Kitabı oku: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P)», sayfa 10
À la même époque, dans l'Île-de-France, on élevait des pignons conçus peut-être avec moins de hardiesse, d'une disposition moins originale, mais dans la composition desquels on observe un goût plus châtié, plus de délicatesse et une meilleure entente de la destination. On remarquera que le pignon de Vézelay est un masque du comble, mais ne se combine guère avec sa forme. Dans nos bons édifices gothiques du XIIe siècle, ceux de l'Île-de-France, ceux auxquels il faut toujours recourir comme étant la véritable expression classique de cet art, les pignons sont bien faits pour fermer le comble, ils l'éclairent franchement et le recouvrent. Nous ne saurions trouver un meilleur exemple que celui fourni par l'un des pignons du transsept de Notre-Dame de Paris (1257). Ce pignon s'élève sur une rose de 13 mètres de diamètre, et est percé lui-même d'un oeil en partie aveugle, qui éclaire le comble. Cette belle composition (fig. 11) est autant décorative que sagement raisonnée.

Sur le grand arc qui fait le formeret de la voûte et l'archivolte de la rose est posé un entablement portant balustrade, et qui permet de communiquer des galeries supérieures de l'est à celles de l'ouest. Le pignon proprement dit s'élève en retraite sur l'arc de la rose et porte principalement sur le formeret; il est de plus supporté par un arc de décharge noyé dans la construction. Ce pignon, qui a 70 centimètres d'épaisseur, est allégé par la rose qui éclaire le comble, dont les parties aveugles ne sont que des dalles portant sculpture, par des rosaces et écoinçons. Deux grands pyramidions le flanquent, forment les têtes des contre-forts contre-butant la rose, et permettent à un escalier postérieur de se développer et de passer au-dessus du comble qu'il recouvre, et sur la jonction duquel il forme un large solin, ainsi que le font voir le profil A et la portion du pignon postérieur B, la section A étant faite sur ab. Trois statues décorent le sommet et les deux angles inférieurs du pignon. Celle du sommet représente le Christ apparaissant en songe à saint Martin, revêtu de la moitié du manteau donné au pauvre 120; les deux autres figurent le même saint Martin et saint Étienne 121. Éclairé par le soleil, ce pignon produit un merveilleux effet. D'ailleurs il accuse parfaitement le comble qu'il est destiné à fermer; la sculpture en est large, sobre, bien à l'échelle et admirablement traitée. L'oeil du comble est d'une proportion parfaitement en rapport avec la grande rose qui s'ouvre sur le transsept. Cette composition ne fut pas surpassée. Le pignon méridional de la cathédrale d'Amiens, élevé vers le milieu du XIVe siècle, présente cependant une disposition originale qui se rapproche de la composition du pignon de Vézelay. Le grand triangle est divisé verticalement par des piles formant comme une suite de contre-forts ornés de statues et de pinacles, et entre lesquels s'ouvrent des jours qui éclairent le comble. Mais là les détails, trop petits d'échelle, sont confus et n'offrent plus cette simplicité de lignes que nous admirons à Paris et même à Vézelay. Pour ne pas laisser isoler ces grands triangles, on eut quelquefois l'idée, au XIVe et au XVe siècle, de les épauler par des galeries à jour ou aveugles qui réunissent leurs rampants aux pyramidions ou tourelles d'épaulement. Un des pignons les mieux composés en ce genre est celui de la façade principale de l'église Saint-Martin de Laon, qui date de la fin du XIIIe siècle ou du commencement du XIVe.

Nous en donnons (fig. 12) une vue perspective. Voulant donner une grande importance aux deux tourelles flanquantes, l'architecte a senti que le pignon entre ces deux clochetons paraîtrait maigre; aussi l'a-t-il accompagné d'une galerie aveugle qui termine ainsi, comme masse, carrément le portail, et cependant il n'a pas voulu mentir au principe, et a fait reparaître la trace du comble à travers cette galerie.
Un peu avant la construction de Saint-Martin de Laon, le célèbre architecte Libergier, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, avait élevé, sur le portail de l'église de Saint-Nicaise à Reims, un pignon relié aux deux tours de la façade par une galerie à jour, ce qui était bien plus vrai que le parti adopté à Saint-Martin de Laon. Cette galerie mettait d'ailleurs en communication les étages supérieurs des clochers 122. Le pignon de Saint-Nicaise de Reims était percé de trois oeils circulaires éclairant le comble, et son nu était décoré d'une imbrication, dernier vestige de cette tradition romane que nous voyons acceptée franchement dans le pignon de l'église de Saint-Étienne de Beauvais, donné plus haut, et dans des pignons des provinces du Centre et de l'Ouest. Comme à la cathédrale de Reims, le pignon occidental de l'église de Saint-Nicaise était doublé, se répétait au droit des faces postérieures des tours, et ce second pignon était, comme celui antérieur, relié aux tours par une galerie à jour semblable à celle de la face. On conçoit combien cette claire-voie doublée devait produire d'effet en perspective. Nous donnons (fig. 13) un géométral du pignon de Saint-Nicaise 123. Il faut dire que les colonnettes supportant la galerie étaient jumelles, afin de donner l'épaisseur nécessaire au passage courant sur l'arcature (voy. le détail en coupe A).

Il ne faut pas croire que l'architecture religieuse seule élevait des pignons d'une grande importance et richesse. Le pignon de la salle du palais à Poitiers est un des plus riches qu'on puisse imaginer et des plus singuliers comme composition. À sa base, à l'intérieur, est établie une cheminée qui embrasse toute sa largeur; les tuyaux de cette cheminée traversent hardiment les fenêtres qui s'ouvrent dans le pignon. On peut prendre une idée de cette composition en examinant la figure 10 à l'article CHEMINÉE (XVe siècle). Le pignon de la grand'salle du château de Coucy était aussi très-richement décoré sur le dehors (voy. SALLE), et surmonté d'une statue colossale. Une baie immense s'ouvrait sous son triangle et éclairait largement la salle dans sa longueur. Ce pignon appartenait aux constructions élevées par Louis d'Orléans pendant les premières années du XVe siècle. Parmi les pignons d'architecture civile, plus simplement traités, il faut citer ceux du logis du château de Pierrefonds. Nous en présentons (fig. 14) deux spécimens.

Ils se combinent avec les crénelages du château, ainsi qu'on peut le voir en A. Derrière le crénelage ressautant, suivant le rampant du comble, est posé l'escalier de service pour les couvreurs, et pouvant même au besoin être garni de défenseurs. En B est donnée la coupe de ce pignon, l'emmarchement étant profilé en a et le faîtage du comble en b.
Le pignon C, qui appartient au même château, est muni d'un triple tuyau de cheminée d qui interrompt le degré, lequel alors se continue au moyen de marches de plomb sur le comble. En D, nous donnons l'un de ces pignons de granges du XIIIe siècle, avec son contre-fort d'axe destiné à contre-buter la poussée des arcs portant sur une épine de colonnes et soulageant les portées de la charpente. Les architectes du moyen âge ne se faisaient pas faute de munir les pignons de contre-forts suivant les distributions intérieures, soit pour accuser des murs de refend, soit pour contre-buter des arcs. Ils faisaient preuve, dans cette partie importante de leurs édifices, de la liberté que nous aimons à trouver dans leurs oeuvres les plus modestes comme les plus riches. Le pignon accuse la coupe transversale d'un édifice, c'est donc la partie qui indique le plus clairement sa construction et sa destination; les architectes ont compris ainsi sa fonction, et ils se sont bien gardés de la cacher. À voir un pignon du dehors, on saisit facilement les diverses divisions du bâtiment et sa structure, s'il est voûté ou lambrissé, s'il ne possède qu'un rez-de-chaussée, ou s'il se compose de plusieurs étages. Habituellement, les cheminées sont placées dans l'axe des pignons, afin d'amener facilement leurs tuyaux jusqu'au faîte du comble et d'éviter leur isolement. Ces tuyaux forment alors de véritables contre-forts creux qui roidissent les grands triangles de maçonnerie et leur donnent plus d'assiette. L'établissement des pignons dans les édifices civils avait encore l'avantage d'éviter les croupes en charpente d'une construction et d'un entretien dispendieux, et de fournir de beaux dessous de combles bien fermés, aérés et sains.
PILASTRE, s. m. (ante). Pendant l'antiquité grecque, le pilastre, ou plutôt l'ante, est, ainsi que ce mot l'indique assez, une tête de mur ou une chaîne saillante élevée au retour d'équerre d'un mur.

Sur le mur d'une cella, l'ante est le renfort élevé en A ou en B (fig. 1), lequel renfort porte un chapiteau et s'appuie quelquefois sur une base. Dans l'architecture romaine, ce qu'on appelle pilastre, est la projection d'une colonne sentie sur le nu d'un mur par une faible saillie.

A (fig. 2) étant une colonne, B est son pilastre: quelquefois la colonne isolée ou engagée disparaît, comme par exemple autour de l'étage supérieur du Colisée à Rome, et le pilastre reste seul. Les Grecs n'ont jamais, pendant la belle époque, donné à l'ante le même chapiteau qu'à la colonne; mais, sous l'empire, le chapiteau du pilastre n'est que la projection du chapiteau de la colonne, comme le pilastre lui-même n'est que la projection du fût. Si le pilastre est seul, s'il n'est pas la projection d'une colonne, il possède le chapiteau d'un ordre dorique, ionique, corinthien ou composite, mais ne prend pas un chapiteau spécial.
Dans les premiers temps du moyen âge, les architectes ne prennent pas la peine de projeter la colonne adossée sur le mur d'adossement, mais ils placent parfois des pilastres comme décoration ou renfort d'un mur. On voit de petits pilastres à l'extérieur du monument de Saint Jean à Poitiers; on en retrouve sur le pignon occidental de la basilique latine de Saint-Front de Périgueux, accompagnant deux étages d'arcatures 124, et, plus tard, vers la fin du Xe siècle, à l'intérieur même de cet édifice. Ces pilastres, couronnés par des chapiteaux pseudo corinthiens, portent une arcature haute (dans les tympans fermant les grandes travées des coupoles) qui forme un passage continu tout autour de l'édifice. Des fenêtres sont ouvertes, dans l'arcature au droit du choeur et du transsept. Mais cet exemple que l'on trouve répété dans la partie ancienne de l'église de la cité (cathédrale) à Périgueux, n'est pas suivi généralement dans les édifices de l'Ouest. La colonne engagée remplace le pilastre, tandis que, dans la haute Bourgogne, le Morvan et la haute Champagne, le pilastre romain persiste fort tard, jusqu'au commencement du XIIIe siècle. Il existe encore à Autun deux portes de ville de l'époque gallo-romaine, les portes d'Arroux et de Saint-André, qui sont couronnées par un chemin de ronde consistant en une suite d'arcades entre lesquelles sont disposés des pilastres, cannelés à la porte d'Arroux, lisses à la porte Saint-André. Cette arcature avec pilastres servit évidemment de type aux architectes qui, au XIIe siècle, élevèrent les cathédrales d'Autun et de Langres, et les églises de Saulieu et de Beaune. Mais soit qu'il existât encore à cette époque de grands monuments romains avec pilastres, soit que les galeries des portes romaines d'Autun aient inspiré aux architectes l'idée de se servir du pilastre, et du pilastre cannelé, dans la composition des piles mêmes des édifices précités, nous voyons le pilastre appliqué en grand à Langres, à Autun et dans quelques autres, monuments de ces contrées. À Langres, de grands pilastres pseudo-corinthiens forment la tête des contre-forts de l'abside à l'extérieur. À la cathédrale d'Autun, les piliers intérieurs sont cantonnés de pilastres cannelés (voy. PILIER). À Vézelay même, dans la nef, au-dessus des archivoltes des bas côtés, des pilastres portent les formerets de la grande voûte, tandis qu'on ne voit jamais de pilastres employés dans les édifices romans de l'Île-de-France. Le pilastre est quelquefois employé aussi dans certains monuments romans de la Provence, et il est habituellement cannelé. De fait, dans l'architecture française du moyen âge, le pilastre est une exception, son emploi est dû à la présence de monuments romains voisins.
PILE, s. f. Voy. PILIER.
PILIER, s. m. Support vertical de pierre isolé, destiné à porter les charpentes ou les voûtes des édifices. Le pilier appartient à l'architecture du moyen âge. Les Grecs ni les Romains n'élevaient, à proprement parler, de piliers, car ce nom ne peut être donné à la colonne non plus qu'à ces masses épaisses et compactes de blocages qui, dans les grands édifices romains, comme les salles des Thermes, par exemple, supportent et contre-butent les voûtes. Le pilier est trop grêle à lui seul pour résister à des poussées obliques; il faut, pour qu'il puisse conserver la ligne verticale, qu'il soit chargé verticalement, ou que les résultantes des poussées des voûtes agissant sur lui se neutralisent de manière à se résoudre en une pression verticale. Lorsque les nefs d'églises, les salles, étaient couvertes par des charpentes, il n'était pas besoin de donner aux piliers une force extraordinaire, et de chercher, par la combinaison de leur section horizontale, à résister aux pressions obliques des voûtes; mais dès que l'on prétendit substituer la voûte aux charpentes pour fermer les vaisseaux, les constructeurs s'ingénièrent pour donner aux piliers des formes propres à remplir cette nouvelle destination. Ils augmentèrent d'abord démesurément le diamètre de la colonne cylindrique, puis ils groupèrent plusieurs colonnes; puis ils cantonnèrent les piliers à section carrée de colonnes engagées; ils cherchèrent ainsi des combinaisons résistantes jusqu'au moment où l'architecture adopta, vers le milieu du XIIe siècle, un système de structure entièrement nouveau. Alors le pilier ne fut plus que le dérivé de la voûte ou de la pression agissant sur lui.
Mieux que tout autre membre de l'architecture, le pilier, pendant le moyen âge, exprime les essais, les efforts des architectes et les résultats logiques des principes qu'ils admettent au moment où l'art vient aux mains des écoles laïques; aussi devrons-nous entrer dans des explications assez étendues à propos des curieuses transformations que subit le pilier du Xe au XVe siècle.
Dans la basilique romaine, le pilier n'est autre que la colonne portant un mur vertical, soit au moyen de plates-bandes, soit au moyen d'arcs. Sur deux rangs de colonnes s'élevaient deux murs; sur ces deux murs, de l'un à l'autre, une charpente. Pression verticale, assez faible d'ailleurs, par conséquent résistance suffisante si les colonnes étaient de pierre dure, de granit ou de marbre. Des murs de brique bien faits ne pèsent guère; des charpentes, si larges qu'elles soient, n'exercent qu'une pression assez faible. Mais quand à l'art de la construction pratiquée par les Romains, on tomba dans une grossière imitation de cet art, on dut substituer à des murs minces, bien liaisonnés, garnis de mortier excellent, revêtus d'enduits indestructibles ou bâtis de pierres d'appareil posées à joints vifs, des murs de moellons smillés, mal liaisonnés, remplis de mauvais mortier; dès lors il fallait nécessairement donner à ces murs une plus forte épaisseur, partant un poids plus considérable, aux colonnes ou piliers une plus large section. D'ailleurs les constructeurs romans, pendant la période carlovingienne, ne pouvaient ni extraire ni tailler des colonnes de marbre, de granit ou de pierre dure monolithes; ils composaient celles-ci par assises de pierres basses et même quelquefois de moellons. Les piliers renforcés ne résistaient pas toujours aux charges qu'on leur imposait, ils se gerçaient, se lézardaient; on en vint à augmenter démesurément leur force pour éviter ces accidents, on adopta les sections rectangulaires: leurs assises étaient ainsi plus faciles à poser et plus résistantes; souvent on leur donna une épaisseur plus forte que celle des murs dont ils avaient à supporter la charge.
Beaucoup de monuments des Xe et XIe siècles ont conservé des piliers dans la construction desquels on observe les tâtonnements, les essais des constructeurs, rarement satisfaits du résultat obtenu; car ces piliers étaient non-seulement disgracieux, mal reliés aux parties supérieures, mais encore ils prenaient une place considérable, encombraient les intérieurs et gênaient la circulation. Aussi n'est-il pas rare alors de voir dans un même édifice des piliers bâtis en même temps affectant des formes différentes, comme si les architectes dussent les essayer toutes, dans l'impossibilité où ils se trouvaient d'en trouver une qui pût les contenter. Pendant le XIe siècle nous voyons employer simultanément les piliers à section carrée, carrée avec arêtes abattues, circulaire, lobée, carrée cantonnée de demi-cercles, barlongue, circulaire, entourée d'une série de sections de cercle, etc.; mais rien n'est arrêté, rien n'est définitif, aucun système ne prévaut.
Dans la petite église de Vignory (Haute-Marne) 125, les murs de la nef sont supportés par une suite de piliers à section barlongue; puis la dernière travée près du choeur présente des piliers à section circulaire (fig. 1). Au-dessus du pilier à section circulaire A est posé, pour former le faux triforium B, un pilier à section carrée dont les angles sont arrondis 126.

L'architecte, se défiant de la petitesse de ses matériaux, n'a pas osé élever les piles de la nef jusqu'à la hauteur du lambris des combles des bas côtés, il les a étrésillonnées dans le sens de la longueur par des arcs C (voy. la coupe) qui portent une claire-voie n'ayant d'autre destination que de rendre le mur de la nef moins lourd et de décorer cet intérieur.

Dans l'église de Bonneuil-en-France (Seine-et-Oise), nous voyons des piliers du XIe siècle, dont la section est donnée en A, fig. 2, portant des archivoltes à doubles claveaux; mais ici l'esprit méthodique des artistes de l'Île-de-France apparaît: la section de ces piliers est motivée par la construction supérieure, on sent là l'influence d'une école dont les principes sont déjà raisonnés. Ces piliers sont bien construits en assises régulières. Les profils sous les arcs ne se retournent pas sur les faces, ce qui est parfaitement justifié par la construction.
Dans la nef de l'église Saint-Rémi de Reims, élevée vers la fin du Xe siècle (nous parlons des constructions primitives), on voit des piliers dont la forme singulière ne paraît motivée en aucune manière.


Ces piliers (fig. 3 et 3 bis) se composent d'un faisceau de segments de colonnettes dont la section horizontale donne le tracé reproduit dans la figure 3. Un cercle ayant été tracé avec le rayon AB, ce cercle est le socle de la pile; ayant été divisé en sept parties égales, on a obtenu un polygone qui donne le plinthe des bases des colonnettes. Le rayon AB ayant été divisé en deux parties égales, AC, BC, les points C ont donné les centres des sept grosses colonnettes. La rencontre des segments de ces grosses colonnettes a donné le centre des sept autres colonnettes dont les tores des bases sont tangents aux côtés du polygone. Les archivoltes HH, II, le nu du mur FG, posent assez gauchement sur cette pile, comme il est facile de le reconnaître par le tracé. L'arc-doubleau KL du collatéral prend sa naissance au-dessous de celle des archivoltes, ce qui fait que le tailloir des chapiteaux sous cet arc-doubleau vient buter contre les fûts de la pile, et que les tailloirs des chapiteaux portant les archivoltes pénètrent dans l'arc-doubleau. La perspective de cette pile (fig. 3 bis) explique d'ailleurs ces bizarreries, et comment tous les chapiteaux, sauf ceux portant l'arc-doubleau, sont inscrits dans un cercle qui est de même diamètre que celui donnant la projection horizontale du socle. Il semblerait que l'architecte a voulu obtenir ici une puissante résistance et une apparence légère par ces divisions du gros fût en portions de cylindres se pénétrant.

Dans l'église de Saint-Aubin de Guérande, la nef, dont la construction date de 1130 environ, repose sur des piliers alternativement cylindriques et composés. Voici (fig. 4) l'un de ces derniers. La section horizontale tracée en A donne quatre grosses demi-colonnes de 60 centimètres de diamètre, et quatre plus menues de 40 centimètres de diamètre. Les bases de ces colonnes sont circulaires, et reposent sur un plateau également circulaire, enveloppant les huit bases partielles et formant socle. La projection horizontale de ce plateau donne celle du tailloir commun aux huit chapiteaux, et portant sur la face, un pilier C dont la section est un trapèze, des archivoltes à double rang E, D, et un arc-doubleau G sur le bas côté. Le pilier C (voy. l'élévation F) ne portait que les entraits de la charpente, cette nef n'ayant pas été voûtée primitivement. La construction de ces piliers est beaucoup mieux entendue que celle des piliers de l'église de Saint-Remi de Reims, car ici chaque colonne engagée a déjà sa fonction distincte et bien motivée. Le tracé perspectif B fait comprendre la disposition des huit chapiteaux groupés sous le tailloir circulaire 127.
L'église de Lons-le-Saulnier nous montre une nef du XIIe siècle portée sur des piliers alternativement cylindriques et à section polygonale, terminés par des amortissements carrés formant chapiteaux et recevant en plein les sommiers des archivoltes (fig. 5).

Le XIIe siècle présente une grande variété de piliers. Les constructeurs, cherchant les moyens d'élever des voûtes sur les nefs romanes, qui jusqu'alors en étaient habituellement dépourvues (dans les provinces du Nord du moins), passaient de la forme primitive de la colonne monocylindrique à la section carrée, au groupe de cylindres, aux plans carrés cantonnés de colonnes engagées, sans trouver la forme qui convenait définitivement à ces supports; car chaque jour amenait un nouveau mode dans la structure des voûtes, et bien souvent, pendant que l'on élevait les piliers, il survenait un perfectionnement dans la manière de disposer les sommiers qui ne trouvait que difficilement son emploi sur des piles préparées antérieurement à la connaissance de ce progrès. C'est ce qui explique comment, dans beaucoup d'édifices de la dernière période romane, on voit des arcs reposant gauchement sur des piliers qui évidemment n'avaient pas été tracés en prévision de la forme de ces voûtes.
Il est une école cependant qui tâtonne peu, c'est l'école bourguignonne, ou plutôt l'école de Cluny. Aussi est-ce dans les édifices dus à cet ordre que l'on voit déjà, dès le commencement du XIIe siècle, apparaître des piles très-franchement disposées pour recevoir les voûtes telles qu'on les concevait à cette époque. Les piles de la nef de l'église abbatiale de Vézelay, élevée à la fin du XIe siècle et pendant les premières années du XIIe, sont déjà tracées sur un plan coïncidant parfaitement avec la construction des voûtes. Elles sont formées par la pénétration de deux parallélogrammes rectangles cantonnés de quatre colonnes cylindriques engagées.

La figure 6 donne en A la section horizontale de ces piles au niveau ab, et en B leur section au niveau cd. C donne la face de la pile du côté de la nef, et D la coupe de la travée sur le milieu des archivoltes. On voit qu'au-dessus du bandeau G, le mur de la nef se retraite pour dégager des pilastres H qui sont destinés à porter déjà des formerets I, sur lesquels s'appuient les voûtes d'arête sans arcs ogives. Des contre-forts K étaient seuls destinés primitivement à contre-buter les grandes voûtes, et reposaient sur les sommiers L des arcs-doubleaux des bas côtés. Ici les chapiteaux sont placés aux naissances des archivoltes et des arcs-doubleaux, de sorte qu'ayant les mêmes diamètres, les colonnes engagées antérieures X sont beaucoup plus longues que les colonnes M et N. Ainsi, dès cette époque, le principe de soumettre les hauteurs des colonnes aux naissances des arcs est admis. Ce sont les voûtes qui commandent l'ordonnance. Les colonnes ne sont engagées que d'un tiers, afin de laisser à leur diamètre toute leur pureté, ce qui est un point important, car toute colonne engagée de la moitié de son diamètre, par l'effet de la perspective, ne paraît jamais posséder son épaisseur réelle. Il est évident que dans la nef de Vézelay, l'architecte a su, dès la base de l'édifice, comment il le pourrait voûter; les arcs-doubleaux reposent en plein sur les saillies des chapiteaux et sur les dosserets auxquels les colonnes sont adossées; les formerets de la grande voûte trouvent leurs points d'appui, et les arêtes des voûtes leur place dans des angles rentrants, comme dans la structure romaine.
Les piliers de la cathédrale d'Autun, d'une époque plus récente (1140 environ), mais appartenant à cette belle école de la haute Bourgogne, méritent également de fixer notre attention. Ils se composent, suivant la section horizontale, de deux parallélogrammes se pénétrant, cantonnés, non de colonnes engagées, mais de pilastres cannelés. Il faut observer que la nef principale de cette église est voûtée en berceau, et non point par des voûtes d'arête, comme à Vézelay. Ses piliers sont, d'ailleurs, parfaitement disposés pour ce genre de construction.

La section A est faite sur ab (fig. 7), la section B sur cd, la section C sur ef. Les arcs-doubleaux D reposent sur la tête du pilastre montant de fond, et le nerf qui les cerne à l'extrados, sur les colonnettes E. Les pilastres latéraux i s'arrêtent à la naissance des archivoltes des collatéraux, et celui postérieur reçoit, au même niveau, l'arc-doubleau de la voûte du bas côté. C'est donc, comme à Vézelay, la naissance des arcs des voûtes qui détermine la hauteur des colonnes ou pilastres engagés; mais pour ne pas donner au pilastre antérieur une proportion démesurément allongée, l'architecte a eu le soin de le couper par les bandeaux n et m. Il n'est pas nécessaire de faire ressortir l'étude des proportions et des détails qui perce dans cet exemple d'architecture. On croirait voir là un fragment de ces monuments gréco-romains si délicats que M. le comte Melchior de Vogué a découverts dans les environs d'Antioche et d'Alep. Il n'est pas jusqu'à la sculpture qui ne rappelle cette école orientale si brillante au Ve siècle; et bien que les portes gallo-romaines d'Autun aient pu inspirer aux architectes de la cathédrale du XIIe siècle le motif de l'arcature du triforium, ceux-ci ont été certainement prendre ailleurs leurs profils et leur ornementation, ces profils et ornements étant d'un tout autre style que ceux des édifices gallo-romains et d'une exécution bien supérieure.
Ce motif de piliers a été suivi dans la construction des églises Notre-Dame de Beaune, de Saint-Andoche de Saulieu et de la cathédrale de Langres, car la cathédrale d'Autun a fait école.
L'école de l'Île-de-France, au moment où l'architecture passait aux mains des architectes laïques, devait rompre avec ces traditions qui semblaient si bien établies dans les contrées de la Bourgogne et de la haute Champagne. Vers 1160, ces architectes de l'Île-de-France tentaient d'associer les anciennes données romanes au nouveau système de structure qu'ils inauguraient; ils conservaient encore la colonne monocylindrique et ne commençaient l'ordonnance imposée par les voûtes d'arête en arcs ogives qu'au-dessus de ces colonnes.

Ce principe est franchement accusé dans l'intérieur de la cathédrale de Paris. Les piliers du choeur de cette église, élevés vers 1162, et ceux de la nef, vers 1200, présentent à peu près les mêmes dispositions. Les piliers du choeur, dont nous donnons la section horizontale (fig. 8), se composent d'un gros cylindre de 1m,30 de diamètre (4 pieds), portant un large chapiteau à tailloir carré, sur lequel reposent les archivoltes portant les murs ab, cd, les arcs-doubleaux du collatéral e et les arcs ogives f. Les trois colonnettes g, h, h, s'élancent jusqu'aux naissances des grandes voûtes pour porter les arcs-doubleaux et les arcs ogives ou les formerets. À la hauteur du triforium, la section monocylindrique du pilier se divise, comme l'indique la figure, en autant de membres qu'il y a de nerfs de voûtes à porter.

Dans la nef (fig. 9), la section de la pile du triforium se simplifie; la pile, construite par assises, ne présente que des retours d'équerre, des pilastres, et les colonnettes sont détachées en monolithes. Plus tard, aux piles avoisinant les tours, vers 1210, les constructeurs ont même accolé après coup, à la grosse colonne monocylindrique du rez-de-chaussée, une colonne engagée A pour supporter l'apparence de porte-à-faux des colonnettes antérieures assises sur le tailloir, ou plutôt pour épauler le gros cylindre et arrêter son déversement. C'était une transition.

Voici (fig. 10) quelle est la construction des piles de la nef de Notre-Dame de Paris en élévation 128. Il est clair que l'ordonnance propre au nouveau système de structure adopté alors ne commence qu'à partir du niveau A, c'est-à-dire au-dessus du tailloir des chapiteaux des colonnes du rez-de-chaussée. Celles-ci constituent une ordonnance séparée, un quillage inférieur. Ce principe persiste plus longtemps dans l'Île-de-France que partout ailleurs, ce n'est qu'avec peine que les architectes l'abandonnent. Déjà cependant, à Paris, dans la construction de la cathédrale même, ils avaient élevé, dans les collatéraux de la nef, des colonnes monocylindriques cantonnées de colonnes monostyles (voy. CONSTRUCTION, fig. 92 et 93); mais ce parti leur avait été imposé par la nécessité de donner à ces points d'appui une résistance exceptionnelle. Nous voyons qu'à la cathédrale de Laon, sans aucune raison apparente, vers la même époque, c'est-à-dire vers 1200, les architectes ajoutent aux gros cylindres du rez-de-chaussée de la nef des colonnes monostyles détachées, comme un essai, une tentative, un acheminement vers un nouveau système de structure des piles. Sur vingt piles qui portent le triforium et les voûtes de la nef de Notre-Dame de Laon, quatre seulement présentent cette particularité de colonnettes posées aux angles du tailloir et sur la partie antérieure, ainsi que l'indique la section horizontale (fig. 11).
En bas du portail est représentée, à droite et à gauche, la légende de saint Martin.
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La légende de saint Étienne est représentée dans le tympan de la porte.
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Voy. CLOCHER, fig. 75.
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Voyez la gravure précieuse de De Son, Rémois (1625). Cette belle et unique église dans son genre a été détruite, sans raison comme sans nécessité, au commencement du siècle.
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Voyez, dans l'Architecture byzantine en France, par M. Félix de Verneilh, 1851, la description de l'église latine de Saint-Front, p. 93.
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Du Xe au XIe siècle.
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Voyez la monographie de l'église de Vignory donnée d'après les dessins de M. Boeswilwald (Archiv. des monuments histor. publiées sous les auspices du ministre d'État).
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Ces dessins nous ont été fournis par M. Gaucherel.
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Voy. CATHÉDRALE, fig. 2 et 4.
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