes et qu'elle ne s'épauffrera pas sous la charge.

FILET, s. m. Solin. On donne ce nom à une saillie de pierre destinée à empêcher l'eau pluviale glissant le long des parements de s'introduire entre les couvertures et les maçonneries. Une couverture en métal, en ardoise ou en tuiles, ne peut être adhérente à la pierre; il existe toujours une solution de continuité entre cette couverture et la construction de pierre qui s'élève au-dessus d'elle. Si cette jonction, nécessairement imparfaite, n'est pas masquée par une saillie qui en éloigne les eaux, des infiltrations ont lieu sous les combles, pourrissent les planchers ou les voûtes. Aujourd'hui, on incruste une lame de zinc dans la pierre au-dessus de la couverture, ou, plus souvent encore, on calfeutre la jonction au moyen d'un solin de plâtre, qui se dégrade promptement ou qui se brise par suite du mouvement des charpentes sujettes à des gonflements et à des retraits successifs. Les architectes du moyen âge avaient sur nous l'avantage précieux de tout prévoir pendant la construction des édifices publics ou privés. Scellements des châssis, feuillures, emplacement des ferrures, les détails nombreux qui doivent concourir à l'ensemble d'une bâtisse simple ou compliquée, étaient calculés, prévus et exécutés au fur et à mesure de la construction. Mais c'était particulièrement dans le système d'écoulement des eaux que ces architectes nous surpassaient. Ils apportaient donc, dans l'établissement à demeure des filets propres à masquer la jonction des couvertures avec les parements verticaux, un soin minutieux, surtout à dater de la fin du XIIe siècle, moment où ils commençaient à élever de très-vastes édifices, sur lesquels, à cause même de leur grande surface, l'écoulement des eaux présentait des difficultés. Dans les églises romanes du XIe siècle, on voit déjà cependant que les architectes ont préservé la jonction du comble en appentis des bas-côtés avec le mur de la nef centrale, au moyen de filets prononcés (1). Ces filets pourtournent les saillies des contre-forts, horizontalement d'abord (voy. le tracé A), puis bientôt suivant la pente donnée par le comble (voy. le tracé B), afin de ne laisser partout, entre ce filet et la couverture, qu'une distance égale, suffisante pour introduire le plomb, l'ardoise ou la tuile.



Mais des difficultés se présentèrent lorsque, par exemple, des souches d'arcs-boutants ou de cheminées vinrent percer les pentes d'un comble (2). Si le filet AB empêchait l'eau glissant le long du parement D de s'introduire entre la couverture et les parois de la pile, il fallait, en C, trouver un moyen de rejeter les eaux, coulant sur le comble, à droite et à gauche de l'épaisseur de cette pile. Là, le filet ne pouvait être bon à rien; il fallait, en C, un caniveau pour recevoir les eaux du comble, et il fallait que ce caniveau renvoyât ses eaux soit sur le comble, soit dans un autre caniveau pratiqué suivant la pente de la couverture. C'est à ce dernier moyen que l'on songea d'abord. En effet, les souches des arcs-boutants du choeur de la cathédrale de Langres, qui date du milieu du XIIe siècle, nous présentent des caniveaux disposés ainsi que l'indique la fig. 3.



Le caniveau A reçoit les eaux de la pente supérieure de la couverture; celui B, latéral, reçoit les eaux tombées dans le caniveau A et sur les extrémités des tuiles en contre-bas. Lorsque la couverture est posée autour de cette souche, elle affecte la disposition donnée dans le tracé T. Ainsi, pas de solins de plâtre ou de mortier, un caniveau supérieur rejetant ses eaux dans des caniveaux rampants se dégorgeant à la partie inférieure de la pile dans le chéneau C. À la cathédrale de Langres, les filets-caniveaux rampants sont taillés dans une seule grande pierre, ce que la pente faible des combles rendait possible. Ce moyen primitif présentait des inconvénients. Il fallait relever la tuile pour joindre le caniveau supérieur A, et laisser ainsi un intervalle entre ce relèvement et la pente continue du comble; de plus, le long de la jouée D du caniveau supérieur, les eaux pluviales pouvaient encore passer entre la tuile et cette jouée. Plus tard, des pentes plus fortes étant données aux couvertures, on renonça aux caniveaux rampants qui ne pouvaient dès lors être taillés dans une seule assise; on revint aux filets de recouvrement pour les parties inclinées, et on laissa des caniveaux seulement dans la partie supérieure, à l'arrivée des eaux sur l'épaisseur des souches de contre-forts et de cheminées (4). De petites gargouilles, ménagées des deux côtés de l'épaisseur, rejetèrent les eaux de ce caniveau supérieur sur les pentes de la couverture. Le tracé A donne le géométral de cette disposition. Un faible relèvement de l'ardoise, de la tuile ou du métal, en C, jetait les eaux dans le caniveau, lesquelles, par suite de l'inclinaison du comble, pouvaient facilement être versées sur la couverture passant sous le filet rampant E. Le tracé B présente le caniveau et le filet rampant en perspective, le comble étant supposé enlevé.



Ces détails font assez ressortir le soin apporté par les architectes du moyen âge dans ces parties de la construction si fort négligées aujourd'hui, mais qui ont une grande importance, puisqu'elles contribuent à la conservation des édifices. C'est grâce à ce soin que la plupart de nos monuments des XIIe et XIIIe siècles sont encore debout aujourd'hui, malgré un abandon prolongé et souvent des réparations inintelligentes. Nous n'osons prédire une aussi longue durée à nos monuments modernes, s'ils ont à subir les mêmes négligences et la même incurie; ils n'éviteront de profondes dégradations que si l'on ne cesse de les entretenir, leur structure ne portant pas en elle-même les moyens de conservation que nous voyons adoptés dans l'architecture antique comme dans celle du moyen âge.

FIXÉ, s. m. Peinture faite sous une feuille de verre et préservée de l'action de l'air par la superposition de cette matière. On a fort employé les fixés dans la décoration des meubles 494 et même des intérieurs pendant le moyen âge. On en trouve bon nombre d'exemples dans la Sainte-Chapelle du Palais à Paris et dans l'église abbatiale de Saint-Denis. On employait aussi les fixés, par petites parties, pour orner les vêtements des statues, les devants d'autels, les retables, les tombeaux. On en voit jusque dans les pavages (voy. APPLICATION, PEINTURE).

FLÈCHE, s. f. Ne s'emploie habituellement que pour désigner des clochers de charpenterie recouverts de plomb ou d'ardoise, se terminant en pyramide aiguë. Cependant, les pyramides en pierre qui surmontent les clochers d'églises sont de véritables flèches, et l'on peut dire: la flèche du clocher vieux de Chartres, la flèche de la cathédrale de Strasbourg, pour désigner les sommets aigus de ces tours. En principe, tout clocher appartenant à l'architecture du moyen âge est fait pour recevoir une flèche de pierre ou de bois; c'était la terminaison obligée des tours religieuses 495. Ces flèches coniques ou à base carrée, dans les monuments les plus anciens, sont d'abord peu élevées par rapport aux tours qu'elles surmontent (voy. CLOCHER); mais bientôt elles prennent plus d'importance: elles affectent la forme de pyramides à base octogone; elles finissent par devenir très-aiguës, à prendre une hauteur égale souvent aux tours qui leur servent de supports; puis elles se percent de lucarnes, d'ajours, et arrivent à ne plus former que des réseaux de pierre, comme les flèches des cathédrales de Strasbourg, de Fribourg en Brisgau, de Burgos en Espagne. Constructeurs très-subtils, ainsi qu'on peut le reconnaître en parcourant les articles du Dictionnaire, les architectes du moyen âge ont dû apporter une étude toute particulière dans la construction de ces grandes pyramides creuses de pierre, qui s'élèvent à des hauteurs considérables et sont ainsi soumises à des causes nombreuses de destruction. S'ils ont déployé, dans ces travaux difficiles, une connaissance approfondie des lois de stabilité et d'équilibre, des matériaux et de l'effet des agents atmosphériques sur leur surface, ils ont fait preuve souvent d'une finesse d'observation bien rare dans la composition de ces grandes pyramides dont la silhouette tout entière se détache sur le ciel. Ils ne trouvaient, d'ailleurs, aucun exemple, dans l'antiquité ou les premiers monuments du moyen âge, de ces sortes de compositions, qui appartiennent exclusivement à cet art français laïque du milieu du XIIe siècle. On remarquera, en effet, qu'avant cette époque (voy. CLOCHER), les couronnements plus ou moins aigus des tours d'églises à base circulaire ou carrée ne sont que des toits de pierre ou de bois, qui n'ont qu'une importance minime ou qui ressemblent plutôt à un amas qu'à une composition architectonique. Malgré l'effort des architectes, on sent que ces couvertures ne se relient pas au corps de la bâtisse, que ce ne sont que des superpositions; tandis que, déjà, la flèche du clocher vieux de Notre-Dame de Chartres forme avec sa base un ensemble, une composition homogène. Ces qualités sont bien plus sensibles encore dans les flèches de Senlis, de Vernouillet, de Laon, de Reims, d'Étampes 496. C'est par des transitions habilement ménagées que les architectes arrivent alors, de la base carrée, massive de la tour, à la pointe extrême de la flèche. Leur attention se porte principalement sur les silhouettes de ces masses, car la moindre imperfection, lorsqu'on a le ciel pour fond, choque les yeux les moins exercés. L'expérience de chaque jour (pour nous qui songeons à toute autre chose qu'aux silhouettes de nos édifices, et qui avons pris pour règle de faire de l'architecture une décoration de placage comprise dans une masse insignifiante si elle n'est désagréable) nous démontre que les objets qui se détachent sur le ciel perdent ou acquièrent de leur importance relative, suivant certaines lois qui semblent fort étranges au premier abord, et dont cependant on peut se rendre compte par le calcul et la réflexion. Ces lois, les architectes qui élevaient les immenses flèches du moyen âge les connaissaient parfaitement, et même, dans leurs oeuvres les plus ordinaires, on en constate l'observation. Cependant, ces lois n'avaient pu s'imposer qu'après des essais, que par la méthode expérimentale, ou plutôt à l'aide d'une délicatesse des sens très-développée, puisque les monuments de ce genre surgissent tout à coup vers le milieu du XIIe siècle, à l'état parfait déjà. La flèche du clocher vieux de Notre-Dame de Chartres, la plus grande que nous possédions en France, est celle peut-être qui réunit, au plus haut degré ces qualités de composition si difficiles à acquérir. La simplicité de sa masse, la juste proportion de ses diverses parties, son heureuse silhouette, en font une oeuvre architectonique qu'on ne saurait trop méditer.

Il est nécessaire d'abord de poser certaines lois générales qui, bien que très-naturelles, sont souvent méconnues lorsqu'il s'agit d'élever des flèches, parce que nous avons pour habitude de composer les ensembles, comme les diverses parties des édifices, en géométral, sans nous rendre un compte exact des effets, de la perspective et des développements de plans.



Soit (1) une tour canée ABCD, sur laquelle nous voulons élever une flèche à base octogonale abcdefgh: nous traçons l'élévation géométrale E sur une des faces du carré de la tour; nous donnons à la hauteur de la pyramide trois fois et quart le côté du carré, et nous trouvons une proportion convenable entre la hauteur de la flèche et sa base; mais si nous faisons une élévation sur le plan GH parallèle à l'un des diamètres gc de l'octogone, nous obtenons le tracé F. Déjà, dans ce tracé, les proportions qui nous semblaient bonnes sur le dessin E sont modifiées d'une façon désagréable; la tour devient trop large pour la pyramide, et celle-ci même n'a plus en hauteur que trois fois sa base apparente, qui est le diamètre gc. De plus, les ombres produiront un fâcheux effet sur ce couronnement, en donnant toujours à la tour des faces éclairées qui seront plus étroites que celles de la pyramide; ce qui fera paraître celle-ci de travers sur sa base. Or il faut compter que l'aspect géométral E ne peut se présenter que sur quatre points, tandis que les aspects F sont infinis; il y aura donc une quantité infinie d'aspects désagréables contre quatre bons. Mais le désappointement sera bien plus grand lorsque l'édifice sera élevé et que la perspective viendra déranger encore le tracé géométral E. Supposons que nous sommes placés sur le prolongement de la ligne I, perpendiculaire au plan GH, à 45 mètres du point C (voy. le tracé AA) en K, la tour ayant 10 mètres de A' en e'; que cette tour a 40 mètres de hauteur du sol à la base de la flèche. La flèche, vue à cette distance, donnera le tracé BB, car celle-ci, par suite de la perspective, ne paraît plus avoir en hauteur que trois fois environ la longueur du diamètre lm, ainsi que le démontre la projection perspective mo. Si, à cette distance, nous voulions obtenir l'apparence OPR, il faudrait doubler la hauteur de la flèche et amener son sommet en n. Si nous prétendions obtenir en perspective une proportion semblable à celle du tracé géométral E, il faudrait tripler la hauteur de la flèche et amener son sommet en p; nous obtiendrions alors l'apparence SPR. En supposant que nous nous reculions à plus de 150 mètres en K', nous voyons même que la flèche perdrait encore la hauteur tu. Si, sur cette flèche, nous posons un point au milieu de sa hauteur en v, et que nous soyons placés en K''(voy. le tracé M), en perspective la distance xv' paraîtra plus grande que la distance v'r. Si, en y, nous plaçons un ornement dont la saillie ne dépasse pas le dixième de la hauteur totale de la pyramide, en projection perspective cet ornement sera le sixième de la hauteur apparente de la flèche. Ces lois, qui semblent assez compliquées déjà, ne sont cependant que très-élémentaires quand il s'agit de la composition des flèches.

FLÈCHES DE PIERRE.--Les flèches construites en pierre, à dater du XIIe siècle, étant, sauf de rares exceptions, à base octogone et plantées sur des tours carrées, il fallait d'abord trouver une transition entre la forme prismatique carrée et la forme pyramidale octogone. Sans effort apparent, l'architecte du clocher vieux de Chartres sut obtenir ces transitions (2).



Au niveau du bandeau K qui termine la tour, les angles saillants ont été dérobés au moyen des contre-forts peu saillants qui les flanquent. L'étage L, vertical encore, présente en plan un octogone dont les quatre côtés parallèles aux faces de la tour sont plus grands que les quatre autres. Quatre lucarnes-pinacles occupent les cornes de la base carrée et remplissent les vides laissés par le plan octogonal. Au-dessus, l'étage vertical, orné de quatre grandes lucarnes sur les faces, se retraite plus sur les petits côtés que sur les grands, et arrive à l'octogone à peu près régulier à la base de la pyramide. Celle-ci présente encore cependant quatre pans (ceux des faces) un peu plus larges (d'un quart) que ceux des angles.



La fig. 3 nous donne, en A, le plan d'un huitième de la flèche du clocher vieux de Notre-Dame de Chartres, au niveau L, et, en B, au niveau de la base de la pyramide. En C, on voit comme les saillies des contre-forts portent les pieds-droits des lucarnes-pinacles, et, en D, comme les angles de la tour se dérobent pour que, vue sur la diagonale, la flèche continue, presque sans ressauts, la silhouette rigide de cette tour. Les pinacles E se détachent complétement de la pyramide au-dessus de l'étage vertical, de façon à laisser la lumière passer entre eux et la flèche. Il en est de même des gâbles posés sur les lucarnes des faces; ces gâbles se détachent de la pyramide. Celle-ci est accompagnée par ces appendices qui l'entourent et conduisent les yeux de la verticale à la ligne inclinée; mais elle n'est pas empâtée à sa souche et laisse deviner sa forme principale.



Notre élévation (4), prise entre le niveau L et le sommet des gâbles, fait ressortir le mérite de cette composition, à une époque où les architectes n'avaient pu encore acquérir l'expérience que leur donna plus tard la construction si fréquente des grandes flèches de pierre sur les tours des églises. Ce tracé nous fait sentir l'étude et le soin que l'on apportait déjà à cette époque dans l'arrangement si difficile de ce point de jonction entre la bâtisse à base carrée et les pyramides; mais aussi nous dévoile-t-il des incertitudes et des tâtonnements. Ces artistes n'ont pas encore trouvé une méthode sûre, ils la cherchent; leur goût, leur coup d'oeil juste, leur pressentiment de l'effet les conduisent dans le vrai, mais par des moyens détournés, indécis. La recherche du vrai chez des artistes, doués d'ailleurs d'une finesse peu ordinaire, donne un charme particulier à cette composition, d'autant que ces artistes ne mettent en oeuvre que des moyens simples, qu'ils pensent avant tout à la stabilité, que, comme constructeurs, ils ne négligent aucune partie; si bien que cette flèche énorme, dont le sommet est à 112 mètres au-dessus du sol, comptant sept siècles d'existence et ayant subi deux incendies terribles, est encore debout et n'inspire aucune crainte pour sa durée. La pyramide porte d'épaisseur 0,80 c. à sa base et 0,30 à son sommet; elle est, comme toute la cathédrale, bâtie en pierre dure de Berchère et admirablement appareillée. Les pans des pyramidioles des angles ont 0,50 c. d'épaisseur. Au niveau K cependant (voy. la fig. 2), la tour s'arrête brusquement, s'arase, et c'est sur cette sorte de plate-forme que s'élance le couronnement. Plus tard, les architectes pensèrent à mieux relier encore les tours aux flèches, ainsi qu'on peut le reconnaître en examinant le clocher de la cathédrale de Senlis (voy. CLOCHER, fig. 63 et 64) et le sommet des tours de la cathédrale de Paris, dont les contre-forts se terminent par des pinacles et des fleurons préparant déjà les retraites que devaient faire les flèches sur ces tours 497, comme on peut aussi le constater à la cathédrale de Laon, dont les tours, à leur partie supérieure, sont accompagnées de grands pinacles à jour qui flanquent un grand étage octogonal formant une base très-bien ajustée, propre à recevoir les flèches.

La flèche du clocher vieux de Chartres n'est décorée que par des écailles qui figurent des bardeaux, ce qui convient à une couverture, par des côtes sur les milieux des huit pans et par des arêtiers.

Lorsque l'architecture s'allégit, pendant la première moitié du XIIIe siècle, on trouva que ces pyramides, pleines en apparence, semblaient lourdes au-dessus des parties ajourées inférieures; on donna donc plus d'élégance et de légèreté aux lucarnes, et on perça, dans les pans, de longues meurtrières qui firent comprendre que ces pyramides sont creuses. Nous voyons ce parti adopté par les constructeurs de la flèche de Senlis. L'architecte du clocher vieux de Chartres avait déjà cherché à détruire en partie la sécheresse des grandes lignes droites de sa flèche par des points saillants, des têtes, interrompant de distance en distance les côtes dessinées sur les huit faces, et par des figures chimériques posées aux naissances des arêtes, dans les tympans et sur les amortissements des pinacles et des gâbles. Ces détails, d'un grand relief, portant des ombres vives, occupaient les yeux et donnaient de l'échelle à la masse. On alla plus loin: au commencement du XIIIe siècle déjà, on garnit les arêtiers de crochets saillants qui, se découpant sur le ciel, donnaient de la vie et plus de légèreté aux lignes rigides des pyramides (voy. CLOCHER, fig. 63). Nous voyons même que, le long des contre-forts des tours de la cathédrale de Paris, on avait sculpté dans chaque assise un crochet saillant préparant une silhouette dentelée sous les flèches, comme pour mieux relier leurs arêtiers aux angles de ces tours. La flèche de l'église abbatiale de Saint-Denis, bâtie vers 1215, conservait encore ses arêtiers sans ornements; mais là, on l'élevait sur une tour du XIIe siècle, dont les formes sévères, verticales, ne se prêtaient pas à ces découpures. À ce point de vue, la flèche de Saint-Denis était un chef-d'oeuvre. L'architecte qui l'éleva avait su, tout en adoptant une composition du XIIIe siècle, marier, avec beaucoup d'art, les formes admises de son temps avec la structure encore romane d'aspect sur laquelle il venait se planter. Cette flèche donnait une silhouette des plus heureuses; aussi faisait-elle, à juste titre, l'admiration des Parisiens et des étrangers. Sa destruction, nécessaire pour éviter un désastre, fut considérée comme un malheur public. Il faut bien reconnaître que les flèches de nos églises du moyen âge excitent dans la foule une admiration très-vive et très-sincère. La hardiesse de ces longues pyramides qui semblent se perdre dans le ciel, leur silhouette heureuse, font toujours une vive impression sur la multitude, sensible chez nous à tout ce qui indique un effort de l'intelligence, une idée exprimée avec énergie. Ce sont les provinces françaises qui les premières conçurent et exécutèrent ces édifices faits pour signaler au loin les communes et leur puissance. L'exemple qu'elles donnèrent ainsi, dès le XIIe siècle, fut suivi en Allemagne, en Angleterre, pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles; mais, quelle que soit la hardiesse et la légèreté des flèches de Fribourg en Brisgau, de Salisbury en Angleterre, de Vienne en Autriche, il y a loin de ces inspirations aux monuments de ce genre qui subsistent encore chez nous, remarquables toujours par la sobriété d'ornements, par l'étude fine des silhouettes et par une entente parfaite de la construction.

Nos lecteurs trouveront opportun probablement de leur donner ici cette flèche célèbre de l'église de Saint-Denis, que nous avons pu étudier avec grand soin dans tous ses détails, puisque la triste tâche de la démolir nous fut imposée. La flèche de Saint-Denis est un sujet d'étude d'autant plus intéressant, que l'architecte a montré, dans cette oeuvre, une connaissance approfondie des effets de la perspective, des lumières et des ombres; que, s'appuyant sur une tour grêle, mal empattée et construite en matériaux faibles, il a su élever une flèche de 38m,50 c. d'une extrême légèreté, afin de ne point écraser sa base insuffisante 498; que, reconnaissant la faiblesse des parements extérieurs de la tour de Suger et leur peu de liaison avec la maçonnerie intérieure, il avait habilement reporté toutes les pesanteurs en dedans.



Voici (5) le quart du plan de la partie inférieure de la flèche de Saint-Denis. En A sont les parements intérieurs de la tour du XIIe siècle. Les côtés B de l'octogone sont portés sur quatre trompillons. Sur cette base, l'architecte a élevé une colonnade intérieure composée de monolithes destinés à reporter, par suite de leur incompressibilité, toute la charge vers l'intérieur. Quatre lucarnes C s'ouvrent dans quatre des faces de l'octogone; les quatre angles D sont occupés par des pinacles. Cette colonnade formait une galerie E intérieure, à laquelle on arrivait par un escalier ménagé dans l'un des quatre angles et remplaçant l'un des pinacles; elle permettait de surveiller et d'entretenir les constructions de la flèche. On observera que l'assise dernière de la tour, qui porte les pinacles, ne suit pas exactement le carré donné par la construction antérieure, mais s'avance en forme de bec saillant, pour donner aux angles plus d'aiguité, un aspect plus résistant; que les colonnes portant les pinacles font sentir davantage encore cette aiguité et se rapprochent, par la manière dont elles sont plantées, d'un triangle équilatéral; qu'ainsi l'architecte a voulu évidemment accuser vivement les angles, craignant avec raison l'aspect froid et sec du plan carré.



Examinons l'élévation de cette flèche (6). Si la lumière du soleil éclaire obliquement l'une de ces faces (ce qui est, bien entendu, le cas le plus fréquent), si cette lumière frappe cette face de droite à gauche, l'angle A de la corniche inférieure, biaisée, comme l'indique le plan, se colorera d'une légère demi-teinte, tandis que l'angle B sera en pleine lumière, à plus forte raison les faces CD des pinacles; l'opposition de la demi-teinte répandue sur la face C, biaise, du pinacle de droite fera ressortir la lumière accrochée par la face oblique de la pyramide et par sa face parallèle au spectateur, comme l'ombre répandue sur la face oblique de cette pyramide fera d'autant mieux ressortir la vive lumière que prendra la face D, biaise, du pinacle de gauche. Ainsi a-t-on évité qu'une partie de l'édifice fût entièrement dans l'ombre, tandis que l'autre serait dans la lumière, disposition qui produit un mauvais effet et fait paraître de travers toute pyramide ou cône se détachant sur le ciel.



Jetons les yeux sur la coupe de la flèche de Saint-Denis (7) faite sur l'un des axes passant par le milieu des lucarnes. Les gâbles allongés A de ces lucarnes sont verticaux, mais ne paraissent tels qu'en géométral; en perspective, ils semblent nécessairement plus ou moins inclinés, à moins que le spectateur ne se trouve précisément dans le plan de ces gâbles. On voit comment la colonnade n'est qu'un étaiement rigide reportant la charge de la flèche sur le parement intérieur de la tour. Le tracé perspectif C indique un des pinacles d'angle démoli et son amorce le long des faces de la flèche. Par suite de l'inclinaison de ces faces, les colonnettes engagées dans la construction et prises dans ses assises, jusqu'au niveau D, s'en détachent à partir de ce niveau et sont monostyles. Les sommiers E, les deux assises de corniches GH sont engagés dans les assises de la flèche; l'on observera que la seconde assise H n'est pas parallèle à la première G, mais qu'elle tend à ouvrir un peu l'angle de la pyramide pour accrocher plus de lumière. Cette seconde assise H, se retournant le long de la face de la flèche sur un renfort I, forme une saillie H' portant la face postérieure de la pyramide triangulaire du pinacle et un chéneau rejetant ses eaux par deux gargouilles. En K, nous avons tracé le plan de cette pyramide, dont le sommet est placé de telle sorte que les trois faces ont une inclinaison pareille. Le jeu de ces lignes plus ou moins inclinées était des plus heureux, coupait adroitement les arêtes rigides de la flèche sans empêcher l'oeil de les suivre, avait quelque chose de hardi et de fin tout à la fois qui charmait.

Les architectes du XIIe siècle avaient donné aux flèches en pierre une importance considérable, relativement aux tours qui leur servaient de base. La flèche du clocher vieux de la cathédrale de Chartres a 60 mètres de hauteur, tandis que la tour n'a que 42 mètres. La flèche de l'église de Saint-Denis portait 38m,50 d'élévation, la tour 35 mètres. Les proportions données par la façade de la cathédrale de Paris doivent faire admettre que les flèches doublaient la hauteur des tours. Peu à peu, les architectes donnent aux flèches une moins grande importance (voy. l'article CLOCHER, fig. 63 et 75). Celles de la façade de la cathédrale de Reims n'auraient eu guère que la moitié de la hauteur des tours, comme celles de l'église de Saint-Nicaise de la même ville. La flèche de la cathédrale de Strasbourg est courte, grêle, comparativement à la dimension de la tour; elle ne fut achevée que vers le milieu du XVe siècle.

494
   Voy. le Dict. du Mobilier, t. I.


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495
   Voy., dans le 7e Entretien sur l'Architecture, la façade de l'église Notre-Dame de Paris avec ses flèches projetées et laissées inachevées.


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496
   Les flèches de Laon n'existent plus, mais on en connaît la disposition; celles de la cathédrale de Reims se devinent facilement, et nous connaissons par de bonnes gravures celles de Saint-Nicaise.


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497
   Voyez, dans le 7e Entretien sur l'Architecture, l'élévation géométrale de la façade de Notre-Dame de Paris avec ses deux flèches.


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498
   En effet, on doit attribuer en partie la chute imminente de la flèche de Saint-Denis au supplément de poids qui lui avait été donné, lors de la restauration, par la substitution de la pierre de Saint-Non à la pierre de Vergelé qui, primitivement, imposait la pyramide. Il faut dire aussi que les parties inférieures, les étages de la tour, n'avaient pas été consolidés, mais au contraire affaiblis par des reprises extérieures faites en placages, sans affermir les massifs très-altérés par le temps.


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Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
1052 s. 371 illüstrasyon
Telif hakkı:
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