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Kitabı oku: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P)», sayfa 11

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Les trois colonnettes a, b, b, soulagent le tailloir du gros chapiteau, et reçoivent les cinq colonnettes qui portent l'arc-doubleau, les arcs ogives et les formerets des grandes voûtes. Quant aux colonnettes c, elles reçoivent les sommiers des arcs ogives des voûtes des bas côtés. En perspective, ces piliers présentent donc l'aspect reproduit dans la figure 12.



Ces quatre piliers sont, il est vrai, posés sous les retombées des voûtes, qui, à Laon comme à Notre-Dame de Paris, embrassent deux travées, mais on ne s'explique pas pourquoi ce système, qui est très-bon, n'a pas été suivi tout le long de la nef. Les bagues A forment une assise qui relie les fûts supérieurs B aux fûts inférieurs C. Les constructeurs de la cathédrale de Laon n'avaient pas le beau liais cliquart de Paris, et ils ne pouvaient tailler de colonnettes monostyles d'une grande longueur.

Aussi reliaient-ils les fûts par ces assises de bagues qui se répétaient plusieurs fois dans la hauteur des piliers, comme on le voit en D. On observera que le chapiteau de la grosse colonne comprend deux assises, tandis que les chapiteaux des colonnettes en délit sont pris dans une seule assise faisant corps avec la deuxième assise du gros chapiteau. Ce principe est suivi assez rigoureusement pendant les premières années du XIIIe siècle (voy. CHAPITEAU).

Quelques années avant la construction de la cathédrale de Laon, c'est-à-dire vers 1170, on élevait dans la même ville la nef et le choeur de l'église Saint-Martin, et l'architecte conservait le corps de la pile romane, formée, en section horizontale, de parallélogrammes se pénétrant avec colonne engagée du côté de la grande nef pour recevoir l'arc doubleau; mais dans les quatre angles rentrants laissés par les parallélogrammes, cet architecte posait déjà des colonnettes en délit pour recevoir les arcs ogives des hautes et basses voûtes (fig. 13).



Ces colonnettes, composées de plusieurs morceaux, étaient retenues par des bagues, ainsi que le fait voir la vue perspective. Mais ces piles avaient l'inconvénient de donner une section considérable prenant beaucoup de place, gênant la circulation et masquant la vue du sanctuaire; cependant ces quatre colonnettes, disposées pour recevoir les arcs ogives, avaient probablement fait naître aux architectes de la cathédrale de Laon l'idée de cantonner leur pilier cylindrique de cinq colonnettes, l'une destinée à porter l'arc-doubleau de la grande nef, et les quatre autres à porter les arcs ogives. Bientôt on prit un parti plus radical, on cantonna la grosse colonne cylindrique de quatre colonnes engagées, recevant les deux arcs-doubleaux et les deux archivoltes; les arcs ogives des collatéraux retombèrent alors sur le gros chapiteau du cylindre principal, et ceux des voûtes de la grande nef sur des colonnettes en délit portant sur la saillie du tailloir. C'est suivant ce système que furent élevés les piliers de la cathédrale de Reims (fig. 14).



En A nous donnons la section de ces piliers au niveau du rez-de-chaussée, la grande nef étant du côté N. Les gros cylindres ont 1m,60 de diamètre (5 pieds); dans le sens de la coupe en travers, les piliers, compris les colonnes engagées, ont 2m,48, et dans le sens de la nef 2m,40 seulement. C'était une précaution prise pour donner à ces piliers un peu plus d'assiette dans le sens de la poussée des voûtes.

L'appareil de ces piliers est donné par Villard de Honnecourt et est reproduit dans notre figure. Villard de Honnecourt a bien le soin de nous dire que cet appareil avait été combiné afin de cacher les joints des tambours; il n'est pas besoin d'ajouter que l'appareil se chevauche de deux en deux assises. Au niveau du triforium, en ab (voy. l'élévation B), le pilier adopte la section C. La colonne engagée d fait corps avec la bâtisse, c'est-à-dire qu'elle est élevée par assises, tandis que les colonnettes e recevant les arcs ogives des grandes voûtes, et les colonnettes f recevant les formerets, sont rapportées en délit, maintenues par les bandeaux g, h, qui font bagues, et les chapitaux i et l. L'architecte de Notre-Dame de Reims n'avait pas encore une théorie bien arrêtée sur l'équilibre des voûtes dans les grands édifices gothiques, et il avait cru devoir donner à ses piliers une très-forte section; il avait, au niveau du triforium, cru devoir élever encore un gros contre-fort en porte-à-faux pour asseoir les piles recevant les arcs-boutants (voy. CATHÉDRALE, fig. 14). L'architecte de la cathédrale d'Amiens fut plus hardi: il donna une section beaucoup plus faible à ses piliers, et ne songea à les maintenir dans leur plan vertical que par le secours des arcs-boutants (voy. CATHÉDRALE, fig. 20).

D'autres constructeurs avaient essayé des colonnes jumelles dans les cathédrales de Sens et d'Arras (voy. la section D) (1160), ou plus tard des colonnes avec une seule colonnette adossée (voy. la section E), ou encore des colonnes à section ovale, comme dans le choeur de la cathédrale de Seez (fin du XIIIe siècle) (voy. la section F), dominés qu'ils étaient par cette idée de résister aux poussées et de prendre le moins de place possible, de ne pas obstruer la vue des nefs et des sanctuaires.



Les exemples de piliers empruntés aux cathédrales de Reims et d'Amiens nous font voir seulement une grosse colonne centrale cantonnée de quatre colonnes engagées; les colonnettes destinées à porter les arcs ogives et les formerets ne prennent naissance qu'au-dessus du chapiteau inférieur. Vers le milieu du XIIIe siècle déjà on faisait descendre les colonnettes des arcs ogives des grandes voûtes jusqu'à la base même du pilier; puis bientôt on voulut porter les arcs ogives des voûtes des collatéraux sur des colonnettes spéciales; les piliers prirent donc la section donnée par la figure 15: A étant le côté faisant face à la grande nef et B la partie du pilier en regard du collatéral. Dès l'instant que l'on admettait que les arcs ogives, comme les archivoltes et les arcs-doubleaux, devaient posséder leur colonnette montant de fond, il était logique d'admettre que les formerets eux-mêmes possédassent leurs supports verticaux, et même que les membres de ces nefs de voûtes eussent chacun un point d'appui spécial. On multiplia donc les colonnettes autour du cylindre central, et les moulures elles-mêmes des arcs vinrent mourir sur la base du pilier. Ce parti tendait à faire supprimer les chapiteaux, car à quoi bon un chapiteau dès que la moulure formant l'arc se continue le long du pilier? Vers 1230 déjà, les colonnettes cantonnant les piliers ne sont plus détachées, monostyles, mais tiennent aux assises mêmes de la pile. Ces colonnettes, en se multipliant, devenaient trop grêles pour qu'il fût possible de les tailler dans une pierre posée en délit, et même alors comme il devenait très-difficile, sans risquer de faire casser les pierres, de fouiller au ciseau les angles rentrants, jonctions des colonnettes avec le noyau, on adoucissait ces angles, ainsi que le fait voir la section (fig. 16).



Il résultait de cette nécessité pratique une succession de surfaces courbes, molles, qui ne donnaient que des ombres indécises; il fallait trouver sur ces surfaces des arrêts de lumière qui pussent accuser les nerfs principaux. Les architectes eurent alors l'idée de réserver sur le devant de chaque colonnette une arête qui accrochât la lumière et fit ressortir la saillie du nerf cylindrique (voy. en A, fig. 16). Il résultait de l'adoption de ce principe, que la colonnette, mariée au noyau principal par une gorge et armée d'un nerf saillant, passait de la forme cylindrique à la forme prismatique.

Dès la fin du XIIIe siècle, l'école champenoise, qui, à partir de 1250, avait pris les devants sur les autres écoles gothiques, cherchait des sections de piliers qui fussent rigoureusement logiques, c'est-à-dire qui ne fussent que la section, réunie en faisceau, des arcs que portaient ces piliers. Alors les profils des arcs commandaient impérieusement les sections des piles, et, pour tracer un pilier, il fallait commencer par connaître et tracer les divers membres des voûtes.

Les gens qui élevèrent l'église Saint-Urbain de Troyes, vers 1290, prirent, dès cette époque, le parti radical que nous venons d'indiquer; mais on comprendra facilement que la forme consacrée du gros pilier cylindrique central ne devait plus s'accorder avec ce système nouveau, la réunion en faisceau de tous ces nerfs d'arcs ne pouvant se résoudre en un cylindre, même en y joignant des appendices comme on l'avait fait précédemment et comme l'indiquent les figures 15 et 16. Il fallait abandonner absolument la tradition de la grosse colonne centrale, qui persistait encore vers le milieu du XIIIe siècle. Entraînés par la marche logique de leur art, les constructeurs de Saint-Urbain n'hésitèrent pas, et nous voyons que dans le même édifice et pendant un espace de temps très-court (dix ans au plus), ils abordent franchement le pilier prismatique, en supprimant les chapiteaux.



La figure 17 présente en A une des quatre piles du transsept. Cette pile porte deux arcs-doubleaux B des grandes voûtes, deux archivoltes C de bas côtés, la branche d'arc ogive D de la voûte de la croisée, deux branches d'arcs ogives E des voûtes hautes, et la branche d'arc ogive F de la voûte du collatéral. Son plan affecte la forme donnée par les profils de ces huit arcs, et place les points d'appui verticalement sous la trace des sommiers de ces arcs. La première pile de la nef, dont la section est donnée en G, indique de même la projection horizontale des sommiers des archivoltes B', des arcs ogives E' des grandes voûtes, et des arcs ogives E'' des voûtes des bas côtés, ainsi que celle des arcs-doubleaux H des grandes voûtes et I des basses voûtes. Ces piles portent encore des chapiteaux, très-bas d'assise, parce que le profil des arcs des voûtes n'est pas identique avec la section de ces piliers. Mais la seconde pile de la nef donne la section K, et est tracée de telle façon, que les archivoltes L, les arcs-doubleaux H et I, les arcs ogives M, viennent pénétrer exactement cette section, les membres a tombant en a', les membres b en b', les membres c en c', les membres d en d', etc. Mais, pour ne pas affaiblir la pile par des évidements, les cavets, gorges et profils e viennent rencontrer les surfaces pleines e', les arêtes vives f des boudins s'accusant sur la pile par les arêtes f'. Dès lors les chapiteaux sont supprimés. Une semblable tentative, datant des dernières années du XIIIe siècle, ne laisse pas d'être d'un grand intérêt, quand on voit que pendant le XIVe encore, dans la province de l'Île-de-France et en Normandie, on s'en tenait à des sections de piles n'accusant pas entièrement la section des arcs des voûtes, et nécessitant par conséquent l'emploi du chapiteau pour séparer les sommiers de faisceau des colonnettes des piliers.

L'église de Saint-Ouen de Rouen, dont le choeur date du XIVe siècle, présente des piliers qui sont tracés conformément à la section G, c'est-à-dire qui projettent avec quelques modifications les arcs-doubleaux et les arcs ogives des voûtes, et qui possèdent encore des chapiteaux; ce n'est qu'à la fin du XIVe siècle et au commencement du XVe que la donnée déjà adoptée à la fin du XIIIe siècle par l'architecte de Saint-Urbain de Troyes est définitivement acceptée, et que les piles ne sont que la projection réunie en faisceau des différents profils des arcs. Mais comme cette méthode, toute rationnelle qu'elle était, exigeait une main-d'oeuvre et par conséquent des dépenses considérables, souvent à cette époque on en revient au pilier monocylindrique, dans lequel alors pénétraient les profils des divers arcs des voûtes. C'est ainsi que sont construits les piliers de l'église basse du mont Saint-Michel en mer, et d'un grand nombre d'édifices construits de 1400 à 1500, particulièrement dans les constructions civiles, où l'on prétendait ne pas faire de dépenses inutiles. Toutefois il ne faut pas perdre de vue ce fait, savoir, qu'à dater de 1220, les architectes français, renonçant à la colonne monocylindrique pour porter les voûtes, cherchèrent sans interruption à transformer cette colonne en un support des membres saillants constituant la voûte, et par suite en un faisceau vertical de ces membres. Le pilier tendait ainsi chaque jour à n'être que la continuation des arcs des voûtes, et nous voyons que dès la fin du XIIIe siècle on était déjà arrivé à ce résultat. Le pilier n'étant que le faisceau vertical des arcs des voûtes, ce n'est plus, à proprement parler, un pilier, mais un groupe de moulures d'arcs descendant verticalement jusqu'au sol, c'est le tracé du lit inférieur des sommiers qui constitue la section horizontale de la pile; et en effet, ce tracé est si important dans les édifices voûtés, si impérieux, dirons-nous, qu'il devait nécessairement conduire à ce résultat. Dès 1220, les architectes gothiques ne pouvaient élever un monument voûté sans, au préalable, tracer le plan des voûtes et de leurs sommiers; il était assez naturel de considérer ce tracé comme le tracé du plan par terre, et de planter ces sommiers dès la base de sa construction: c'était un moyen de faire une économie d'épures, et surtout d'éviter des erreurs de plantation.

Les piliers, dans l'architecture civile, affectent des formes qui ne sont pas moins l'expression des nécessités de la construction, soit qu'ils portent des voûtes, soit qu'ils soutiennent des planchers. Ainsi, dans les étages inférieurs de l'évêché de Meaux, étages qui datent de la fin du XIIe siècle, nous voyons des piliers posés en épine qui portent des voûtes doubles, et dont la structure est assez remarquable.



Voici (fig. 18) leur section horizontale en A, et en B leur élévation. Les voûtes sont privées d'arcs-doubleaux. Ce sont des voûtes d'arête construites comme les voûtes romaines, avec un simple boudin en relief sur les arêtes et un angle obtus à la place occupée ordinairement par l'arc-doubleau (voy. la section C faite sur ab). Le pilier se compose d'un corps principal cylindrique, cantonné de quatre boudins également cylindriques (voy. la section A); les piles sont monolithes du dessus de la base à l'astragale du chapiteau.



Des maisons de la ville de Dol possèdent encore des piliers monolithes de granit et qui datent du XIIIe siècle. Ils portent des poitraux de bois et formaient portiques ou pieds-droits de boutiques. Voici (fig. 19) deux de ces piliers. En A est la section du pilier A', en B celle du pilier B'. Les architectes cherchaient toujours, avec raison, à éviter, dans la taille de ces piliers isolés ou adossés, les arêtes vives, qui s'épaufrent facilement et sont fort gênantes. Il suffit de s'être promené un jour de foule dans la rue de Rivoli, à Paris, pour reconnaître les inconvénients des arêtes vives laissées sur les piliers isolés: ce sont autant de lames blessantes placées au-devant des passants. Admettant que cela soit monumental, ce n'en est pas moins très-incommode.

Les architectes de la fin du XVe siècle ont non-seulement fait descendre le long des piles les profils prismatiques des arêtes des voûtes, mais encore ils se sont plu parfois à tordre ces profils en spirale, et à décorer d'ornements sculptés les intervalles laissés entre les côtes. On voit un curieux pilier ainsi taillé au fond du chevet de l'église de Saint-Séverin, à Paris. On en voit un composé de gros boudins en spirale dans l'église de Sainte-Croix de Provins. Ce sont là des fantaisies qui ne sauraient servir d'exemples et que rien ne justifie. La province de Normandie fournit plus qu'aucune autre ces étrangetés dues au caprice de l'artiste qui, à bout de ressources, cherche dans son imagination des combinaisons propres à surprendre le public. Les maîtres du moyen âge n'ont jamais eu recours à ces bizarreries. Ce n'est qu'en Angleterre que dès le XIIIe siècle naît ce désir de produire des effets surprenants. Déjà dans la cathédrale de Lincoln on voit des piliers de cette époque, composés avec une recherche des petits effets que l'on ne trouve dans notre école que beaucoup plus tard. Des exemples de piliers sont présentés dans les articles ARCHITECTURE RELIGIEUSE, CATHÉDRALE, CONSTRUCTION et TRAVÉE.

PINACLE, s. m. Couronnement, finoison, comme on disait au XIVe siècle, d'un contre-fort, d'un point d'appui vertical, plus ou moins orné et se terminant en cône ou en pyramide. Dans les monuments d'une haute antiquité, on signale déjà certains amortissements d'angles de frontons et de corniches qui sont de véritables pinacles 129: La plupart des monuments de notre période romane ont perdu presque tous ces couronnements supérieurs qui rappelaient cette tradition antique. Toutefois les ornements en forme de pomme de pin, qui terminent les lanternons de l'église de Saint-Front de Périgueux, peuvent bien passer pour de véritables pinacles. Ce n'est guère qu'au XIIe siècle que l'on commence à signaler des restes nombreux de ces sortes d'amortissements. Alors ils surmontent les angles des clochers carrés à la base des cônes ou des pyramides formant la flèche; ils apparaissent au-dessus des contre-forts aux angles des pignons. D'abord peu développés, ou en forme d'édicules, ils prennent, dès la fin du XIIe siècle, une assez grande importance; puis au commencement du XIIIe siècle, ils deviennent souvent de véritables monuments. Comme tous les membres de l'architecture de ce temps, les pinacles remplissent une fonction: ils sont destinés à assurer la stabilité des points d'appui verticaux par leur poids; ils maintiennent la bascule des gargouilles et corniches supérieures; ils arrêtent le glissement des tablettes des pignons; ils servent d'attache aux balustrades; mais aussi leur silhouette, toujours composée avec un art infini, contribue à donner aux édifices une élégance particulière. Quelquefois, pendant la période romane, ce sont des amortissements très-simples. Les contre-forts des XIe et XIIe siècles, dans le Beauvoisis, par exemple, sont souvent terminés, à leur extrémité supérieure, par un cône recourbé à la pointe. Ces contre-forts cylindriques présentent donc les amortissements reproduits dans les figures 1 et 2 130.



L'église collégiale de Poissy conserve encore, sur l'un des angles de l'escalier de l'abside terminé par une piramide octogone, un pinacle du commencement du XIIe siècle, dont nous donnons (fig. 3) un dessin perspectif.



Ce pinacle se compose de quatre colonnettes portant un groupe de chapiteaux taillés dans une même assise; un cône terminé par un fleuron couronne les chapiteaux. Ce pinacle est fort petit, 1m,30 de haut environ; il se trouve fréquemment adopté dans les édifices de cette époque à la base des piramides des flèches. Le clocher vieux de Chartres possède aux angles de la tour, à la naissance de la flèche, des pinacles d'une belle composition, qui servent en même temps de lucarnes (voy. FLÈCHE, fig. 4); ceux-ci datent du milieu du XIIe siècle.

Les donjons des châteaux possédaient aussi presque toujours leurs pinacles, probablement dès une époque reculée, si l'on s'en rapporte aux vignettes des manuscrits et aux représentations gravées qui nous restent de ces édifices. Au XIIIe siècle, nous en trouvons encore quelques-uns en place ou en fragments. Quelquefois même, comme à la tour de Montbard, ils sont directement posés sur les merlons des créneaux. Au donjon de Coucy, ils étaient au nombre de quatre, élevés sur l'épais talus qui couvrait la corniche de la défense supérieure (voy. DONJON, fig. 39). Mais l'époque brillante des pinacles est celle où les architectes commencèrent à élever des arcs-boutants, afin de contre-buter les grandes voûtes des nefs de leurs églises. Il fallait nécessairement, sur les contre-forts recevant ces arcs-boutants, ajouter un poids, une pression verticale destinée à neutraliser la poussée oblique de ces arcs et permettant de diminuer d'autant la section horizontale des piliers butants (voy. CONSTRUCTION). Si puissant que fussent d'ailleurs ces piliers, les arcs-boutants exerçaient leur action de poussée près de leur sommet, et pouvaient, si ces sommets n'étaient pas chargés, faire glisser les dernières assises. Il fallait donc au-dessus du départ de l'arc un poids vertical, une pression. Les architectes de l'école laïque comprirent bien vite le parti qu'ils pourraient tirer de cette nécessité, au point de vue de la décoration des édifices, et ils ne tardèrent pas à imaginer les plus belles et les plus gracieuses combinaisons pour satisfaire à cette partie du programme imposé aux constructeurs. Ils surent donc composer des pinacles tantôt très-simples pour les édifices élevés à peu de frais, tantôt très-riches, mais toujours entendus, comme silhouette et comme structure, d'une façon remarquable.

Parmi les plus beaux pinacles que nous possédons dans nos édifices français du XIIIe siècle, il faut citer, en première ligne, ceux qui terminent les contre-forts de la cathédrale de Reims. Ce sont là de véritables chefs-d'oeuvre de composition et d'exécution. On conçoit combien il est difficile de poser des édicules au sommet d'un monument, et de les soumettre à l'échelle adoptée pour l'ensemble, de ne point tomber dans la recherche et le mesquin. Tout en donnant à ces couronnements une extrême élégance, l'architecte de Notre-Dame de Reims a su les mettre en harmonie parfaite avec les masses énormes qui les avoisinent, et cela en les accompagnant de statues colossales qui présentent, tout le long de la nef et du choeur, une série non interrompue de grands motifs occupant le regard et faisant disparaître ce qu'il pourrait y avoir de grêle dans ces piramides à jour et dentelées.



Voici (fig. 4) un dessin perspectif de ces pinacles. Le calme et la simplicité de la composition n'ont pas besoin de commentaires pour être appréciés; le croquis que nous donnons, si loin qu'il soit de l'original, fait ressortir les qualités essentielles de l'oeuvre. Observons comme, dans ce détail purement décoratif, l'architecte a su éviter les banalités. Dans les parties décoratives de l'architecture, depuis l'époque de la renaissance, et plus particulièrement de nos jours, on a su si bien familiariser nos yeux avec ce que nous nommerons les chevilles de notre art, que nous avons perdu le sentiment de ce qui est vrai, de ce qui est à sa place, de ce qui est orné, en raison du lieu et de l'objet. Que voyons-nous ici dans cet immense appendice décoratif qui n'a pas moins de 24 mètres depuis la gargouille jusqu'au fleuron supérieur? 1° Une pile ou culée puissante, pleine de A en B, destinée à contre-buter la poussée de l'arc-boutant inférieur dont la pression oblique agit avec plus d'énergie que celle du second; 2° de B en C, une pile évidée, suffisante pour contre-buter la poussée du second arc-boutant, à la condition que cette pile évidée sera chargée d'un poids considérable; celui de la piramide CD; 3° en avant de la partie du contre-fort évidé, deux colonnes monolithes qui raidissent tout le système de la structure, et sous cet évidement destiné à donner de la légèreté à cette pile énorme, une statue abritée, composée de telle façon que les lignes des ailes viennent rompre l'uniformité des lignes verticales; 4° le poids de la piramide, accusé aux yeux par les quatre piramidions d'angle en encorbellement. En tout ceci, rien de superflu, rien qui ne soit justifié ou calculé. Dans toutes les parties, la construction parfaitement d'accord avec la décoration et l'objet; construction savante d'ailleurs et n'étant nulle part en contradiction avec la forme.

Les architectes ne pouvaient pas toujours disposer de ressources aussi considérables, ni se permettre d'élever devant les contre-forts, ou sur leur sommet, des édicules de cette importance relative. Souvent, au contraire, nous voyons qu'ils sont privés des moyens de compléter leur oeuvre. À la cathédrale de Châlons-sur-Marne, dont la construction est contemporaine de celle de Reims, l'architecte procédait avec une économie évidente.



Aussi les pinacles qui terminent les contre-forts de la nef (fig. 5) sont-ils bien loin de présenter la richesse et l'abondance de composition de ceux de Notre-Dame de Reims. Ils consistent en un piramidion à section octogonale, surmontant la tête du contre-fort terminé par trois gâbles au-dessus de la gargouille recevant les eaux des combles coulant dans le caniveau A formant chaperon sur l'arc-boutant. Ici les piliers butants s'élèvent d'une venue jusqu'au niveau B; ce pinacle n'est plus qu'un simple couronnement destiné à couvrir ce pilier et à alléger son sommet. Un programme aussi restreint étant donné, ces pinacles sont encore habilement agencés, et il est difficile de passer d'une base massive à un couronnement grêle avec plus d'adresse.



Les contre-forts de la cathédrale de Rouen, au-dessus des chapelles de la nef, du côté septentrional, montrent de beaux pinacles datant de 1260 environ. Ils se composent (fig. 6) d'un édicule ayant en épaisseur le double de sa largeur; la partie postérieure est pleine et sert de culée à l'arc-boutant; la partie antérieure est ajourée et repose sur deux colonnettes. Sous le dais que forment les gâbles antérieurs est placée une statue de roi; les murs de clôture des chapelles sont en A. Sûrs de la qualité des matériaux qu'ils choisissaient, et sachant les employer en raison même de cette qualité, les architectes de cette époque ne reculaient pas devant ces hardiesses. Ces pinacles, qui ont aujourd'hui 600 ans, et qui n'ont certes pas été entretenus avec beaucoup de soin, sont encore debout, et leurs fines colonnettes supportent leurs couronnements sans avoir subi d'altération. On voit un pinacle analogue à ceux-ci, à la tête du premier contre-fort septentrional du choeur de la cathédrale de Paris, reconstruit exceptionnellement vers 1260, et contenant les statues des trois rois mages groupés. Ceux de l'église abbatiale de Saint-Dernis, élevés à la tête des arcs-boutants, sous le règne de saint Louis, rappelaient primitivement cette donnée; mais ils ont été tellement défigurés, lors des restaurations entreprises, il y a vingt-cinq ans, qu'on ne saurait les reconnaître. Un clocheton octogone surmontait la double travée des gâbles.

Le XIVe siècle alla plus loin encore en fait de légèreté dans la composition des pinacles. Ceux de la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen sont d'une ténuité qui les fait ressembler à des objets d'orfévrerie, et semblent plutôt être exécutés en métal qu'en pierre; il est vrai, que la pierre choisie, celle de Vernon, se prête merveilleusement à ces délicatesses.



Comme dans tous les autres membres de l'architecture gothique, les pinacles adoptent les lignes verticales de préférence aux lignes horizontales, à mesure qu'ils s'éloignent du commencement du XIIIe siècle. Ainsi (fig. 7), les pinacles qui terminent les contre-forts de la Sainte Chapelle du Palais à Paris, tracés en A, reposent sur la corniche qui fait tout le tour du bâtiment, et leurs gâbles prennent naissance sur une tablette horizontale a placée sur un dé cubique orné de refouillements. Ceux de la salle synodale de Sens, élevés à la même époque, c'est-à-dire vers 1250, et tous variés, accusent encore des lignes horizontales qui coupent les verticales. En B, nous donnons celui qui accompagne la statue du roi saint Louis, et qui représente un donjon avec porte fermée d'une herse, fenêtres grillées et tourelles. La section horizontale de ce pinacle, prise au niveau cd, est figurée en B'. Les pinacles qui couronnent les contre-forts du choeur de l'église Saint-Urbain de Troyes, figurés en C, et dont la section horizontale, faite au niveau ab, est tracée en C', n'ont, en fait de membre horizontal, qu'une bague dissimulée derrière les piramidions inférieurs. Ces pinacles datent de 1290. Enfin, les grands pinacles qui s'appuient sur les culées des arcs-boutants du choeur de la cathédrale de Paris, reproduits en D, qui datent de 1300, n'accusent qu'à peine la ligne horizontale. Là même, l'architecte a évidemment voulu donner à ce membre important de l'architecture une apparence élancée. Les clochetons f accolés au corps principal du pinacle, et qui l'épaulent, conduisent l'oeil du point e au sommet, par une ligne inclinée à peine interrompue. Ces pinacles sont très-habilement composés et produisent un grand effet. Le caniveau qui sert de chaperon à l'arc-boutant conduit les eaux, à travers les deux jouées du clocheton supérieur, dans une grande gargouille placée à sa base. Ces quatre pinacles sont figurés à la même échelle.

Au XVe siècle, la ligne horizontale, non-seulement n'entre plus dans la composition des pinacles, mais encore ceux-ci forment habituellement des faisceaux de prismes qui se terminent en piramides, se pénètrent et s'élancent les uns au-dessus des autres. Parmi les pinacles de cette époque, dont l'exécution est bonne, nous citerons ceux des contre-forts du choeur de l'église d'Eu (fig. 8).



En A, nous en donnons la section faite sur ab, et en B, quelques détails assez remarquables par leur exécution.

La silhouette a évidemment préoccupé les architectes auteurs de ces conceptions, et il est certain que, sauf de rares exceptions, elle est heureuse. Ces membres d'architecture se découpent presque toujours sur le ciel, et nous avons signalé dans d'autres articles (voy. CLOCHER, FLÈCHE) les difficultés que présente la composition de couronnement ayant l'atmosphère pour fond. En voulant éviter la maigreur, facilement on tombe dans l'excès opposé; le moindre défaut de proportion ou d'harmonie entre les détails et l'ensemble choque les yeux les moins exercés, détruit l'échelle, fait tache; car le ciel est, pour les oeuvres d'architecture, un fond redoutable: aussi faut-il voir avec quel soin les architectes du moyen âge ont étudié les parties de leurs édifices dont la silhouette est libre de tout voisinage, et comme les architectes de notre temps craignent d'exposer leurs oeuvres en découpure sur l'atmosphère. Plusieurs ont été jusqu'à déclarer que ces hardiesses étaient de mauvais goût: c'était un moyen aisé de tourner la difficulté, et cependant neuf fois sur dix les monuments se détachent en silhouette sur le ciel, car ils s'élèvent au-dessus des constructions privées, et sont rarement en pleine lumière, surtout dans notre climat. Il faut considérer, en effet, que c'est particulièrement dans les régions situées au nord de la Loire que les pinacles prennent une grande importance et sont étudiés avec une recherche minutieuse.

129
   Voyez la médaille frappée sous le règne de Caracalla, donnant au revers le temple de Vénus à Paphos (bronze); celle donnant au revers les propylées du temple du Soleil, à Baalbec. Consulter l'Architectura numismatica, recueillie par Donaldson, architecte (London, 1859).


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130
   Le pinacle de la figure 1 provient des contre-forts de la grande église de Saint-Germer (XIIe siècle). Celui de la figure 2 se retrouve dans quelques édifices du Beauvoisis de la fin du XIe siècle. Les pinacles couronnant les contre-forts cylindriques de l'église Saint-Rémi de Reims étaient terminés par des pinacles analogues (XIe siècle).


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Yaş sınırı:
12+
Litres'teki yayın tarihi:
30 haziran 2018
Hacim:
866 s. 327 illüstrasyon
Telif hakkı:
Public Domain